dimanche 31 janvier 2010

Revue de Blogs

Amis Bibliophiles bonsoir,

Voici une sélection d'articles intéressants parus sur les blogs amis du Blog du Bibliophile.

Pour commencer, ce conte pour bibliophiles et libraires que nous propose Jean-Luc sur le Bibliofil: le Conte du Cavalier et du Colporteur, que vous pourrez lire ici, http://blog.100antiquebooks.com/index.php?post/2010/01/15/Le-Conte-du-Cavalier-et-du-Colporteur. C'est pour moi, le message le plus "fort" que l'on puisse actuellement sur la toile, au sujet de l'évolution du métier de libraire.

De son côté, le Bibliomane moderne de Bertrand vous propose de découvrir un objet bien mystérieux, les armes sont simples à reconnaître, mais à quoi ce bel objet était-il destiné? http://le-bibliomane.blogspot.com/2010/01/histoires-sans-parole-lobjet-mysterieux.html

Un article de Léo sur Bibliomab, qui vient compléter celui que j'avais proposé ici sur les éditions partagées: http://bibliomab.wordpress.com/2010/01/20/une-probable-edition-partagee/

Trois articles intéressants proposés par trois amis.

Trois autres choses:

1. Le Salon du Livre Ancien du Grand Palais se tiendra à Paris du 15 au 18 avril. Préparez-vous amis bibliophiles, puisque un repas entre bibliophiles sera organisé afin de nous réunir à nouveau, probablement le vendredi ou (et?) le samedi à l'heure du déjeuner.

2. C'est amusant, si vous entrez Bibliophile ou Bibliophilie sur Google, c'est désormais le Blog du Bibliophile qui est le premier lien proposé... De là à dire qu'il y a un impact sur le trafic généré sur le site, il n'y a qu'un pas. Je partagerai cette information avec vous dans quelques jours. C'est assez incroyable.

3. Je brûle d'envie de partager avec vous une acquisition récente... mais elle est quelque part au milieu de l'Atlantique et n'arrive pas. L'attente est parfois (mais pas toujours) une cruelle ennemie du bibliophile.

H

lundi 25 janvier 2010

Marginalia diverses....

Amis Bibliophiles bonsoir,

Chaque bibliophile se trouve un jour confronté aux marginalia: parfois rédhibitoires, parfois fort intéressantes, parfois elles ajoutent même de la valeur à un livre ancien lorsqu'elles sont le fruit des réflexions de l'auteur (rare, mais cela arrive) ou plus fréquemment d'un lecteur célèbre. Nous avons tous en tête les marginalia de Montaigne dans un Lycosthènes déniché sur le puces de Toulouse.

C'est d'ailleurs un autre toulousain, Olivier, qui vous présente trois exemples intéressants de marginalia.

Le premier ouvrage est une copie manuscrite d'un ouvrage de 1675. Le livre est entièrement manuscrit et contient les visions, prédictions etc. d'une religieuse, mais Olivier ne connaît pas l'ouvrage d'origine. Le "copiste" a également utilisé la page de faux-titre et l'a rempli d'une écriture minuscule et serrée.
Etait-ce à but décoratif? Le texte est curieux, et semble dédier l'exemplaire (mais à qui?). Si je déchiffre correctement le début : "chère ame pour gage de mon amour je vous laisse le souvenir amoureux & fréquent (?) de ma sainte passion ainsi que la dévotion & la confiance au mistere (?) de mon auguste sacrement. [...] Dans ce mistere de mon incomparable amour quoi que fils de Dieu je me suis fait fils de l'homme [...] De pasteur que je vous suis je me veux tous les jours l'agneau sur les autels pour vous engresser de ma substance divine et humaine". Etonnant, non?

Le deuxième ouvrage est plus connu.
Il s'agît de l'édition originale de la Folle Journée de Beaumarchais et dans ce cas, on se trouve face au cas typique du bibliophile encombrant, tellement content d'avoir l'édition originale qu'il la couvre de notes... avant de s'arrêter, fort heureusement juste avant la page de titre.

