jeudi 11 octobre 2007

Débat : Le Livre Ancien? Une bonne action... ou plutôt une obligation?

Amis Bibliophiles Bonsoir,

Le sujet a déjà été évoqué ça et là dans le blog, notamment suite à une étude menée par un universitaire il y a quelques années (et qui semblait avoir démontré qu'au 20ème siècle les livres précieux furent un meilleur investissement que l'or ou la terre).

Je vous pose la question plus directement dans le débat du jour :

"La bibliophilie peut-elle être considérée comme un investissement financier?" et ses corollaires : si oui, est-ce un placement judicieux, peut-on acheter des livres pour spéculer... et par ailleurs, bibliophile peut-il rimer avec investisseur?

Si oui, à quelles conditions?

Libre à chacun de s'exprimer, j'ai un avis sur la question, je le livrerai également.

H

47 commentaires:

  1. Il y a certainement des personnes pour qui reliure mosaïquée rime avec rentabilité, mais je pense que c'est une minorité. Bien sûr que la bibliophilie nécessite un investissement financier, plus ou moins important en fonction de nos moyens, centres d'intérêts, ..., mais je n'ai jamais acheté un livre en me disant que je ferai une belle plus-value dans 20ans. Cela me paraît incompatible : dans bibliophile, il ya "phile" ; c'est une histoire de coups de coeur, de plaisir, de sensations, mais pas d'investissements et de calculs. Le livre ancien est une marchandise, mais que j'espère différente des autres...
    En espérant que vous êtes nombreux à penser de même
    Philippem

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  2. Je suis aussi un amateur. Le livre ancien n'est certainement pas à mes yeux une marchandise. C'est surtout un bien culturel et à ce titre, il n'a pas d'autre prix que celui fixé par mon envie...Et celle-là se fiche pas mal de placement.

    Il y a les actions pour cela.

    Lambano Elabon

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  3. J'ai déjà dit ma position, qui en fait bondir pas mal: même si mon principal but est de me faire plaisir tant que je peux, je vois aussi le côté investissement. Ce que je veux dire, c'est que, n'ayant pas un budget immense, j'achète des livres de petites valeurs (rarement au dessus de 100€). Je préfère aussi les auteurs oubliés, ce qui me permet d'avoir plus facilement le plaisir de lire des livres sur japon, chine et hollande (car je suis aussi sensible au support qu'au contenant ou au contenu).


    Néanmoins, cela avait déjà provoqué l'ironie de certains, mais fouiner beaucoup pour acheter à bas prix permet aussi de revendre quand c'est nécessaire. Une belle bibliothèque peut vous permettre d'acheter une maison, ou d'y contribuer fortment, et je parle par expérience familiale!
    Donc, pour moi, il y a aussi un investissement, même si c'est secondaire.


    Cela n'empêche pas qu'un livre d'un auteur qui me plait me fait toujours plaisir, et que je passe plus de temps avec mes livres qu'avec autre chose.

    Wall

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  4. "Faire relier un livre pour investir" est une mauvaise idée pour moi, il faut le faire pour le plaisir, ce que j'ai fait avec deux livres, et ce que je vais faire avec quatre autres prochainement.
    Pour ces livres, je ne pense pas qu'en les vendant reliés je récupèrerai le prix de la reliure, et je m'en fiche.
    C'est d'ailleurs, si je dois vendre mes livres, les derniers que je vendrais

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  5. Un avis double...
    Je suis bibliophile, et pas banquier des livres...Sauf qu'il se trouve que je suis réellement banquier.
    Premier avis : les vrais passionnés n'achètent pas pour revendre et acheter une maison. La seule bonne raison de revendre à mon sens c'est pour acheter d'autres livres.
    Deuxième avis, de banquier celui-là : cher Wall, ce n'est pas en achetant des Henri Bordeaux sur des brocantes que vous ferez de bons investissements... On commence à parler investissement pour les livres (cf Fred Feinsilber) à partir de quelques milliers d'euros à l'achat, voire plus.
    En dessous, il vaut mieux placer son argent dans du vin de Bordeaux, justement...
    Amitiés
    Antoine.

