« Après le plaisir de posséder des livres, il n'en est guère de plus doux que celui d'en parler. » Charles Nodier

"On devient bibliophile sur le champ de bataille, au feu des achats, au contact journalier des bibliophiles, des libraires et des livres."
Henri Beraldi, 1897.

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samedi 28 février 2009

Les reliures d'almanachs

Amis Bibliophiles Bonjour,

Qu'il est difficile pour un bibliophile de fixer son attention sur un domaine particulier entre la littérature, les voyages, les Cazin, l'ésotérisme... j'ai choisi de ne pas choisir, même si ce choix s'est imposé à moi, puisque que toute bibliothèque est à l'image de son propriétaire: non pas que j'ai des difficultés à choisir, non, plutôt des difficultés à me limiter, ou à me cantonner à un seul domaine et à limiter ainsi ma curiosité. Au milieu de tous domaines, j'ai ainsi une tendresse particulière pour les almanachs: d'une part les almanachs "de colportage", comme Le Messager Boiteux, dont j'ai déjà parlé ici, parce qu'ils constituent des témoins passionnants de la culture populaire d'une époque, et d'autre part les almanachs que l'on pourrait presque qualifier "de cour", notamment pour leur reliure.
En effet, à la fin du 18ème siècle la France a vu se multiplier la publication de d'almanachs. Ceux-ci paraissaient à la faveur de la nouvelle année et constituaient en fait de charmants "agendas de poche" pour l'époque, ils étaient du reste souvent offerts à l'occasion des étrennes de nouvel an (d'où l'appellation étrennes qui figure régulièrement sur leur page de titre). On connaissait ainsi les Etrennes Mignonnes, le Calendrier des Dames, le Calendrier de la Cour, l'Almanach de la toilette et de a coiffure des Dames françaises, l'Almanach des Folies de l'Amour, les Etrennes Spirituelles, plus sages, l'Almanach des Folies Modernes, L'amour dans le Globe ou l'almanach volant, etc.
Avec le petit format et leurs illustrations, la reliure est l'un des éléments caractéristiques de ces almanachs. Elle était le plus souvent en maroquin, et la dorure, bien que la plupart du temps réalisée en série, sortait des meilleurs ateliers de l'époque. Il s'agissait souvent de plaques, soit à dentelle, par exemple celles de Dubuisson, soit de compositions florales ou de décors originaux: coiffure de dame, montgolfière. 
Le raffinement allait parfois plus loin en offrant à ces petits bijoux des reliures peintes, mosaïquées ou agrémentée d'une miniature protégée par une plaque de mica. 
Les dorures allégoriques sont également légion à partir de la période révolutionnaire et donnent un parfum particulier aux almanachs de cette période: bonnet phrygien, guillotine, personnages de l'histoire.
C'est d'ailleurs ce que j'aime dans ces almanachs: leur contenu est définitivement ancré dans une époque et leur reliure est également le témoin de cette époque: raffinement de la fin de l'Ancien Régime, ou porteuses des messages de l'époque, la superficialité des toilettes des dames, ou les figures emblématique de l'époque révolutionnaire. 
Charme qui ne gâche rien pour le bibliophile qui manque de place, ces charmants petits volumes prennent encore moins de place que des Cazin!

H

mercredi 25 février 2009

Miscellanées de Monsieur H.

Amis Bibliophiles Bonsoir,


Quelques miscellanées:

1. Yves vous soumet la questions suivante, pourriez-vous l'aider? 
"Professeur d’histoire de l’art moderne à l’Université de Tours et au Centre d’études supérieures de la Renaissance, je co-dirige la base Architectura et plus particulièrement le site “Les livres d’architecture”, que vous connaissez peut-être ( http://architectura.cesr.univ-tours.fr/ ). Je me permets de m’adresser à vous car je suis depuis longtemps à la recherche d’un ouvrage du XVIe siècle, une traduction française du traité de l’Allemand Hans Blum parue sans nom d’auteur à Lyon en 1562 sous le titre Les cinq ordres des colomnes de l’architecture, c’est à savoir la tuscane, dorique, yonique, corinthie et composite..., chez le libraire Jean Le Maistre (5 feuillets grand in-folio – ce qui me fait craindre que le traité soit caché anonymement dans quelque réserve que son conservateur n’a pas les moyens de cataloguer...). Selon toute vraisemblance, il y a eu une réédition vers 1650 chez François Demasso, toujours à Lyon – édition trouvée par miracle à la bibliothèque de Dijon, et que nous avons pu mettre en ligne sur Architectura à la rubrique “Blum”. L’édition originale est signalée par Baudrier, Bibliographie lyonnaise..., Paris, 1964, 1, p. 244. Elle est mentionnée dans le catalogue des estampes de la BnF, mais à titre de complément, et le volume n’est pas dans les rayons. J’en avais repéré un autre exemplaire à Berlin, mais j’ai appris qu’il avait disparu sans doute pendant la guerre. Baudrier mentionne aussi comme référence un “cat. Potier 1860, n° 692”. 
Pensez-vous pouvoir nous aider dans cette recherche, ou serait-il possible de soumettre la question à la science inépuisable de vous interlocuteurs? Une idée?

2. De son côté, Benoît aimerait vous interroger sur des reliures portant la garde "Rel exécutée pour la lib Louis Conard". Des bibliophiles ou libraires savent-ils de qui sont ces reliures? Benoît a vu sur l'un de ces ouvrages une annotation manuscrite rajoutée précisant que la reliure était de Canape ou Carayon. Sa question: "Ces reliures sont de belle qualité, et personnellement, je trouve que certains travaux sont très proches de travaux de Canape. Alors, quid de ces reliures?"

