samedi 29 novembre 2008

Miscellanées de Monsieur H.

Amis Bibliophiles Bonjour,

1. Il n'est naturellement pas question de distribuer des médailles, même si nous avons pu constater ces derniers jours que nous sommes tous d'accord sur le fait que quelques vendeurs attribuent trop rapidement, et trop systématiquement des provenances prestigieuses à des reliures non signées, mais je voulais quand même relever la belle annonce ebay de l'ami Frédéric. En effet, Frédéric annonce que sa reliure vient de l'atelier des Caumartin, mais il ne se contente pas de le dire, comme c'est trop souvent le cas, il s'emploie à nous le prouver, en insérant dans son annonce les tableaux synoptiques d'Esmerian.
http://cgi.ebay.fr/ws/eBayISAPI.dll?ViewItem&rd=1&item=120340624174&ssPageName=STRK:MEWA:IT&ih=002
Bravo!

2. Je viens d'apprendre via un ami que M. Galantaris lisait le blog. Flatteur et stressant, essayons (surtout moi) de ne pas trop dire de bétises! Sourire.

3. Enfin, je termine ce message avec une exposition de reliures proposée par l'ami Martin, dont vous pouvez retrouver les livres là:
http://www.livre-rare-book.com/martin-sartorius.htm (cliquer sur "Rechercher" pour voir la liste)
et là:
http://www.abebooks.fr/servlet/SearchResults?vci=3483102


Merci Martin,

H

jeudi 27 novembre 2008

L'Étrange Cas du Dr Bibliophile et de Mr Bibliopégimane

Amis Bibliophiles Bonsoir,

Vous connaisssez tous L'Étrange Cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde (en anglais, The Strange Case of Dr Jekyll and Mr Hyde), nouvelle écrite par Robert Louis Stevenson et publiée en janvier 1886. Le réçit conte l'histoire d'un avoué, Charles Utterson, qui enquête sur le lien étrange entre Edward Hyde et le médecin Henry Jekyll.

Le Docteur Jekyll, un philanthrope obsédé par sa double personnalité, met au point une drogue pour séparer son bon côté de son mauvais, mais c'est ce côté-là qui, nuit après nuit, finalement prendra le dessus et le transformera en monstrueux Mister Hyde. Au delà de ce combat individuel, c'est bien sûr la lutte entre le bien et le mal qui se joue. Grands mots!

Le bibliophile aussi a son démon personnel. Sourire. Et si je suis venu à la bibliophilie par la lecture, je dois l'avouer, il est des nuits où un combat intense se joue en moi: aaahhh, cette reliure me tend les bras, elle m'invite à la prendre dans mes bras, à l'accompagner doucement dans mes rayonnages où elle coulera de paisibles et nombreuses années. Dans le même temps, je lutte contre ces envies, et c'est plutôt vers de grands textes ou des relations de voyages que penche mon portefeuille...

A dire vrai, je me suis laissé piéger: c'est pour vous que je suis venu à la reliure. En effet, pour pouvoir en parler j'ai commencé par acheter une reliure à la Du Seuil, puis à l'éventail, puis en pointillé, puis une fanfare.... et j'ai mis le doigt dans l'engrenage et il faut bien dire que les reliures ne couvrent pas toujours de grands textes. J'ai parfois, je le confesse des périodes boulimiques pendant lesquelles je ne cesse de m'interroger: la bibliopégimanie (l'amour des belles reliures) est-elle une bibliophilie?

Oui, non? Non, oui? En même temps, peut-on dire de moi que je ne suis pas bibliophile? -> Non! La preuve, c'est le blog du Bibliophile. Sourire. J'en déduis qu'on peut être bibliopégimane ET bibliophile, Hyde ET Jekyll... Ouf. Il faut dire aussi que ces interrogations m'entraînent sur une nouvelle voie: acheter moins, et de grands textes, bien reliés. J'ai économisé en frais de divan, c'est vrai, mais au final, je ne crois pas que mon banquier s'y retrouve...

Et vous?