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  6. Bonsoir,
    Si vous me lisez régulièrement, vous savez que j'ai une relation extrêmement forte avec mes livres. Pour moi il est inconcevable de les considérer comme un placement. Quand j'acquiers un nouvel ouvrage, c'est parce qu'un dialogue se noue entre lui et moi, et que ce dialogue est au delà de sa valeur.
    Certes il m'arrive de revendre des livres (en salle, sur ebay, à des libraires), mais c'est toujours pour en acheter d'autres, ou de meilleurs exemplaires.
    Je suis passionné, j'aime les livres, je ne peux me résoudre à les considérer comme des placements, encore moins pour acheter une maison, cela me semble même complètement incongru.
    Je rejoins Antoine sur la notion d'investissement, cela ne concerne pas les livres à 100 euros, pas même ceux à 1000.
    Hugues

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  7. Bonsoir à tous,
    - bien entendu l'achat de livres peut rimer avec investissement ;
    - bien sûr que non, la bibliophilie ne peut rimer avec investissement;
    - bien sûr que oui la constitution d'une collection peut se révéler rentable à moyen terme [c'est-à-dire, pour un économiste, bien trop longtemps pour que vous ne puissiez en profiter...],
    - bien sûr que non vous ne seriez pas en train de lire ce blog si vous n'êtiez qu'un investisseur

    Bien à vous tous,

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  8. Addendum
    Antoine (je parle au banquier) si vous me connaissez de meilleurs placements (à très court terme)que des livres achetés à vil prix (avec un peu d'astuce, d'espièglerie comme disait Candie pour ceux qui connaissent [encore]) et revendu 4000% de leur prix d'achat, merci de me contacter. ;-))
    Olivier

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  9. C'est clair que le livre ancien ne peut pas être un vrai investissement pour un bibliophile. Le retour sur investissement reste très aléatoire, même pour des livres chers. Beaucoup de ceux qui ont acheté des livres aux ventes Berès risquent d'attendre longtemps avant de pouvoir les revendre au même prix.

    Pour les livres que j'achète, je n'imagine même pas les revendre, sauf coup dur de l'existence. C'est peut-être un investissement pour mes héritiers, mais pas pour moi.

    Pour illustrer le long terme, un petit exemple.

    Lors d'une vente à Drouot en 1904, deux exemplaires de Zizimi, prince ottoman, de Guy Allard, Grenoble, 1673 ont été vendus. Le premier, relié par Cuzin, a été adjugé 120 F., soit 408 € en valeur 2005 (sur la base de la table INSEE du pouvoir d'achat de l'argent). Le deuxième, relié par Gruel, a été adjugé 67 F., soit 228 € en valeur 2005.

    Le premier exemplaire était proposé à la vente en 2004 par un libraire parisien à 1800 €, le deuxième a été vendu aux enchères à Toulouse en 2006 à 400 €.

    Est-ce le signe d'une bonne rentabilité, puisque leurs prix ont augmenté plus vite que le coût de la vie sur un siècle ?

    En définitive, je ne sais pas, mais je suis content d'avoir un de ces deux exemplaires (celui relié par Gruel), et je n'ai pas l'intention de m'en défaire, pas même pour m'acheter l'appartement plus grand qui me permettra de ranger mes livres qui débordent de partout.

    Cordialement
    Jean-Marc

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  10. Olivier,
    Certes non, 4000%, non... mais gageons que si vous faisiez ce genre d'affaires tous les jours, vous ne seriez pas sur ce blog...
    Néanmoins, si c'est votre moyennne de retour sur investissement, n'hésitez pas à passer me voir à la banque, je n'hésiterai pas de mon côté à vous préter quelques dizaines de milliers d'euros pour que vous achetiez des livres avec un ROI de 4000%...
    On ne parle pas de coups, on parle d'investissement, il me semble.
    Antoine

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  11. Bien sûr, si vous faisiez plus que 4000%, nous saurions être généreux sur votre part... En deça, puisque c'est votre moyenne, nous prendrions la plus grande part...Sourire
    Antoine

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  12. Ca ressemble à une déclaration d'amour... Je reconnais le banquier en vous... ;-))

    Puissiez-vous être au coin de ma rue... Le mien n'y entend rien (et ne comprendra assurément pas ce que je m'apprête à faire lors de ventes à venir)...

    Je parlais de bibliophilie, de livres achetés 5 euros, vendus (le cas échéant) 200, me permettant d'acheter ceux dont j'ai véritablement envie.

