« Après le plaisir de posséder des livres, il n'en est guère de plus doux que celui d'en parler. » Charles Nodier

"On devient bibliophile sur le champ de bataille, au feu des achats, au contact journalier des bibliophiles, des libraires et des livres."
Henri Beraldi, 1897.

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mardi 10 février 2009

Retour vers le Futur: la Revue des Livres Anciens de Pierre Louÿs et Louis Loviot

Amis Bibliophiles Bonsoir,

Vous le savez, nous nous sommes lancés le pari un peu fou de faire paraître une revue sur les livres anciens, La Nouvelle Revue des Livres Anciens, placée sous le patronage de M. Christian Galantaris, et qui se veut être l'héritière de La Revue des Livres Anciens fondée par Pierre Louÿs et Louis Loviot en 1913. Il est toujours possible de souscrire aux deux premiers numéros et pour vous décider (s'il est encore besoin), je vous propose de découvrir ce soir un article d'Olivier sur la revue de Louÿs et Loviot, dont il a la chance de posséder les quatre premières livraisons.

"En attendant la bonne nouvelle…

Impatient que je suis de recevoir la première livraison de la Nouvelle Revue des Livres anciens, je me propose de vous livrer mon avis de lecteur de la Revue des livres anciens créée et animée par Louis Loviot et Pierre Louÿs entre 1913 (date du premier fascicule) et 1917. Le hasard aura voulu qu’un volume rassemblant les quatre premières livraisons me soit tombé entre les mains quelques semaines avant que la nouvelle de l’arrivée prochaine d’une Nouvelle Revue des Livres anciens ne nous soit révélée.
Je ne connais pas l’histoire de cette revue (le nombre de livraisons reste pour moi un mystère après quelques recherches : 4 livraisons en 1913 et 1914 puis une interruption jusqu’en 1917 où sortiront 4 nouveaux fascicules?). C’est donc un pur avis de lecteur que je vous livre. Reste qu’il faut imaginer les difficultés qu’affrontaient les rédacteurs en cette période pour encore mieux apprécier la qualité de la revue. (NDLR: Le premier numéro parut le 1er janvier 1913 : la Revue des livres anciens était tirée à 500 exemplaires. Trois numéros parurent en 1913, deux en 1914, deux en 1916 et un, le dernier, en 1917 : huit numéros au total formant deux tomes de (4)-472 et (4)-399 pages (Paris, Fontemoing et Cie, 1914 -1917). Louÿs en fut le directeur, son ami Louis Loviot, bibliothécaire à l’Arsenal, en fut le rédacteur en chef et l’écrivain Paul Chaponnière le gérant. Plusieurs autres érudits, tous bibliophiles et unanimes sur les connaissances et la sagacité de Pierre Louÿs, collaborèrent sans réticence à cette revue : l’historien Georges Ascoli, le bibliothécaire Jean Babelon, le chartiste Jacques Boulenger, le bibliographe Alfred Cartier, le bibliothécaire Ernest Coyecque, l’écrivain Remy de Gourmont, le bibliographe Frédéric Lachèvre, le bibliographe Paul Lacombe, l’historien Abel Lefranc, l’historien Emile Magne, le bibliothécaire André Martin, l’archiviste paléographe Jules Mathorez, le philologue Emile Picot, le professeur Jean Plattard, le bibliographe Marie-Louis Polain, le libraire Edouard Rahir, le bibliographe Philippe Renouard, l’archiviste René-Norbert Sauvage, le bibliographe Seymour de Ricci, l’écrivain René Sturel, le bibliographe Maurice Tourneux et le docteur H. Voisin. Outre six notes, les cinq articles de Louÿs figurent tous dans le premier tome : « Le poète Antoine du Saix », « Un roman inédit de Restif », « Raphaël du Petit-Val imprimeur de Rabelais », « Antiperistase ou contraires différences d’amour (1603) » et « La phrase inoubliable ». La guerre mit fin à cette belle aventure.) Mais revenons à l'article d'Olivier...
L'Acrostiche

De format In-8, La Revue des livres anciens. Documents d’histoire littéraire de bibliographie & de bibliophilie tirée à 500 exemplaires était vendue par abonnement (18 francs pour la France soit environ 56 euros si j’en crois l’INSEE) pour quatre fascicules formant volume (la pagination est continue).