3. Grande nouvelle, le livre de notre amie Bergamote est arrivé, tout chaud. Vous pouvez trouver plus de renseignements ici: http://bergablogue.blogspot.com/2009/02/je-publie-un-livre.html
Si je compte bien, c'est la troisième lectrice du blog qui publie un livre cette année. Félicitations, à offrir de toute urgence à la personne qui est préposée aux desserts chez vous!
4. Suite à l'article d'Olivier sur la Revue des Livres Anciens, Patrick m'avait envoyé une image... La voici. Le contexte? Le 14 mai 1926 on vendait à Drouot ( leopold Carteret expert) des manuscrits de Pierre Louÿs et parmi ceux ci 45 cahiers de notes et documents bibliographiques (en 2 numéros) et dans un 3° numéro 27 feuillets de notes sur divers ouvrages anciens dont "sur un petit livret intitulé Antiperistase " et " Raphael du Petit-Val imprimeur de Rabelais" avec une belle reproduction en pleine page. La voici!

H


dimanche 22 février 2009

Les reliures doublées: comble du raffinement?

Amis Bibliophiles Bonsoir,

Bibliopégimane ou non, tout bibliophile est un jour marqué par la beauté d'une reliure, qui constitue généralement le premier contact entre un amateur et un livre. Mais le bibliopégimane ne se satisfait pas toujours de ce premier contact à la portée de tous et recherche d'autres plaisirs, plus discrets, ou moins encore moins avouables: l'amour (raisonnable?) des doublures de reliures.

Reliure Doublée par Hardy-Mesnil / Marius Michel sur les Caractères de La Bruyère, maroquin rouge pour les plats, maroquin vert pour les doublures, décorées "à la fanfare".

Si l'on s'en tient au glossaire du SLAM, la doublure est un revêtement de luxe du contreplat de la reliure, en veau, maroquin, daim, soie, etc. (on parle alors de reliure doublée). Voilà pour la définition. Le sujet n'ayant pas encore fait l'objet d'un débat, ni ici, ni dans l'une de nos universités (ou agapes bibliophiliques), j'imagine que les avis sont partagés: comment d'une part espérer que les bibliophiles qui n'accordent aucune importance à la reliure puissent comprendre la recherche de reliures doublées, ou d'autre part que même les bibliopégimanes forcenés (je ne parle même pas des chorionophiles) se satisfassent de ces belles reliures, certes, mais dont les plus beaux attributs restent souvent cachés.

La reliure doublée, décidément, se mérite (dépasser le rejet de la reliure, que dis-je accepter d'ouvrir un livre! sourire) et si personnellement je ne suis pas particulièrement à leur recherche, j'avoue que c'est toujours un délice de découvrir la finesse d'une très belle doublure, notamment quand l'extérieur n'en laisse rien présager, comme c'est parfois le cas avec des reliures jansénistes doublées.
Imitation de Jésus-Christ, maroquin janséniste taupe, doublures de maroquin rouge, le tout par Cuzin.

Finalement, la doublure serait le comble du raffinement en matière de reliure? Ou de l'hypocrisie? Ou de la discrétion? Chacun se fera son avis. Ce qui est certain, c'est que les doublures sont le plus souvent l'apanage de reliures de grand luxe, et il est donc rare de croiser une doublure qui ne soit pas parfaitement exécutée.

La Henriade, maroquin bleu-nuit gaufré par Kalienbach, avec une doublure de maroquin rouge.

Le décor semble pouvoir varier: armes, sobres maroquins encadrés de dentelle, mais aussi parfois imposantes fanfares. Ce type de reliure existait déjà au 17ème siècle et probablement même avant, mais à cette époque, les doublures connurent un succès particulier avec le mouvement janséniste, dont on sait qu'il influença significativement l'histoire de la reliure. En effet, la réforme portée par les jansénistes de Port-Royal proposait de rejeter en bloc toute ornementation des livres, à un moment où les décors et la dorure venaient d'atteindre des sommets. Certains bibliophiles de l'époque qui partageaient les idées jansénistes optèrent alors pour des reliures de luxe d'une grande sobriété... mais certains d'entre-eux ne parvinrent visiblement pas à changer leurs habitudes et firent placer intérieurement les décors qu'ils faisaient auparavant placer sur les plats. L'idée eût beaucoup de succès et perdure encore, les relieurs du 19ème puis les relieurs contemporains ayant également sacrifié régulièrement à cette tendance sur leurs reliures de luxe.
Reliure de Cretté, box rose, doublure de vélin ivoire.

Personnellement, j'aime les doublures de maroquin (et là, vous n'êtes point surpris!) , et ce pour deux raisons: d'une part elles sont toujours très bien exécutées, comme je l'écrivais plus haut, et d'autre part, ce qui n'est pas la moindre de leur qualité, parce qu'il est nécessaire de prendre un ouvrage en main et de l'ouvrir pour les découvrir. Ces premiers pas, qui ne sont pas toujours faits par les bibliophiles, ne pouvant que contribuer à la lecture du texte.

En tout cas, si vous aimez les reliures doublées, et la reliure en général, je ne peux que vous conseiller la visite du Musée Condé, au château de Chantilly, vous pourrez y découvrir les sublimes doublures de Badier, Macé-Ruette, Le Gascon et autres grands, réalisées pour de grands bibliophiles.

Et vous?

