« Après le plaisir de posséder des livres, il n'en est guère de plus doux que celui d'en parler. » Charles Nodier

"On devient bibliophile sur le champ de bataille, au feu des achats, au contact journalier des bibliophiles, des libraires et des livres."
Henri Beraldi, 1897.

frise2

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mardi 23 décembre 2008

Les 8 commandements de l'épouse de Bibliophile

Chers amis Bibliophiles de mon Bibliophile de mari,

Cela ne vous aura sans doute pas échappé : Noël, c’est demain.

Cette année, j’avais décidé de frapper « un grand coup ». Ayant pris contact, à l’insu de mon tendre époux, avec l’un des vôtres (il se reconnaîtra ce soir), je voulais lui offrir un livre rare, ou un ex-libris, puisque l’idée farfelue m’était venue que tout ce petit monde se trouverait probablement sous le sabot d’un cheval.
Après quelques échanges de mails avec mon conseiller es bibliophilie, appelons le Monsieur F., quelques visites à de sombres échoppes toujours pleines de fumée de cigare et d’hommes à moustache (Mon Dieu ce que le libraire peut réserver un accueil distant quand il le veut), je l’avoue … je jetais l’éponge : trop compliqué, trop hermétique.

Je me rabattais donc sur les cadeaux que l’on fait habituellement aux hommes élégants : gants de conduite en pécari, pyjama de chez Charvet, eau de toilette d’une bonne maison. Noël 2008 ne verrait définitivement pas l’avènement d’un ex-libris frappé d’un cœur rouge et marqué « Aut Hugo Aut Nihil », mais ma devise peut-elle être constituer l'ex-libris de mon époux, d'ailleurs? Non? Tant pis.

Et d’ailleurs quand mal m’en a pris de confesser cette idée saugrenue à mon mari, il en resta stupéfait ; comme pétrifié, presque traumatisé à l’idée qu’on puisse fomenter ainsi un tel putsch contre sa bibliothèque et ses livres: « Mais tu n’y penses pas????? Sais-tu ce que représente un ex-libris dans la vie d’un bibliophile ? Je ne sais même pas si j’y ai droit, si je dois en avoir ou pas, et de toute façon si c’est le cas, cela prendrait des mois voire années de réflexion pour en avoir ne serait-ce qu’une ébauche ! Et puis, je ne suis encore moi-même qu’une ébauche ! ».

Dépitée, j’écrivais ces 8 commandements, que je vous livre ce soir, et que seul l’amour d’un homme peut aisément dépasser.

Commandement n°1 :
De cadeau à un bibliophile pour Noël jamais tu n’offriras, sous peine de te ruiner ou de te ridiculiser, c’est selon, voire les deux. (sauf si vous êtes vous-même bibliophile, et que vous avez épousé un bibliophile, mais cela est-il statistiquement possible ?).

Commandement n°2 :
D’ex-libris pour ses livres point tu n’imagineras. Car l’ex-libris se mérite, et il s’agit là d’un sujet sérieux qui ne se traite pas à la légère. Votre bibliophile a-t-il gagné assez de galons pour en avoir un lui aussi ? « Question à 1 million d’euros » selon Monsieur F. (je suggère à ce titre, un petit débat à ce sujet sur le blog).

Commandement n°3 (de circonstance) :
D’inondation dans un appartement déserté pour les vacances à gérer à distance tu n’auras … Ceci nous étant arrivé aujourd’hui, mon bibliophile de mari, ayant décidé que sa femme n’avait qu’à gérer l’intendance quand lui vaquait à des choses importantes, ne me demanda qu’une chose : Mes livres sont-ils touchés ? Une fois rassuré, et cette question évacuée, le reste était sans importance.

Commandement n°4 :
Méfiante jamais tu ne seras quand tu entendras ton mari s’écrier au téléphone en parlant à Monsieur F. : « elle est belle ! Aucun défaut, je ne cesse de la caresser ». Inutile de faire un esclandre, il ne s’agît que d’une reliure (c’est ma maigre consolation).

Commandement n°5 :
Sur le prix de ces livres jamais tu ne t’interrogeras. Il est des secrets de bibliophiles bien gardés que les béotiens ne sauraient comprendre, et mon mari m’a toujours cité l’exemple de ce bibliophile qui écrivait 100 €, 50 € sur la première page de tous ses livres (au lieu des fortunes dépensées), pour ne pas effrayer son épouse. Celle-ci une fois veuve proposa à un libraire de reprendre le lot aux prix marqués… Mieux vaut ne pas savoir d'ailleurs.

