mercredi 30 juin 2010

Les différents styles de reliure: La reliure de conservation bibliophile “second empire”

Amis Bibliophiles bonjour,

Je suis (encore) en voyage... et c'est Lauverjat qui prend ce soir la relève pour vous présenter la reliure de conservation "second empire".

Ce type de reliure succède aux reliures romantiques puis aux reliures plagiant les décors anciens ou mieux d’interprétation historiciste.
reliures romantiques en maroquin
Le style est sobre et élégant, particulièrement sur des petits ouvrages anciens au format petit in-8 qu’il recouvre le plus souvent.

La reliure de maroquin à petit grain de couleur éclatante, rouge, citron, verte, violette, bleue ... présente un dos rond à cinq nerfs pincés, des plats fins harmonieusement cambrés. Les deux entre-nerfs supérieurs sont polis pour recevoir dans un encadrement de filets dorés, en haut le titre, en bas la date de l’édition ancienne. Quatre autres caissons, rigoureusement identiques, dorés d’arabesques fines décorent le reste du dos ainsi que deux roulettes en pied et en tête.
Les plats sont encadrés de trois filets dorés. Les coupes s’ornent de deux filets dorés, les coiffes sont guillochées.

Au contre-plat, les chasses présentent de larges roulettes dorées, où se dissimule en queue la signature dorée du relieur. Les tranches sont le plus souvent dorées voire dorées sur marbrure (cas des trois reliures pleines présentées), la tranchefile est faite en chapiteaux, de deux ou trois couleurs différentes. Les gardes se couvrent de papier peigne

Une version un peu moins luxueuse en demi-reliure à coins, filet doré sur les plats, se rencontre aussi.
reliures romantiques en maroquin
Tous les grands noms de la reliure de cette époque ont pratiqué ce style: Trautz, Lortic, Capé, Thibaron, David, Cuzin, etc.
Allô, Quinet, Hardy-Mennil et Chambolle-Duru
Les quatre reliures présentées ici sont signées Allô, Quinet, Hardy-Mennil et Chambolle-Duru. À vous de rendre à César ce qui lui appartient...

Que dire des bibliophiles qui firent ainsi relier des éditions anciennes? Peut-être auraient-ils pu parfois restaurer une reliure d’époque?. En tous cas ils ont sûrement préservé élégamment nombre de livres.

Lauverjat.

Merci,
H

mardi 29 juin 2010

Le 3ème numéro de la Nouvelle Revue des Livres Anciens

Amis Bibliophiles bonsoir,

Le troisième numéro de La Nouvelle Revue des Livres Anciens est enfin arrivé.

Avec le « Fou de livres » de Sébastian Brant, la couverture montre la volonté des éditeurs de constituer une collection d’images « fortes » relatives au livre ancien.

L’éditorial, pardon, la « Lettrine », pose la question de savoir pourquoi les grandes institutions de langue française, dont les Bibliothèques municipales classées, ne sont pas toutes abonnées à la Revue ?

Suit un article de votre serviteur sur l’un des maîtres de la reliure au XIXe siècle, Pierre-Marcellin Lortic, « l’ennemi » de Trautz.

Didier Barrière, avec toute sa rigueur, présente les résultats de sa longue enquête bibliographique sur une collection fondée en 1863 par un imprimeur rémois de naissance.

Jean-Paul Fontaine, obsédé par les définitions et toujours très respectueux des bibliophiles et bibliographes qui ont construit pendant des siècles la bibliophilie française d’aujourd’hui, nous rappelle leurs réflexions fondatrices de Lucien de Samosate à Octave Uzanne.

Marie-Dominique Leclerc et Solange Fouilleul se sont penchées sur quelques éditions illustrant le thème inépuisable de « l’Amour et la Mort », particulièrement dans Les Emblèmes d’Alciat.

Christian Galantaris nous relate quelques aspects de la vie d’un grand bibliophile qu’il a bien connu, propriétaire de château de Beaumesnil, dans l’Eure, aujourd’hui musée de la reliure, lui, trop peu connu et présenté dans le dernier article.

Anne Lamort, vice-présidente du S.L.A.M., revient un instant, une fois n’est pas coutume, sur le Salon international du mois d’avril dernier et nous fait par de quelques unes de ses réflexions.

Jean-François Cornu, s’épanche avec talent et humour sur un ouvrage bien connu mais de lecture difficile, Le Chef d’Œuvre d’un inconu [sic] du Docteur Matanasius, où apparaît une dame « Béseraige » (!?) ...