H

vendredi 20 février 2009

Lauverjatiana II - ou les bons livres de Monsieur L.

Amis Bibliophiles Bonsoir,

Notre ami Lauverjeat vous invite à poursuivre la lecture des catalogues de libraires récemment reçus.
La Librairie Pierre-Adrien Yvinec ( 85, rue de Bagnolet à Paris) sort un précieux petit catalogue hiver 2009, in-8 étroit tout en couleurs. Chacun des quarante numéros bénéficie d’une pleine page, au moins, où la photographie surmonte la description. Les nombreuses reliures aux armes le disputent aux reliures à décor signées toutes splendides. Le numéro 1, reproduit en couverture, présente une reliure mosaïquée ornée de deux miniatures peintes sous mica, attribuée par son ancien propriétaire, Léon Gruel à Jean Padeloup. Cette reliure en maroquin recouvre un Almanach de Normandie pour l’année 1769 imprimé à Rouen en 1768. Elle fit aussi partie de la collection de Grace Withney-Hoff (7800 euros). Les Tourments. Poèmes. de Martial Martel, in-8 imprimé à Paris par Charles Meunier en 1905, exemplaire sur papier mauve, est enrichi de deux lettres autographes à l’éditeur, l’une du préfacier Camille Mauclair qui se porte garant pour l’auteur, l’autre de l’auteur qui remercie l’éditeur. La reliure en veau mosaïqué d’une composition florale en maroquin est signée de Charles Meunier pour Pierre Meunier en 1907. (2300 euros). Pour les bibliopégimanes, une reliure en galuchat, estampée d’un décor floral, avec fermoirs en argent sur les Psaumes de David en vers français et en musique, imprimés à Montbéliard par Becker en 1751 (2 300 euros).
Le catalogue de la Librairie Ancienne Bruno Sepulchre (7, rue Cassette, Paris) est toujours un florilège de curiosités et de raretés avec une palette de prix étendue et une multitude de petites illustrations pour 320 numéros au total dont un tiers de livres anciens. Une édition plantinienne de 1608 des Emblèmes d’Alciat en un fort volume in-12 relié aux armes de France et de Montauban aux plats richement ornés et au dos orné de grotesques et de palmettes. Deux pages manquent hélas mais l’ouvrage compte 209 figures (sur 211) (1100 euros). La seconde édition des Observations sur les antiquités d’Herculanum ... de Cochin fils et Bellicard imprimée à Paris en 1757, in-8 comportant 42 planches, broché (150 euros). Le numéro 259 de La grande colère du Père Duchesne de Hébert, de l’imprimerie de la cour de Miracles [1793] un in-12 de 8 pages couvert de percaline qui projette une contre-révolution commençant par un pillage dans Paris.. (120 euros). Les Heures à l’usage de Rome, incunable parisien de Simon Vostre et Philippe Pigouchet imprimé sur vélin entre 1496 et 1499. Le livre est relié en cartonnage et 9 feuillets sont en déficit. Reste une impression gothique, 15 grandes figures, des encadrements composés d’une multitude de petites scènes gravées dont une danse des morts constituée de 72 éléments où toute la société de l’époque défile. (3000 euros). La Déclaration du Roy portant defences a tous les subjets de la Religion prétendue reformée qui se sont contenus en leur devoir souz son obéissance de s’en départir, ny abandonner leurs maisons... Donnée à Beziers le 25 juillet 1622... occasionnel imprimé à Paris en 1644 in-12 de 7 pages tel que paru (50 euros). Et puis pour faire pendant à l’incunable ci-dessus, un fac similé des Heures à l’usage de Rome, in-12 en plein maroquin au chiffre d’argent ciselé sur les plats publié à Paris en 1890 imprimé par Jouaust d’après l’édition de Simon Vostre de 1488 nouvellement gravé par E. Mouchon (100 euros!).
La Nef des fous livre son catalogue 31 (7, rue Condé, Paris). Si le vaisseau de haut bord en couverture semble malmené par la tempête, le contenu de ce catalogue illustré invite à s’embarquer sans délais. Je suis séduit par la précision et la clarté des 76 notices. Invitation au voyage avec deux livres sur les ambassades au Siam: la Relation de l’ambassade ...à la cour de Siam du chevalier de Chaumont, à Paris, Seneuse et Horthemels, 1686, in-12 veau époque illustré de 8 planches et deux figures dépliantes (2000 euros) et le Second voyage au royaume de Siam... De Guy Tachard , chez Horthemels à Paris en 1689, in-4 veau illustré de 6 planches dépliantes et une gravure in-texte (2500 euros). Au rayon histoire, bien que plus littéraire qu’historique, nous trouvons les illustrations de Gaule & singularitez de Troye...de Jean Lemaire de Belge, un gothique illustré parisien des Marnef en cinq parties de 1512 à 1519 en reliure XVIIIe (3700 euros). Autre livre illustré, les Délices de la Noblesse contenant plus de deux cens veuës et perspectives des principales maisons de campagne, & autres beaux édifices des familles illustres du Païs-Bas... de Jacques Leroy, à Amsterdam chez Braakman en 1706, exemplaire en français petit in-folio oblong demi-veau (2800 euros). En toute fin de catalogue, un ouvrage de régionalisme l’histoire de l’abbaye de S. Polycarpe (dans l’Aube) par Regnaud un livre in-12 sans lieu de 1779 orné d’une planche dépliante de l’abbaye en pleine basane de l’époque (280 euros).
La Librairie Paul Jammes, 3, rue Gozlin à Paris publie un catalogue in-folio “Sciences sociales, Physiocratie & Révolution” de 278 numéros et quelques illustrations. En quatrième de couverture une citation d’Holbach “L’argent n’est que la représentation d’un bonheur en puissance; il ne devient bonheur réel que pour ceux qui ont appris l’art d’en faire bon usage”, voilà pour déculpabiliser les bibliophiles impénitents et dépensiers des économies du ménage! Ceci dit, je trouve le sujet assez aride, j’ai noté: de nombreux opuscules révolutionnaires de Dupont de Nemours (de 80 euros à 65 000 euros !), de Malthus, les Principes d’Economie politique considérés sous le rapport de leur application pratique... à Paris, Aillaud, 1820 en 2 volumes in-8 brochés, il s’agit de la première traduction française (2300 euros). Un occasionnel: Remontrances faictes au roy par les deputez des trois Estats de Normandie... à Rouen chez Martin Mesgissier, 1579, in-12 de 22 ff. Demi-chagrin du XIXe (750 euros). Un classique: Projet d’une dixme royale, de Vauban, une édition in-8 (s.l.) de 1708 demi-parchemin vert à coins du XIXe (600 euros).

