"-Dis Hugues, raconte nous une histoire de filou?
- Mais... qu'est ce que tu fais là? Je ne sais pas raconter.
- S'il te plaît, raconte nous une histoire...
- Bon d'accord, mais alors on fait semblant d'être dimanche (c'est le jour habituel)". (librement inspiré de vous savez qui)
Ah...Les libraires, malgré toute la sympathie que j'ai pour eux, vous le savez, les libraires nous saignent... Ils connaissent mieux que quiconque nos faiblesses et savent en tirer profit.
Mais imaginez plutôt qu'ils nous saignent vraiment, comme le fît le libraire Don Vincente, vers 1835-1836, qui avait une manière particulière de remercier ses clients en les poignardant (et autres techniques)...
Nous sommes à Barcelone, vers 1835, les libraires de la place voient apparaître un nouveau concurrent en la personne d'un ancien cistercien. Celui-ci, Don Vincente, était animé d'un amour indéfectible pour les livres mais disposait également d'un stock de qualité, dont bien des jaloux pensèrent qu'il venait en partie du sac du monastère et de sa bibliothèque, au cours duquel l'ancien frère fût un peu plus que spectateur.
A la tête d'une librairie qui prospéra rapidement, il était connu pour ne pas proposer ses meilleurs livres, auxquels il était très/trop attaché, à ses clients. Quand il devait se résoudre à vendre l'un de ces livres précieux, il élevait déraisonnablement son prix pour dissuader les acheteurs potentiels, changeant même d'avis lorsque la somme lui était finalement remise.
En clair, il était incapable de se séparer de ses plus rares ouvrages. Sa prospérité fît rapidement des jaloux parmi ses confrères qui se liguèrent pour l'empêcher d'acquérir des ouvrages précieux dans les salles des ventes. C'est ainsi qu'il ne pût acquérir un ouvrage très rare (une impression de 1482), unique selon lui, qu'il vît lui échapper pour rejoindre les mains de son plus inamical concurrent, Augustin Patxot...
Oui mais voilà, quelques jours plus tard, la librairie de Patxot brûla et son corps fût retrouvé calciné, ainsi qu'une grande partie de son stock. L'affaire fît grand bruit, d'autant plus de bruit que Barcelone connût à ce moment là une vague d'assassinats (11) sur les personnes de notables, juges, et autres érudits dont on retrouva les corps poignardés, sans qu'ils ne soient détroussés de leurs valeurs. Il n'en fallut pas plus pour que l'opinion publique imagine le retour d'une Sainte Inquisition agissant en secret, la nuit.
Don Vincente, ancien cistercien, et d'un caractère secret, fût bientôt soupçonné d'en faire partie et sa librairie fût perquisitionnée... Le hasard voulut qu'en prenant un manuel d'inquisition dans ses rayonnages, le procureur fît tomber la fameuse et unique impression de 1482, achetée peu de temps auparavant par Patxot... En étudiant son livre de comptes, on découvrît rapidement que les autres victimes de meurtres avaient juste avant leur décès acheté un livre à Don Vincente, et que ce livre figurait pourtant dans la librairie du suspect...
L'ancien cistercien finît par avouer tous les meurtres et par les décrire... ainsi il raconta comment il avait suivit un acheteur pour lui racheter le livre qu'il venait de lui vendre, se sentant mal à l'idée d'en être séparé, et comment il avait poignardé l'acheteur devant son refus... Il fît de même pour tous les autres ou presque, sauf pour Patxot. En effet, il avoua n'avoir pu se résoudre à ce qu'un homme aussi vulgaire possède un tel ouvrage. Il s'introduisit donc de nuit chez son concurrent, lui passa la corde au cou dans son sommeil et le ... garrotta, avant de prendre le livre (et quelques autres!) et de mettre le feu au reste, qu'il estimait sans intérêt.
Naturellement, il fût condamné à mort, malgré la défense de son avocat qui présenta un catalogue d'un libraire parisien ou un autre exemplaire de l'impression de 1482 était en vente. L'exemplaire n'était donc plus unique et celui présent chez Don Vincente n'était pas celui de Patxot (en effet, s'il en existait un 2ème, pourquoi pas un 3ème, etc.). Il ajouta également que son client avait perdu la raison et s'accusait à tort. En vain.
Les dernières paroles de ce libraire bibliopathe, voire plus..., sont éloquentes. Quand on lui demanda s'il avait des remords, il répondît que non, "les hommes étant de toute façon mortels, alors qu'il faut préserver et conserver les bons livres". Quand on l'accusa d'être un voleur, il répondît qu'il n'avait jamais pris d'argent à ses victimes mais simplement sauvé quelques livres de mains inappropriées. Quand on lui demanda s'il comprenait son erreur, Don Vincente avoua n'en voir qu'une, impardonnable à ses yeux : avoir cru que son édition de 1482 était unique.
J'espère que ça vous a plu.
Je ne sais pas vous, mais maintenant, je vais regarder derrière moi en sortant de chez mes libraires préférés!
H
PS. : vous pouvez retrouver plus de détails via google, ou dans le livre d'Albert Cim... et l'image, pour le plaisir.
Belle histoire qui mériterait les honneurs d'un bon scénario de cinéma... peut-être un jour...
RépondreSupprimerSinon, à quand une histoire de bibliophile qui tue des libraires à la chaîne... par amour des livres ???
A chercher.
Amicalement, Bertrand
Bonsoir Hugues, heureux de vous retrouver quotidiennement sur le Blog.
RépondreSupprimerBertrand, avez-vous fait un détour à Montolieu ?
Cordialement
Bonsoir,
RépondreSupprimerje n'y suis pas encore passé,
sans doute jeudi prochain en même temps qu'un périple au pays Cathare et à Rennes-le-Château, connu des amateurs d'histoires étranges...
Je vous dirai mon sentiment à mon passage à Montolieu... à moins que cela soit trop pénible à mon petit bout de fille de 2 ans...
Amicalement,
Bertrand
Les libraires, depuis toujours, nous assassinent avec leurs prix ! :D
RépondreSupprimerAllons, allons, c'est que vous avez une tête de victime!
RépondreSupprimerHugues