    Evidemment, le banquier devra (le cas échéant) alors s'effacer devant le bibliophile (il faudra juger sur pièces et, alors, les discussions n'en finiront pas...) pour financer mes achats à fonds (et à rendements?) perdus.

    Bien amicalement,
    Olivier

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  13. Je fais l'appel! Philippem, Lambano Elabon, Wall, Antoine, Olivier et les autres, avez-vous rempli la carte : prénom + ville, et idéalement photo?
    Non mais.
    Signé : le chef

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  14. L'idée même de me séparer d'un livre ne me viendrait pas à l'esprit, ou alors, comme l'a dit Hugues, pour en acheter une meilleure copie. Mais c'est tout! Jamais de la vie je n'arriverai à imaginer ma bibliothèque comme un investissement. Je pourrais peut-être retirer de l'argent de tous mes livres, peut-être même de faire une plus-value sur certains ouvrages que j'ai obtenu pour une bouchée de pain et que je pourrais revendre 2 ou 3 fois leur prix (en restant humble... je n'imagine pas pouvoir faire +4000% sur un seul ouvrage), voire même de retirer plusieurs centaines d'euro pour certaines BD en 1e édition (certaines de mes bandes-dessinées atteignent des prix totalement loufoques, c'est du grand n'importe quoi... 300€ pour un original de Michel Vaillant acheté 20 francs en 1960 et des poussières, on aura tout vu...).
    Mais hé! La passion est-elle synonyme d'investissement? Si j'avais voulu faire un gain d'argent, je l'aurais placé, je ne me serai pas lancé dans une opération ruineuse sur plusieurs années m'apportant très peu de chances de rentabilité sur le long terme. La passion est d'abord irraisonnée. Sinon, ce n'est que de l'investissement bête et méchant et sûrement pas de la bibliophilie.

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  15. Un peu de littérature bibliothéconomique :

    "Bibliophilie le puissante réveil du marché.

    La France, l'Europe, le Monde changent à un rythme effrené. Entraînés par la globalisation des marchés, des communications et de la culture de masse, nos vieilles sociétés européennes muent avec difficulté pour s'adapter et surmonter les disfonctionnements entraînés par une concurrence internationale sans merci.

    Mais la mondialisation s'accompagne d'un profond besoin de ressourcement, d'une quête identitaire et d'une réaffirmation des cultures nationales. Cette fois encore la bibliophilie a de beaux jours devant elle.

    Après cinq années de morosité, un retour en force s'opère sur notre marché, privilégiant les pièces d'exception à forte symbolique artistique ou culturelle. Ainsi la demande s'amplifie-t-elle fortement pour les éditions originales littéraires et scientifiques majeures, les livres illustrés ou manuscrits à peinture témoignant du génie créateur d'un peuple ou d'une aire civilisationnelle, les riches reliures et les textes à connotation historique. Cette tendance est internationale ; jamais, depuis la fin des années 80, nous n'avions senti une telle pression émanant de l'étranger.

    Notre culture bibliophilique s'exporte bien et les prix qui avaient fléchi entre 1991 et 1995 repartent fortement à la hausse. (...)"

    Ainsi s'ouvrait le XVè splendide catalogue (1997) de la librairie reconnue pour une de celles proposant les plus beaux livres d'Europe si ce n'est du monde.

    Le livre le moins cher étant proposé à 15.000 francs de l'époque ; le plus cher à prix marqué à 950.000 francs.

    Sans commentaire.

    Signé Furax

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  16. Mais ce genre de bibliophilie reste limité à un nombre ultra-restreint d'adeptes, ou aux grandes institutions. Pour tous les autres, l'investissement reste peu rentable sur le court terme. A la limite, il constitue un capital non négligeables pour les prochaines générations, et encore, faut-il compter sur les aléas naturels. Autant investir dans le soja ou le sucre. Au moins, en cas de catastrophe naturelle, les assurances, les Etats ou les grandes organisations économiques mondiales viendront à votre rescousse...