Merci Gilles,

H

mardi 17 février 2009

Nodier me manque....

Amis Bibliophiles Bonsoir,

Charles Nodier manque à Jean-Paul, qui vous fait partager un moment particulier de la vie de ce sympathique bibliophile...

"Le 14 avril 1824, Charles Nodier prenait possession des appartements réservés au directeur de la Bibliothèque de l'Arsenal. On parvenait au premier étage par le grand escalier. Des fenêtres du salon, on pouvait voir la Seine, avec, au loin, le dôme du Panthéon, et, sur la droite, les tours de Notre-Dame. Au milieu des collections de Paulmy et de La Vallière, la vie de Nodier fut dès lors partagée entre le travail, les livres et les amis. L'Arsenal devint un havre de joie et de bonheur pour la littérature et l'érudition. Nodier fit entrer Alexandre Dumas dans un rêve ...
Le matin était consacré aux raretés bibliographiques et à l'écriture d'articles, de préfaces ou de notices destinés aux amateurs. La promenade suivait le déjeuner, agrémentée de haltes chez les bouquinistes et les libraires, où on se retrouvait entre bibliophiles passionnés. Après-midi enchanteur trop court : on rentrait parfois plus riche d'une vieille édition, mais toujours en retard pour le dîner. A l'Arsenal, on tenait table ouverte. Après le repas du soir, on prenait place à la table de jeu placée devant la fenêtre. La journée se terminait sur les boulevards où on allait respirer l'esprit de Paris ...
Le dimanche soir, les Nodier accueillaient leurs amis poètes, écrivains et artistes qui trouvaient à l'Arsenal un refuge attirant, un foyer rassurant. Le café était toujours servi à table pour ne pas rompre l'ambiance du repas. Après le dîner, les bavardages, les déclamations et la lecture apaisaient les angoisses des romantiques secoués par les querelles d'écoles. Assis au coin de la cheminée de marbre blanc, Nodier contait des souvenirs de jeunesse ou des aventures imaginées. 
Vers minuit, l'âme de l'Arsenal, la jeune et jolie Marie, dont on avait savouré les confitures, se mettait au piano. Tous l'entouraient.

Nodier me manque ...
Jean-Paul Fontaine"

H

dimanche 15 février 2009

Lauverjeatiana: lecture de catalogues et idée de rangement

Amis Bibliophiles Bonsoir,

C'est Lauverjeat qui va ce soir inaugurer une nouvelle rubrique du blog; le compte-rendu de catalogue de libraire. Il s'agira de commenter les derniers catalogues reçus par l'un ou par l'autre, en présentant quelques ouvrages AVEC les prix (non pas pour lancer des débats, mais parce que cela fait partie de l'information). Il va de soi qu'il s'agît de catalogues très récents, et que cela ne se fait pas à la demande de nos amis libraires. Néanmoins, j'espère que cela contribuera à renforcer les liens déjà solides entre les amateurs, le blog et les libraires.

A la suite du compte-rendu de Lauverjeat, j'ai ajouté une petite trouvaille qui devrait lui plaire, puisqu'il est comme moi confronté au problème du double rayonnage.

le compte-rendu:

Fruit de la lecture des catalogues récemment reçus voici un florilège d’ouvrages en vente chez les libraires actuellement. Cette recension n’est pas exhaustive. Faite nez au vent, elle n’est que le reflet de ce qui a éveillé mon intérêt en prenant garde de ne pas forcément mettre en lumière les livres les plus précieux et coûteux, (cependant ce sont souvent ceux qui font le plus rêver et que les libraires détaillent le mieux). J’ajoute que je suis amateur et qu’aucun catalogue ne m’a été envoyé en prévision de cette chronique que je soumets au bon plaisir de Hugues. 

