Pour faire une couture au fil précédent, à propos des incunables, je me demandais : - quels étaient les sentiments que ressentaient ceux qui avaient l'occasion d'en manipuler/ou qui en possédaient dans leur collection et; - quels étaient les fantasmes projetés par ceux qui en rêvaient sans avoir pu encore y accéder ?
Sans prétention de débat, l'incunable a quelque chose de mythique pour tout amateur.
je n'ai pas eu l'occasion d'avoir beaucoup d'incunables, seulement quelques uns, actuellement d'ailleurs je n'en ai plus sur mes rayons, mais quelle différence d'appréciation faites-vous entre un livre imprimé en 1495 et un livre imprimé en 1510. Pour ma part, mis à part le fait que l'un a droit à la dénomination incunable et l'autre non, pour moi aucune ! Le matériel typographique est identique, les façons de travailler aussi, les imprimeurs sont souvent les mêmes qui ont travaillé vers 1470 et jusqu'encore en 1520. Donc le terme d'incunable revêt surtout quelque chose de très subjectif. Je ne dis pas pour les premiers incunables (vers 1460) qui eux, c'est vrai sont d'un aspect quelque peu différent, et encore pas toujours.
L'incunable que j'ai eu et qui m'a le plus marqué est une Somme des Oeuvres de Saint Thomas d'Aquin, imprimée à Venise chez Scotto, massif in-folio de plusieurs centaines de folios, de très nombreuses et très belles lettrines gravées sur bois, une typographie de première qualité, un papier épais, encore parfaitement blanc, le rêve... Recouvert d'une simple couverture de parchemin expertisée à l'époque comme datant du XIIIè siècle avec deux grandes lettrines à jambages en bleue, rouge et noir. Cet incunable fait désormais partie de la bibliothèque d'un amateur belge.
Probablement plus que tout autre livre ancien, l'incunable est encore plus un objet qu'un texte (peu sont en langue vulgaire, et peu nombreux sont ceux qui lisent le grec ou le latin dans le texte),d'où cette espèce de vénération excessive et rassurante qu'on a pour lui, et a ce mystérieux pouvoir de nous faire revivre l'Histoire, comme les Monuments Historiques : on a du mal à réaliser ce qu'il représente quand on l'a en mains, d'où les capacités qu'il a de créer en nous des images liées à nos origines, de véritables hallucinations ou fantasmes.
J'ai le même sentiment que vous, celui associé au plaisir de manipuler un peu de Temps cristallisé. Plus que pour tout autre ouvrage le frisson a des bases plus intellectuelles que matérielles et il est tout à fait exact que l'incunable antérieur à cette date fatidique de 1492 excite encore plus puissamment l'imaginaire.
J'ai un Suétone de 1491 de l’officine d’Ulrich Scinzenzeler, imprimeur allemand prolifique qui imprima, seul ou associé à Leonard Pachel, 473 des 1121 éditions milanaises du 15e siècle. Il est relié avec un Salluste imprimé à Venise par Johannes Rubeus Vercellensis pour le libraire Franciscus de Madiis, sans date mais ca. 1486.
Le premier est effectivement proches des productions "modernes", sans page de titre néanmoins, mais avec folio numérotés, titre courant et lettrines gravées sur bois. Le second est extrêmement frustre. Il présente des lettre-guide non ornées, pas de page de titre ni de pagination ni de titre courant et surtout pas de séparation entre les deux œuvres majeures de Salluste. La césure et le titre ont été marqués en marge par un lecteur. La mise en page semble directement calquée ici sur la tradition manuscrite.
Ce qui me frappe dans cette période c'est le trés grand conservatisme de l'édition : des auteurs latins, de la théologie scholastique (le St Thomas d'Aquin de Bertrand), un peu de droit et de médecine. C'est vraiment le premier quart du siècle suivant qui va exploiter l'invention pour la diffusion des idées, avec la Réforme.