La déclaration de principe était la suivante :
« La Revue des Livres Anciens se propose de décrire les livres rares, curieux ou mal connus, et de signaler les manuscrits inédits qui intéressent l’histoire littéraire avant le romantisme.

Le programme de la revue ne comporte pas de longs articles. Notre but est de donner ici un grand nombre de documents sous une forme exacte et concise. La tradition établie par La Monnoye, Mercier de St-Léger, Charles Nodier, le Mis du Roure, Viollet le Duc et Montaiglon, est celle que nous tentons de reprendre avec les nouvelles précisions de la bibliographie moderne. Aussi les rubriques Notices et Variétés seront-elles développées par la suite et formeront la partie essentielle de chaque fascicule.

Une place sera réservée à l’histoire des bibliophiles et des anciennes collections célèbres. Des tables périodiques très complètes permettront aux chercheurs de retrouver aisément les sujets d’articles, les livres décrits et les noms cités ».

Pour le dire d’emblée, tout me plaît dans cette revue. La qualité de la réalisation et notamment de l’impression et du papier utilisé. La liberté des formats des articles, la variété des thèmes et un ton qui n’exclue jamais l’humour malgré la qualité des contributions.

Ainsi 4 pages suffisent à Pierre Louÿs pour exhumer l’obscur Antoine du Saix (1505- ?) et terminer ainsi : « Tel vers, si simple et pourtant si habilement césuré,
Comme une voix penetre en la maison; Fait déjà pressentir Verlaine ; et à chaque vers, nous voyons croître la nouvelle métaphore à travers la limpidité de la plus pure poésie française ». Il lui en faut une (page) de plus pour assurer la paternité (Raphaël du Petit-Val) d’une édition rabelaisienne en comparant les lettrines du livre en question avec une dizaine de volumes de sa bibliothèque. Autrement dit Louÿs invite le lecteur dans les rayonnages de sa bibliothèque pour y résoudre une énigme bibliographique. Excusez du peu.

D’ailleurs les énigmes foisonnent : qui est le mystérieux seigneur de Cholières (Loviot) ? Quelle est l’identité de celle qui est l’objet du désir et du malheur de l’Amant Desconforté (1529) ? Loviot y répond en (re)découvrant un acrostiche qui dévoile l’identité de la Dame (Jehanne de Vesc) que suit celui de l’auteur.

Le ton de la revue est souvent drôle, jamais pesant. Un exemple : Lorsque Louÿs s’intéresse à Antiperistase ou Contraires différences d’amour (1603) traité de l’amour écrit par un Cordelier (qui quitte le froc et se fait calviniste, « une religion plus indulgente à l’amour »), il se tourne vers les doctes bibliographes : « Rien chez Brunet. Rien dans Barbier. Rien dans le Bulletin du Bibliophile. Rien dans les catalogues des quinze ou vingt collections célèbres où ce livre serait entré s’il avait été découvert. Las de chercher, je commençais à croire l’ouvrage perdu quand je finis par le rencontrer assez inopinément sous la rubrique Sciences et Arts, subdivision Economie, dans le catalogue Nyon (1788). Je veux bien que l’Amour soit un art et même une science, mais en faire un paragraphe de l’Economie privée, c’est le rendre par trop ancillaire ».

Bref la lecture en est toujours plaisante, étonnamment moderne dans le rapport au lecteur, l’illustration sans être abondante est utilisée à bon escient.

Exemple ici avec une sorte de « jeu des sept erreurs » où André Martin suit à la trace les utilisations successives d’un même bois par Vérard pour illustrer successivement un évêque (Bataille judaïque, 1492), le Roi Gontran (Chroniques de France, décembre 1493) et un des personnages de Lancelot du Lac (juillet 1494). Encore une fois cinq pages et une illustration astucieuse suffisent à l’article.