J’attire votre attention sur le fait qu’il ne s’agit pas de recopier les notices des libraires et que la justification des prix pratiqués ne concerne qu’eux et ne s’applique qu’à leurs exemplaires. Je vous encourage à prendre le cas échéant contact avec eux ou à vous consacrer à la lecture complète de leurs catalogues, toujours pleine d’enseignements. Je souhaite que ce message ne soit que l’occasion pour vous de souligner l’intérêt de tel ou tel livre non de s’engager sur un débat tarifaire stérile.
Enfin, j’ai dit toutes sortes d’incantations pour éloigner le démon “Coquille”.
À la librairie Busser (3, avenue de Villiers, 91210 Draveil), un bulletin illustré en noir et blanc, in quarto numéro 11, fort agréable, présente les nouvelles acquisitions (58 numéros). L’index des noms, provenances, relieurs, illustrateurs et thèmes est à saluer. La photo de couverture reproduisant la procession dans Paris de la Sainte-Ligue nous invite à découvrir au plus vite le numéro 3, une Satyre Menippéé, imprimée à la fausse adresse de Matthias Kerner à Ratisbonne en 1664, par François Foppens à Bruxelles. Cette troisième édition de ce petit in-12, “élzevirien” est illustré de 3 planches et relié en maroquin bleu-nuit à grain long par Thouvenin (1900 euros). Un peu plus loin une autre reliure de Thouvenin en maroquin porte sur les plats une grande plaque dorée de type restauration, elle recouvre L’étrangère de Prévost d’Arlencourt, imprimé à Paris, Béchet l’aîné en 1825. Seul exemplaire connu sur papier rose, il s’agit de l’exemplaire de l’auteur qui fit aussi partie de la collection Béraldi (4000 euros). Notons encore l’E.O. brochée de Gringoire de Théodore de Banville, Lévy, 1866. Cet auteur est certes aujourd’hui un peu délaissé mais l’exemplaire bénéficie d’un envoi de l’auteur à l’éditeur Poulet-Malassis (700 euros). 
Le catalogue austèrement descriptif de la librairie Bonnefoi (1-3, rue Médicis à Paris) est consacré aux livres du XVIIIe . Copieux, il compte 506 numéros classés alphabétiquement de A à K dont je ne donne qu’un bref aperçu. Il sera suivi d’une deuxième partie. Notons plusieurs ouvrages sur de régionalisme. Un recueil broché de 53 pièces imprimées de 1750 à 1790 sur le droit de Centième , en Artois principalement semble-t-il (800 euros). De la même province, une collection de 20 pièces imprimées, majoritairement de la seconde moitié du XVIIIe concernant les bières et alcools (600 euros). D’Aubin, l’Histoire des Diables de Loudun...” dans une édition in-12 de 1752 à Amsterdam en maroquin rouge d’Hardy-Mesnil de la bibliothèque Hoe (1200 euros). Une impression de Carpentras en 1782 en deux volumes in-12 demi-basane, l’Histoire des guerres excitées dans le Comté Venaissin et dans les environs par les calvinistes du seizième siècle” de Jean-François Boudin (600 euros). L’E.O. Des Suites de la Contre-Révolution de 1660 en Angleterre, de Benjamin Constant, à Paris en 1798, in-8 en demi-chagrin moderne. Ce livre faisait l’écho à l’esprit public qui favorisa Brumaire (200 euros). Je ne pouvait manquer de signaler ici le Manuel typographique, utile aux gens de lettres, et à ceux qui exercent les différentes parties de l’Art de l’Imprimerie, célèbre édition originale de Pierre-Simon Fournier chez Barbou à Paris 1764-1766, en 2 volumes en veau caillouté de l’époque, orné des caractères et vignettes en spécimens de Founier, qui n’a guère d’autres défauts que son prix (5000 euros). La Rélation historique du tremblement de Terre survenu à Lisbonne le premier Novembre 1755... donnée par Ange Goudar à la Haye en 1756. Cet in-12 veau aurait été imprimé en Avignon et aurait inspiré Voltaire (1500 euros).
Le catalogue de la Librairie Le Trait d’Union (5-7-9, rue Turenne, 10000 Troyes) réserve seulement 33 numéro aux livres anciens sur 1503 références. Les ouvrages de documentation se taillent la part du lion ou plutôt des lions. Une impression de Nancy sans date (1758), chez Antoine des traductions par Poinsinet de Sivry d’Anacréon, Sapho, Moschus, et divers auteurs in 12 avec quelques accrocs à la reliure en veau glacé d’époque.(130 euros). Les Métamorphoses de l’Ane d’or d’Apulée.. à Paris 1736, en deux volumes in 12 en veau fauve ayant subi quelques réparations, aux armes de la Pompadour et figurant bien dans le catalogue de sa bibliothèque (1800 euros). Une édition illustrée d’Esope à Bruxelles chez Floppens en 1669, in-12 basane du XIXe (480 euros). Côté bibliographie nous trouvons le Livre des Livres du bon docteur Jean-Paul Fontaine, Hatier 1994 à l’état de neuf (50 euros).
Le catalogue de la Librairie Pierre Prévost (67, avenue de Suffren à Paris), pourvu d’un index des auteurs, est un petit in-folio illustré à la couverture en couleurs. La quatrième de couverture justement reproduit le feuillet six d’un incunable de 1481 imprimé à Cologne des oeuvres du prédicateur Hollen “Praeceptorium novum...” Ce feuillet est orné d’une belle lettrine enluminée et de rinceaux (8500 euros). L’histoire et chronique de Normandie... suivie de la Description du pays et duché de Normandie.. livre en deux parties, de Jean Nagerel, imprimé à Rouen en 1610 par Martin Mégissier en un volume in-8 comporte deux cartes de la Normandie et une du “Pourtraict de la Ville de Rouen” (2300 euros). L’Histoire des plantes de l’Europe et des plus usitées qui viennent d’Asie, d’Afrique et d’Amérique...” imprimée à Lyon par Nicolas Deville en 1707 en deux volumes in-12 plein veau comporte 850 figures gravées sur bois, à un euro la figure semble-t-il (850 euros)! On trouve un peu plus loin une “ineffable et charmante polissonnerie” dit le libraire, de Paul Baret (anonyme sur le livre) intitulée “Le Grelot, ou les &c, &c, &c. ouvrage dédié à moi.” imprimé: “Ici. A présent” (soit en 1754) en un volume in-12. (230 euros). Les Aventures de l’Abbé de Choisy, habillé en femme, 1870 à Paris, Chez tous les libraires, en un volume in-12 demi- maroquin rouge à coins signé de Thouvenin (120 euros).(Sur cette signature et la date du livre je m’interroge) Le catalogue compte 168 numéros classés chronologiquement.