Je ne me souviens plus quand la découverte de l'Amérique a été rapportée mais je crois qu'elle n'apparait dans la Margarita Philosophica, outil d'enseignement, qu'en 1515 ou environ, chez Gruninger.
"Ce qui me frappe dans cette période c'est le trés grand conservatisme de l'édition "
Je vous trouve là bien exigeant, Montag! Pour les premiers imprimeurs, et pour leurs premiers lecteurs, l'imprimerie n'est rien d'autre qu'une nouvelle façon d'écrire. Elle est certes pratique pour multiplier les exemplaires, mais elle n'a rien, apparemment, de "révolutionnaire"! C'est avoir une vision téléologique de reprocher aux contemporains de Gutenberg de n'avoir pas sû déchiffrer l'importance de cette invention. Combien de gens, aujourd'hui encore, ne savent pas manipuler un logiciel de traitement de texte et trouve plus pratique d'écrire à la main?
Sans compter que les grands noms de la typographie, les plus "révolutionnaires" sont aussi conservateurs que les autres: Jenson et l'italique, Manuce et le Romain, Garamond et les grecs du Roi, Granjeon et les caractères de civilité, Pierre MOreau et ses lettres rondes... Tous ont voulu imiter l'écriture manuscrite, comme les premiers imprimeurs du temps de Gutenberg. Si l'imprimerie et la forme des imprimés évolue au XVIe siècle, c'est aussi parce que la calligraphie et l'écriture manuscrite (humanistique, etc.) change! L'imprimerie est importante et change le rapport des gens au texte écrit, mais l'écriture manuscrite a elle aussi une grande influence sur la forme de l'imprimé. Enfin, c'est comme cela que je le vois.
Je me rappelle à la 3ème vente Bérès avoir pris en mains l'exemplaire incunable dont la reliure, fruste était composée d'ais de bois brut avec des clous de fers et encore un morceau de chaîne qui servait à l'époque à attacher les ouvrages, tous précieux alors, aux pupitres des scriptoria. Quelle émotion là encore ?
Que me réserve la visite des 17 et 18 décembre à la vente Bérès. Les émotions sont gratuites et il faut alors en profiter. N'hésitez donc pas à venir avec nous à la visite des deux prochaines ventes Bérès.
A part décliner son identité, remplir une fiche et cocher et décocher les livres mis sur table, j'ai trouvé que l'étude Bergé était très "sympa" en ce qui concerne la manipulation des livres des dernières ventes Bérès (on n'a pas le temps de trop s'éterniser tout de même...)
J'ai ainsi pu avoir en mains des ouvrages adjugés ensuite plusieurs centaines de milliers d'euros, dont le gigantesque atlas XVIè colorié qui à fait plus de 600.000 euros si mes souvenirs sont bons... Je me souviens encore avoir eu peine à prendre l'atlas à deux mains tellement je tremblais d'émotion (et sous le poids du volume).
Gonzalo, Je ne parlais pas de la forme mais du contenu. Evidemment, vous me taquinez : ni exigeance, ni critique, une simple constatation de béotien au terreau trop infertile pour que les réponses y germent naturellement ! Il n'y a pas beaucoup d'auteurs contemporains ou de nouvelles idées ou connaissances imprimées dans cette période incunable et pourtant les imprimeries sont assez nombreuses. Il faut attendre >1500 pour qu'Erasme s'approprie l'imprimé et s'en serve pour la diffusion de ses idées, pour que la Réforme exploite le medium etc... Comment interprete-t-on cela dans les milieux académiques (et autres)? raison culturelle, économique ?
