samedi 22 mars 2008

Le Gascon, le relieur inconnu

Amis Bibliophiles Bonsoir,

Pour beaucoup, il fût le plus grand relieur du 17ème siècle, si ce n’est de toute l’histoire de la reliure et on lui doit certaines innovations importantes. Le paradoxe, c’est que de ce génie, on ne connaît que le surnom : Le Gascon.

Qui fût le Gascon ? On sait de lui qu’il fût actif dans la première moitié du 17ème siècle et que de son vivant déjà il était extrêmement renommé.
Comme je l'ai dit, on lui doit plusieurs innovations telles que le pointillé, dont j’ai déjà parlé, mais il semble également qu’il fût le premier à couvrir les gardes intérieures des reliures.

On garde de lui l’image d’un relieur-doreur d’une maîtrise absolue, dont les entrelacs et les filets composés de fers pointillés dessinent des décors d’une finesse exquise.

Reste à savoir qui fût Le Gascon. Il y a plusieurs hypothèses, Gruel notamment émît l’hypothèse que La Gascon était en fait Florimond Badier, un gascon, effectivement. Cette hypothèse fût ensuite réfutée quand on découvrît que Le Gascon était actif dès 1622. En effet, à cette époque, Badier n’avait pas encore débuté son apprentissage. D’autres hypothèses suggèrent que Le Gascon fût un temps un doreur de l’atelier des Eve, dont certaines créations sont proches.

Je ne sais pas si la question a été finalement tranchée, mais j’avoue que j’ai de l’affection pour la théorie de Roger Devauchelle. Celui-ci évoque en effet la piste de Florimond Badier, mais simplement comme un indice. En effet, Badier, gascon de naissance, fût accueilli par un relieur de sa région, gascon lui aussi, dont il épousera la fille. Ce relieur se nomme Jean Gillede. Ce qui est intéressant c’est de constater que des comparaisons ont montré que les reliures attribuées à Le Gascon et celles de Badier furent exécutées avec des outils de dorures issues du même atelier, et comme Badier n’avait pas encore débuté sa carrière quand Le Gascon était déjà reconnu, cela nous met naturellement sur la piste de Gillede.

Roger Devauchelle rejoint cette thèse et la développe dans une direction intéressante : en effet Gillede fût reçu maître en 1615, ce qui coïncide avec les premiers éléments sur sa bonne réputation, et qui datent de 1622… mais surtout en 1622, dans le registre de la Confrérie des relieurs, apparaît un détail qui mérite d’être noté : le nom de Gillede y figure en surcharge d’un « L », comme si Gillede, entraîné par son habitude avait commencé à écrire « Le Gascon »… Hypothèse séduisante, non ?

H

7 commentaires:

  1. Merci pour ce message, Hugues.

    Cela dit, une petite remarque me vient, ou plutôt me revient car je me l'étais déjà faite à plusieurs reprises. Te serait-il possible, lorsque tu utilise des ouvrages pour rédiger un message, de nous en donner les références?
    Il ne s'agit absolument pas de chercher à vérifier la validité de ce que tu écris - le blog n'est pas, n'a pas la prétention, et ne doit pas être une publication scientifique! Mais souvent, à te lire, j'ai eu envie de poursuivre la recherche, et j'aurai eu besoin de quelques références à utiliser comme point de départ pour mes lectures.
    Ceci n'est pas une critique, juste le souhait de pouvoir lire les mêmes choses que toi. ;o)

    Je dis cela, mais en même temps je n'ai aucune certitude: l'aspect "brut" du blog tel qu'il est là me semble très intéressant aussi. Je ne sais pas si il est souhaitable d'en faire un périodique avec notes de bas de page... Je ne sais pas ce qu'en pensent mes camarades-lecteurs. Peut-être suis-je le seul à me faire cette remarque..

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  2. Gonzalo, tu n'as pas tort. je me fais parfois la remarque, mais elle se heurte tout simplement à la réalité. Comme vous le savez, je ne suis ni érudit, ni professionnel du livre, et j'ai une vie de famille (sourire... on voît que tu ne donnes pas de bains à des petits enfants tous les soirs toi... ah ces étudiants), entre autres, donc je ne peux me lancer dans des messages que l'on pourrait comparer à des textes universitaires (je n'en ai pas la prétention d'ailleurs), ou alors la publication passera à un message par semaine. C'est l'obstacle "temps".

    J'écris assez rarement des messages avec des livres à côté de moi, même si je peux me plonger dans certains pour préciser ma pensée sur des points précis ou piocher des dates. c'est l'obstacle "méthode".