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  17. Furax... Quel rapport?
    1. Ce passage date de 10 ans et le paysage a bien changé depuis avec l'apparition d'internet.
    2. Des prix élevés, et un galimatia cent fois entendu sur la mondialisation bla bla bla... cela n'a aucun rapport avec la notion d'investissement.
    La notion d'investissement n'a rien à voir avec un marché aux prix soutenus.
    Complètement hors-sujet à mon avis.
    T

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  18. A Antoine:

    Premier avis : les vrais passionnés n'achètent pas pour revendre et acheter une maison. La seule bonne raison de revendre à mon sens c'est pour acheter d'autres livres.
    Je n'ai pas dit que j'achetais pour ça, j'ai seulement dit que cela permettait en cas de besoin de financer. Recemment, étant étudiant et donc sans revenus, j'ai vendu un de mes plus beaux livres pour payer ma voiture. Ne me dites pas que ce n'était pas une bonne raison de le vendre, surtout que j'ai besoin d'une voiture!! Il est d'ailleurs chez un "grand" bibliophile maintenant.
    Pour moi, un bibliophile sait aussi se defaire de livres en cas de besoin, mais réagrémente sa bibliothèque dès qu'il peut, ce qu'on a toujours fait dans ma famille.
    Je pourrai vous prendre le même exemple avec un amateur très fin de tableaux que je connais (contemporains ou anciens). (D'ailleurs, comment appelle-t-on un amateur de tableaux??)



    Deuxième avis, de banquier celui-là : cher Wall, ce n'est pas en achetant des Henri Bordeaux sur des brocantes que vous ferez de bons investissements... On commence à parler investissement pour les livres (cf Fred Feinsilber) à partir de quelques milliers d'euros à l'achat, voire plus.
    Je n'ai jamais dit qu'Henry Bordeaux était un bon investissement! Il est oublié et ne vaut strictement rien en ce moment certes, mais c'est l'auteur qui m'a amené à la littérature!

    Je ne suis pas d'accord avec vous, qu'un investissement se fait à partir de quelques milliers d'euros. On ne peut certes pas faire des marges de 4000% tous les jours, mais 1000% réglièrement, et cela surtout sur les plus petits livres. Celui qui cherche uniquement l'investissement gagnera plus avec le petit qu'avec le gros, j'en suis persuadé (j'entends 500€ et moins pour petit)

    Wall

    PS pour Hugues: Je suis sur la map google depuis 2 ou 3 jours :)

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  19. Je me demande si le Catalogue de 1997 n'est pas celui d'un ancien banquier devenu libraire ...(sourire)
    Le collectionneur de tableaux doit être un pinacophile.
    L'ensemble des commentaires est au total rassurant et reste en accord avec la grande tradition française de la Bibliophilie.

    Jean-Paul

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  20. Pour répondre à T,
    la librairie en question mène toujours sa barque (son paquebot devrais-je dire) en 2007.

    La politique de prix, de valorisation des livres (en mettant en avant le côté investissement et spéculatif - donc je ne vois pas ce qu'il y a d'hors sujet ici...)

    Et, non, je ne pense pas que ce soit hors sujet.

    Et non, ce galimatia économique-consumériste n'est pas selon moi, si éloigné de la ligne de pensée de l'élite de la librairie ancienne qui domine à seulement quelques uns un marché par ailleurs morose représenté en masse par des centaines de petits libraires.

    Mais vous avez biensûr le droit de ne pas être d'accord.

    J'ai vu qu'Antoine était banquier et bibliophile, ça m'a réchauffé le coeur je dois l'avouer. Je croyais la chose incompatible. Sourire...

    Pour Jean-Paul, je crois qu'il a vu juste. Sourire...

    Furax

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  21. Furax... Ce n'est pas parce que la librairie que vous mentionnez existe toujours que cela a un rapport avec le débat bibliophile vs investisseur.
    Une augmentation des prix sur un marché ne signifie pas forcément que des particuliers se mettent à spéculer (c'est souvent même le contraire... quand on parle de spéculation intelligente : si vous achetez quand les prix montent, vous avez déjà perdu la moitié de la bataille, parce que c'est souvent déjà trop tard : regardez EADS.. ils le savent bien, eux!).
    Vous prenez le cas d'un libraire, dont c'est le métier, puisqu'il est avant toute chose commerçant, d'acheter et revendre des biens. Il n'investit pas, il achète et revend avec une marge, en général dans des cycles courts.
    Le débat se situe plutôt, je pense, au niveau des amateurs. On peut et on pourra toujours spéculer, avec plus ou moins de talent, la question qui nous intéresse n'est-elle pas plutôt : peut-on être un bibliophile et dans le même temps, penser "investissement" quand on achète un livre...? En ce qui me concerne, si l'argent est un passage obligé de la bibliophilie, ce n'est jamais ma fin. J'achète des livres parce que je les aime viscéralement, pas en me disant que je gagnerai de l'argent un jour en les revendant.
    Mais peut-être êtes vous libraire?
    T

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  22. Etre libraire et bibliophile, c'est une situation un tantinet schizophrénique? Il doit y avoir des choix cornéliens!