H

mardi 25 novembre 2008

Une reliure à la cathédrale bien mystérieuse

Amis Bibliophiles Bonsoir,

Hasard du calendrier puisque dimanche deux lecteurs du blog m'ont envoyé des articles sur des sujets proches: V qui a proposé une tribune sur les attribution abusives de reliures à des relieurs, et Gilles qui vous présente aujourd'hui une de ses reliures, et développe une thèse intéressante sur le même sujet.

"Je vous présente une de mes reliures: il s’agit d’une reliure “à la cathédrale” ornée d’une grande plaque à froid, signée de Bauzonnet. Ce type de décor d’inspiration architecturale gothique, connut une ferveur intense mais limitée dans le temps de 1825 à 1840.
Cette reliure est un peu étrange pour le maître des filets que fut Bauzonnet. En effet on dit qu’il affectionna les décors de filets dorés en réaction justement à la mode de “la cathédrale”. Elle couvre l”Imitation de Jésus-Christ”, traduction de l’abbé Dassange, illustrée par Tony Johannot et Cavelier, chez Curmer à Paris en 1836, in-4. Plein veau poli lie de vin foncé, à 5 nerfs ornés d’une roulette dorée, caissons estampés à froid d’une croix et de motifs floraux, titre doré, signature en queue.
Grande plaque à froid sur les plats réalisant un encadrement de filets en creux “noirci” et un double encadrement de trois filets dorés. Filets sur les coupes, roulette intérieure dorée, tranchefiles doubles, tranches dorées. Notons que Bauzonnet à cette époque n’est pas encore associé à Trautz.

Voici maintenant peut-être deux autres exemplaires de cette plaque.
Le premier couvre les “Promenades dans Rome” de Stendhal chez Delaunay en 1829. Ce livre figure dans la vente du 20 octobre 2004 chez Azur enchères à Cannes.
La reliure n’est pas signée. La plaque semble identique, sauf le granité au-dessus des pinacles. La roulette en encadrement et la facture de la reliure semblent un brin en dessous de la manière des grands maîtres relieurs.

Le second couvre “les Saints Evangiles,... traduits par M. l’abbé Dassance, illustrés par Tony Johannot, Cavelier, Gérard Séguin et Brevière.” Paris, Curmer, 1836.

La reliure est signée... Niedrée! Elle est reproduite dans “Relieurs et reliures décorées en France à l’époque romantique” Bibliotheca Wittockiana, Paul Culot, 1995. La plaque paraît identique mais présente des petites variations, le jour supérieur dans le pinacle central un peu plus large, les petits points dans les arcs brisés centraux supérieurs et les trois petits points dans les jours des pinacles latéraux inclinés dans l’autre sens. Niedrée s’est installé en 1836, il a travaillé auparavant en même temps que Trautz chez Kleihans à Paris, il travailla personnellement pour Curmer en 1838.
Notons pour les deux reliures signées, la même année d’édition, chez le même éditeur pour un même auteur. (On trouve également ces livres sous un autre modèle de plaque cathédrale signés tantôt de Thouvenin, tantôt de Simier ou non signés! Cf Paul Culot N° 48 et Devauchelle page 207 et catalogue Azur n°248 )

Que peut-on en conclure?
Si la plaque est la même, [et en ce cas les minimes différences observées peuvent-elles être techniquement le résultat de retouches faites sur la plaque?] se peut-il que les relieurs se soient échangé leur matériel?
Se peut-il qu’un relieur ait servi de façonnier aux autres et que chacun signe pour autant “sa” reliure?

Le graveur a-t-il tiré plusieurs plaques? Ou un même dessin a-t-il servi à plusieurs graveurs? Il faudrait disposer des mesures exactes des plaques.

Enfin, à la lumière de cet exemple, est il raisonnable d’attribuer une reliure non signée sur la foi d’un fleuron, d’une roulette ou d’une plaque retrouvés sur une reliure signée? Quelle valeur faut-il prêter aux mentions du type “attribuable à Derôme..”?
Merci Gilles,
H

dimanche 23 novembre 2008

Débat / Tribune libre: les reliures "attribuables à..."