J'allais dire la même chose que Gonzalo concernant le peu de vision "révolutionnaire" des premiers imprimeurs. Le livre, ou en tout cas l'écrit intellectuel était plus ou moins réservé à une catégorie de la population depuis les débuts du Moyen Age (construction encore une fois téléologique, de la part cette fois des humanistes), à savoir les clercs, religieux et universitaires (pour la plupart également des religieux ou des juristes). C'est pourquoi le premier corpus imprimé, celui de la deuxième partie du XVe siècle, est réservé avant tout aux livres religieux, aux Auctoritas philosophiques (les philosophes grecs et romains, ainsi que quelques médiévaux), et aux ouvrages de droit (code Justinien par exemple), ayant bien entendu comme toujours des exceptions. Même les ouvrages dit historiques (comme la Chronique de Schedel) sont avant tout des livres imprégnés de religiosité. Il est d'ailleurs symptomatique de cette période de constater que le premier ouvrage imprimé et diffusé est une Bible. Les contemporains des prémices de l'imprimerie étaient loin de vouloir révolutionner le monde. Ils n'étaient que les égaux, plus rapides bien entendu, des copistes médiévaux des scriptoria des monastères.
Nous en revenons au nerf de la guerre, idem en bibliophilie qu'en imprimerie, fusse-t-elle du XVè siècle et naissante, qui payait alors les impressions ? Qui donnait du travail aux imprimeurs ? Avec qui les imprimeurs avaient-ils "intérêt" à travailler ? Le milieu ecclésiastique semble la réponse toute trouvée. Le milieu des affaires de l'époque (le droit essentiellement je pense) et quelques "classiques" latins et grecs, d'où les princeps aujourd'hui très recherchées. Les auteurs modernes, les éditeurs, tout cela n'était encore pas bien organisé et je pense que si la réforme a joué un rôle essentiel dans la propagation des idées neuves dans ce milieu, c'est aussi le développement tout entier du commerce qui s'est modernisé. Mais là je rentre dans un domaine où je ne suis pas spécialiste et je ne voudrais pas dire de bêtise, donc je laisse les économistes ou sociologues du blog dispenser leur savoir.
Sûr, rien ne s'écoulait mieux qu'un bon vieux Térence avec les commentaires de Donatus (pensez ! le maître de St-Jérôme) pour fournir les classes du trivium !
"C'est avoir une vision téléologique de reprocher aux contemporains de Gutenberg de n'avoir pas sû déchiffrer l'importance de cette invention." Ach, sehr schön... Je vois que les discussions atteignent des sommets en mon absence... merci de faire vivre le blog quand je ne suis pas là". Hugues
Pour répondre à Montag, je reviens de la magnifique ville de Trèves, en Allemagne. J'ai bien réussi à dénicher un "Antiquariat", nom du libraire ancien en Allemagne, mais il n'y avait rien d'intéressant.
Finalement, pour 20 euros, à Trèves, je vous conseille plutôt un vin chaud, une saucisse blanche, quelques beignets de pomme de terre avec de la compote de pommes, et une gaufre nappée de kirsch et de chantilly maison... au total 18 euros.. ce qui tombe plutôt bien, le vin chaud est à 2 euros!
>>>"Il n'y a pas beaucoup d'auteurs contemporains ou de nouvelles idées ou connaissances imprimées dans cette période incunable et pourtant les imprimeries sont assez nombreuses. Il faut attendre >1500 pour qu'Erasme s'approprie l'imprimé et s'en serve pour la diffusion de ses idées, pour que la Réforme exploite le medium etc... Comment interprete-t-on cela dans les milieux académiques (et autres)? raison culturelle, économique ?"
Je ne sais pas si une seule interprétation est admises dans les milieux académiques... J'entends surtout parler d'un ensemble de facteurs d'ordre culturel (ne pas bouleverser les habitudes de lecture), social (le public à qui on les destine n'est pas exclusivement composé de clercs, mais les "humanistes", qui pronent la novation culturelle et typographique, sont assez peu nombreux), économique (les premières fontes sont du gothique, cela coute cher de graver des poinçons). A titre personnel, j'explique surtout cela par une certaine intertie: on ne bouleverse pas 1000 ans de pratique manuscrite d'un coup... Ces 65 années de transition (si on considère que le changement s'opère vers 1515-1520) sont finalement assez rapides: tout est une question d'échelle!