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  23. Ces commentaires me rappellent une anecdote glanée dans une revue bibliophile.

    Dans les années 40-50, un homme appelle une galerie pour acheter un tableau d'une exposition à venir de Matisse et propose d'envoyer le paiement immédiatement. Le galeriste, étonné, lui demande s'il ne préfère pas attendre de voir le tableau. L'homme répond alors promptement : "Lorsque j'achète des Suez, est-ce que je vais voir le Canal?"

    elian

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  24. Comme je ne résiste pas au plaisir d'être hors sujet (encore que...), voici un extrait de texte glané sur le net.

    Il n'appelle aucun commentaire particulier. C'est simplement pour vous le faire lire si vous ne l'aviez pas déjà fait.

    "Le petit monde des grands lecteurs MARCHÉ DE L'ART Succès international, vendredi 16 décembre 2005, à Drouot, pour la 3e vente Pierre Berès." (article trouvé sur bibliorare.com)

    "Malgré le plan Vigipirate qui filtre la circulation à Drouot, il faisait bien chaud, vendredi après-midi dans la salle 7, version française et encombrée de la tour de Babel. Du Dr Jörn Gunther de Hambourg, habitué de Maastricht, au New-Yorkais spécialisé dans les écrits en espagnol, Richard C. Ramer, barbu comme le mercenaire des jésuites dans Mission de Roland Joffé, tout le marché international du livre était là pour cette troisième vente du fonds Pierre Berès (Pierre Bergé & Associés).

    Près de cinq heures d'enchères pour saluer l'art du grand libraire parisien absent, 92 ans, toute une vie aux enchères et un triomphe siroté incognito à Saint-Tropez (4,58 M€ avec frais, soit un total de 11,86 M€ en trois ventes).

    Un acte trois qui n'a pas failli, malgré l'abondance de biens (encore 200 lots dont 93% ont trouvé preneurs, au-delà des estimations d'appel). Sans peut-être les trésors de sa vente d'octobre (818 454 € pour le cosmos de Copernic et 523 000 € pour la lettre de Colomb), mais avec de petits bijoux bien choisis. Ainsi, les Clavreuil de la librairie Thomas-Scheler ont emporté à 91 701 € avec frais, neuf fois l'estimation basse, le Livre de prières de Bruges, 1500-1525, avec une superbe miniature du Christ de pitié au sourcil musclé et anxieux «comme sous la main de Simon Bening».

    Un grand livre d'heures se chiffre en millions d'euros, souligne le marché qui garde la tête froide et l'oeil très critique du connaisseur.

    Rose et rond comme un Rembrandt, le Néerlandais Sebastiaan S. Hesselink (Antiquariaat Forum d'Utrecht) s'est battu en silence pour emporter à 397 709 € l'atlas d'Abraham Ortelius avec sa préface à Charles Quint, ses 70 cartes coloriées et enluminées et sa magnifique reliure à panneau rectangulaire en beau maroquin d'époque (Anvers 1573).

    Libraire à l'intuition incontestée, Pierre Berès l'avait acheté 4 400 £ à la vente du Major Abbey chez Sotheby's à Londres en 1967. C'était alors la troisième plus haute enchère d'une vente qui fit date, après les 6 500 £ payées par le libraire anglais Bernard Quarritch pour une reliure romane et les 5 000 £ pour les cinq volumes de saint Jean Chrysostome reliés par Groslier en 1532, souligne l'expert de la vente Jean-Baptiste de Proyart.

    Chiffrer le bonheur de l'investissement demande un calcul en livres sterling constantes.

    Estimé cette fois au mieux 150 000 €, l'atlas vaut ses 500 000 €, analyse Jean-Claude Vrain, fougueux libraire de la rue Saint-Sulpice qui n'oublie pas la fantastique vente d'atlas à Londres au début de l'automne, démonstration de l'écrasante puissance financière du marché anglo-saxon.

    Cette 3e vente mêlait les époques et les amateurs, de Rodolfo Molo de Milan, fameux pour sa collection de livres illustrés et de reliures modernes et son goût immodéré de la boxe, au jeune collectionneur d'antan, cheva lière et costume sombre très Banque Rothschild.

