Diplômé de droit mais aussi très doué pour les sciences et les mathématiques, (il publie un recueil sur la théorie des nombres en 1820, soit à l'âge de 17 ans). Il effectue son premier voyage à Paris en 1824, où ce jeune prodige est fort bien accueilli par la communauté scientifique.
C'est d'ailleurs Paris qu'il choisira quand il devra quitter précipitamment l'Italie. Il s'installe en 1830, obtient ses « lettres de déclaration de naturalité » en 1833 et devient la même année, professeur à la faculté des sciences et au Collège de France. Il a 30 ans.
Il mène alors pendant une quinzaine d'années une carrière de sommité scientifique, accumulant les honneurs divers (Légion d'honneur en 1837), les publications, qu'elles soient scientifiques ou consacrées à son autre passion, la bibliophilie.
En 1841, il est nommé inspecteur général des bibliothèques, ce qui va revenir, on le verra, à demander à un renard d'inspecter une basse-cour.... En effet, à ce titre, Libri est chargé de rédiger un catalogue général des manuscrits conservés dans les bibliothèques publiques. Aussi, très rapidement il profite de l'état peu avancé des inventaires pour voler des livres et des documents précieux dans les plus grandes bibliothèques du pays : il détourne, il maquille (notamment avec l'aide de Duru), dé-relie, re-relie, ajoute des provenances... bref il endosse la panoplie du parfait faussaire.
Mais le bibliophile est parfois prétentieux, et le besoin de reconnaissance de Libri le poussera à publier un catalogue de cette bibliothèque frauduleusement constituée en 1845, avant d'essayer d'en mettre en vente une partie, en 1846 et 1847.
Malgré une dénonciation par lettre anonyme, dès 1846, il parvient à vendre près de 2000 manuscrits à un bibliophile anglais, le comte d'Ashburnham (pour la somme de 200 000 francs de l'époque, ce qui est considérable), puis un autre lot lors d'une vacation parisienne (pour 116 000 francs).
Ces ventes et les dénonciations (une autre survient en 1847) provoquent une enquête mais Libri a déjà fuit à Londres avec une partie de "ses" ouvrages, d'où il clame son innocence. Rien n'y fait, et il est condamné par contumace à 10 ans de réclusion en 1850.
Le plus étonnant peut-être, est que Libri continuera à écouler sa collection à Londres, et qu'il obtiendra de nombreux soutiens en France, dont Mérimée, qui décidera de prendre sa défense, et contestera la décision judiciaire de façon si véhémente qu'il est finalement lui-même poursuivi pour outrage public et condamné à son tour à quinze jours de prison.
Ces soutiens lui resteront fidèles, et lorsque Mme Libri dépose une pétition en faveur de son mari au Sénat, en 1861, Mérimée reprend la défense de l'escroc. Le procès ne sera pas révisé.
Quelques uns des ouvrages achetés par Ashburnham revinrent en France après diverses péripéties, mais cet épisode restera malgré tout douloureux pour nos institutions et nos bibliothèques.
Qu'en retenir? Libri le mal nommé reçût sa charge d'inpecteur général des bibliothèques grâce à un appui politique... dont on peut douter qu'il fût bibliophile sinon il aurait peut-être mieux vu le danger... D'ailleurs, Libri ne fût pas le seul à succomber ainsi... et je crois qu'une affaire ce type a secoué la Bibliothèque Nationale assez récemment.
C'était notre escroc du dimanche...
Images : Libri et Mérimée.
Bonsoir,
RépondreSupprimertrès bon article, très intéressant,
par ailleurs, m'intéressant de près aux relieurs du XIXè siècle, si vous avez plus infos sur les relations troubles qui ont unis Duru et Libri, je suis preneur.
Amicalement,
A. de Melk
Effectivement, une affaire a touché la Bibliothèque Nationale, avec la vente de manuscrits médiévaux "à la pièce", par folio. Il y a eu d'autres problèmes, notamment aux Archives Nationales ou autres. C'est à creuser, mais c'est un de mes professeurs qui m'en avait parlé.
RépondreSupprimerEn complément, à propos de Libri et de la riche bibliothèque de la ville de Carpentras.
RépondreSupprimerLa ville de Carpentras peut s'enorgueillir de posséder une bibliothèque municipale (Bibliothèque Inguimbertine) dont les origines historiques et la richesse patrimoniale (en particulier sa collection Peiresc) lui assurent une renommée internationale.
"De puissantes relations, sans doute mal informées, avaient permis au comte Guglielmo Libri-Carucci de la Sommia (1809-1869), florentin récemment naturalisé, d'être nommé en 1841 secrétaire de la Commission du Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France. Abusant de ses fonctions, il parcourt le pays se constituant à peu de frais, une belle collection de livres rares et d'autographes. Grâce à la confiance aveugle du chanoine Olivier-Vitalis, il s'empare ici de nombreux documents-telles les Œuvres de Théocrite et d'Hésiode (Venise, Alde, 1495), et surtout mutile des manuscrits : le fonds Peiresc porte encore la marque de ses larcins : cinq volumes et au moins deux mille feuillets ont ainsi disparus. Les dénonciations venues du Comtat dès 1842 ne sont pas écoutées et il faut le rapport Boucly publié dans Le Moniteur du 19 mars 1848 pour que le scandale éclate enfin. A la veille d'être inculpé, Libri s'enfuit en Angleterre ; on retrouvera dans son logement à la Sorbonne quelques liasses restituées ensuite à l'Inguimbertine. Dès 1847, Libri avait vendu une partie de sa collection à Lord Ashburnham, sans en justifier la provenance : il faudra toute la ténacité de Léopold Delisle (1826-1910), administrateur de la Bibliothèque nationale, pour obtenir en 1888 des héritiers de Lord Ashburnham la restitution onéreuse d'une partie des documents volés. Et depuis, au hasard des ventes publiques, on s'efforce de reconstituer la collection."
Extrait de http://www.ville-carpentras.fr/culture/bibliotheque_page.htm
Merci beaucoup pour ces précisions!
RépondreSupprimerH