Il n'y a pas que Hugues qui part ... Je vais passer le week-end dans le vignoble près d'Epernay ...Je boirai autre chose que de la bière blanche à votre santé ! A dimanche soir ! Bon week-end à tous !
>on ne bouleverse pas 1000 ans de pratique manuscrite d'un coup..
J'étais justement en train de relire un chapitre consacré à l'abbé Raphael de Mercatel (1437-1508), abbé de St Bavon à Gand. Il avait des ascendances bourguignonnes et des relations italiennes. Il est considéré comme étant un des premiers humanistes bibliophiles des Flandres. Il n'achetait pas d'imprimés qu'il jugeait trop communs et qui n'étaient pas colorés, ni n'achetait d'ailleurs de manuscrits "ready-made". Par contre, il commanditait des manuscrits décorés à l'ancienne qui étaient copiés sur des éditions incunables (le colophon était parfois repris in-extenso par les copistes). Il se constituait ainsi des ouvrages personnels, thématiques, en réunissant dans une même riche reliure des manuscrits picorés de cette façon sur différents imprimés,qu'il associait à des manuscrits inédits. L'auteur ajoute qu'un autre biliophile, le duc d'Urbino, Federigo da Montefeltro, n'achetait pas non plus de livres imprimés.
C'est tout de même risqué de partir en laissant sur le feu un débat aussi explosif que l'argent et la bibliophilie !
RépondreSupprimerJean-Marc
Il a repéré des bonnes affaires là-bas à moins de 20 euros...
RépondreSupprimerMontag
Pour faire une couture au fil précédent, à propos des incunables, je me demandais :
RépondreSupprimer- quels étaient les sentiments que ressentaient ceux qui avaient l'occasion d'en manipuler/ou qui en possédaient dans leur collection et;
- quels étaient les fantasmes projetés par ceux qui en rêvaient sans avoir pu encore y accéder ?
Sans prétention de débat, l'incunable a quelque chose de mythique pour tout amateur.
Bonne journée.
Montag
Bonjour à toutes et à tous,
RépondreSupprimerje n'ai pas eu l'occasion d'avoir beaucoup d'incunables, seulement quelques uns, actuellement d'ailleurs je n'en ai plus sur mes rayons, mais quelle différence d'appréciation faites-vous entre un livre imprimé en 1495 et un livre imprimé en 1510. Pour ma part, mis à part le fait que l'un a droit à la dénomination incunable et l'autre non, pour moi aucune ! Le matériel typographique est identique, les façons de travailler aussi, les imprimeurs sont souvent les mêmes qui ont travaillé vers 1470 et jusqu'encore en 1520. Donc le terme d'incunable revêt surtout quelque chose de très subjectif. Je ne dis pas pour les premiers incunables (vers 1460) qui eux, c'est vrai sont d'un aspect quelque peu différent, et encore pas toujours.
L'incunable que j'ai eu et qui m'a le plus marqué est une Somme des Oeuvres de Saint Thomas d'Aquin, imprimée à Venise chez Scotto, massif in-folio de plusieurs centaines de folios, de très nombreuses et très belles lettrines gravées sur bois, une typographie de première qualité, un papier épais, encore parfaitement blanc, le rêve... Recouvert d'une simple couverture de parchemin expertisée à l'époque comme datant du XIIIè siècle avec deux grandes lettrines à jambages en bleue, rouge et noir. Cet incunable fait désormais partie de la bibliothèque d'un amateur belge.
Amitiés, Bertrand
J'ai oublié de précisé. Cet Somme de Saint Thomas d'Aquin était datée de 1492... Date au combien symbolique s'il en est.
RépondreSupprimerCe qui rajoute au mysticisme bibliophilique.