    Les Clavreuil ont emporté le coup de coeur de cet homme pressé, les Chroniques d'Enguerrand de Monstrelet «bâtard de bonne maison», frais exemplaire de 1572 dans une superbe reliure à la fanfare (99 302 € avec frais, cinq fois l'estimation).

    Il y a encore des amateurs pour comprendre l'intérêt d'un envoi de Musset à George Sand sur La Confession d'un enfant du siècle (72 000 € au marteau), pour jauger celui de Stendhal sur De l'Amour (32 000 € marteau) et continuer d'aimer Emma quand l'exemplaire de Madame Bovary a appartenu à Lamartine (65 000 € au téléphone). Ou savourer une délicate reliure Art déco de Rose Adler sur un plus petit texte (Jean-Claude Vrain l'a défendue jusqu'à 28 500 €). Toutes les lettres de noblesse de la culture française.

    Furax

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  25. et enfin, laissons la sagesse aux sages.

    Voici un article paru dans le Monde du 27 octobre 2005 :

    "Qu'est-ce qu'un bibliophile ?

    Le mot français bibliophile a une connotation péjorative, avoue Jean-Baptiste de Proyard, l'expert de la vente Berès, un côté notable de province à lunettes. Je préfère le mot anglais bookman, plus sobre, plus précis."

    Ce parti pris sémantique n'explique pas l'apparente bizarrerie de cette passion. Pourquoi s'attacher à une édition particulière alors que le texte est le même d'une édition à l'autre ? Doit-on se ruiner pour acheter un incunable de François Villon dont on peut lire les poèmes en livre de poche pour quelques euros ?

    D'abord, fait remarquer l'expert Jean-Baptiste de Proyart, la "collectionnite", le fétichisme de l'objet, est sans doute aussi ancien que l'homme et s'applique à toutes sortes de choses. Dont les livres.

    Mais, fait remarquer Pierre Berès, "on peut collectionner des livres de toutes sortes, en avoir peu ou beaucoup, la question n'est pas là. La bibliophilie est une cosa mentale".

    Ce que confirme Jean-Baptiste de Proyart : "Le monde des livres considéré sous l'angle du bibliophile est un monde abstrait. L'objet matériel, concret, devient une forme abstraite. Il faut faire un effort pour entrer dans ce monde, qui est en dehors de la sphère de l'image, et maîtriser les critères qui définissent l'exemplaire. Car cette définition de l'exemplaire permet de passer du multiple à l'un."

    UN MARCHÉ QUI SE PORTE BIEN

    Ces critères définis à partir du XVIIIe siècle sont divers : qualité d'impression, rareté de l'ouvrage, notoriété de l'auteur, valeur du texte, état du volume, éventuelle dédicace, annotations autographes...

    "Cette logique de la distinction obéit à une hiérarchie, constate Jean-Baptiste de Proyart. Il faut pouvoir maîtriser cette gamme abstraite pour entrer dans le concret de la bibliophilie." Une gamme d'autant plus abstraite qu'elle évolue selon les époques et la mode.

    "Aujourd'hui, ce sont les livres de sciences, notamment astronomie et mathématiques, qui ont la cote, dit l'expert de la vente Berès. Sans doute parce qu'il s'agit là d'une langue universelle qui parle à tout le monde, quelle que soit sa nationalité."

    Sur le marché international, les oeuvres de Descartes, Pascal, Copernic, Galilée, Newton, flambent, alors que les illustrés du XVIIIe siècle, naguère très prisés, sont plutôt stables. Les atlas et les livres de voyage ont également le vent en poupe.

    Globalement, la bibliophilie est un marché qui se porte bien, car il existe des collections pour toutes les bourses, et elle touche tous les secteurs de la société. "On peut rechercher des livres de poche ou les premières Série noire de chez Gallimard. Les originales de James Bond s'arrachent aux Etats-Unis, indique Jean-Baptiste de Proyart. En revanche, un exemplaire de l'Ulysse de James Joyce imprimé à Paris, avec ses innombrables coquilles, peut valoir 300 000 dollars - 247 974 euros. Le bibliophile n'est pas un insecte archaïque et velu. Il peut avoir le profil d'une star de cinéma comme Johnny Deep."