Le rangement: 

Je suis confronté à un problème de place qui me contraint au double rayonnage. Ce dernier a deux inconvénients: il est disgracieux d'une part, et il pose le problème de la "bonne lecture" de la bibliothèque. En effet, si vous alignez des in-12 au premier plan devant des in-8, vous parviendrez sans doute à lire les pièces de titre de ces derniers... mais que ce passe-t-il si comme moi, vous alignez un double rayonnage de volumes in-12? Et bien, les pièces de titre des volumes qui sont au fond sont masquées par les volumes qui sont au premier plan. 
Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais pour moi, un volume ainsi masqué et dont en plus on ne verrait pas la pièce de titre est condamné à l'oubli. Je viens de trouver une solution. Elle fonctionne plutôt bien. J'ignore si elle est novatrice, mais la voici tout de même: il suffit de glisser une planchette sous les volumes du fond, ce qui permet de les surélever légèrement et de laisser voir la pièce de titre. 
L'effet final, en plus d'être pratique, est assez réussi sur le plan esthétique. Qu'en pensez-vous?

H

vendredi 13 février 2009

Jeu des sept différences pour bibliophile

Amis Bibliophiles Bonjour,

Je poste ce soir un article de Pierre... qui vous propose de retrouver l'enfant qui dort au fond de chaque bibliophile.

Une de nos joies d'enfant, dans les périodiques d'alors et après la lecture du feuilleton favori, était de chercher à résoudre les jeux proposés en dernière page du journal et en particulier à faire le jeu des sept différences (ou erreurs). Deux dessins identiques à quelques différences près…

Je vous propose de renouveler l'opération, ce soir, avec trois exemplaires parisiens in4 de la bible de Royaumont édités à quelques années de différence.

Pour information, je vous rappelle ce que l'on englobe sous le terme de bible de Royaumont un ouvrage richement illustré de belles gravures sur cuivre retraçant l'histoire du vieux et du nouveau testament écrit par le sieur de Royaumont . Enfermés à la Bastille pour leur appartenance à Port-Royal, Lemaistre de Sacy et Nicolas Fontaine composèrent aux alentours de 1668 durant leur captivité ce magnifique ouvrage qui fut imprimé pour la première fois en 1670, sous le même pseudonyme de Royaumont.

Côté reliure : Un exemplaire est recouvert d'une très épaisse et belle basane de composition postérieure à l'ouvrage (qui est le plus ancien présenté). La pièce de titre mentionne "Sainte bible". C'est une reliure solide, ce qui est normal pour un ouvrage qui peut être amené à être fréquemment consulté… Le deuxième exemplaire est un plein veau d'époque orné de petits fers très élégants. Pour les dames… Le troisième, plein veau, est légèrement décoiffé de la tête (le coup de peigne est programmé). La réalisation de la reliure est postérieure à l'ouvrage car le nouveau et l'ancien testament sont deux exemplaires édités à 60ans d'intervalle. Exemplaire pour jansénistes…
Page de garde : Cette page de l'ancien testament de 1671, édité par Pierre le Petit a souffert et c'est pourquoi le volume a repris le chemin du relieur qui l'a recouvert d'une grosse basane antichoc (le reste est parfait heureusement). Les deux autres exemplaires proviennent respectivement de chez Etienne-Michel David -1724 et de chez Jean Villette fils -1735 (pas de biographie). Ils ont la même enseigne mais je ne sais pourquoi. 
Gravure "Habits des prêtres" : On peut logiquement penser que les plaques de 1671, 1724 et 1735 soient différentes. Le jeu des sept erreurs est aisé à résoudre quand il s'agit des deux premiers exemplaires mais il m'est impossible de faire la différence entre les gravures de 1671 et celles de 1735. Ces dernières me paraissent même plus fraîches. Talent de graveur ou d'imprimeur ? 


Gravure "Enfans dévorez des ours" : Bon là c'est facile… Les graveurs travaillaient avec une glace pour reproduire les dessins à l'identique. En 1724, on peut penser, qu'un jour, il y a eu une pénurie de miroirs ! J'ai mis un moment à réaliser cette méprise. Les lettrines de cette époque sont, malgré tout, très jolies. 
Histoire du nouveau testament : Pas de nom d'imprimeur en 1723 mais cette bible est celle qui est reliée d'époque. Fallait-il répéter le nom de l'imprimeur ? (David). Pierre le Petit l'a fait en 1671, en tout cas.
Le troisième ouvrage de 1735 présente un nouveau testament bien antérieur puisque édité en 1670. Si l'on compare avec le même exemplaire de pierre le Petit de 1671, on remarque que la typographie a quelque peu changé. 
Tout ça pour vous dire, qu'en attendant le chaland, le libraire fait des jeux de gamin… Pierre

Merci Pierre!

