Amis Bibliophiles Bonjour,
En attendant son étude approfondie sur le sujet et qui deviendra sans aucun doute la référence pour les générations de bibliophiles à venir, Jean-Paul nous fait l'amitié de nous inviter aujourd'hui sur les traces de Cazin. Libraire-éditeur que le bibliophile croise souvent au détour d'un catalogue, le plus souvent à tort d'ailleurs, mais dont on sait finalement peu de choses (enfin, avant de lire le travail de Jean-Paul).
Sans archives professionnelles, sans portrait et sans sépulture, la personnalité du célèbre libraire rémois du XVIIIe siècle demeure énigmatique, malgré les publications des érudits et des cazinophiles du siècle suivant. Ceux-ci, ignorant la biographie exacte de Cazin et abusés par des collections de petits formats semblables à la sienne, lui inventèrent une vie romancée et, ne s'intéressant qu'aux petits formats, lui attribuèrent tous les livres qui ressemblaient aux siens.
D'une famille originaire de Sainte-Ménehould, Hubert-Martin Cazin naquit à Reims le 22 mai 1724, septième enfant de Jacques Cazin, libraire et relieur rue des Tapissiers (aujourd'hui rue Carnot), et de Martine-Thérèse Noël. Il fut reçu libraire et relieur en 1755 et succéda à son père décédé. Il épousa une soissonnaise, Marie-Françoise Duhamel, qui lui donnera cinq filles.
Pour augmenter le chiffre d'affaires d'une modeste librairie qui vendait surtout des livres d'usage, des papiers pour l'écriture et le dessin, et des boîtes de carton pour les bureaux, Cazin se risqua au commerce des livres prohibés qui lui furent fournis par certains éditeurs, revendeurs et colporteurs de Genève, de Bouillon et de Neuchâtel. Ce trafic lui valut d'être destitué une première fois de sa qualité de libraire en 1759. Il fut rapidement réhabilité grâce à l'intervention des relations de son beau-frère, procureur au bailliage ducal.
Le trafic persistant, des perquisitions faites à Bouillon et à Reims en 1764 révélèrent d'autres fornisseurs, à Sedan, à Liège et à Charleville : Cazin fut destitué une seconde fois. Manifestement protégé, il fut une nouvelle fois réhabilité, mais se fit discret pendant une dizaine d'années. C'est alors qu'il entreprit une activité éditoriale et qu'il déménagea, en 1773, sur la nouvelle place Royale. Il devint libraire de l'Université de Reims l'année suivante.
Mais au cours de nouvelles perquisitions réalisées en province en 1776, à la demande des libraires parisiens qui voulaient faire cesser les atteintes portées à leurs privilèges, Cazin fut dénoncé, arrêté et, cette fois-ci, conduit à la Bastille. Il n'en sortit que deux mois plus tard, pratiquement ruiné.
Lors de ses fréquents séjours à Paris où il cherchait à s'installer, Cazin fit la connaissance du libraire et imprimeur Jacques-François Valade, rue des Noyers, qui avait commencé à éditer une collection dans le petit format in-18. En 1782, Cazin fut associé à l'édition de certains titres de la collection in-18 de Valade. La maladie de ce dernier laissa Cazin à la direction de la collection dès 1784 : il édita alors sa première collection in-18 sous le titre de « Petite bibliothèque de campagne ou collection de romans », qu'il fit imprimer à Paris, tandis qu'il continuait à travailler avec les imprimeurs de Liège pour d'autres éditions. Après la mort de Valade, sa veuve abandonna, en 1785, la collection in-18 à Cazin.
De 1785 à 1787, Cazin édita sa « Collection des poètes italiens », dans le format in-18, qu'il fit imprimer à Orléans. Entre-temps, en 1786, il avait installé sa librairie rue des Maçons. Il déménagea de nouveau rue du Coq-Saint-Honoré en 1792, puis rue Pavée-Saint-André en 1793. Le 13 vendémiaire An IV, rue du Dauphin, alors que Bonaparte délogeait à coups de canon des royalistes barricadés dans l'église Saint-Roch, il fut atteint par un éclat de mitraille et mourut le surlendemain, 7 octobre 1795.