    Furax

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  26. C'est intéressant Furax, mais c'est vrai que c'est "décalé" par rapport au sujet du débat.
    Nous sommes tous d'accord sur le fait que les prix montent et qu'ils sont parfois vertigineux... mais cela a peu à voir avec le fait que l'investissement et la spéculation soient les éventuels moteurs du bibliophile, non?
    Car finalement, si on raisonne à l'envers... le plus beau des mondes pour un vrai bibliophile ne serait-il pas celui où les prix resteraient bas?...(empêchant de fait sépculation et investissement).
    Je conçois que ce serait triste pour les libraires, mais bon, ils se rattraperaient sur la quantité, et comme on dit, pas d'omelette etc...
    ;)
    H

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  27. Débat intéressant en effet,
    ce que l'on peut conclure de tout ceci est sans doute qu'il existe des livres pour toutes les bourses afin de satisfaire toutes les envies, des plus modestes aux plus démesurées, ce qui est assez rassurant.

    Amitiés bibliophiliques, Bertrand

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  28. Comme cela parait décalé de parler d'argent quand nos livres les plus précieux sont ceux dont les beautés cachées sont connues de nos seules circonvolutions cérébrales : cette reliure, pour laquelle nous avons pu retrouver avec force entêtement, l'arrière-petite fille du relieur délaissé et qui nous livre ses archives; ce livre en latin dont nous avons resuscité avec obstination les vies du donateur et du possesseur devenus soudain si proches; cet autre livre à la variante totalement inconnue des bibliographes, documentée à l'issue de longs échanges oversea avec des bibliothécaires patients et érudits.

    Tout cette construction intellectuelle ne vaut rien, rien du tout, pas un sou ...pfft, si vite envolée...

    et pourtant cela est tout.


    Odysseus

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  29. c'est beau... on dirait du Proust !

    Ulysse31

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  30. ...Et encore, il n'avait rien bu !

    Pénélope

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  31. Qui a dit que les acheteurs de la vente Bérès allaient attendre longtemps ? Pierre Leroy qui a acquis pour 511 424 euros "Une saison en enfer" l'a revendu 1 ans après (cf. http://livres.lexpress.fr/dossiers.asp?idc=12855&idR=4).
    Si ce n'est pas un investissement, alors pourquoi les bibliophiles ne coupent pas les livres acquis non rognés si ce n'est pour les revendre tels quels plus tard ? En clair, les bibliophiles lisent-ils leurs livres ? Combien de bibliophiles mêlent amour de l'objet et amour du texte ?
    Pour finir, "la 4e vente Pierre Berès (mardi 20 juin) organisée par Pierre Bergé & Associés a rapporté 14 276 981 euros (frais inclus), soit plus de deux fois son estimation basse" (Cf.
    http://www.livreshebdo.fr/actualites/DetailsActuRub.aspx?id=137).

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  32. qu'est-ce que ce sera demain après la victoire des français à l'ovalie ??

    nono

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  34. mais arrêtez avec le pognon, les mecs, vous allez encore me l'énerver..

    Télémaque

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  35. Ça c'est, à mon gout, une question fondamentale: lequel d'entre vous coupe les livres achetés? On sait tous qu'en le faisant on retire une partie de sa valeur, mais que si on le fait pas on ne pourra pas en profiter.

    En ce qui me concerne, je les ouvre tous, souvent avec grand plaisir et beaucoup d'application (j'ai une foi déchiré un joli Villon illustré !!!). J'y vois une sorte de privilège, l'idée que ce livre m'a attendu si longtemps pour être vraiment découvert.

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  36. Malheureusement, les livres nous attendent tellement qu'ils finissent par se fermer définitivement à l'oeil qui l'a tant attendu. L'humidité s'insinue entre les pages et les colle définitivement. J'en ai fait la douloureuse expérience, et rien ne m'a permis d'ouvrir les pages sans les abimer. Donc, je l'ai laissé tel quel.

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  37. Un livre non coupé n'est-il pas une chose morte, un non-sens, un empilement de feuilles inutiles entre du carton sans âme? Le livre existe par le lecteur, non ?
    Je suis absolument hermètique au charme du livre non coupé et manifesterai même contre lui une certaine hostilité. Je suis prêt à être convaincu du contraire s'il a de bons avocats.

    Lambano Elabon

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  38. C'est peut être le geste bibliophilique que je préfère: couper les pages d'un livre.

