« Après le plaisir de posséder des livres, il n'en est guère de plus doux que celui d'en parler. » Charles Nodier

"On devient bibliophile sur le champ de bataille, au feu des achats, au contact journalier des bibliophiles, des libraires et des livres."
Henri Beraldi, 1897.

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mercredi 13 juin 2007

Espèce de métopage! Ou le Boaistuau mis à l'honneur!

Amis Bibliophiles bonjour,

Je crois que c'est l'une des enchères les plus acharnées qui aient été vues sur ebay depuis un moment, et l'ouvrage en question "les Histoires Prodigieuses", de Boaistuau (1520 - 1566) a frôlé la barre des 5000 euros. Bravo Monsieur "Artciboldo". :)


Je me suis arrêté TRES longtemps avant le coup de sifflet final... De même plusieurs d'entre vous qui m'en ont fait part directement par email...

En l'occurrence, il s'agissait d'une jolie édition de 1597-98, en deux tomes, dans une reliure 18ème.

L'auteur, Boaistuau, n'est pas parmi les auteurs les plus connus du 16ème, et en vérité on connaît assez mal sa vie. Il était a priori breton d'origine et suivît des études de droit à Poitiers vers 1543, puis à Valence. Il voyagera beaucoup, assistera à des dissections à Rome puis à Paris, résidera au Levant puis se partira pour l'Angleterre où déjà prodiges et monstres divers l'attirent... Il y rencontre la Reine Elisabeth 1ère (vers 1559-60) et on pense que c'est lui qui fît connaître Roméo et Juliette sur le continent.

De retour à Paris en 1560, il publie son 7ème ouvrage qui est précisément celui qui nous concerne, les Histoires prodigieuses les plus mémorables qui aient été observées depuis la nativité de Jésus Christ jusques à notre siècle, extraictes de plusieurs fameux auteurs, grecs et latins, sacrés et profanes, mises en notre langue par P. Boaistuau, surnommé Launay, natif de Bretagne, avec les pourtraicts et figures.

Le livre inspirera d'ailleurs les écrits d'Ambroise Paré sur les monstres, dont nous avons déjà parlé dans ce blog.

On retiendra de Boaistuau, qui s'éteindra à Paris vers 1560, deux choses principales :

1. Il fût le premier éditeur des nouvelles de Marguerite de Navarre, un ouvrage controversé à sa parution.

2. Il est considéré comme le créateur des deux genres les plus caractéristiques de la seconde partie du 16ème siècle : l' " histoire tragique " et l'" histoire prodigieuse ".

Vous savez que j'ai un faible pour les ouvrages curieux, notamment ceux qui traitent de tératologie ("science des monstres"), et c'est pour cela que le Boaistuau est un livre que j'aime particulièrement. De plus, il est servi par une illustration absolument unique, et contient une petite centaine de bois illustrant monstres et prodiges divers.

Si Boaistuau a inspiré Liceti ou Paré, et d'autres encore, il est très probable que lui même trouva son inspiration dans le fameux ouvrage de Lycosthène (1518 - 1561), le Prodigiorum ac ostentorum chronicon, sans pour autant d'ailleurs être aussi complet que ce dernier.

Le Boaistuau évoque toutes sortes de prodiges : les prodiges de Satan, évidemment et avant toute chose, mais aussi les prodiges naturels (catastrophes, comètes, etc.) et la "génération des monstres", qui sont autant de prodiges et dont les causes peuvent être diverses : parmi lesquelles causes morales, causes " physiques ", causes astrologiques... étant bien entendu qu'elles sont toutes subordonnées à la malédiction divine.

De nombreux "monstres" sont ainsi présentés, que l'on retrouvera dans le Liceti: "céphalopages", ou "métopages", monstre masculin avec le haut du corps dédoublé et les quatre bras, animaux mythiques, siamois, etc.


Boaistuau nous conte ainsi l'histoire de ce monstre féminin au corps double dans la partie supérieure, "étrange spectacle en nature", et constate que "toutes leurs actions étaient le plus souvent diverses, car quelquefois que l'une pleurait, l'autre riait, l'une parlait, l'autre se taisait, l'une mangeait, l'autre buvait, et (elles) vécurent ainsi longuement jusqu'à ce que l'une mourut; et l'autre fut contrainte de traîner ce corps mort après elle" quelques années, puis, " par la puanteur et corruption de l'autre, elle mourut infectée!!!!

On croisera ensuite l'homme à deux têtes, la femme a deux têtes, qui survécu plusieurs années, sirènes, tritons, néréides, poissons volants, quadrupède à tête humaine, homme mi-homme, mi-chien, homme qui vivait avec les intestions à nu... et cet inventaire à la Prévert se poursuit sur des centaines de pages.

En homme de son temps, notre Breton ira même plus loin et nous présente "l'histoire prodigieuse d'un chien monstrueux, engendré d'un ours et d'une dogue d'Angleterre ". Lors de son voyage en Angleterre, et grâce à la reine Elizabeth, il voulut personnellement vérifier, à la Tour de Londres, la copulation entre un ours et une dogue...

De nombreux illustrations proviennent de la Cosmographia de Münster et du Lycosthène...Un grand nombre d'entre elles seront reprises dans le Paré, le Licetus et l'Aldrovandi...

C'est au final un très bel ouvrage par un véritable homme de la Renaissance..

Le Lycosthène, s'est vendu à Drouot sous mes yeux pour plus de 10 000 euros, avouez qu'un Boaistuau à 5000, c'est donné! Je plaisante, si vous êtes fidèle, vous savez que pour moi la valeur d'un livre n'a rien à voir avec son prix!

Voilà, c'était une petite remise dans le contexte de cet ouvrage!

H
Images : mon Boaistuau (et oui!), une édition de 1594.
Le lien de la vente sur ebay, vous n'avez qu'à cliquer.

3 commentaires:

Unknown a dit…

Un petit lien sur quelques autres monstruosités :
http://imgbase-scd-ulp.u-strasbg.fr/displayimage.php?album=256&pos=3

Les scans en 300 dpi sont superbes.

Cordialement

Unknown a dit…

Le lien ne rentre pas en entier alors :
http://imgbase-scd-ulp.u-strasbg.fr

auteurs : Aldrovandi, Ulisse (1642) Monstrorum historia.

Hugues a dit…

Merci dede155 pour ce lien très utile, notamment pour consulter des ouvrages et collationner!

Grand merci!

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