Amitiés, Bertrand
Probablement plus que tout autre livre ancien, l'incunable est encore plus un objet qu'un texte (peu sont en langue vulgaire, et peu nombreux sont ceux qui lisent le grec ou le latin dans le texte),d'où cette espèce de vénération excessive et rassurante qu'on a pour lui, et a ce mystérieux pouvoir de nous faire revivre l'Histoire, comme les Monuments Historiques : on a du mal à réaliser ce qu'il représente quand on l'a en mains, d'où les capacités qu'il a de créer en nous des images liées à nos origines, de véritables hallucinations ou fantasmes.
RépondreSupprimerJean-Paul
J'ai le même sentiment que vous, celui associé au plaisir de manipuler un peu de Temps cristallisé. Plus que pour tout autre ouvrage le frisson a des bases plus intellectuelles que matérielles et il est tout à fait exact que l'incunable antérieur à cette date fatidique de 1492 excite encore plus puissamment l'imaginaire.
RépondreSupprimerJ'ai un Suétone de 1491 de l’officine d’Ulrich Scinzenzeler, imprimeur allemand prolifique qui imprima, seul ou associé à Leonard Pachel, 473 des 1121 éditions milanaises du 15e siècle. Il est relié avec un Salluste imprimé à Venise par Johannes Rubeus Vercellensis pour le libraire Franciscus de Madiis, sans date mais ca. 1486.
Le premier est effectivement proches des productions "modernes", sans page de titre néanmoins, mais avec folio numérotés, titre courant et lettrines gravées sur bois. Le second est extrêmement frustre. Il présente des lettre-guide non ornées, pas de page de titre ni de pagination ni de titre courant et surtout pas de séparation entre les deux œuvres majeures de Salluste. La césure et le titre ont été marqués en marge par un lecteur. La mise en page semble directement calquée ici sur la tradition manuscrite.
Ce qui me frappe dans cette période c'est le trés grand conservatisme de l'édition : des auteurs latins, de la théologie scholastique (le St Thomas d'Aquin de Bertrand), un peu de droit et de médecine. C'est vraiment le premier quart du siècle suivant qui va exploiter l'invention pour la diffusion des idées, avec la Réforme.
Je ne me souviens plus quand la découverte de l'Amérique a été rapportée mais je crois qu'elle n'apparait dans la Margarita Philosophica, outil d'enseignement, qu'en 1515 ou environ, chez Gruninger.
Montag
"Ce qui me frappe dans cette période c'est le trés grand conservatisme de l'édition "
RépondreSupprimerJe vous trouve là bien exigeant, Montag! Pour les premiers imprimeurs, et pour leurs premiers lecteurs, l'imprimerie n'est rien d'autre qu'une nouvelle façon d'écrire. Elle est certes pratique pour multiplier les exemplaires, mais elle n'a rien, apparemment, de "révolutionnaire"! C'est avoir une vision téléologique de reprocher aux contemporains de Gutenberg de n'avoir pas sû déchiffrer l'importance de cette invention. Combien de gens, aujourd'hui encore, ne savent pas manipuler un logiciel de traitement de texte et trouve plus pratique d'écrire à la main?
Sans compter que les grands noms de la typographie, les plus "révolutionnaires" sont aussi conservateurs que les autres: Jenson et l'italique, Manuce et le Romain, Garamond et les grecs du Roi, Granjeon et les caractères de civilité, Pierre MOreau et ses lettres rondes... Tous ont voulu imiter l'écriture manuscrite, comme les premiers imprimeurs du temps de Gutenberg. Si l'imprimerie et la forme des imprimés évolue au XVIe siècle, c'est aussi parce que la calligraphie et l'écriture manuscrite (humanistique, etc.) change! L'imprimerie est importante et change le rapport des gens au texte écrit, mais l'écriture manuscrite a elle aussi une grande influence sur la forme de l'imprimé. Enfin, c'est comme cela que je le vois.
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerJe me rappelle à la 3ème vente Bérès avoir pris en mains l'exemplaire incunable dont la reliure, fruste était composée d'ais de bois brut avec des clous de fers et encore un morceau de chaîne qui servait à l'époque à attacher les ouvrages, tous précieux alors, aux pupitres des scriptoria. Quelle émotion là encore ?