Amis Bibliophiles Bonjour,

Un lecteur du blog m'a contacté par email pour me faire part de son agacement face à la prolifération de l'expression "reliure attribuable à..." dans les descriptions de livres. Plutôt que d'insérer simplement son email dans un de mes messages, je lui ai proposé une tribune libre dans le blog, la voici (au passage, merci à Gilles et Bernard pour les envois d'articles récents, que je vais également vous proposer bientôt):

"Est-il devenu plus difficile de vendre un livre ancien au cours des derniers mois? C'est possible, mais ce qui est certain, c'est qu'on constate ces derniers mois une tendance de plus en plus fréquente des vendeurs (libraires en particulier, mais aussi particuliers vendant sur ebay) à "embellir" leurs descriptions de livres et leurs notices. Où serait le mal s'il ces embellissements étaient justifiés, mais force est de constater que la plupart du temps, les vendeurs ne peuvent prouver ce qu'ils avancent.

Ainsi en ce moment sur ebay, on trouve des reliures attribuables à Capé, Canape, Trautz-Bauzonnet, Padeloup, Duru sans que les auteurs de les descriptions n'aient la moindre preuve de ce qu'ils avancent.

Admettons que cela soit possible pour un des relieurs ayant vécu jusqu'à la fin du 18ème siècle, qui ne signaient leurs oeuvres que de façon rarissime, comme Padeloup ou Le Gascon ou Boyet (encore que cela ne gêne pas certains vendeurs, qui attribuent sans preuves les reliures de leurs livres à ces maîtres pour augmenter leur valeur); même pour des relieurs aussi mystérieux que Le Gascon... Allez, attribuons sans vergogne, même si par exemple un Elzevir disponible en ce moment sur ebay et qui est attribué à Le Gascon pourrait plus probablement sortir de l'atelier des Magnus, comme en témoigne la dorure au centre des plats.
Que dire encore de cette reliure attribuable à Boyet récemment vendue sur ebay alors que rien ne venait prouver cette assertion hormis un "Cette reliure désigne par son décor et sa tenue d’ouvrage la main du maître-relieur parisien Luc Antoine Boyet", pas même le plus petit tranchefile d'argent, si tant est que ce soit une preuve?
Que dire de celle-ci, que le vendeur décrit comme "...Le Gascon, à qui elle peut être attribuée avec quasi certitude".. mais sans aucune preuve?

Mais quand on parle des grands relieurs du 19ème comme les ateliers Trautz-Bauzonnet, Chambolle-Duru, Capé ou Lortic (mais jamais Gruel d'ailleurs, probablement pas assez prestigieux, curieux, non?), où commence le manque de sérieux, la naïveté et où termine l'escroquerie? En effet, il semble que ces ateliers signaient la plupart du temps leurs reliures, surtout les reliures de luxe en plein maroquin (ce n'était pas toujours le cas pour les demi-reliures, encore que), soit dans la dentelle intérieure, soit d'un cachet en haut à gauche du faux-titre.

Il semble difficile de croire que ces ateliers omirent volontairement de signer ces reliures "de luxe" que des vendeurs nous proposent à des prix "luxueux". Quel aurait été leur intérêt? Au contraire, ces reliures sont souvent de grande qualité, on peut penser que les ateliers les auraient assumées volontiers, en auraient été fiers. Pas crédible donc.

Le problème est bien là: le manque de "preuve", de crédit, et des vendeurs qui attribuent arbitrairement des "provenances" prestigieuses à leurs reliures pour en augmenter la valeur. On retrouve bien là d'ailleurs le sens d'attribuer, qui est souvent donné comme "conférer à quelqu’un ou à quelque chose un avantage"...

On peut s'interroger sur les motivations de ces vendeurs: prennent-ils les acheteurs pour des idiots? Ces reliures sont belles, pourquoi "dériver" ainsi et ruiner une belle description par une approximation mercantile?