L'étude attentive de ses éditions authentiques (62 titres seulement, de 1769 à 1793, dans tous les formats), ainsi que de ses catalogues et de sa correspondance, permet d'affirmer aujourd'hui que ni le papier azuré, ni les dispositions typographiques, ni les caractères, ni les fleurons, ni la fausse adresse de Londres, ni la reliure en veau écaille, ne furent une exclusivité du libraire-éditeur Cazin. D'autres éditeurs les ont utilisés avant lui, et de nombreuses éditions lui ont été faussement attribuées. La confusion est entretenue encore aujourd'hui par l'appellation éponymique de « Cazin » utilisée pour désigner communément le petit format in-18 qu'il n'a pourtant pas inventé.
Jean-Paul Fontaine
Merci!
H
En attendant son étude approfondie sur le sujet et qui deviendra sans aucun doute la référence pour les générations de bibliophiles à venir, Jean-Paul nous fait l'amitié de nous inviter aujourd'hui sur les traces de Cazin. Libraire-éditeur que le bibliophile croise souvent au détour d'un catalogue, le plus souvent à tort d'ailleurs, mais dont on sait finalement peu de choses (enfin, avant de lire le travail de Jean-Paul).
Sans archives professionnelles, sans portrait et sans sépulture, la personnalité du célèbre libraire rémois du XVIIIe siècle demeure énigmatique, malgré les publications des érudits et des cazinophiles du siècle suivant. Ceux-ci, ignorant la biographie exacte de Cazin et abusés par des collections de petits formats semblables à la sienne, lui inventèrent une vie romancée et, ne s'intéressant qu'aux petits formats, lui attribuèrent tous les livres qui ressemblaient aux siens.
D'une famille originaire de Sainte-Ménehould, Hubert-Martin Cazin naquit à Reims le 22 mai 1724, septième enfant de Jacques Cazin, libraire et relieur rue des Tapissiers (aujourd'hui rue Carnot), et de Martine-Thérèse Noël. Il fut reçu libraire et relieur en 1755 et succéda à son père décédé. Il épousa une soissonnaise, Marie-Françoise Duhamel, qui lui donnera cinq filles.
Pour augmenter le chiffre d'affaires d'une modeste librairie qui vendait surtout des livres d'usage, des papiers pour l'écriture et le dessin, et des boîtes de carton pour les bureaux, Cazin se risqua au commerce des livres prohibés qui lui furent fournis par certains éditeurs, revendeurs et colporteurs de Genève, de Bouillon et de Neuchâtel. Ce trafic lui valut d'être destitué une première fois de sa qualité de libraire en 1759. Il fut rapidement réhabilité grâce à l'intervention des relations de son beau-frère, procureur au bailliage ducal.
Le trafic persistant, des perquisitions faites à Bouillon et à Reims en 1764 révélèrent d'autres fornisseurs, à Sedan, à Liège et à Charleville : Cazin fut destitué une seconde fois. Manifestement protégé, il fut une nouvelle fois réhabilité, mais se fit discret pendant une dizaine d'années. C'est alors qu'il entreprit une activité éditoriale et qu'il déménagea, en 1773, sur la nouvelle place Royale. Il devint libraire de l'Université de Reims l'année suivante.
Mais au cours de nouvelles perquisitions réalisées en province en 1776, à la demande des libraires parisiens qui voulaient faire cesser les atteintes portées à leurs privilèges, Cazin fut dénoncé, arrêté et, cette fois-ci, conduit à la Bastille. Il n'en sortit que deux mois plus tard, pratiquement ruiné.
Lors de ses fréquents séjours à Paris où il cherchait à s'installer, Cazin fit la connaissance du libraire et imprimeur Jacques-François Valade, rue des Noyers, qui avait commencé à éditer une collection dans le petit format in-18. En 1782, Cazin fut associé à l'édition de certains titres de la collection in-18 de Valade. La maladie de ce dernier laissa Cazin à la direction de la collection dès 1784 : il édita alors sa première collection in-18 sous le titre de « Petite bibliothèque de campagne ou collection de romans », qu'il fit imprimer à Paris, tandis qu'il continuait à travailler avec les imprimeurs de Liège pour d'autres éditions. Après la mort de Valade, sa veuve abandonna, en 1785, la collection in-18 à Cazin.