RépondreSupprimerQue me réserve la visite des 17 et 18 décembre à la vente Bérès. Les émotions sont gratuites et il faut alors en profiter. N'hésitez donc pas à venir avec nous à la visite des deux prochaines ventes Bérès.
A part décliner son identité, remplir une fiche et cocher et décocher les livres mis sur table, j'ai trouvé que l'étude Bergé était très "sympa" en ce qui concerne la manipulation des livres des dernières ventes Bérès (on n'a pas le temps de trop s'éterniser tout de même...)
J'ai ainsi pu avoir en mains des ouvrages adjugés ensuite plusieurs centaines de milliers d'euros, dont le gigantesque atlas XVIè colorié qui à fait plus de 600.000 euros si mes souvenirs sont bons... Je me souviens encore avoir eu peine à prendre l'atlas à deux mains tellement je tremblais d'émotion (et sous le poids du volume).
Amitiés fébriles, Bertrand
Gonzalo,
RépondreSupprimerJe ne parlais pas de la forme mais du contenu. Evidemment, vous me taquinez : ni exigeance, ni critique, une simple constatation de béotien au terreau trop infertile pour que les réponses y germent naturellement !
Il n'y a pas beaucoup d'auteurs contemporains ou de nouvelles idées ou connaissances imprimées dans cette période incunable et pourtant les imprimeries sont assez nombreuses. Il faut attendre >1500 pour qu'Erasme s'approprie l'imprimé et s'en serve pour la diffusion de ses idées, pour que la Réforme exploite le medium etc...
Comment interprete-t-on cela dans les milieux académiques (et autres)? raison culturelle, économique ?
Montag
J'allais dire la même chose que Gonzalo concernant le peu de vision "révolutionnaire" des premiers imprimeurs. Le livre, ou en tout cas l'écrit intellectuel était plus ou moins réservé à une catégorie de la population depuis les débuts du Moyen Age (construction encore une fois téléologique, de la part cette fois des humanistes), à savoir les clercs, religieux et universitaires (pour la plupart également des religieux ou des juristes). C'est pourquoi le premier corpus imprimé, celui de la deuxième partie du XVe siècle, est réservé avant tout aux livres religieux, aux Auctoritas philosophiques (les philosophes grecs et romains, ainsi que quelques médiévaux), et aux ouvrages de droit (code Justinien par exemple), ayant bien entendu comme toujours des exceptions. Même les ouvrages dit historiques (comme la Chronique de Schedel) sont avant tout des livres imprégnés de religiosité. Il est d'ailleurs symptomatique de cette période de constater que le premier ouvrage imprimé et diffusé est une Bible.
RépondreSupprimerLes contemporains des prémices de l'imprimerie étaient loin de vouloir révolutionner le monde. Ils n'étaient que les égaux, plus rapides bien entendu, des copistes médiévaux des scriptoria des monastères.
Nous en revenons au nerf de la guerre, idem en bibliophilie qu'en imprimerie, fusse-t-elle du XVè siècle et naissante, qui payait alors les impressions ? Qui donnait du travail aux imprimeurs ? Avec qui les imprimeurs avaient-ils "intérêt" à travailler ? Le milieu ecclésiastique semble la réponse toute trouvée. Le milieu des affaires de l'époque (le droit essentiellement je pense) et quelques "classiques" latins et grecs, d'où les princeps aujourd'hui très recherchées. Les auteurs modernes, les éditeurs, tout cela n'était encore pas bien organisé et je pense que si la réforme a joué un rôle essentiel dans la propagation des idées neuves dans ce milieu, c'est aussi le développement tout entier du commerce qui s'est modernisé. Mais là je rentre dans un domaine où je ne suis pas spécialiste et je ne voudrais pas dire de bêtise, donc je laisse les économistes ou sociologues du blog dispenser leur savoir.