Force est de constater que dans le monde de la peinture par exemple, les vendeurs n'osent pas se livrer à de telles affirmations non fondées: avez-vous déjà croisé un "attribuable à Monet", ou "attribuable à Picasso". Non. D'ailleurs, en parcourant les catalogues des maisons de ventes de livres aux enchères, on constate également que même si le métier d'expert est souvent décrié, ces denriers ne se livrent pas à ce jeu périlleux de "l'attribuablation".

Ainsi, dans le superbe catalogue Pierre Bergé consacré à la bibliothèque de François Périer, les très beaux volumes anciens en maroquin estimés à quelques milliers d'euros sont décrits comme suit:
- soit les reliures sont signées, et alors la description mentionne la signature.
- soit elles ne le sont pas et on a alors le choix entre deux expressions "reliure de l'époque", ou "reliure moderne"...
Dans aucun cas, ces reliures ne sont qualifiées de "attribuables à Le Gascon, Boyet, Duru et consorts". Et c'est la règle dans tous les catalogues de ventes sérieux.

Que doit-on conclure? Immaturité de la part des vendeurs, méconnaissance du livre, aveuglement qui leur fait toujours voir leurs livres plus prestigieux et donc plus chers qu'ils ne le sont réellement, ou carrément malhonnêteté? Ce qui est certain, c'est qu'il faut un peu plus qu'un "attribuable à" pour attribuer une reliure à un atelier. C'est encore plus vrai quand les reliures sont vraiment luxueuses, dans ce cas on ne comprend vraiment pas pourquoi le relieur aurait oublié de la signer. En passant, attribuer ainsi ces signatures de façon arbitraire, c'est aussi manquer de respect à ces relieurs, mais bon, il est peu probable que ceux-ci reviennent se plaindre...

Heureusement, il reste quelques vendeurs sérieux, notamment les libraires de qualité, ou les ventes aux enchères dans des salles respectables, qui n'essaient pas de nous faire prendre des vessies pour des lanternes... et d'ajouter un (faux) argument de plus, sans preuve autre que leur envie de gonfler un peu plus la facture finale. Les bibliophiles sérieux rejetteront en tout cas ces assertions et ces reliures attribuables... ou alors qu'on nous donne des preuves."

Merci pour cette tribune, qui a tout pour animer un petit débat...
H

vendredi 21 novembre 2008

Robert Estienne, libraire-imprimeur et humaniste

Amis Bibliophiles Bonsoir,

Selon Jacques-Auguste de Thou, « la France et le monde chrétien lui doivent plus de reconnaissance qu'aux plus grands capitaines, et qu'il a davantage contribué à immortaliser le règne de François Ier que les plus belles actions de ce prince. ».

Second fils de Henri Estienne et frère de François I et Charles I (pour plus de clarté, c’est ainsi que l’on nomme les divers membres de la famille Estienne), Robert I Estienne (1503 – 1559) fût une figure du 16ème siècle et les des plus grands libraires-imprimeurs de l’histoire.
Après avoir démarré son apprentissage dans l’imprimerie paternelle, il le poursuit chez son beau-père, Simon de Colines (qui épousa la veuve de son père), avant d’épouser l’une des filles de l’imprimeur Josse Bade, qui lui apporte une dot substantielle. Après une première période marqué par sa collaboration avec Simon de Colines (jusqu’en 1526), il commence très tôt à imprimer pour son propre compte et se distingue rapidement par une typographie qui reste une référence : choix du format, des caractères (ceux de Colines puis les siens, qu’il fît graver en 1552), mise en page méticuleuse sont ses marques de fabrique.

Mais ceci n’est rien sans un choix avisé des textes et c’est également dans ce domaine que Robert Estienne, qui parle le latin, le grec mais aussi l’hébreu, va se distinguer (on notera au passage que la légende veut que tout le monde parlait le latin chez les Estienne, des enfants aux domestiques). En effet, s’il démarre avec des éditions scolaires et pédagogiques (le premier livre qui sortit de ses presses fut les Partitions oratoires de Cicéron, portant la date du 7 des kalendes de mars 1527), il va rapidement s’orienter vers les ouvrages religieux, publiant notamment une édition in-folio de la Bible puis des éditions de l’Ancien Testament en hébreu.