De 1785 à 1787, Cazin édita sa « Collection des poètes italiens », dans le format in-18, qu'il fit imprimer à Orléans. Entre-temps, en 1786, il avait installé sa librairie rue des Maçons. Il déménagea de nouveau rue du Coq-Saint-Honoré en 1792, puis rue Pavée-Saint-André en 1793. Le 13 vendémiaire An IV, rue du Dauphin, alors que Bonaparte délogeait à coups de canon des royalistes barricadés dans l'église Saint-Roch, il fut atteint par un éclat de mitraille et mourut le surlendemain, 7 octobre 1795.
L'étude attentive de ses éditions authentiques (62 titres seulement, de 1769 à 1793, dans tous les formats), ainsi que de ses catalogues et de sa correspondance, permet d'affirmer aujourd'hui que ni le papier azuré, ni les dispositions typographiques, ni les caractères, ni les fleurons, ni la fausse adresse de Londres, ni la reliure en veau écaille, ne furent une exclusivité du libraire-éditeur Cazin. D'autres éditeurs les ont utilisés avant lui, et de nombreuses éditions lui ont été faussement attribuées. La confusion est entretenue encore aujourd'hui par l'appellation éponymique de « Cazin » utilisée pour désigner communément le petit format in-18 qu'il n'a pourtant pas inventé.
Jean-Paul Fontaine
Merci!
H
Une vente Cazin avait eu lieu en février 2006. Voici les introductions de chaque période qui figurait alors au catalogue.
RépondreSupprimer"
1. Précurseurs de Cazin : La collection lyonnaise in-24.
Publiée sans nom par les libraires lyonnais Aimé de La Roche, A. Leroy, Bruyset, Périsse, etc., cette collection parut de 1777 à 1792, généralement sous la fausse adresse de Genève et la date fictive de 1777. Elle se caractérise par sa typographie soignée, ses fines gravures en premier tirage et généralement signées. Sapée sans relâche par Cazin, elle est restée aujourd’hui la plus mignonne, la plus recherchée, et l’une des plus belles de toutes celles publiées avant la fin du XVIIIe siècle.
2.Ce sont les libraires parisiens Lamy, Pissot et Valade qui la publient, généralement sous la fausse adresse de Londres, entre 1777 et 1780. Inspirée de la collection lyonnaise ; les gravures sont en premier tirage (ce qui est également le cas pour les périodes suivantes, nous le signalons dans le cas contraire), mais généralement non signées. Sur les 20 titres parus durant cette période, nous en proposons 10.
3. Collection parisienne in-18, 2e période.
La période la plus remarquable de la collection (1781-1784), celle du plus grand succès, sous la direction des libraires Pissot et Valade, auxquel Cazin est venu se joindre. Nous proposons 33 des 60 titres de cette période, dont certains peu communs (Helvétius), et d'importantes séries (Molière, Rousseau).
"
La troisième période est-elle la seule que l'on peut considérer comme Cazin authentiques ?
Eric
Bonsoir à tous,
RépondreSupprimerMerci pour cet article qui, pour ma part, me pose plus de questions qu'autre chose. Comment s'établit cette liste de 62 titres authentiques et qu'elle est-elle? Comment expliquer, simultanément, cette quasi absence de sources et de traces dans l'histoire et cette notoriété posthume (n'est pas "bottin" ou "frigidaire" qui veut...)?
C'était un incipit, non?
Encore merci,
Olivier
A Eric : même pas...
RépondreSupprimerA Olivier : ce n'est effectivement qu'un "incipit"...
Impossible de détailler ici. Ce n'est qu'un tès petit résumé d'un ouvrage d'environ 400 pages, in-8°, avec 62 pl.h-t, qui tarde un peu à sortir : les éditeurs sont moins pressés que les auteurs et que les lecteurs !
On peut ajouter que Brissart-Binet a beaucoup inventé et peu vu d'exemplaires, que Corroënne a commencé le "ménage" mais sans distinguer la part de Valade et de Cazin, que personne n'avait lu les 25 lettres de Cazin qui sont en Suisse, que d'autres éditions du libraire Cazin dans d'autres formats que l'in-18 ont été découverts, etc.