La rédaction présente enfin trois ouvrages choisis parmi les publications récentes pouvant intéresser les bibliophiles : Le Diable dans un bénitier de Robert Darnton, qu’on ne présente plus, les riches Mélanges offerts à Christian Galantaris et Les Bibliothèques, entre imaginaires et réalités réunissant les communications de deux colloques organisés par l’Université d’Artois et dont la couverture vous rappellera quelque chose ...

Les illustrations montrent une tendance à privilégier le noir et blanc et la page pleine : quel est votre avis sur ce choix ?

Pardonnez enfin les quelques erreurs typographiques qui traînent encore, ça et là ... mais qui sont de moins en moins repérables (sauf par les professionnels !).

Rendez-vous au prochain numéro, le quatrième, déjà ! pour la Noël 2010.

Hugues

samedi 26 juin 2010

Ebayana: de Hooghe, Polak, maroquins, Zélis reprend un bain, Machiavel et la bonne sélection proposée par Z1k

Amis Bibliophiles bonjour,

Quand je ne poste pas mon ebayana le jeudi, je reçois des emails qui le réclament. Voici donc la sélection du week-end, quelques bons ouvrages, certains avec de menus défauts, et surtout, en toute fin de message, pour récompenser les lecteurs qui vont jusqu'au bout, la belle sélection proposée par le libraire z1k, 31 ouvrages intéressants.

































Et pour terminer, je ne peux que vous conseiller de jeter un oeil attentif à la belle sélections offerte par le vendeur Z1k: belles reliures, bons textes, quelques mansucrits.


Bonnes enchères,

H

vendredi 25 juin 2010

Tribune libre et iconoclaste par un expert: la présentation de la vente de Livres chez Millon & Associés, le 30 juin

Amis Bibliophiles bonsoir,

J'avais prévu d'écrire un message pour vous présenter la vente Millon & Associés, "Livres Anciens & Modernes, Autographes", avant de me raviser. 
Puisque notre ami l'excellent (et iconoclaste?) Ugo officie en tant qu'expert pour la vente, j'ai préféré lui céder la place et lui demande un petit texte. L'idée de base était une présentation simple de la vente... mais Ugo ne fait pas comme tout le monde... Le mieux est de m'effacer et de lui laisser la parole....

"Ce bouquin je ne le mettrai pas au catalogue; arrivé trop tard. L'heure c'est l'heure; même les enfants le savent. A 8h30, l'école ferme ses portes; à 8h31, tu restes sur le trottoir, et donc représailles: ni ordi, ni télé jusqu’à demain. Je sais, je suis un tyran. 

Pourtant il est plutôt maigre le catalogue, 200 numéros à tout casser. Alors un livre de plus, un livre digne de ce nom, je suis preneur. Mais là, j'ai plus le temps, je dois rendre ma copie. Tant pis, ce sera pour une prochaine vente, même qu'il fera une très bonne couverture de catalogue, ce livre de dernière minute. 

Heureusement je ne suis pas tant démuni. D'abord, il y a ces grandes roses de Redouté. 

Mais qu'en dire ? Une double page bien torchée et passez muscade ! 

Surtout, il y a ces incunables qui me font bien plaisir, merci pour moi. Des beaux, des grands, des balaises, des qui en jettent, qu'on expose sous vitrine fermée et si j'ai des doutes sur tes qualités bibliophiliques, si je t'imagine du genre à ouvrir un ouvrage à plat avec grand angle à 90°, si je te soupçonne de mouiller tes doigts pour tourner les pages, si je te subodore touriste en veine de curiosité, alors j'ai pas la clef. Non, vraiment désolé... La faute au commissionnaire, Savoyard cuit au génépi qui rigole dans son coin. Reviens le matin de la vente entre 11h et midi. 