Au final, il proposera constamment de nouvelles éditions des classiques, supérieures à toutes les précédentes, enrichies pour la plupart de notes et de préfaces pleines d’intérêt. En 1539, François 1er le nomme imprimeur du Roi pour le latin et l’hébreu, puis le grec. Il collaborera alors avec Garamond pour tailler des fontes grecques inspirées de l’écriture du scribe royal.
Proche de la Réforme, il est poursuivi par les théologiens de la Sorbonne qui resteront sans effet tant qu’il bénéficiera e la protection de François 1er. Las, le Roi meurt en 1547 et Robert Estienne ne peut plus compter sur une protection aussi ferme de son successeur, Henri II. Le 25 novembre, celui-ci finit par interdire les bibles de Robert Estienne, provoquant le départ de l’imprimeur vers la Suisse, où il va s’implanter. A Genève, il embrasse le calvinisme et il décédera dans cette ville en 1559. Parmi ses fils, c’est Henri II Estienne qui s’illustrera ensuite.

Que retenir de Robert Estienne au delà d’une vie au service de l’édition française ?

Ses marques: sa marque personnelle est un Olivier à la branche taillée, et portant la devise « noli altum sapere sed time », tirée de l’Epître aux Romains: « ne goûte pas à la profondeur, mais respecte la ».
Les ouvrages qu'il a publiés comme imprimeur du roi sont marqués d'une lance autour de laquelle sont entrelacés un serpent et une branche d'olivier. On lit au bas ce vers d'Homère : Bϰσιλξῖ ἲ ἂγαΦᾢ ϰρατξρᾤ ἲ αῒχμητᾔ, que l'on peut rendre par ces mots : « Au bon roi, et au vaillant soldat. ». Charles Estienne, Adrien Turnèbe, Guillaume Morel, Jean Bienné (Bene natus), et tous ceux qui avaient la permission d'employer les caractères grecs du roi ont adopté cet emblème.

Un ouvrage : le Thesaurus linguae latinae (1528, édition définitive en 1543) qui apparaît comme le premier «dictionnaire » bilingue, principalement destiné aux savants.

Des caractères : les caractères grecs dits royaux (regiis typis) créés avec Garamond.

Une trace : son nom a été donné à l’École supérieure Estienne des arts et des industries graphiques, à Paris, spécialisée dans les arts graphiques et l’imprimerie… dont sortent quelques talentueux lecteurs du blog.
Deux anecdotes ?

On prétend que, pour s'assurer davantage de la correction des ouvrages qu'il imprimait, Robert Estienne en affichait les épreuves en promettant des récompenses à ceux qui y découvriraient des fautes.

Humaniste, Robert Estienne était également un homme d’affaires avisé qui publiait des catalogues portant prix et formats et éditions à paraître.

H

mercredi 19 novembre 2008

Identification / Entraide

Amis Bibliophiles Bonsoir,

Un lecteur du blog m'écrit depuis le Japon et aimerait vous solliciter sur les points suivants:

"Je cherche des informations sur la bible publiée par Thomas Wolfius en 1522 (dite "Bible de Wolf" il me semble), préfacée par Erasme et dont le titre est le suivant: "Bibliorum opus integrum. Veteris quidem testamenti translatio antiqua, ad vetustissimorum, emandatissimorumque, codis cum fidem cum summo studio recognita. Novi vero Erasmi novissima aeditio, cum nova ejusdem praefatione: qua traditae nobis philosophiae evangelicae causam assignat." Je joins une photo du frontispice.
J'aimerais notamment avoir des informations sur l'éditeur Thomas Wolfius (également appelé Thomas von Pfortzheim). J'aimerais également savoir si le frontispice et les lettrines historiées sont de Hans Holbein. Je ne dispose malheureusement que du 1er tome de cette bible (acheté chez un libraire a Paris l'an dernier), qui en comporte deux. Je n'ai trouve quasiment aucune information sur ce livre.