H

mardi 10 février 2009

Retour vers le Futur: la Revue des Livres Anciens de Pierre Louÿs et Louis Loviot

Amis Bibliophiles Bonsoir,

Vous le savez, nous nous sommes lancés le pari un peu fou de faire paraître une revue sur les livres anciens, La Nouvelle Revue des Livres Anciens, placée sous le patronage de M. Christian Galantaris, et qui se veut être l'héritière de La Revue des Livres Anciens fondée par Pierre Louÿs et Louis Loviot en 1913. Il est toujours possible de souscrire aux deux premiers numéros et pour vous décider (s'il est encore besoin), je vous propose de découvrir ce soir un article d'Olivier sur la revue de Louÿs et Loviot, dont il a la chance de posséder les quatre premières livraisons.

"En attendant la bonne nouvelle…

Impatient que je suis de recevoir la première livraison de la Nouvelle Revue des Livres anciens, je me propose de vous livrer mon avis de lecteur de la Revue des livres anciens créée et animée par Louis Loviot et Pierre Louÿs entre 1913 (date du premier fascicule) et 1917. Le hasard aura voulu qu’un volume rassemblant les quatre premières livraisons me soit tombé entre les mains quelques semaines avant que la nouvelle de l’arrivée prochaine d’une Nouvelle Revue des Livres anciens ne nous soit révélée.
Je ne connais pas l’histoire de cette revue (le nombre de livraisons reste pour moi un mystère après quelques recherches : 4 livraisons en 1913 et 1914 puis une interruption jusqu’en 1917 où sortiront 4 nouveaux fascicules?). C’est donc un pur avis de lecteur que je vous livre. Reste qu’il faut imaginer les difficultés qu’affrontaient les rédacteurs en cette période pour encore mieux apprécier la qualité de la revue. (NDLR: Le premier numéro parut le 1er janvier 1913 : la Revue des livres anciens était tirée à 500 exemplaires. Trois numéros parurent en 1913, deux en 1914, deux en 1916 et un, le dernier, en 1917 : huit numéros au total formant deux tomes de (4)-472 et (4)-399 pages (Paris, Fontemoing et Cie, 1914 -1917). Louÿs en fut le directeur, son ami Louis Loviot, bibliothécaire à l’Arsenal, en fut le rédacteur en chef et l’écrivain Paul Chaponnière le gérant. Plusieurs autres érudits, tous bibliophiles et unanimes sur les connaissances et la sagacité de Pierre Louÿs, collaborèrent sans réticence à cette revue : l’historien Georges Ascoli, le bibliothécaire Jean Babelon, le chartiste Jacques Boulenger, le bibliographe Alfred Cartier, le bibliothécaire Ernest Coyecque, l’écrivain Remy de Gourmont, le bibliographe Frédéric Lachèvre, le bibliographe Paul Lacombe, l’historien Abel Lefranc, l’historien Emile Magne, le bibliothécaire André Martin, l’archiviste paléographe Jules Mathorez, le philologue Emile Picot, le professeur Jean Plattard, le bibliographe Marie-Louis Polain, le libraire Edouard Rahir, le bibliographe Philippe Renouard, l’archiviste René-Norbert Sauvage, le bibliographe Seymour de Ricci, l’écrivain René Sturel, le bibliographe Maurice Tourneux et le docteur H. Voisin. Outre six notes, les cinq articles de Louÿs figurent tous dans le premier tome : « Le poète Antoine du Saix », « Un roman inédit de Restif », « Raphaël du Petit-Val imprimeur de Rabelais », « Antiperistase ou contraires différences d’amour (1603) » et « La phrase inoubliable ». La guerre mit fin à cette belle aventure.) Mais revenons à l'article d'Olivier...
L'Acrostiche

De format In-8, La Revue des livres anciens. Documents d’histoire littéraire de bibliographie & de bibliophilie tirée à 500 exemplaires était vendue par abonnement (18 francs pour la France soit environ 56 euros si j’en crois l’INSEE) pour quatre fascicules formant volume (la pagination est continue).

La déclaration de principe était la suivante :
« La Revue des Livres Anciens se propose de décrire les livres rares, curieux ou mal connus, et de signaler les manuscrits inédits qui intéressent l’histoire littéraire avant le romantisme.

Le programme de la revue ne comporte pas de longs articles. Notre but est de donner ici un grand nombre de documents sous une forme exacte et concise. La tradition établie par La Monnoye, Mercier de St-Léger, Charles Nodier, le Mis du Roure, Viollet le Duc et Montaiglon, est celle que nous tentons de reprendre avec les nouvelles précisions de la bibliographie moderne. Aussi les rubriques Notices et Variétés seront-elles développées par la suite et formeront la partie essentielle de chaque fascicule.

Une place sera réservée à l’histoire des bibliophiles et des anciennes collections célèbres. Des tables périodiques très complètes permettront aux chercheurs de retrouver aisément les sujets d’articles, les livres décrits et les noms cités ».

Pour le dire d’emblée, tout me plaît dans cette revue. La qualité de la réalisation et notamment de l’impression et du papier utilisé. La liberté des formats des articles, la variété des thèmes et un ton qui n’exclue jamais l’humour malgré la qualité des contributions.

