« Après le plaisir de posséder des livres, il n'en est guère de plus doux que celui d'en parler. » Charles Nodier

"On devient bibliophile sur le champ de bataille, au feu des achats, au contact journalier des bibliophiles, des libraires et des livres."
Henri Beraldi, 1897.

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mardi 14 juin 2011

Bibliophilie et Sciences: La Grange, un oratorien anticartésien

Amis Bibliophiles bonsoir,


Dans mon dernier billet je vous ai dit quelques mots de Galilée et des réactions des scolastiques. Les idées de Descartes ont été également combattues par les divers ordres religieux.

Jean-Baptiste de La Grange (1641-16..?), est un Père Oratorien virulemment anticartésien. En 1675 et 1679, il publie en français deux ouvrages pour défendre la philosophie scolastique enseignée dans les Écoles contre les « nouveaux philosophes » dont les théories peuvent déstabiliser la religion chrétienne: Descartes, en premier lieu, et ses disciples Rohaut et Regius, Gassendi et Maignan. Cet ouvrage didactique réfute ces auteurs sur toutes les questions de philosophie naturelle. On y trouve tous les arguments avancés contre Descartes et Gassendi à la fin du 17è siècle. Plusieurs réimpressions (1681, 1682, 1684) en attestent le succès.



Les principes de la philosophie contre les nouveaux philosophes, Descartes, Rohault, Regius, Gassendi, le P. Maignan ...
Paris, J. Couterot. 1684.
2 volumes in-16 ; (22), 611 pp. - (4), 653, (5) pp

Le premier tome est le Traité des Qualités ; le deuxième tome est le Traité des Elémens et des Météores.

De La Grange croit que Descartes est un penseur dangereux puisque sa doctrine est établie sur des principes non conformes à la théologie catholique. Il commence par le rejet de la pluralité des mondes. Il continue avec d'autres sujets tels que le raisonnement des bêtes, les accidents de l'Eucharistie, la nature du lieu et du vide, l'infinité du monde, et la possibilité du vide. Dans son deuxième volume, il consacre plus de cent pages pour "démontrer" l'immobilité de la terre.

La préface du premier volume débute par : « Quoy qu'on ait d'abord de l'inclination pour la philosophie de Descartes, à cause qu'elle paroist nouvelle et beaucoup plus facile que celle des Péripatéticiens ; neantmoins, pour peu que l'on sache ses principes, il est si facile de voir que cette doctrine a quelque chose de mauvais, qu'il y a sujet de s'étonner de ce qu'il y a tant de gens d'esprit qui en fassent profession. Car il n'est pas nécessaire d'entrer fort dans les détails des propositions qu'enseigne Descartes, pour connaître que c'est avec grande raison que sa Majesté, qui s'applique autant à maintenir la Paix dans l'Église, qu'à soutenir les intérêts de sa Couronne, a défendu depuis peu qu'on enseignât dans son Royaume les sentiments de cet auteur. 

Il suffit de scavoir que ses principes ruinent une bonne partie de la Théologie, en détruisant entièrement la Philosophie ordinaire, que les Théologiens Catholiques ont en quelque façon consacrée, par l'usage qu'ils en ont fait jusqu'à présent, tant pour expliquer plusieurs mystères de la foy, que pour répondre aux sophismes des hérétiques. Il ne faut qu'entendre Descartes expliquer les plus grands mystères de la Foy d'une manière toute nouvelle; et s'assurer que tous les Théologiens Catholiques se sont trompez jusqu'à présent, pour se persuader que si sa doctrine n'est pas erronée, du moins elle est dangereuse, et que les professeurs de philosophie ont tous les torts du monde de l'enseigner aux jeunes gens, à qui il est bon de ne point inspirer l'amour de la nouveauté, non plus que du mépris pour l'ancienne doctrine ».

Ces ouvrages sont rares et leur lecture permet de comprendre la lenteur de l'introduction du cartésianisme en france. Il est à peine admis que Newton arrive et provoque une nouvelle révolution scientifique.

Bernard

3 commentaires:

Benoît a dit…

Merci, Bernard, grâce à vous nous progressons ! Article très intéressant...

Anonyme a dit…

Je suis toujours un peu inquiet lorsqu'apparaît un texte intitulé "Bibliophilie et Sciences" car je sais que Bernard va de nouveau susciter mon envie ; c'est encore vrai dans le cas présent. Toutefois, comme d'habitude, l'article est fort intéressant et la phrase terminale "aux jeunes gens, il est bon de ne point inspirer l'amour de la nouveauté, non plus que le mépris des anciennes doctrines" n'est pas
dépourvue de bon sens.

René de BLC

Pierre a dit…

Il est intéressant de noter que les jésuites ou les oratoriens ne disent pas que la théorie de Descartes est erronée mais qu'elle est mauvaise ! Mais elle est quand même erronée sur quelques points, qui ne sont pas des points de détails. Le principe de "l'animal-machine" n'est pas à mettre au crédit de Descartes et le raisonnement des bêtes est justement défendu par les préceptes de la religion comme vous le mentionnez dans les thèmes abordés. Je serais curieux de connaître le sujet sur les "accidents de l'eucharistie" car à part de glisser en descendant de l'autel si le philosophe vous fait un croche-pied, je ne vois pas en quoi Descartes est responsable de ça ;-))

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