- Je cherche a identifier un aigle qui figure au dos d'un exemplaire de "L'histoire de l'ancien gouvernement de la France" de Boulainvilliers (édition publiée a Amsterdam et LaHaye en 1727), Volume récemment acquis sur ebay. - Enfin, je joins une photo d'une reliure sur laquelle est inscrit "D.Conch" ainsi qu'une fleur de lys. Un des lecteurs du blog aurait-il déjà vu cette marque? Y-aurait-il un rapport avec Feuillet de Conches?

Merci pour lui!

H

lundi 17 novembre 2008

Terminologie et aspects pratiques

Amis Bibliophiles Bonsoir,

Pour revenir à l'ex-libris récemment identifié sur le blog, et que voici...

Un nouveau lecteur du blog, Olivier B. m'a contacté aujourd'hui pour me donner les précisions suivantes et porter à ma connaissance l'expression sympathique d'ex-libris "parlant" qui ets plus jolie que "charade", je le cite: "c'est un Ex-libris "parlant" puisque appartenant à henry Pannier (ENRY + Panier) historien du début du 20° siècle. Il est l'auteur de catalogues raisonnés de peintres. Il est le frère de Gaston Pannier, collectionneur."

J'ai repensé au message sur nos thèmes de prédilection et je m'imaginais Pierre avec son petit bloc-notes récapitulant ses recherches favorites. Cher Pierre, et les autres, saviez-vous que pour gagner du temps, ou ne rien manquer, au choix, vous pouvez enregistrer vos recherches sur ebay et recevoir un email quotidien du site récapitulant les objets mis en vente la veille et correspondants à votre recherche?

Pour cela, il vous suffit de créer une recherche puis une fois les résultats affichés, de cliquer sur "enregistrer cette recherche" à droite du nombre de résultats affiché. Petites astuces supplémentaires, vous pouvez bien sûr restreindre la recherche à certaines catégories (18 siècle par exemple, etc.) et vous pouvez regrouper plusieurs mots dans la même recherche, il suffit pour cela de les mettre les uns à la suite des autres, séparés par des virgules, et entourés de parenthèses: (molière, voltaire, maroquin, merkus).

Si vous avez besoin d'aide, contactez-moi.

Un blogueur fatigué.
H

samedi 15 novembre 2008

Le Dictionnaire Encyclopédique du Livre

Amis Bibliophiles Bonjour,

Etre Bibliophile, c'est aussi il me semble dépasser la relation au livre objet et au texte pour s'intéresser à l'histoire du livre, à la science du livre, sous tous leurs aspects.

J'ai déjà évoqué ici quelques "livres sur les livres", sans pourtant jamais m'attarder sur le plus exhaustif d'entre eux, qui procure des centaines d'heures de lecture agréable et instructive au bibliophile: le Dictionnaire Encyclopédique du Livre. Cet ouvrage monumental est en effet une mine extraordinaire d'informations sur le livre et la bibliophilie. Avec le Manuel de Bibliophilie de Christian Galantaris, il constitue l'un des ouvrages de référence.

Ce Dictionnaire encyclopédique du livre a été élaboré sous la houlette de trois directeur (Pascal Fouché, Daniel Péchoin et Philippe Schuwer) et cinq « responsables scientifiques » : Pascal Fouché et Philippe Schuwer pour l’édition contemporaine, Jean-Dominique Mellot pour l’histoire du livre et de l’édition, Alain Nave pour les arts et industries graphiques et Martine Poulain pour la "bibliothéconomie" et la lecture – tandis que Martine Barruet prenait en charge l’iconographie. C'est Henri-Jean Martin qui le préface, mais au final, ce sont plusieurs centaines d'auteurs qui ont déjà participé aux deux premiers volumes.