Ainsi 4 pages suffisent à Pierre Louÿs pour exhumer l’obscur Antoine du Saix (1505- ?) et terminer ainsi : « Tel vers, si simple et pourtant si habilement césuré,
Comme une voix penetre en la maison; Fait déjà pressentir Verlaine ; et à chaque vers, nous voyons croître la nouvelle métaphore à travers la limpidité de la plus pure poésie française ». Il lui en faut une (page) de plus pour assurer la paternité (Raphaël du Petit-Val) d’une édition rabelaisienne en comparant les lettrines du livre en question avec une dizaine de volumes de sa bibliothèque. Autrement dit Louÿs invite le lecteur dans les rayonnages de sa bibliothèque pour y résoudre une énigme bibliographique. Excusez du peu.

D’ailleurs les énigmes foisonnent : qui est le mystérieux seigneur de Cholières (Loviot) ? Quelle est l’identité de celle qui est l’objet du désir et du malheur de l’Amant Desconforté (1529) ? Loviot y répond en (re)découvrant un acrostiche qui dévoile l’identité de la Dame (Jehanne de Vesc) que suit celui de l’auteur.

Le ton de la revue est souvent drôle, jamais pesant. Un exemple : Lorsque Louÿs s’intéresse à Antiperistase ou Contraires différences d’amour (1603) traité de l’amour écrit par un Cordelier (qui quitte le froc et se fait calviniste, « une religion plus indulgente à l’amour »), il se tourne vers les doctes bibliographes : « Rien chez Brunet. Rien dans Barbier. Rien dans le Bulletin du Bibliophile. Rien dans les catalogues des quinze ou vingt collections célèbres où ce livre serait entré s’il avait été découvert. Las de chercher, je commençais à croire l’ouvrage perdu quand je finis par le rencontrer assez inopinément sous la rubrique Sciences et Arts, subdivision Economie, dans le catalogue Nyon (1788). Je veux bien que l’Amour soit un art et même une science, mais en faire un paragraphe de l’Economie privée, c’est le rendre par trop ancillaire ».

Bref la lecture en est toujours plaisante, étonnamment moderne dans le rapport au lecteur, l’illustration sans être abondante est utilisée à bon escient.

Exemple ici avec une sorte de « jeu des sept erreurs » où André Martin suit à la trace les utilisations successives d’un même bois par Vérard pour illustrer successivement un évêque (Bataille judaïque, 1492), le Roi Gontran (Chroniques de France, décembre 1493) et un des personnages de Lancelot du Lac (juillet 1494). Encore une fois cinq pages et une illustration astucieuse suffisent à l’article.

Merci au bibliophile du siècle passé (qui n’a malheureusement pas laissé de traces, comme quoi il est des bibliophiles sans ego) d’avoir fait relié sobrement cette première année de la revue des livres anciens par Stroobants (demi reliure à coins en maroquin vert).

Merci enfin à Jean-Paul et Hugues de reprendre le flambeau… Je souhaite le même destin aux premières livraisons de leur Nouvelle revue des livres anciens…

Et merci à Olivier!

Pour souscrire à La Nouvelle Revue des Livres Anciens:
Le montant de la souscription est de 30 euros pour la France et 36 euros pour l'étranger.
1. Vous pouvez souscrire par chèque à l'ordre de La Nouvelle Revue des Livres Anciens, adressé à :
La Nouvelle Revue des Livres Anciens
3B, rue ddes 16e et 22e Dragons
51100 REIMS
2. Via paypal, à notre adresse de paiement: nrlanciens@gmail.com
3. Ou par virement bancaire et dans ce cas, nous sommes à votre disposition pour vous communiquer les coordonnées bancaires nécessaires.

H

dimanche 8 février 2009

La Gaufrure: un décor particulier pour les reliures


Amis Bibliophiles Bonjour,

Apparue entre les années 1820 et 1830 la gaufrure est un procédé spécifique utilisé par les relieurs de l'époque. Ceux-ci cherchaient en effet à agrémenter les plats de leur reliures sans pour autant orner ceux-ci de plaques comme celles de la fin du XVIIIème siècle ou de petits fers, qui étaient forts complexes et revenaient finalement chers aux bibliophiles. Aussi, pour des livres de qualité intermédiaire, une nouvelle tendance fît son apparition: la gaufrure.
On considère généralement que c'est Courteval qui eût le premier l'idée de d'appliquer simultanément sur les deux plats des plaques de bois ou métal crénelées en sens inverse. Pour que le procédé soit efficace il était nécessaire d'exercer une très forte pression, le plus souvent au moyen d'une presse ou d'un balancier. On obtenait alors un décor à froid qui dans son exécution n'était pas sans rappeler les reliures "estampées à froid" de la fin du Moyen Age. Gaufrer, en fait, n'est ni plus ni moins que graver profondément en relief des décors dont la complexité varie. Dans le cas de la gaufrure des années 1820 - 1830, l'objectif recherché était d'obtenir un résultat satisfaisant, rapidement et à un moindre coût. 

Néanmoins, cela restait un travail délicat qui même s'il ne nécessitait pas d'or faisait des attributions du doreur. Celui-ci devait veiller à appliquer des plaques chauffées à la juste température, afin de ne pas brunir le cuir. 
Le succès fût au rendez-vous et après les premiers décors simples, reposant sur des lignes entrecroisées, d'autres motifs furent également proposés aux amateurs. Finalement, le procédé faisant ses preuves, les ateliers en vinrent finalement à dorer la gaufrure, aboutissant à de magnifiques reliures dignes des plus belles réussites du 19ème siècle.

Les trois relieurs emblématiques ayant employé la gaufrure sont Courteval, Thouvenin et dans une moindre mesure Bozérian. On croise finalement assez peu de ces reliures "intermédiaires", mais elles sont aisément reconnaissables et plutôt recherchées des bibliopégimanes.

H

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