Commandement n°6 :
Le nombre des livres qui envahissent la maison jamais tu n’évalueras. La culture et la passion ne se mesurent pas en quantité, même quand les livres du 18ème envahissent le moindre centimètre carré disponible.

Commandement n°7 :
Jamais tu ne t’inquiéteras quand ton mari partira avec deux livres sous le bras et un air de conspirateur heureux vers un déjeuner mystérieux, où l’on parle un langage hermétique, et où les échanges sont passionnés.

Commandement n°8 :
Jamais ne tu ne t’offusqueras lorsque le véhicule familial fera un détour significatif pour aller "vérifier si ce petit libraire sympathique a rentré quelque chose d’intéressant. Pense aux enfants allons, une librairie, c’est le premier pas vers la culture !"
Bref, en un mot, les livres aimer progressivement il te faudra! Bonnes fêtes à vous tous et toutes.

AC.

P.S. : souscrivez à la Revue, il ne pense plus qu'à ça, n'est-ce pas Monsieur F.!

9 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonsoir Madame,

Hugues doit avoir lu l'histoire, racontée par Christian Galantaris, de ce bibliophile "gommeur" du dernier zéro sur les prix de ses acquisitions. La conclusion est que sur cette base sa femme fit l'addition "elle trouva une somme vertigineuse"!! Rassurer vous, une bibliothèque ne coûte pas plus cher qu'une danseuse. Quoique...!?De toutes manières rien ne nous empêche de gommer complètement le prix d'achat! J'ai rencontré un bibliophile qui remplaçait le prix par un code compliqué de lettres...

La question de l'ex-libris est délicate et d'importance en effet, si bien qu'elle reste souvent à l'étude. Je connais même un bibliophile qui n'a jamais osé coller ses ex-libris fraîchement gravés et imprimés... il y a maintenant longtemps! Comment dire? as t-on le droit de coller son ex-libris sur ses livres? Ne serait ce pas les flétrir un peu? Mais on les a choisis, choyés, entretenus, classés, étudiés, caressés, déplacés, parfois restaurés et même lus, alors oui , probablement peut-on les orner de notre ex-libris.. Encore faut-il qu'il ne soit pas trop grand, fait avec goût, à notre goût, qu'il nous ressemble, qu'il ne soit pas trop démodé mais ne ressemble pas à un logo industriel moderne, que la gravure soit de qualité et originale, qu'il puisse figurer aux côtés d'illustres ancêtres, bref il va falloir étudier ça sérieusement et avec un peu de temps...

Voici me semble-t-il la deuxième intervention de "Madame Huges" sur le Blog; je soumets ce message à "madame Lauverjat" nous verrons si elle a des commentaires...

Bon Noël à tous
Lauverjat

Anonyme a dit…

Bonsoir Madame,

Monsieur F. a eu de la chance !...
Après avoir été l'élu conseiller de l'épouse du Grand Hugues Fondateur, il a réussi à se débarrasser, avec plus ou moins de facilité et d'élégance, d'un problème insoluble.
Car l'ex-libris est le miroir de l'âme du bibliophile : qui donc, mieux que son Aimée par delà ses Livres, peut en assurer la conception jusqu'à sa réalisation imagée.
J'en suis sûr, Madame, vous y parviendrez. Et Monsieur F. en sera certainement particulièrement satisfait, quand il l'apprendra.

Je vous souhaite, Madame, un très joyeux Noël avec les vôtres : rappelez-vous, la nuit de Noël, les Livres parlent...

Anonyme a dit…

Ah! Le prix des livres.
Rien, trois fois rien.

Ce qui donne l'impression qu'ils sont chers, c'est qu'il prennent de la place et n'intéresse en général que l'unique bibliophile de la famille.

J'ai réussi à résoudre le problème du regard réprobateur à chaque achat. J'ai considéré que l'achat livre était un loisir, au même titre que le piano pour ma femme. Les notes s'envolent, mais les dépenses sont tout aussi réelles (achat du piano, leçons, accord annuel, partitions, ...).

Une fois les comptes détaillés fait, il n'y a plus jamais eu de discussion sur les couts de nos loisirs respectifs.

Sur ce, je m'en vais acheter un livre pour équilibrer un peu les choses ...