Il s'agît bien d'un dictionnaire: si cette forme un peu abrupte surprend au premier coup d'oeil, on s'en félicite très rapidement lorsque l'on cherche une information précise, qu'il faut parfois trop longuement traquer dans de nombreuses bibliographies. Ici la recherche est directe et rapide et on se laisse souvent transporter d'une entrée, d'une notice à l'autre... Il y en a déjà plusieurs milliers dans les deux premiers volumes.

La grande qualité est que les notices sont le plus souvent rédigées par des spécialistes de chaque sujet. Enfin, l'ouvrage est global, au sens où il traite aussi bien les diverses formes de reliure que les imprimeurs parisiens du 17ème siècle ou les grandes bibliothèques, etc.

Je ne peux que vous recommander ce Dictionnaire Encyclopédique du Livre dont seuls les deux premiers volumes (sur 3) sont déjà sortis des presses. En passant, j'ajoute que l'ouvrage lui même est de qualité: bien imprimé, sur un papier de très bonne qualité, en format in4. Un bémol? Il est cher, très cher (350 € les deux volumes au maximum), mais si vous pouvez vous le permettre, vous ne le regretterez pas. Vous y apprendrez un nombre incroyable de choses sur le livre et la bibliophilie.

H

P.S.: petit point sur les chiffres du blog... Vous fûtes environ 3000 bibliophiles différents ou "uniques" à visiter le blog au mois d'octobre. Les chiffres ne cessent de croître, je vous en remercie.

jeudi 13 novembre 2008

Miscellanées de Monsieur H.

Amis Bibliophiles Bonsoir,

1. Avant toute chose, je ne résiste pas à l'envie de partager avec vous ce qu'Olivier a partagé avec moi: il vient d'acquérir un charmant petit ouvrage, très joliment relié, qui s'intitule Les épice de Vénus (s.n., s.d. : Nogaret, fin 19ème). En plus d'être joli, l'ouvrage contient un texte léger et assez original sur la fille d'un relieur, le voici:
A UNE ROUSSE IMPERTINENTE
Fille d'un relieur

Vous avez beaucoup de fraîcheur,
La gorge belle et la peau blanche,
Mais votre sourcil, par malheur,
Annonce un con doré sur tranche.

2. De son côté, Cédric cherche à identifier l'ex-libris suivant. Pouvons-nous l'aider? Le texte qui l'accompagne: "Les montre // mais ne les prète". Au centre à gauche se trouve 4 lettres : EN//RT (ou EN//RY).
3. Michel quant à lui vous soumet le problème suivant: sauriez vous quel moyen employer pour faire disparaître les traces jaunâtres laissées par une ancienne réparation avec un rouleau de "scotch"? De fait, le ruban a séché, la colle s'est imprégnée dans le papier et elle seule subsiste sous forme d'une empreinte fortement teintée!!

4. Côté agenda:
- Le Salon Page(s)du 28 au 30 novembre 08 à l'ESPACE CHARENTON, à Paris, qui présente 100 éditeurs de livres d'artistes contemporains, une autre manière de faire de l'édition
de la poésie au geste. Avec 3 expositions gratuites
-PAB , Pierre André Benoît, éditeur imprimeurs bibliophile - 1940 1980
-Le livre de sculpteurs
-Hommage à Michel Roncerel Editions Manière Noire
L'entrée est gratuite

Au même moment, vous me croiserez peut-être au Salon du Livre Ancien de St-Germain-en-Laye, les 28-29-30 novembre 2008.
http://www.saintgermainenlaye.fr/calendrier/detail-evenement/backPid/321/cHash/1e1e7d869e/article/salon_du_livre_ancien/