Merci au bibliophile du siècle passé (qui n’a malheureusement pas laissé de traces, comme quoi il est des bibliophiles sans ego) d’avoir fait relié sobrement cette première année de la revue des livres anciens par Stroobants (demi reliure à coins en maroquin vert).

Merci enfin à Jean-Paul et Hugues de reprendre le flambeau… Je souhaite le même destin aux premières livraisons de leur Nouvelle revue des livres anciens…

Et merci à Olivier!

Pour souscrire à La Nouvelle Revue des Livres Anciens:
Le montant de la souscription est de 30 euros pour la France et 36 euros pour l'étranger.
1. Vous pouvez souscrire par chèque à l'ordre de La Nouvelle Revue des Livres Anciens, adressé à :
La Nouvelle Revue des Livres Anciens
3B, rue ddes 16e et 22e Dragons
51100 REIMS
2. Via paypal, à notre adresse de paiement: nrlanciens@gmail.com
3. Ou par virement bancaire et dans ce cas, nous sommes à votre disposition pour vous communiquer les coordonnées bancaires nécessaires.

H

16 commentaires:

Gonzalo a dit…

Merci pour cet intéressant article. La liste des contributeurs cités dans l'incise de Hugues constitue un véritable who's who de la bibliographie début de siècle!

Anonyme a dit…

le 14 mai 1926 on vendait à Drouot ( leopold Carteret expert) des manuscrits de Pierre Louÿs et parmi ceux ci 45 cahiers de notes et documents bibliographiques ( en 2 numéros) et dans un 3° numéro 27 feuillets de notes sur divers ouvrages anciens dont "sur un petit livret intitulé Antiperistase " et " Raphael du Petit-Val imprimeur de Rabelais" avec une belle reproduction en plaine page dont j'envoie la photo à Hugues par courriel.

Patrick Ch.

Benoît a dit…

Bonjour chers amis,
Une fois de plus je poste un message hors sujet, mais prendre le dernier fil en cours me paraît le meilleur moyen d'être lu. J'ai en effet besoin d'un conseil : je vends pas mal sur ebay, et là j'ai un livre que je peine à décrire (faire une belle notice, quoi ! - bien élogieuse et pas "gonflée" !). Il s'agit de Monrose ou suite de Felicia, An Cinq 1797. 4 parties en 2 volumes, jolie reliure plein veau, avec 4 frontispices (et non, pas les 20 gravures de Quéverdo. Alors quid ? La pagination correspond bien à la Quéverdo. Certains exemplaires ont été reliés avec seulement les 4 frontispices ? A noter, ces gravures sont très fines, une seule est franchement coquine, les autres pas du tout, je cite de mémoire, sur une d'entre elles notamment on voit un homme se faisant agresser à la dague... Une âme secourable et érudite peut elle me renseigner plus avant ? Petite question supplémentaire, je vais vendre aussi "histoire de madame de Luz", 1792, sl. S'agit'il d'une Cazin ? D'ailleurs comme je suis franchement spécialisé 19 et 20e, je ne sais que vaguement qui était Cazin et ses éditions, mais assez pour comprendre !
Merci d'avance de vos réponses expertes !
Amicalement
Benoît

Gonzalo a dit…

>> "Alors quid ? La pagination correspond bien à la Quéverdo."

Réponse comme ça, sans aucune recherche en ligne ou ailleurs, et sans connaître "la Quéverdo": les 20 gravures de Quéverdo sont-elles hors texte? Auquel cas il manquerait 16 gravures à votre exemplaire? (voir article "des manques...") de Hugues.

Jean-Paul Fontaine, dit Le Bibliophile Rhemus a dit…

1) "Monrose" de Nerciat :
-1ereéd. 1792 4 vol. in-18
-2e éd. 1795 4 vol in-18 avec 24 gravures libres ATTRIBUEES à Queverdo par Cohen
-3e éd. 1797 4 vol. in-12 4 frontispices + PARFOIS 20 gravures libres
2) "Histoire de Madame de Luz" 1792 n'a pas été éditée par Cazin.