Le troisième ouvrage est daté de 1875 et il rassemble 49 vignettes à l'eau-forte pour illustrer le théâtre choisi de Molière chez Mame (1875-1879), elles sont de Foulquier et sont montées sur onglets et reliées en un in-folio.
La reliure est simple mais parfaitement exécutée et rien ne fait particulièrement penser à un maître relieur. En fin une note au crayon précise qu'il a été relié par Chambolle-Duru. Il n'y a pas d'étiquette de relieur simplement une petite marque dont je ne sais si elle est un indice.
C'est un exemple assez fréquent que je retrouve dans certains de mes ouvrages... en l'absence de signature ou d'étiquette du relieur, je considère en général que la reliure n'est donc pas signée. En effet, comment savoir si l'inscription manuscrite est celle de l'amateur qui a fait relier le livre, celle d'un libraire qui voulait en accroître la valeur, ou celle d'un autre amateur... Mais peut-on réellement parler de marginalia dans ce cas?

Le quatrième livre est de 1902. Il s'agît de l'édition originale du Temple enseveli, de Maeterlick, relié en demi-maroquin par Lavaux.
Dans ce cas, nous avons affaire à un bibliophile sentencieux, qui a parsemé le volume de notes où il manifeste ses accords ou désaccords avec Maeterlinck.

Il semble être l'auteur d'une nouvelle intitulée Le Meurtre qu'il ne cesse de citer et de comparer au livre qu'il est en train d'annoter. Quelqu'un sait-il de qui il s'agit? Dans ce cas, il faut avouer que les marginalia, si elles sont cocasses, sont un peu ennuyeuses. Mais cela reste mon exemple préféré et vu le personnage, il doit être amusant de les lire.

Olivier & H

samedi 23 janvier 2010

Ebayana

Amis Bibliophiles bonjour,

Le week-end, je vais aller me promener sur les quais de la Saône, à la recherche d'un petit "chopin". Pour ne pas finir le week-end bredouille, il y a ça, de toutes façons!





















Bonne chasse,
H

vendredi 22 janvier 2010

Miscellanées de Monsieur H.: un défi aux bibliographes, une reliure en "peau de femme", etc.

Amis Bibliophiles bonsoir,

Quelques miscellanées, avec notamment un défi que vous lance Charles, qui cherche a identifier son édition des Buchanani poemata.

1. Défi bibliographique: son livre n'a pas de page de titre (impardonnable, sourire) et si la forme et le contenu correspondent exactement aux deux éditions elzéviriennes de 1628 ( 511p et 561p) des oeuvres complètes de Buchanan, la pagination elle ne correspond pas puisque son exemplaire possède 629 pages numérotées et 14 pages non numérotées.
Enfin le plus curieux est une note de l'éditeur (en latin bien évidemment) qui prétend qu'il s'agit de la première édition complète des oeuvres de buchanan et qui cite comme dernière édition avant la sienne une édition d'Edimbourg. Voici le texte latin pour les
"Habes, amice lector, Georgii Buchanani Poemata, qua supersunt, omnia nunc primum in unum collecta. Editio enim Edindbougenensis, qua omnium quae vidi novissima est, Miscellaneorum librum sola habet : et tamen nec Medeam, nec Alcestin habet."
Le contennu du livre énnoncé pages 3 et 4:
Pars Prima:
-psalmorum Davidis paraphrasis poetica.
-Sephtes, sive votum, tragoedia.
-Baptistes, sive calumnia, tragoedia.
Pars Secunda:
-Fransiscanus et fratres.
-Elegiarum liber.
-Sylvarum liber.
-Hendecasyllbum liber.
-Iambum liber.
-Epigrammatum libri III.
-Miscellaneorum liber.
-De Sphoerae mundi lib. V.
Pars Tertia:
-Euripidis Medea. ) utraque latino
-Ejusdem Alcestis. ) carmine reddita.

Charles m'assure que ses recherches ont été longues et infructueuses, et il compte sur vous... Qu'en pensez-vous?

