samedi 29 mai 2010

Un peu plus loin autour de la vente de l'atelier Simier - "Les relieurs des rois de France"

Amis Bibliophiles bonsoir,

Tenir un blog a parfois quelques menus avantages, puisque l'étude Lafon-Castandet a eu la gentillesse de m'adresser un catalogue de la vente qui sera consacrée à l'Atelier Simier. Cette superbe vente se tiendra le 2 juin prochain à Drouot. Tâchons d'y revenir aujourd'hui et d'aller un peu plus loin que ce qui a été dit ici ou là.
Le catalogue de la vente Simier est vraiment superbe et ne se contente pas de présenter les lots qui seront mis en vente, mais propose également en préambule plusieurs articles et témoignages sur Simier et son atelier (Simier, un provincial à Paris, par M. Didier Travier - La Bibliothèque de la duchesse de Berry au chateau de Rosny, par M. Patrick Guibal - Blasonner pour mieux régner, par M. Mathieu Desachy - Les relieurs Simier et Louis Médard, par M. Jean-Bertold Orsini - Souvenirs de l'atelier Barbance par le comte Christian de Pange).
Cet historique permet au passage de corriger les petites erreurs qui se sont glissées dans la présentation de la vente sur le site de l'étude et que peu de gens ont hélas relevées: s'il était relieur de l’Impératrice, puis du Roi, Simier n'a jamais été le relieur de l'Empereur... et il est assez douteux que Victor Hugo soit le dessinateur de la plaque de Notre Dame de Paris qui est proposée... entre autres. Merci à l'expert de la vente, M. Roch de Coligny, que les habitués de Drouot connaissent bien, pour ces précisions.

M. De Coligny propose d'ailleurs un site spécifique consacré à cette vente (www.atelier-simier.com), qui a le mérite de proposer une intéressante chronologie de l'Atelier Simer dont je reprends ici les dates clefs (pour plus de détails, n'hésitez pas à vous rendre sur le site où vous pourrez également télécharger le catalogue).
L’atelier Simier en quelques dates :

1772 : Naissance de René Simier, fils de meunier, à Téloché, dans la Sarthe.
1796 : Installation de son atelier, à Paris, rue Neuve des Bons-Enfants, après un passage dans l’imprimerie mancelle de Maudet, ainsi qu’une formation de relieur chez Bozerian.
1801 : Participation à la prestigieuse Exposition des Industries Nationales, au Louvre.
1810 : Remarqué pour son habileté technique et la qualité d’exécution de ses travaux, Simier est nommé relieur de l’Impératrice Marie-Louise. Il change d’adresse pour le 152, rue Saint-Honoré, adresse qui deviendra célèbre.
1815 : Le roi Louis XVIII le prend sous sa protection, la signature devient alors « SIMIER, R. DU ROI ».
1816 : Marie-Caroline de Bourbon-Siciles devient duchesse de Berry en épousant le second neveu du roi de France. Bibliophile, elle engage un mécénat prolifique avec Simier, qui exécutera pour elle les reliures les plus luxueuses.
1819 : Le relieur décroche une Mention Honorable à l’Exposition de l’Industrie, la première sous les Bourbons. Les observateurs ne tariront plus d’éloges.
1823 : René Simier livre ses derniers grands ouvrages pour l’Exposition de l’Industrie, où il reçoit une prestigieuse médaille d’argent. Il annonce ensuite qu’il laisse la direction de l’atelier à son fils Alphonse, digne héritier.
1827 : Nouvelle médaille d’argent pour l’atelier, cette fois-ci dirigé par Alphonse, le fils. L’année suivante, la maison accueille une extraordinaire presse à balancier, cadeau du roi Charles X. Les années suivantes sont extrêmement fastes : toutes les Cours d’Europe passent commande auprès du roi des relieurs.
1843 : Mort de René Simier.
1848 : Mort d’Alphonse Simier, le relieur Charles Petit, compagnon de longue date de Simier père, reprend l’affaire. Vingt-cinq ans après, vient Thierry, qui dirigea seul l’atelier jusqu’en 1908, année où Louis Yseux, s’associa avec lui ; il reprit l’affaire en 1915.
1951 : Jean-François Barbance se pose en digne successeur de cent-cinquante ans de savoir-faire. Il déménage l’atelier de Paris à Avallon, en 1970, où il s’éteint, en 1994. Ses deux fils, François & Jean-Louis, relieurs, héritent du fonds.