Benoît a dit…

tiens, pas Cazin... Je vais retrouver ma source, qui est un catalogue de vente (passée) d'une bonne maison ; c'était un lot de Cazin... Merci en tout cas. Concernant Monrose mon exemplaire est donc un peu bidouillé. Car effectivement ma pagination est bonne... Dans ce cas ce serait un propriétaire au 19e qui aurait enlevé les gravures... et fait relier le tout en deux tomes... Merci !

Anonyme a dit…

Sur Cazin, pas la peine de chercher une autre source. Vous avez la réponse la plus fiable qui soit.
Eric

Jean-Paul Fontaine, dit Le Bibliophile Rhemus a dit…

Merci Eric, mais seul Dieu sait tout....
On peut ajouter que même Brissart-Binet (qui n'est pas très fiable par ailleurs) considère cette édition comme une contrefaçon.
Par contre, le format doit bien être un in-18, donc ce qu'on appelle par (mauvaise) habitude le "format Cazin".

Gonzalo a dit…

Au fait, Jean-Paul, à quand la parution de l'ouvrage sur Cazin qu'Hugues nous annonçait il y a quelques mois.

Benoît a dit…

trouvé sur google books un ouvrage (là encore de mémoire, je le retrouverai), qui cite cet ouvrage comme une "contrefaçon" d'une Cazin... Donc je vais retrouver le catalogue de vente qui proposait un lot de Cazin... dont un était un faux ! Merci de vos réponses, Madame de Luz est (en mauvais état) et en vente sur ebay depuis ce soir.

Benoît a dit…

je vous serais reconnaissant, cher bibliophile rhemus, d'aller jeter un oeil sur la baie, vous devriez trouver mon exemplaire avec une simple recherche. Les photos permettront d'être sûrs. Et d'autre part j'imagine que la source que j'ai consultée via Google Books doit être le "Brissart-Binet" que vous évoquez...
Merci encore.
Ps : bonne surprise de la soirée : fouillant mon stock, que je n'ai pas encore eu le temps d'inspecter de fond en comble, je trouve un Guide Michelin 1902 très frais, et surtout le Plutarque Français de Mennechet, complet, dans un carton que j'avais négligé, en état exceptionnel. Bonne nuit... Et aussi le Norvins sur Napoléon, l'EO, en bel état. La pleine lune me porte chance...

Anonyme a dit…

>"Madame de Luz est (en mauvais état) et en vente sur ebay depuis ce soir."

Merveilleux, on s'y précipite.

Montag

Benoît a dit…

c'est pas beau de se moquer ! et oui je sais ce n'est pas le lieu pour promouvoir des ventes ! Je ne recommence plus (mais c'était spontané et nullement calculé, afin de pouvoir obtenir des réponses plus précises à mes questions)

Jean-Paul Fontaine, dit Le Bibliophile Rhemus a dit…

A Gonzalo, et aux autres

La totalité du "tapuscrit" et des illustrations du "Cazin" (408 pages au total),revu, corrigé et augmenté définitivement (pour moi),après de nouvelles découvertes en 2008, sont entre les mains de notre éditeur préféré depuis le 28 décembre 2008.Aux dernières nouvelles: parution en automne...

Mikaël Lugan a dit…

Bonsoir,

Je réagis avec un peu de retard à votre billet. Travaillant à une bibliographie des contributions de Remy de Gourmont aux périodiques, j'avais enregistré son article paru dans le tome I de La Revue des Livres anciens, p.226-227, mais je n'ai pu déterminer jusqu'ici le mois de parution et le numéro, ce qui me permettrait de fixer l'année avec certitude. Votre tome aurait-il conservé les couvertures de chacune des livraisons, apportant les informations recherchées ?

Merci d'avance,

Anonyme a dit…

Je réagis moi aussi avec retard. Le relieur ayant bien travaillé, les couvertures comme les publicités et les dos sont reliées en fin de volume.
Une notice de Remy de Gourmont est bien présente ("un conte de Diderot", pp. 226-227). Si cela vous est utile, demandez mon adresse à Hugues, je vous photographierai les deux pages en question.
Cordialement,
Olivier

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