2. Reliure en peau humaine... L'itinéraire d'un ouvrage est parfois étonnante. Je me trouvais le dimanche 11 juin 2006 à l'hôtel des ventes des Chevau-Légers de Versailles où j'ai pu manipuler et enchérir sur une reliure en peau humaine. J'ai baissé les bras à 900 euros, terminant 2ème derrière un libraire parisien qui était dans la salle. J'avais eu le temps de regarder l'ouvrage sous toutes les coutures si j'ose dire, et l'amusante note manuscrite "en peau de femme" avait naturellement laissé une trace dans les innombrables fichiers bibliophiliques qui encombrent ma mémoire. 3 ans après, le livre réapparaît dans la vente Massol du 26 janvier 2010. C'est le même lot, aucun doute, et il est estimé à 2500/3000 euros.

344 -[RELIURE EN PEAU HUMAINE]. Sans lieu, , [fin XIXe s.]. In-12, type cuir de Russie havane, dos à nerfs orné, tranches rouges (reliure de l'époque).Ouvrage comprenant 56 sentences contrecollées, tirées pour la plupart de Sénèque, de l'Imitation de Jésus-Christ des Psaumes, des Actes des Apôtres ou des Évangiles.Une étiquette manuscrite de l'époque indique que la reliure serait en « peau de femme ». Ce maroquin naturel, évoque, en effet, bien la peau humaine. La reliure de livres en peau humaine a parfois été utilisée aux XVIIIe et XIXe siècles. Cette pratique n'était pas vraiment exceptionnelle dans les siècles passés.

3. Benoît, lecteur du blog, travaille sur un ouvrage sur ebay. Il aimerait avoir votre avis sur le point suivant: il observe que pour certains acheteurs, le fait qu'un objet soit à vendre via des enchères est beaucoup plus attirant qu'à prix fixe. A l'inverse, certains ne jurent que par l'achat immédiat.

Des distorsions assez importantes surviennent : ainsi, il est courant que des livres aux enchères se vendent plus cher (à exemplaire égal et vendeur de même réputation, peu ou prou) qu'un autre exemplaire, "posé" juste à côté, quelques centaines d'euros moins cher que le prix final enchéri...

Comment voyez-vous les choses de votre côté?

H

mercredi 20 janvier 2010

L'Almanach des Bergers

Amis Bibliophiles bonsoir,

En écho à l'article sur le Calendrier des Bergers paru dans le deuxième numéro de La Nouvelle Revue des Livres Anciens et à celui que j'avais écrit sur le blog sur Le Messager Boiteux (http://bibliophilie.blogspot.com/2008/01/le-messager-boiteux.html), René vous propose ce soir un article sur l'Almanach des Bergers.

"Dans l'un des plus célèbres romans de Balzac, "Illusions perdues", David Séchard rachète l'imprimerie paternelle à des conditions très défavorables et se retrouve rapidement proche de la ruine. Il recherche en secret un procédé permettant de produire du papier à faible coût. Pendant ce temps, son épouse Eve essaie de lui venir en aide en faisant tant bien que mal tourner l'imprimerie.
"Eve, qui remuait tout dans l'imprimerie, y trouva la collection des figures nécessaires à l'impres-sion d'un almanach dit des Bergers, où les choses sont représentées par des signes, par des images des gravures en rouge, en noir ou en bleu. Le vieux Séchard, qui ne savait ni lire ni écrire, avait jadis gagné beaucoup d'argent à imprimer ce livre destiné à ceux qui ne savent pas lire. Cet almanach, qui se vend un sou, consiste en une feuille pliée soixante-quatre fois, ce qui constitue un in-64 de cent vingt-huit pages. Tout heureuse du succès de ses feuilles volantes, industrie à laquelle s'adonnent surtout les petites imprimeries de province, madame Séchard entreprit l'Almanach des Bergers sur une grande échelle."