Et Simier en quelques mots:

René Simier père, relieur du roi dès 1818 est décédé (d'après Fléty) en 1837. Adolphe (Fléty), ou plutôt Alphonse (Paul Culot) son fils lui succède en 1824 également relieur du Roi, il cède son atelier en 1847 ou 1849. Son successeur est Charles Petit.

Jean Simier le neveu ou cousin de René s'établit en 1844 il n'a pas exercé avec les deux premiers, et il poursuit son activité jusqu'en 1864 son atelier fut repris par Petit fils. D'après Devauchelle il avait été condamné à faire figurer ses nom et prénom sur ses reliures.

Il existe un autre Simier : Germain Simier sans parenté avec les autres qui exerce jusqu'en 1855. 


...Mais revenons au catalogue. On dépasse d'ailleurs là le simple exercice habituel de présentation des lots et l'ouvrage est tout simplement luxueux. Tout au long des 263 pages, ce sont plusieurs centaines de fers qui nous présentés (349 lots exactement), regroupés en plusieurs parties, mais aussi les presses de l'atelier, dont la fameuse presse offerte par le Roi Charles X en 1828.

Les fers sont rassemblés selon les familles suivantes:

Monogrammes et Couronnes
Les Rois et leur Famille
La duchesse de Berry
Les plaques romantiques
Les presses de l'Atelier
L'empereur Napoléon
La Noblesse
Souverains, familles régnantes, Etats étrangers
La famille d'Orléans
Le Second Empire
Attributs et fers décoratifs
Il faut reconnaître que l'accumulation de fer est très impressionnante et laisse une impression de foisonnement. Pour le bibliophile néanmoins, même si l'on est là face à un sujet connexe, il est intéressant de retrouver des armes souvent croisées et au fil du catalogue de retrouver des fers plus "classiques" qui ne sont pas "aux armes" et qui parlent peut-être un peu plus aux bibliophiles. Ainsi les grands fers destinés aux reliures à la cathédrale, ou des fers plus simples mais tout aussi attachants, destinés à orner les reliures.


Ce sont potentiellement vers ces lots que mes choix de bibliophile peu versé en héraldique pourraient se porter.

Enfin, la question s'est posée parfois de savoir si cette vente était une bonne chose et si nous n'assistions pas à la dispersion d'un patrimoine culturel qu'il aurait mieux valu conserver dans le giron de l'Etat. Je ne reviendrai pas sur ce débat vain et l'opposition déjà évoquée ici entre un bouclier fiscal à l'efficacité contestée et un bouclier culturel qui pourrait dans ce cas faire ses preuves... je tire simplement mon chapeau à l'expert et à l'étude pour avoir donné à cette vente le relief qu'elle mérite, notamment via ce catalogue, qui comme je l'ai dit plus haut, est bien plus qu'un catalogue à mes yeux. 
Si cette vente doit être faite, et elle le sera, autant qu'elle le soit bien, ce qui me semble être le cas ici. Certains me répondront que le montant alloué par l'Etat est sans doute mieux utilisé ailleurs... sans doute, mais j'aimerais en avoir la certitude.
Charles Nodier, que l’on ne présente plus, était le contemporain de Simier et son ami. Il le gratifiait du titre de « restaurateur de la reliure en France ».

Pour le reste, retrouvons-nous dans la salle!

