« Après le plaisir de posséder des livres, il n'en est guère de plus doux que celui d'en parler. » Charles Nodier

"On devient bibliophile sur le champ de bataille, au feu des achats, au contact journalier des bibliophiles, des libraires et des livres."
Henri Beraldi, 1897.

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samedi 20 octobre 2007

Papier bleu dans les livres fin 18ème

Amis Bibliophiles bonsoir,

Bon, on dirait que pour la première fois nous calons tous sur les armes qui ornent ma reliure lyonnaise, à moins que l'un de vous ne possède le catalogue évoqué par Raphaël...

En attendant, j'ai reçu un email me demandant pourquoi certains livres de la fin du 18ème siècle sont imprimés sur du papier bleu, ou au moins bleuté.

Je ne suis pas certain de ma réponse, mais il me semble que dans la veine des livres de Caraccioli (je pense notamment au Livre de Quatre Couleurs, dont je suis acheteur, si vous en avez un), ce papier bleu était une marque de raffinement destinée à distinguer de petits ouvrages de poésies galantes ou de littérature légère.

Parfois, certains exemplaires de fin de tirage contiennent à la fois des feuillets bleus et des feuillets blancs, on les appelle des arlequins. J'ai puisé cela dans de lointains souvenirs, mais il me semble qu'il s'agît bien de ça.

Je n'en ai malheureusement aucun exemplaire dans ma bibliothèque pour illustrer le propos.

H

9 commentaires:

Pilou a dit…

Je n'en ai qu'un seul, édité début XIXème, sur papier bleu. C'est un almanach religieux. C'est très joli, très "distingué". Surtout quand "l'emballage" est en maroquin.

Librairie L'amour qui bouquine Livres Rares | Rare Books a dit…

De nombreux Cazin ainsi que des ouvrages moins courants, comme certaines éditions dijonnaises de Frantin (entre 1770 et 1790), étaient tirées intégralement sur papier "azuré" ou bleuté.

La raison primitive provient, je crois si mes souvenirs sont bons, et d'après quelque manuel de bibliophilie, qu'il s'agit comme souvent d'une basse question d'argent...

Le papier était la matière première essentiel du livre et la principale, et le papier coutait très cher à l'époque (encore aujourd'hui lorsqu'il est de belle qualité), or il est arrivé quelques moments de pénuries de papier à la fin du XVIIIè siècle, et au début du XIXè siècle, et dans ces moments, les imprimeurs prenaient pour fabriquer leur livre en cours d'impression... un peu toutes les rames de papier qui leur tombaient sous la main... y compris les rames de papier dit "de notaire" ou papier "officiel", papier qui servaient à la rédaction des actes notariés, courriers officiels, etc...

C'est pourquoi certains livres sont imprimés entièrement sur ce papier bleuté, c'est alors un choix délibéré de l'imprimeur, qui, en choisissant un autre papier que celui destiné ordinairement aux livres à fait preuve de goût et d'esprit novateur... pour notre plus grand plaisir.

Lorsque le tirage était déjà commencé et qu'il manquait quelques feuilles pour achever le tirage d'un ouvrage, l'imprimeur allait, je pense, glaner ici et là des rames de papier de diverses sortes, de diverses qualités, et surtout de diverses teintes... d'où les exemplaires arlequins.

J'en ai quelques uns un rayon mais le nuancé azuré est souvent assez difficile à rendre à la photo numérique et cela ne nous avancerait à rien d'essayer de le rendre ici.

Amitiés bibliophiliques, Bertrand.

Anonyme a dit…

Plus rarement que les autres éditeurs, Cazin commanda du papier azuré pour quelques éditions ; l'utilisation du papier bleuâtre par Cazin n'était non seulement pas une exclusivité, mais ne peut pas être aujourd'hui un moyen d'identification de ses éditions, contrairement à ce qu'ont prétendu quelques cazinophiles du XIXe siècle ("Cazin", Editions des Cendres, sous presse). Certains éditeurs associaient au format in-18, qui était surtout le format des romans, un papier de fantaisie coloré en rose, bleu, vert ou jaune, ce qui, en outre, diminuait la fatigabilité de la vue et facilitait ainsi la lecture.

Jean-Paul

Librairie L'amour qui bouquine Livres Rares | Rare Books a dit…

Pour faire suite à mon propos, j'ai eu entre les mains il y a peu de temps un exemplaire de la Philosophie transcendantale de Kant (édition de 1831) avec l'ensemble de l'exemplaire imprimé sur papier vélin mécanique (sans trame) et quelques feuillets seulement imprimés sur papier chiffon vergé (avec trame). C'était la première fois que je voyais un tel mélange de papiers dans un même exemplaire, à cette période charnière pour la diffusion des deux sortes de papiers (mécanique/vergé chiffon),
mais ceci ouvrira la porte à un autre article sans doute...

