lundi 1 septembre 2008

La restauration d'une reliure II : le Mors

Amis Bibliophiles Bonsoir,

Il vous en avait bouché un coin avec son premier article sur la restauration, ce soir Eric va vous mortifier avec son article sur les mors. Sous vos yeux, il va en effet en ressusciter un (je n'ai pas résisté). En ce qui me concerne, je reste interdit devant son travail, j'en suis totalement incapable, c'est certain... Je lui cède la parole.

Et voilà, les vacances sont terminées. J’ai profité de mon périple québecois pour y rencontrer un restaurateur de livres. L’échange sur les différentes pratiques est toujours instructif. En outre, il m’a fait découvrir un fournisseur de papier Japon particulièrement bien fourni. Je crois bien en avoir acheté pour plusieurs années !

Faisant suite à mon article sur restauration des coins, je vous propose de passer à la restauration d’un mors.

Le mors avant restauration

Restauration d’un mors:

- Etape 1 : Elagage du mors
o Cela consiste à faire une entaille au scalpel dans le cuir, dans laquelle on glissera ensuite la « rustine » de cuir.
o Pour le mors côté plat, l’entaille doit être au dessus du plat. Pour le mors côté dos il faut préserver la dorure è on passe donc sous la dorure en la laissant intacte. En passant au niveau des nerfs, attention à ne pas couper les ficelles !

Mors plat élagué

- Etape 2 : replacer la bandelette de cuir :
Après élagage, une bandelette de cuir se détache. On la colle à sa place précise

Bandelette de cuir

Bandelette recollée

- Etape 3 : Préparation de la pièce de cuir
On découpe une bande cuir un peu plus large que l’élagage, puis on la pare. Les extrémités du mors seront restaurées avec les coiffes.


Pièce parée

- Etape 4 : Application de la pièce de cuir
On positionne en premier le mors plat, puis le mors dos
A ce moment, seul le cuir neuf est collé. Le cuir ancien n’est pas encore incrusté

Cuir positionné

- Etape 6 : Incrustation du dos
· On serre le dos avec une bande et on incruste au plioir.
· Il y a souvent création de rides (visibles ci-dessus).
· Dans ce cas, on redécolle alors le cuir mors dos, puis on le recolle en tendant bien le cuir au plioir :

Suppression des rides

· On incruste alors le plat (i.e. : on colle le cuir ancien sur le cuir neuf, en glissant de la colle entre les deux, en ne laissant pas de surépaisseur)

Mors restauré! Pour la coiffe il faudra encore attendre !

Etape 6 : estompage de la restauration (dépend fortement de la nature du cuir)
· Reprise de teinte pour retrouver le fond de mon cuir ancien et ajout de petites taches noires pour retrouver la tonalité exacte

Voilà le résultat final :

Restauration estompée

Si vous vous intéressez à la restauration de livres anciens, vous pouvez me contacter à restauration@z1k.com

Eric.

Superbe travail, merci beaucoup!
Hugues

6 commentaires:

  1. Merci Éric pour cette deuxième démonstration de votre talent.

    Je réalise que les restaurations par trop amateurs ne sont que des bricolages grossiers et qu'il est nécessaire de prendre des cours si l'on veut toucher correctement aux reliures.

    Je relisais hier soir, dans le train, le "quinte épitre à un ami bibliophile qui fait réparer ses livres" de Jean Marchand et je le reprends ce soir pour citer l'auteur ayant acheté un livre fatigué
    " ...il aura les injures du temps, peut-être aussi celle des hommes ; mais, attention ! je te parle des injures que l'on peut nommer involontaires des hommes : ces inhumains l'auront laissé choir, l'auront laissé souffrir des intempéries, auront arraché, sans malice, des lambeaux de sa reliure ; -pour ton bonheur, en revanche, ils ne l'auront pas indignement sophistiqué : à leurs yeux, il n'en valait pas la peine et c'est en somme ce qui l'a sauvé d'un autre péril ; il a subi les atteintes inévitables de la maladie, mais non le traitement bien plus redoutable encore, de quelque méchant médecin. (sic)"

    Éric, acceptez vous encore des élèves dans votre classe ?
    Cordialement. Pierre

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  2. Belle citation.
    Je ne donne pas de cours, les livres que je restaure me fournissent déjà suffisamment de travail, mais nous pourrons échanger sans problème sur la restauration lors d'un prochain diner de bibliophiles :o)
    Amicalement,
    Eric

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  3. Une seule réaction pour ce splendide message? Est-ce possible?

    Bon Eric, je n'y connais rien, mais toutes mes félicitations: c'est impressionnant!

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  4. Bravo Eric, et Merci pour ce nouvel article de restauration.
    ...commentaire tardif, mais je me suis absenté 15 jours...
    Amitiés
    Xavier

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  5. Bonjour Eric,

    Merci pour votre article.

    Cependant j'aurai une question technique à propos de la solidité de votre restauration.

    Est-ce que cela va tenir longtemps à l'usage?

    En effet mes (j'en ai 3 en même temps suite aux délais qui peuvent aller jusqu'à 3 ans!) restaurateurs dans ce cas de figures où les charnières sont entièrement fendues décollent le dos, parent très finement une peau qu'ils appliquent sur la totalité de celui-ci et sur quelques centimètres sur les plats (pour améliorer encore la solidité de l'ensemble), puis réajustent le dos et à leur tour utilisent des rustines. Il n'y a pas de surépaisseur visible et le livre est alors lisible et manipulable sans problème.

    Cordialement,
    Vincent P.

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  6. Oui Vincent, la restauration est très solide.
    En effet, le fait que les plats tiennent dépends de la solidité des ficelle qui ne posait pas de problème ici.
    L'avantage de ma solution c'est qu'elle reste applicable, même lorsque le dos est très difficile à décoller (très bien collé, cuir friable, dorure fragile ...).

    Dans le cas où les ficelles sont cassées ou fragilisées, je préfère alors les restaurer et les consolider avec du fil qu'en mettant des pièces de cuir. c'est plus solide et moins intrusif. Cela pourrais faire l'objet d'un prochain article.

    Eric

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