Bonjour Hugues,
Pourriez-vous nous parler de votre librairie?
Par où commencer ? Je suis un bibliophile-libraire, ou un libraire-bibliophile au choix. La librairie L'amour qui bouquine est spécialisée dans les beaux livres anciens et modernes, avec une prédominance pour les livres du XVIè au XIXè siècle. Elle est située au coeur de la Bourgogne et plus exactement la région d'Auxois, à Alise-Sainte-Reine, site historique (reconnu... et parfois contesté) de la bataille d'Alésia (52 av. J.C.) entre Jules César et Vercingetorix.
Depuis quand êtes vous libraire, quel a été votre parcours?
La librairie a ouvert ses portes le 1er avril 2002. Avant je faisais tout autre chose, je travaillais dans le domaine de la biologie médicale (les études scientifiques mènent à tout...). Au démarrage je n'avais qu'un tout petit stock de belles pièces destinées aux bibliophiles. Avec le temps, j'ai affiné mes choix, j'ai acheté ardemment dans les 2 premières années en gardant à l'esprit mon critère principal "la qualité" des livres proposés. J'entends par "qualité", des livres bien conservés, bien reliés ou s'ils sont brochés, à l'état de parution. Ce choix est désormais devenu un signe de reconnaissance de la librairie pour les amateurs de beaux livres, et je les en remercie.
D'avril 2002 à septembre 2006 j'accueillais les amateurs dans une petite boutique rustique de 60 m2, depuis cette date j'ai acquis un propriété privée, dans le même village, dans laquelle je suis en train de restaurer à l'ancienne, les murs, les plafonds, etc... pour faire un nid douillet aux livres. Mais les travaux sont longs et la nouvelle boutique (60m2 sur deux niveaux, soit 120 m2 avec à terme une Galerie d'exposition d'estampes et de peintures au premier étage) n'ouvrira pas ses portes avant le printemps ou l'été 2008. Laissons le temps au temps ! Pour l'heure la libraire est dans mon salon (tout petit...) et je ne reçois que sur rendez-vous (ou les amateurs de passage...).
Où vous situez-vous dans le débat entre le commerce du livre ancien sur internet d'un côté et dans les salons et les librairies classiques de l'âutre côté?
Vaste sujet. Pour moi internet a été dès le début la possibilité de créer cette librairie "au pays". Je n'ai jamais envisagé d'aller m'installer en ville... trop de bruits pour les livres !
J'ai essayé de fréquenter quelques salons du livre ancien, mais j'avoue que la fragilité des livres que je propose et le travail que cela nécessite ne m'a guère motivé pour continuer. Les amateurs désertent les salons depuis quelques années, tout au moins les salons de moyenne gamme. J'admire les libraires qui travaillent sur salon mais cela n'est pas mon truc, comme on dit. Internet a changé bien des choses, autant du côté de l'acheteur que du vendeur. Il faut l'accepter et analyser les éléments positifs et négatifs.
Comment voyez-vous l'avenir de votre profession?
Après 5 ans d'activité je suis trop jeune dans le métier pour pouvoir tirer des leçons du passé. La seule chose que je vois de façon évidente est que ceux qui veulent vivre de ce métier de façon décente sont obligés de composer avec internet, devenu incontournable. Si l'on ne veut pas faire comme la grenouille qui voulait se faire plus grosse que le boeuf... je pense qu'on peut faire ce métier de manière calme, tranquille, à échelle modeste, en ayant des objectifs et des critères de choix précis et réalistes.
Vendez-vous également vos libres sur des salons à l'étranger?
Non pas pour le moment. Mais grâce à internet et des sites comme Abebooks ou Ebay, j'ai envoyé bien des livres vers des pays lointains... Un petit voyage sans bouger de place en quelque sorte.
Vous savez que les lecteurs du blog aiment les histoires, auriez-vous une anecdote à nous raconter, sur une trouvaille, un livre, un client?
En 5 ans d'activité ce sont plusieurs dizaines d'anecdotes, d'histoires cocasses, liées aux livres achetés ou vendus que je pourrais raconter...
En fait, je crois que je pourrai vous parler de ma plus grande frustration de libraire...
Le hasard de la vie m'a mis entre les mains en septembre 2002 un authentique plan du Titanic, plan de la première classe, imprimé en noir et rouge. Grand plan dépliant que les stewards avaient en poche afin de guider les passagers de l'unique voyage de ce fameux paquebot... Quelle émotion ! Ce plan était en parfait état. C'était certainement l'un de ceux qui n'étaient pas monté à bord, ce qui lui a permis de traverser le XXè siècle sans dommage.
Un expert chez Christie's Londres et New York m'avait signalé à l'époque que ce genre de plan était rarissime. On n'en a vu passer en salle des ventes (Londres et NY) que 1 ou 2 en sur les 10 dernières années...
Je l'ai vendu... il fallait bien démarrer l'activité de la librairie. Aussi intéressante qu'ait été cette transaction, je regrette encore cette vente... Je me console en me disant que ce plan a enfin réussi sa traversée de l'Atlantique, puisqu'il a été expédié chez un amateur à New York.
Vous la particularité d'être non seulement libraire, mais aussi bibliophile.... comment vivez-vous cette situation? Avez-vous séparé vos deux bibliothèques, ou votre bibliophilie s'épanouit-elle uniquement via votre métier et votre stock professionnel?
Oui, même certainement plus bibliophile que libraire. Je le vis comme quelqu'un qui fait se métier pour rester en contact permanent avec les beaux livres... Mais c'est certain que si demain je gagne à la loterie je pense que j'irai courir les salles des ventes, Drouot et New York... mais pour moi ! Mais en attendant cette manne improbable je continue à chercher de belles pièces pour les autres, et j'y prends également énormément de plaisir.
Ma bibliothèque personnelle est presque exclusivement consacrée à la documentation, à l'histoire du livre, aux bibliographies... Au grand désespoir de mon épouse qui me voit quotidiennement en train de lire et relire de vieux catalogues Giraud-Badin poussiéreux... On ne se refait pas !
Vous êtes un visteur fidèle du blog... qu'en attendez-vous?
Votre blog était très attendu (NDLR : Merci, c'est sympa!). Pour ma part je trouve que les messages et commentaires y sont encore trop timides et trop rares (NDLR : Entièrement d'accord). A croire que les bibliophiles sont tous introvertis (et j'en connais bon nombre, croyez-moi) !
Envoyez vos articles à Hugues, réagissez, commentez. La bibliophilie ne doit pas être un plaisir solitaire. Longue vie à ce blog ! Tant que hugues aura la force, la motivation et surtout l'envie... ce blog sera le point de rendez-vous des amateurs ouverts et éclairés des livres rares et curieux.
A bientôt sur ce blog,
Amicalement, Bertrand de Baskerville.
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