    En revanche, j'ai une mémoire de mammouth, héritée de mes études, et j'évoque parfois des points de vues ou des thèses lues il y a quelque temps déjà; Sur lesquels j'ai pu prendre des notes dans mes petits carnets de moleskine, au hasard de ces lectures, justement.

    Dans ce cas précis, je suis en week-end loin de ma bibliothèque et je n'ai pas les ouvrages à côté de moi. J'ai travaillé avec mon carnet + internet.

    Mais pour t'aider:
    En ce qui concerne Devauchelle, il s'agît de son ouvrage "La Reliure", paru il y a quelques années, un volume in-folio.
    Vanderem : la Bibliophilie Nouvelle, mais de tête, je ne peux t'en dire plus.

    Donc, pour revenir au "débat" sur les références : tu as raison, forcément, mais c'est quasi impossible pour moi (pour des questions de temps et parce que je fonctionne beaucoup avec des notes pour les points précis). Mais je ferai un effort. Promis.

    Ou alors, je pourrais éventuellement mettre dans un coin du blog tous les livres utilisés de manière générale (j'en ai peu, une douzaine maximum). A voir.

    H
    P.S. : pour terminer par une boutade.... Quand m'envoies tu un message? :)

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  3. Je précise que quand j'ai un doute sur une information, je préfère ne rien écrire qu'écrire une erreur. Et puis vous êtes là pour me corriger, ce qui a dû arriver 3 fois en un an je crois. Vous pouvez donc "croire" le blog!
    H

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  4. Mon avis : j'ai tenu un blog... et je n'ai pas tenu justement. C'est un travail immense, surtout quand on poste tous les jours.
    Continuez comme ça Hugues, c'est déjà plus que bien.
    Si vous pouvez nous ajouter quelques références, sans aller jusqu'aux notes de bas de pages façon thésard, ce sera bien aussi.
    Je trouve que votre idée d'une sorte de liste de livres sur les sujets qui nous intéressent, où nous pourrions aller piocher pour nos lectures est une très bonne idée. Elle vous permettrait peut-être d'échapper aux notes tout en satisfaisant les lecteurs.
    Courage!
    Tristan

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  5. Ton travail est parfait, Hugues. Puis-je ajouter que différents éléments, qu'il serait fastidieux de développer ici, permettent de penser que Le Gascon mourut en 1661. On ne peut que souhaiter la découverte d'un acte dans lequel serait désigné le véritable nom du relieur à côté de son surnom éventuel, pour que cesse une partie du mystère qui l'entoure.

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  6. Arggh!!
    Ces thésards (j'en fus un...) qui demandent des nbdp à Hugues... Amitiés à tous ceux-ci et surtout à celui-là. Cette activité éditoriale est absolument impressionnante... Que ne complétez-vous pas, vous, qui n'avez de petits à langer, baigner, faire faire le rototo... ;-))
    En bref, ce blog est presque un miracle dans la net-économie et dans la net-convivialité.
    Bien à vous tous,
    Olivier

    PS : sans tirer sur les ambulances, je me demande comment les amateurs de livres anciens peuvent prolonger leur abonnement au MdB (j'ai résilié le mien). Tout amoureux du papier que l'on est, Hugues (et les généreux contributeurs), l'écran et hypertexte me semblent fort adaptés à ma pratique hédoniste de la bibliophilie.

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  7. Merci Jean-Paul,
    Au passage, quand on lît le Thoinan (Les relieurs français (1500-1800) : biographie critique et anecdotique), on note avec intérêt le passage suivant :
    "On comprendra qu'il n'y ait pas à tenir compte de l'assertion de plusieurs auteurs, Fournier entre autres, d'après laquelle la tranchefile mêlée de fils d'or ou d'argent serait une marque infaillible pour distinguer les reliures sortant des mains du Gascon (ou de Boyet par exemple, NDLR) : c'est là un pur enfantillage. L'emploi du fil de métal dans les tranchefiles ne pouvait être un privilège exclusif à qui que ce fût : chaque relieur avait le droit de pratiquer le procédé, du moment qu'il plaisait à son clientt, et plusieurs en usèrent pour les reliures riches".
    Je me méfie toujours énormément des mentions "reliure attribuable à...", presque toujours utilisées pour augmenter la valeur marchande d'un ouvrage, et souvent assez peu étayées... Ici, par exemple, on le voît, un fil de métal dans une tranchefile, n'est pas un argument suffisant.
    Pour revenir à La Gascon, en effet, sa mort est située en 1661, quel dommage que nouus n'ayons pas d'autres information sur le sujet. En passant, c'est la même chose pour Gillede...
    H

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