H

Si vous souhaitez aller plus loin, au delà du catalogue, vous pouvez également consulter les ouvrages de la bibliographie suivante:
- Didier Travier « Les Simier, relieurs du roi et propriétaires sarthois », Revue historique et archéologique du Maine, 2003, p. 121-163.
- Paul Culot et Denise Rouger, Louis Médard et les relieurs de son temps. Gustave Durville, Gout fils et François-Noël Jaujon de Montpellier et leurs confrères de Paris, Lunel, Bibliothèque municipale de Lunel, 2003.
- Elizabeth Mismes « L’atelier Simier : un patrimoine unique », Arts & Métiers du Livre, 2007, n° 260, p. 48-55.
- Jean-Bertold Orsini, « Louis Médard. Une vie au travers d’une collection », Arts & Métiers du Livre, 2010, n° 277, p. 60-73.

jeudi 27 mai 2010

Ebayana: un codex bizarre, un Kircher, un livre d'heures, des encyclopédies...

Amis Bibliophiles bonjour,

Voici une petite sélection d'ouvrages repérés sur ebay:






























Bonne chance,

H

mercredi 26 mai 2010

La hiérarchisation des exemplaires selon M. Christian Galantaris

Amis Bibliophiles bonjour,

"Cet exemplaire disponible chez un ami libraire n'est il pas plus désirable que le mien? Et si j'améliorais?". "Que vaut-il mieux, un vélin d'époque ou un veau d'époque?", "Janséniste ou décoré, quel maroquin est le plus recherché?", etc. Autant de questions que tout bibliophile se pose un jour, même s'il sait bien au fond de lui que la valeur d'un exemplaire à ses yeux ne dépend pas seulement de sa condition... mais aussi par exemple, de la personne qui vous l'ai offert, de l'endroit où vous l'avez acquis, dans quelles conditions, à quel moment de votre vie, de son coût, réel ou symbolique, etc.

Pour aider les bibliophiles à y voir plus clair sur la qualité (et non la valeur que chacun accorde, par opposition à la valeur économique), M. Christian Galantaris présente dans son inestimable Manuel de Bibliophilie (Editions des Cendres) une classification des exemplaires, "du moins attractif (1) au plus excitant (8)".

"1. Reliure moderne, marges courtes, papier bruni ou obscurci par des rousseurs ou - au contraire - outrancièrement lavé ou trop blanc.
2. Reliure moderne, marges moyennes (rarement grandes, car la reliure moderne présuppose une ou deux reliures antérieures, chaque reliure imposant un nouveau rognage des marges).

3. Reliure ancienne de basane (dos lisse ou à nerfs, sans décor ou discrètement orné).
4. Reliure ancienne de vélin ivoire souple ou à plats rigides (montés sur carton). Cette condition, plaisante mais modeste sans aucun décor, prend un attrait et une plus value particulière s'il s'y ajoute une ornementation dorée sur les plats.
5. Reliure en veau ancien (brun, marbré, raciné, blond, etc.) à tranches nues, marbrées, quelquefois dorées avec dentelles intérieure (autant de signes d'une reliure soignée et de qualité). S'il y a une petite dentelle ou des armes sur les plats, la valeur augmente notablement.
6. Reliure ancienne en maroquin (janséniste ou avec trois filets dorés en encadrement sur les plats, dos orné, tranches dorées et dentelle intérieure, etc.).
7. Reliure ancienne en maroquin (à dentelle, aux armes, avec super ex-libris attestant une origine célèbre).
8. Reliure ancienne mosaïquée, qui se rencontre sur les almanachs ou les livres de piété, mais qui est pratiquement introuvable sur un texte d'une autre nature, à tel point que, si l'intérêt du texte est à la hauteur d'une telle reliure, il y a tout aussitôt lieu de suspecter quelque opération de remboîtage".
Bien sûr, tous les cas ne sont pas envisagés (ainsi les reliures rétrospectives du 19ème signées de grands relieurs, ou les vulgaires basanes d'époque signées par un auteur ou amateur célèbre, etc.), mais il n'est pas non plus interdit aux bibliophiles de faire preuve d'un peu de jugeotte.

On notera au passage, que les incomplets ne figurent pas dans ce classement, mais il est vrai que l'on parle ici de bibliophilie -sourire- et qu'il n'était pas nécessaire de mettre des notes négatives.

Merci M. Galantaris, la lecture de votre Manuel devrait être obligatoire dans toutes les bonnes écoles primaires.

H