RépondreSupprimerAmitiés, Bertrand
Sûr, rien ne s'écoulait mieux qu'un bon vieux Térence avec les commentaires de Donatus (pensez ! le maître de St-Jérôme) pour fournir les classes du trivium !
RépondreSupprimerMontag
"C'est avoir une vision téléologique de reprocher aux contemporains de Gutenberg de n'avoir pas sû déchiffrer l'importance de cette invention."
RépondreSupprimerAch, sehr schön... Je vois que les discussions atteignent des sommets en mon absence... merci de faire vivre le blog quand je ne suis pas là".
Hugues
Pour répondre à Montag, je reviens de la magnifique ville de Trèves, en Allemagne. J'ai bien réussi à dénicher un "Antiquariat", nom du libraire ancien en Allemagne, mais il n'y avait rien d'intéressant.
RépondreSupprimerFinalement, pour 20 euros, à Trèves, je vous conseille plutôt un vin chaud, une saucisse blanche, quelques beignets de pomme de terre avec de la compote de pommes, et une gaufre nappée de kirsch et de chantilly maison... au total 18 euros.. ce qui tombe plutôt bien, le vin chaud est à 2 euros!
Total : 20 euros.
:)
H
C'est pas de remords de n'avoir rien ramené que vous allez être bourrelé, à ce régime là.
RépondreSupprimerM.
>>>"Il n'y a pas beaucoup d'auteurs contemporains ou de nouvelles idées ou connaissances imprimées dans cette période incunable et pourtant les imprimeries sont assez nombreuses. Il faut attendre >1500 pour qu'Erasme s'approprie l'imprimé et s'en serve pour la diffusion de ses idées, pour que la Réforme exploite le medium etc...
RépondreSupprimerComment interprete-t-on cela dans les milieux académiques (et autres)? raison culturelle, économique ?"
Je ne sais pas si une seule interprétation est admises dans les milieux académiques... J'entends surtout parler d'un ensemble de facteurs d'ordre culturel (ne pas bouleverser les habitudes de lecture), social (le public à qui on les destine n'est pas exclusivement composé de clercs, mais les "humanistes", qui pronent la novation culturelle et typographique, sont assez peu nombreux), économique (les premières fontes sont du gothique, cela coute cher de graver des poinçons). A titre personnel, j'explique surtout cela par une certaine intertie: on ne bouleverse pas 1000 ans de pratique manuscrite d'un coup... Ces 65 années de transition (si on considère que le changement s'opère vers 1515-1520) sont finalement assez rapides: tout est une question d'échelle!
Il n'y a pas que Hugues qui part ... Je vais passer le week-end dans le vignoble près d'Epernay ...Je boirai autre chose que de la bière blanche à votre santé ! A dimanche soir ! Bon week-end à tous !
RépondreSupprimerJean-Paul
>on ne bouleverse pas 1000 ans de pratique manuscrite d'un coup..
RépondreSupprimerJ'étais justement en train de relire un chapitre consacré à l'abbé Raphael de Mercatel (1437-1508), abbé de St Bavon à Gand. Il avait des ascendances bourguignonnes et des relations italiennes. Il est considéré comme étant un des premiers humanistes bibliophiles des Flandres. Il n'achetait pas d'imprimés qu'il jugeait trop communs et qui n'étaient pas colorés, ni n'achetait d'ailleurs de manuscrits "ready-made". Par contre, il commanditait des manuscrits décorés à l'ancienne qui étaient copiés sur des éditions incunables (le colophon était parfois repris in-extenso par les copistes). Il se constituait ainsi des ouvrages personnels, thématiques, en réunissant dans une même riche reliure des manuscrits picorés de cette façon sur différents imprimés,qu'il associait à des manuscrits inédits.
L'auteur ajoute qu'un autre biliophile, le duc d'Urbino, Federigo da Montefeltro, n'achetait pas non plus de livres imprimés.
Montag