Le monde de la bibliophilie est infini, c'est pour cette raison qu'il me plait toujours.

Amitiés, Bertrand

Jean-Marc Barféty a dit…

Je ne sais pas répondre pour les ouvrages du XVIIIe, mais j'ai un exemple pour le tout début du XIXe. Je possède deux exemplaires des Antiquités de Grenoble, de Jacques-Joseph Champollion-Figeac (un des premiers ouvrages du frère de Champollion). L'un est sur papier ordinaire et l'autre sur un papier fort bleuté. Il n'y évidemment pas de justification du tirage, mais je pense que cette couleur était une façon de distinguer ou de donner une nuance de rareté à des exemplaires du tirage de tête.

Si je prends un exemple un peu plus tardif, le tirage de tête de la Correspondance de Valbonnays, de Jules Ollivier n'est composé que de 8 exemplaires sur papier de couleur sur un tirage total de 86 exemplaires. Je possède deux exemplaires, un sur papier rose et l'autre sur papier ordinaire. Ce n'est pas la qualité du papier qui varie, mais seulement la couleur. Comme c'était alors l'usage, l'impression de cette petite plaquette d'intérêt local s'est probablement faite aux frais de l'auteur. Ces exemplaires sur papier de couleur permettaient d'avoir un tirage de tête à peu de frais. On pourrait presque dire que c'est le tirage de tête du pauvre !

Afin dernier exemple, l'édition latine des Mémoires de Nicolas Chorier. L'édition de cet ouvrage n'a jamais été terminée. Il n'en reste que quelques exemplaires, sans titre. J'en ai deux, un sur papier vert et l'autre sur papier jaune, reste d'un tirage de tête qui n'a jamais eu sa suite.

Pour conclure, sur la base de ces quelques exemples tirés de la bibliographie régionale, j'ai bien l'impression qu'au XIXe, l'impression sur papier de couleur permettait à nos érudits locaux de faire un petit tirage de tête à peu de frais. On retrouve souvent ces exemplaires dans les grandes bibliothèques du Dauphiné et à la bibliothèque de Grenoble, car ce devait être des exemplaires de dédicace.

Cordialement

Vous pouvez voir des photos de ces exemplaires sur mon site www.bibliotheque-dauphinoise.com en y accédant par la liste des ouvrages décrits.

Anonyme a dit…

Question d'argent Bertrand? Certes, les arlequins sont souvent le signe des fins de tirage où l'on a essayé de produire quelques exemplaires de plus en misant pages blanches et pages de couleur.

Mais les pages de couleur, et les exemplaires bleus par exemple, sont bien au contraire un signe de richesse et une preuve de la volonté d'un imprimeur de distinguer quelques exemplaires.

C'est donc plutôt un signe de raffinement, il ce n'est vraiment que pour les arlequins qu'on peut évoquer la question d'économie, et encore...

Il y a un article sur le sujet dans le Mag du Bibliophile n°1 (et oui), d'octobre 2000, où le libraire Lardanchet donne a peu près le même avis...

Couleur = raffinement ou tête de tirage
Arlequin = fin de tirage, demande supérieure au tirage prévu.

Tristan

P.S : avez-vous reçu le Magazine ce mois-ci? Une nouvelle fois, le contenu dédié au livre ancien est quasi absent.

Anonyme a dit…

Tout à fait Jean-Marc. Après les difficultés de la période révolutionnaire pour trouver du papier (d'où les tirages avec des papiers différents), les pratiques du XIXe sont plutôt des pratiques de bibliophiles qui se faisaient plaisir avec des tirage de tête sur papier de couleur, ou numérotés différemment ou attribués à leur nom. Ces pratiques se sont perpétuées au-delà de la Première Guerre.J'ai personnellement édité le "Traité sur la culture des vignes" de Nicolas Bidet (fac-simile de l'édition de 1757)à 280 exemplaires ...et un seul pour moi sur papier lie de vin... Ce n'est pas une pratique de bibliomane ça !?

Jean-Paul

Anonyme a dit…

J'ai acheté un Rousseau in-18 sur papier bleuté. Je soupsconne fort que ce soit un Cazin (période Londres). J'en ai trouvé mention dans le Manuel du Cazinophile.

Mais, étant donné le nombre de faux Cazin qui circulent, je n'en suis pas certain. Comment en avoir la certitude?

Hugues a dit…

Cazin = Jean-Paul, autorité absolue en la matière. Demandez-lui AAA.
H

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