Eric
PS : A la réflexion, je vais plutôt envoyer mon chèque pour la souscription

Patrick a dit…

Bravo, Madame, pour ce billet fort spirituel!
Cela prouve au moins que Monsieur Hugues, s'il est bibliophile n'est pas bibliomane ni atteint de bibliofolie car comme le dit Uzanne cité par Monsieur F. ( je devine qu'il s'agit bien du même) : "La femme et la bibliofolie vivent aux antipodes" et dans ce cas je pense que Monsieur Hugues n'aurait personne à la maison pour éponger les inondations!!!
Bon Noël à tous

Patrick

Bergamote a dit…

Hélas : j'ai aujourd'hui même enfreint le premier commandement ("De cadeau à un bibliophile pour Noël jamais tu n’offriras, sous peine de te ruiner ou de te ridiculiser, c’est selon, voire les deux."). J'ai offert (oh non, pas un livre, j'ai cessé cela il y a quelques années) à Bergamonsieur un cadeau... qu'il s'est acheté pendant mon absence ! Ridiculisée, non, car mon idée de cadeau, à l'évidence, était bonne. Ruinée, non. Dépitée, oui, tout-à-fait déçue.

"(...) sauf si vous êtes vous-même bibliophile, et que vous avez épousé un bibliophile, mais cela est-il statistiquement possible ?" Diantre, serais-je l'unique spécimen de cette sorte en ce bas monde (sourire) ?

Aaah, quelques grammes de féminité dans un monde de bibliophiles *soupir*. Aaah, Madame, continuez à me faire rire, vos billets (j'en ai lu deux, j'espère n'en avoir manqué aucun) sont un régal pour la bibliophile-femme de bibliophile que je suis :-)

Joyeux Noël !

Pierre a dit…

Chère AC

Je vous demande la plus grande mansuétude pour ce qui est des petits travers du bibliophile H car …

Mesdames et Messieurs les jurés, (mouvement ample de l’avant-bras destiné à impressionner l’auditoire) je peux vous l’assurer mon client est innocent des faits qui lui sont reprochés -
Suit une démonstration brillante et argumentée des qualités cachées du prévenu avec en point d’orgue la péroraison classique
– Car, et vous l’avez compris après cette magistrale plaidoirie Mesdames et Messieurs les jurés, mon client est à n’en pas douter, comme tout bibliophile, plus amoureux de sa femme que de ses livres…

Joyeuses fêtes de fin d’années. Pierre

NB : Ma femme m’a acheté pour Noël un nouveau pyjama et des pantoufles confortables. On appelle ça l’expérience…

Benoît a dit…

Bonjour,

une fois de plus je glisse un commentaire hors-sujet pour commencer : je lis dans un catalogue, à propos d'un Cazotte, la référence "Cohen, 213". Je connais Vicaire, Carteret, et quelques autres, mais pouvez-vous me dire qui est ce Cohen et son ouvrage ?

Sinon je propose, quant aux ex-libris, un petit projet : dans la bibliothèque que j'ai "recueillie" (cf. certains messages précédents), j'ai trouvé l'ensemble des éléments de l'élabotation d'un ex-libris gravé, plus un timbre humide qui reprend le nom "Bibliothèque XXX", avec des armes cette fois, et sans la gravure un peu coquine du gravé. J'ai les ébauches, les lettres au "dessinateur symboliste", un certain Robert Louis, les essais, etc... Plus élaboration de produits connexes, comme un adorable papier de correcpondance filigrané "Bambou", qui ressemble à du Chine, avec le thème central de l'ex-libris gravé (une muse nue devant un lutrin avec un ruban défilant le texte "connaissance de beauté fait ardre mon coeur"). Cela peut être sympa si je trouve un peu de temps. Qu'en pensez-vous ?
Et merci d'avance pour "Cohen".
Bonnes fêtes à tous.
Benoît

Benoît a dit…

le temps de publier le message, Google Books m'a donné la réponse, "Guide de l'amateur de livres à gravures du XVIIIe siècle". Je débute, que voulez-vous... !

L'Ex-Libris Français a dit…

Bravo pour cette approche du caractère de l'Homo Bibliophilus par une fine analyse de psychologie féminine ...Quant au rapport du même sujet de ses livres et de sa personnalité à l'ex-libris, je ne citerais qu'un seul adage employé par HENRY-ANDRÉ (1857-1932)sur un de ses IPSE FECIT : "LA FEMME EST UN LIVRE DONT LA FIN EST AU MILIEU"
Bonne Année à toutes et à tous.

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