Ce curieux almanach populaire imprimé en rouge et noir, qui semble destiné à un public illettré, est d'une telle complexité de signes qu'il faut bien penser, comme Nisard (Histoire des livres populaires), qu'il n'en est rien. "Je ne sache pas qu'il y ait quelque chose au monde de plus bizarre, de plus original. Figurez vous un almanach sans texte, ou du moins sans celui pour lequel un almanach est particulièrement fait, c'est à dire l'indication des jours et des quantièmes du mois. Ces renseignements si essentiels sont donnés en caractères hiéroglyphiques, de telle sorte que, s'il est vraiment comme on est fondé à le croire d'abord que ce livre est destiné aux gens qui ne savent pas lire, il faut nécessairement que, pour parvenir à deviner et à savoir par coeur ces caractères, ils fassent cent fois plus d'efforts d'intelligence et de mémoire qu'ils en feraient seulement à lire l'écriture vulgaire". Nisard s'extasie sur ce livre extraordinaire pendant plusieurs pages, à grand renfort de descriptions, et uniquement « pour les bibliophiles ».
Parmi ces signes hiéroglyphiques, on peut noter : « bon sevrer les enfants, bon prendre des pilules, bon couper les ongles, etc. ».

L'archétype de ce genre d'almanach est évidemment le Compost et kalendrier des bergers (voir NLRA n° 2).
Cependant un des plus célèbres almanachs "modernes" est celui de Mathieu Lansbert dit "de Liège" publié pour la première fois en 1636 par Léonard Streel et continué par les héritiers et descendants, les Bourguignon, sous les noms successifs de Laensbergh puis Mathieu Lansberg qui désigne cette publication depuis trois siècles.

Imprimée en rouge et noir, et richement illustrée, cette édition populaire contient, outre le calendrier des mois, les dates des fêtes et foires mobiles, des éclipses, une liste des prédictions pour l'année en cours et se termine par l'almanach des bergers avec les douze signes célestes gouvernant le corps humain.

Cette petite publication bon marché se retrouvait partout : dans les auberges, les fermes, les châteaux et même chez les Princes. Elle rythmait les saisons et on y trouvait des conseils pour les cultures et les récoltes, les horaires de diligences, des proverbes, etc.

Son succès tenait aussi au fait qu'il relatait des événements remarquables arrivés en Europe et dans le monde. Ces textes qui atteignaient toutes les couches de la population suscitaient la méfiance des gouvernements. Cependant Napoléon avait compris qu'on pouvait l'utiliser comme "outil de communication".
Une anecdote raconte que la Comtesse du Barry avait cru y découvrir, en 1774, l'annonce d'une mauvaise nouvelle pour le mois d'avril. Le 27 avril Louis XV contracta la variole et en mourut le 10 mai.

C'est donc en annexe du Mathieu Lansberg qu'on trouvait le fameux Almanach des bergers destiné aux illettrés. Comme le calendrier des mois, il est illustré de petites gravures assez frustes mais qui ne manquent pas de sel.

Qui était Mathieu Lansberg ? Malgré les recherches et hypothèses diverses - un chanoine, un mathématicien, un astronome, etc - on n'est jamais parvenu à identifier ce personnage qui n'a probablement jamais existé et qui fut sans doute une pure création de l'imprimeur.

Au XVIIII siècle, un chroniqueur français se gaussait de l'almanach en disant que Liège n'était connue de la République des Lettres que grâce à Mathieu Lansberg.
L'almanach était vendu soit simplement broché ou en "reliure d'édition" parfois même avec les tranches dorées, les plus aisés le faisait relier plein veau. Souvent l'éditeur ajoutait des feuillets vierges où on pouvait apporter des annotations personnelles, le papier était peu courant et difficile à se procurer. Au XVIIIe siècle on allait jusqu'à utiliser des cartes à jouer en guise de carte de visite manuscrite ou pour rédiger un reçu.
Interrompue pendant la guerre 14-18, la publication se poursuivit même pendant la Seconde Guerre mondiale mais sous l'étroite surveillance de l'occupant. Après être passé par divers éditeurs successifs - Vve Bourguigon, Collardin, Renard & Frères, Duvivier-Sterpin, Ista, De Neef, le dernier almanach de Mathieu Lansberg paru en 1959 pour l'année 1960 chez l'imprimeur liégeois Vaillant-Carmanne. D'après les exemplaires que je possède, il semble que l'annexe Almanach des Bergers ait disparu vers 1910.
Cependant, aujourd'hui, en l'an de grâce 2010, les éditions Casterman publient toujours un Grand Double Almanach Belge dit de Liège qui en est à 186e année. Il est vendu au prix de 3.95 euros.

Merci René!
H