Cet "incipit" est néanmoins un bon guide de départ pour ne plus (ou presque) se tromper en la matière.
Bien évidemment, vous allez rencontrer des sceptiques et/ou des contradicteurs. Je doute qu'ils aient connaissance d'une biographie plus exacte de Cazin ou qu'ils aient manipulé plusieurs milliers de "Cazin" aux quatre coins de l'Hexagone.
Tout ce qui a été écrit sur le sujet avant 2008 (même l'article "Cazin" du "Dictionnaire encyclopédique du Livre") est obsolète.
Je me doutais bien un peu que tout cela était plus compliqué. Cela me fais une bonne raison d'acheter le tant attendu ouvrage de Jean Paul.
RépondreSupprimerEric
Jean-Paul,
RépondreSupprimerJ'ai acheté sur Ebay, il y a 15j un vrai Cazin (oeuvres de Colardeau) domicilié Cul-de-fac du Coq St Honoré, N°3 de 1793.
Les deux adresses ont du se chevaucher la même année.
Cet achat (pertinent) est à mettre à votre bénéfice et prouve l'intérêt que vous avez su provoquer chez les bibliophiles.
Merci. Pierre
Jean-Paul,
RépondreSupprimerVous allez dévaluer bien des collection de cazinophiles... Par les temps qui courent, est-ce bien raisonnable?
Plaisanterie mise à part, j'aurai plaisir à vous lire.
Amicalement,
Olivier
Certes, plus d'un esprit et plus d'une bibliothèque vont être perturbés ...
RépondreSupprimerMais l'accroissement des connaissances ne dévalue en rien une bibliothèque qui, en l'occurence, restera une belle bibliothèque de petits formats dont les éditeurs sont inconnus. C'est aussi un peu là-dessus que je veux en venir : il y a encore beaucoup de travail de recherche sur ces éditeurs restés anonymes par la faute des cazinophiles du XIXe siècle qui ont tout attribué à Cazin(notamment, et spectaculairement, les érotiques)faute de connaître les véritables éditeurs, dont au moins un aurait dû leur venir à l'esprit : Valade.
Eh bien je suis heureux car j'ai quelques Valade...!
RépondreSupprimerAmitiès,
Olivier
Le chef-d'oeuvre de Valade (La Pucelle en 21 chants, Londres, 1780, 2 vol. in-18), a priori en très bon état, est en vente actuellement sur ebay.
RépondreSupprimerEt alors personne (je change de sujet abruptement) pour aider celui-ci qui ne fait pas confiance à un bibliophile du tournant du siècle précédent...?
RépondreSupprimerhttp://cgi.ebay.fr/JE-CHERCHE-UN-RENSEIGNEMENT_W0QQitemZ110292326330QQcmdZViewItem?hash=item110292326330&_trkparms=39%3A1|66%3A2|65%3A3|240%3A1318&_trksid=p3286.c0.m14
???
Une bonne âme?
Quant à Lourmarin, c'est tentant et moins loin pour moi... que pour les parisiens (de là où je vous parle on est parisien à partir de Montauban...)
Amicalement,
Olivier
Ce qui est assez "étonnant" sur le Valade signalé par Jean-Paul, c'est que sur cette édition qui serait en reliure d'époque, on voit en bas du dos "Edition Cazin".
RépondreSupprimerQu'en penses-tu Jean-Paul? Reliure postérieure, de fait? Pourtant elle fait très 18ème...Bizarre.
Hugues
Indication ajoutée au XIXe par des relieurs-doreurs à la demande de certains cazinomanes sur leurs exemplaires.
RépondreSupprimerPlus précisément, reliure réalisée après la mort de Cazin en 1795 (jusque vers 1860) : en une fois (comme ici)ou endeux fois (avec marques de reprise secondaire).
RépondreSupprimerMerci, sauf que là, il ne s'agît pas de Cazin, c'est ça?
RépondreSupprimerH
Exactement chef.
RépondreSupprimerRien n'est simple au pays de Cazin!