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  39. Le coupe papier est le principal outil du bibliophile ... alors, que ceux et celles qui n'en ont pas se précipitent pour en acheter un ! Certains d'ailleurs sont très beaux. Attention toutefois à ceux qui déchirent plus que couper.

    Jean-Paul

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  40. AAA>C'est peut être le geste bibliophilique que je préfère: couper les pages d'un livre.

    Jean-Paul>Le coupe papier est le principal outil du bibliophile

    Découpez-vous aussi les pages d'un livre dont le dédicataire (choisissons-le connu) n'a pas pris la peine de le faire quand il l'a reçu?

    Autrement dit, quels sont vos critères de défloraison d'un livre non coupé et où commencent vos scrupules?

    Lambano

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  41. Vous connaissez la réflexion classique concernant un livre non coupé : "il n'est pas fini !"
    Alors, il faut le finir et donc le couper. Je n'ai jamais eu aucun scrupule à le faire : un livre est fait pour être lu, quel que soit le dédicataire (qui, entre nous, ne devait pas être très intéressé par l'auteur qui avait pourtant eu du plaisir à lui faire une dédicace !). Sinon, adieu le bibliophile et vive le spéculateur ! Et puisque vous parlez très justement de défloration(et non de défloraison), pardon Mesdames, ce livre non coupé que j'ai voulu est effectivement une jeune épousée que je déflore avec amour.

    Jean-Paul

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  42. Défloraison parle de fleurs qui tombent, nous n'en sommes pas si éloignés en parlant de feuilles qu'on coupe...

    Inutile de vous dire que je ne partage absolument pas votre avis dans le cas particulier de la dédicace.

    Il est à mes yeux plus précieux de conserver un témoignage tangible de l'estime (en l'occurrence du peu d'estime)que portait le dédicataire à l'auteur, surtout lorsque celui-ci s'était répandu en sirupeux hommages...

    Mais je suis troublé par ce que vous écrivez, être attentif à cela, est-ce ne pas être bibliophile ?

    Cordialement

    Lambano

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  43. Lambano,

    A ne pas ouvrir un livre pour le lire, sous prétexte qu'il n'est pas coupé et dédicacé à un grand personnage, vous semblez tenir plus de l'archiviste et du bibliomane thésauriseur que du bibliophile. Vous me faites penser à ces collectionneur de grands crus millésimés qui n'ouvriront jamais leurs bouteilles et qui,par conséquent, ne sauront jamais si ce qu'elles contenaient valait la peine d'être payé si cher....Mais nous avons tous les deux la possibilité de sentir les choses différemment. C'est ce qui fait la très grande richesse de ce monde, et de ce blog en particulier.

    En toute amitié

    Jean-Paul

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  44. Oui, il est vrai que je peux sans gêne sacrifier mon propre regard pour conserver la trace de celui qui m'a précédé. A travers cette discussion, je m'aperçois même que c'est cette présence dont je suis surtout en quête.

    Non, je ne manifeste par contre aucun intérêt pour les vieilles bouteilles inviolées...

    D'ailleurs, j'ai prévu un St Nicolas de Bourgueil 1976 pour le déjeuner.

    Cordialement

    Lambano

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  45. J'apporte mon grain de sel à cette discussion, qui s'est bien éloignée du sujet d'origine. Je n'ai aucun état d'âme à couper les livres que j'achète. A cela, une seule raison : je lis ou parcours tous les livres que j'achète. Avez-vous déjà essayer de lire un livre non coupé ? C'est le torticolis assuré.

    Je suggère un autre sujet de débat à Hugues : Est-ce que vous lisez les livres que vous achetez ? Ce sera peut-être l'occasion de tordre le cou à une légende qui est que les bibliophiles ne lisent pas.

    Pour revenir au débat, je n'ai fait qu'une exception. J'ai acheté un exemplaire des mémoires en latin de Nicolas Chorier qui appartient à une édition jamais terminée. Le titre n'a jamais été imprimé. Cet exemplaire se présentait en feuilles tout droit sorties de l'imprimerie. Les couper aurait été une hérésie.

    Jean-Marc

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  46. D'accord sur tout Jean-Marc. Il s'agit bien pour votre Chorier d'un témoin de l'Histoire de l'Imprimerie et non pas de Bibliophilie.

    Jean-Paul

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