Parce que vois-tu, coté incunables, y'a du lourd, du matos en veux-tu en voilà; à la régalade.  Du faaastoche qui plus est, des grosses machines traçables, connues, déjà sanctifiées par des ex-libris qui les introduisent genre «by appointement».  Une seule chose à faire, trouver quelque chose de nouveau à raconter, une histoire qui ne sera pas une resucée, qui ne sera pas un copié-collé wikipedia; genre l'auteur, sa vie, son oeuvre; même pas ses moeurs au cas ou on serait tenté de rigoler. 
D'ailleurs  ils n'ont pas besoin de moi pour leur faire l'article; ils vont se vendre tout seuls les petits chéris.
Mais bon, je ne peux pas me contenter d'une fiche technique. Et il y a tant de choses à dire; s'intéresser à l'imprimeur; plancher sur ses presses, ses fontes, sa gens, se concentrer sur qui à produit quoi; avant et après qui.  Tartiner sur la genèse de l'ouvrage, la version du texte; vraiment de quoi gratter. Surtout oublier l’auteur, sauf si l'auteur est un autre et qu'Augustin n'est pas vraiment le saint annoncé mais un de ceusses qui ont écrit par-dessus lui. 
Alors quel plaisir de dire  Pseudo-Augustinus plutôt que Saint-Augustin; ça fait savant, c'est élégant. Voila un livre que j'aime dans le miroir que je lui dresse. Bien sur qu'il est le plus beau du monde, noblesse oblige, puisque c'est moi qui suis chargé de le décrire. 

Mais lui, ce petit dernier, arrivé trop tardivement pour me laisser le temps de le décapsuler; il est anonyme; brut de pomme, sans couronne ni décorum, malgré ses 55 bois gravés. Juste une date 1482.

Merci l'imprimeur... pas un nom, pas un lieu; silence radio; y'a quelqu'un ?

D'accord une gothique ronde et un filigrane à  fleurs de lys; c'est Franco-français ça madame. Sauf que Hain (8261) me renvoie à un Albert Kunne de Memimngen. Ah tiens, le Kunne en question, il a aussi imprimé un Rolewinck, Et vu qu'il y a  des diables mahousses dans ce bouquin comme ceux qu'on trouve dans le Fasciculus temporum, ça pourrait coller. Mais il n'en est pas sur, le Hain. Même qu'il dit «forte» avant de dire Memmingen. D'accord, il a le droit de ne pas être sur de lui le bénédictin de l'incunable. Sauf que ne pas être sur de soi quand moi je nage dans le potage, c'est agaçant; isn'it ?

Et depuis quand les teutons utilisent cette  gothique charnue, ronde de la fesse et du téton? Et qu'est-ce qu'un foutu germain du fin fond de la Bavière irait acheter du papier français pour ses presses ?  En plus il y a un grand dessin au lavis collé sur le 2° contre-plat. Un crucifié de toute beauté, peu ou prou contemporain de l'ouvrage. Mais pour  dessiner comme ça, faut avoir fait un tour en Toscane, s'être imprégné des fresques de Giotto. France, Allemagne, Italie; je vais pas me farcir toute l'Europe ?!?

Déjà que je me suis gouré le jour de notre rencontre; Postilla super epistolis et evangeliis  avez-vous dit... Docteur Livingstone je présume ? Mais non, c'est Christophe Colomb, couillon !

Nicolas de Lyre, 2 parties sur 4, beuh que neni... Alors Simon de Cremone ? Niama ! Alors qui ? Ah, ben oui, Guillaume d'Auvergne Mais le Guillermus en question faut aller le pécher à la 14° ligne de la 2° colonne du verso du feuillet A3 ou quelque chose dans le genre. Enfin tout s'éclaire; Hain c'est gouré et Copinger ne l'a pas rectifié. Dieu merci les cocos de l'ISTC (ig00677000) ont réparé l'erreur. Désormais tout s'accorde Gesamtkatalog 11984, Goff G677 ; Pellechet Ms 5661, &c.  


Jusqu'au Fond des incunables de la bibliothèque de Cologne qui l'a numérisé : http://inkunabeln.ub.uni-koeln.de/vdib-cgi/kleioc/0010/exec/pagemed/%22gbiv1731%5fdruck1%3d0001%2ejpg%22


Imprimé à Lyon par Nikolaus Philippi et Markus Reinhard...  Mais c'est qu'il est complet le kiki !!!, jusqu'à ses deux derniers feuillets blancs et 55 bois gravés. Miracle : je me sens capable de chanter le Salve regina sur fond de vuvuzela.


Sauf que les savants bibliographes, ils  disent tout sauf ce qui m'intéresse. Ces illustrations c'est de qui ? Qui tient la gouge entaillant le bois ?

Le maître à l'abeille ou celui à la feuille de vigne, le maestro au pot de confiture ? Là, il va falloir chercher loin. A moins de tomber sur le travail d'un universitaire qui a potassé le sujet. Heureusement, il me reste encore des cartouches, comme ce très cher Claudin dont j'espérais faire l'économie parce que chacun des 4 tomes pèse un âne mort. Mais bon, faut bien s'y coller. Claudin en décrit un autre, deux ans après, chez les mêmes imprimeurs. Sauf que dans celui qu'il reproduit, les bois présentent quelques différences. Ceux de Claudin sont retravaillés; enfin non copiés puisque désormais ils s'alignent par rapport aux colonnes. Dans celui que j'ai entre les mains, ils débordent, bousculent la typo et empiètent sur l'espace qui sépare les colonnes. Ils ont donc été conçus avant que les imprimeurs n'aient l'idée de produire l'ouvrage. Ils ont donc été déjà utilisés mais par qui et pour quel ouvrage ? 
Allez, il reste encore beaucoup de travail. Mais je n'ai plus le temps. Je dois boucler le catalogue, l'envoyer à l'imprimeur; espérer que les fiches sont les bonnes et vogue la galère. C'est trop tard pour toi mon petit Guillaume D'auvergne, évêque de Paris. Tu attendras une vente d'automne. Mais promis, tu en seras une des stats. Et en attendant, tu partiras en vacances avec moi.
Ugo."


Iconoclaste? Merci Ugo! N'oubliez pas la vente, le mercredi 30 Juin 2010, Drouot. Je pense que Ugo reviendra nous voir à l'automne... En attendant, vous pouvez consulter le catalogue complet ici:http://www.millon-associes.com/vo30062010/millon_30062010.pdf


Hugues
PS: nouvel ebayana demain samedi

mardi 22 juin 2010

Un exemplaire parfait: Hypnerotomachia Poliphili, Aldus Manutius, provenance Jean Grolier

Amis Bibliophiles bonjour,

J'avais déjà eu l'occasion d'évoquer sur ce blog la notion d'exemplaire parfait. Les exemplaires parfaits répondent à un certain nombre de critères tous plus exigeants les uns que les autres. Le texte de l'ouvrage bien sûr, l'édition, l'état, la reliure et la provenance, pour ne citer que ceux-ci (on peut parfois ajouter un envoi, un "truffage", etc.).
Je suis tombé en arrêt devant un exemplaire parfait à mes yeux en parcourant le catalogue de la vente "The Arcana Collection: Exceptional Illuminated Manuscripts and Incunabula, Part I", qui se tiendra chez Christie's, à Londres, le 7 juillet.

Cet exemplaire parfait, le voici. Il s'agît d'un incunable de l'Hypnerotomachia Poliphili, ouvrage que j'affectionne particulièrement (et dont je ne possède hélas qu'une édition postérieure), c'est même la première édition, datée de 1499 et qui sort des presses de Alde Manuce pour Leonardus Crassus. L'intérieur de l'ouvrage est parfait (234 pages, 39 lignes), la planche du Priape n'a pas été grattée ou modifiée, comme c'est trop souvent le cas, et il présente également 39 vignettes en initiales formant Franciscus Columna en acrostiche.
Hypnerotomachia Poliphili
On pourrait déjà s'en contenter me direz-vous, et vous auriez raison. Mais cet ouvrage se distingue encore par deux éléments, sa reliure et sa provenance, qui sont intimement liées. La reliure... elle est hélas postérieure (1552-55) mais il lui sera beaucoup pardonnée puisqu'elle est très typique des reliures du 16ème, avec ses entrelacs, mais aussi est surtout parce qu'elle l'une des reliures que l'illustrissime bibliophile Jean Grolier fit exécuter pour sa bibliothèque. Dans ce cas précis, elle est l'oeuvre de Gommar Estienne et porte sa devise sur le premier plat "IO GROLIERII ET AMICORUM", ainsi que "POLIPHILO" au centre du premier plat.
Poliphile reliure Grolier

Cet exemplaire appartint également à Alexandre Albert François, prince de Bournonville (vente du 13 décembre 1706), à Mr Fauvres, dont il porte (hélas) l'ex-libris manuscrit, au fameux duc de Spencer et à la bibliothèque de John Ryland.
songe de poliphile
Tout est là, l'édition, l'imprimeur (dont Grolier fût l'agent à Paris), la provenance, la reliure, l'état. Il ne reste plus qu'au futur acquéreur la délicate mission de réunir les quatre Songe de Poliphile de Grolier, puisque celui-ci en possèdait cinq. C'est trop beau, on a une petite envie de pleurer (si,si), mais surtout parce qu'on ne dispose des 300 à 500 000 euros nécessaires pour que l'ouvrage atterisse enfin dans notre bibliothèque. Mais Sainte Wiborade, que c'est beau!

H