H

mardi 11 novembre 2008

De la Sagesse de Pierre Charron, livre de bibliophile, et livre de liseur

Amis Bibliophiles Bonsoir,

Il faut bien l'avouer, tous les livres rejoignent nos bibliothèques ne sont d'une lecture aisée et agréable. J'aimerais vous parler aujourd'hui d'un ouvrage acquis il y a quelque temps et que je viens de terminer: le célèbre "De la sagesse", de Pierre Charron. L'ouvrage n'est pas rare et a été réédité de nombreuses fois.
Pierre Charron (1541 - 1603) était le fils d'un libraire qui eut 25 enfants. Après des études de philosophie et de droit, il exerça la profession d'avocat avant d'entrer dans les ordres et de devenir le prédicateur de Marguerite de Navarre. Ses prêches connurent un grand succès et il voyagea à travers la France avant de devenir vicaire général de Bordeaux où il fait la connaissance de Montaigne qui en fait son héritier spirituel et qui lui permettra de porter son blason après sa mort. Charron reconnut ce témoignage d'affection et d'estime en instituant par la suite le beau-frère de Montaigne son légataire universel.

Il est vrai que le maître bordelais l'influencera profondément, ce qui conduit certains spécialistes à écrire qu'en fait le XVIIème a beaucoup lu Montaigne à travers Charron, comprenant le "Que Sais-Je?" du premier comme le "Je Ne Sais" du second.

C'est bien "de la sagesse" qui lui assurera la gloire. L'ouvrage paraît en 1601 à Bordeaux. Charron y classe les divers types de sagesses: la sagesse humaine et philosophique d'un côté, la sagesse mondaine et enfin la sagesse divine. Ce qui intéressant dans ce livre c'est que bien que daté de 1601, l'auteur s'affranchit des dogmes religieux. Il va même plus loin, quand bien que prédicateur, il affirme qu'une morale fondée sur la religion conduit à l'intolérance et au fanatisme. Ce qui doit conduire à séparer la morale de la religion. Vous devinez la suite... l'ouvrage sera mis à l'index en 1605.
Il deviendra un des manifestes du libertinisme. En effet, les libertins lisent De La Sagesse parce que le traité est presque totalement dénué de références religieuses.

Charron quitte Bordeaux en 1595 et rejoint Paris où il devient député du clergé et secrétaire de cette assemblée. Il mourut d'apoplexie à Paris en 1603, soit deux ans avant que son ouvrage majeur ne soit mis à l'index.

Mon exemplaire est très sensiblement postérieur à l'EO puisqu'il date de 1783 (même si le texte est rigoureusement identique), mais il présente un double intérêt puisqu'en plus d'être agréablement relié en plein maroquin rouge du 18ème (format in-8), il contient un rapprochement des thèses de Montaigne et de Charron, mais également une biographie de l'auteur qui ne figure nulle part et que vous ne retrouverez pas dans les sources documentaires habituelles.
On y apprend ainsi que Charron était fort mécontent de la manière dont son ouvrage avait été imprimé à Bordeaux profita de son retour à Paris en 1603 pour y faire donner une nouvelle édition. Il n'eut pas la satisfaction de la voir terminée, puisqu'il décéda d'une apoplexie "pour n'avoir pas suivi le conseil du célèbre Marescotn médecin de son temps, qui l'avait engagé à se faire saigner. On essaya inutilement toutes les ressources pour le rappeller à la vie; son corps fût même gardé deux jours entiers, et on ne l'enterra que quand on aperçu des signes certains de sa mort".

Quelques autres détails inédits? "Pierre Charron avait une taille médiocre, assez frais et replet, le visage toujours riant et gai... sa voix était forte, son langage mâle, nerveux, hardi... le tempérament sanguin". Bref, un homme que j'aurais eu envie de connaître!
Quelques extraits? Sur la profession militaire: "l'art et l"expérience de nous entretuer semble desnaturé, venir d'aliénation de sens". Sur l'amour charnel "cette action donc en soy n'est point honteuse ny vicieuse, puisque naturelle et corporelle...".

Dans l'ouvrage on découvre également le portrait de Charron, et une belle gravure en frontispice avec sa "devise": je ne scay".

Je ne peux que vous conseiller de lire cet ouvrage, soit dans une édition récente, soit dans une édition ancienne. Il y a toujours quelque exemplaire de "De la Sagesse" chez les libraires. L'ouvrage n'est pas rare.

H

dimanche 9 novembre 2008

Thèmes et Domaines.

Amis Bibliophiles Bonjour,

Parlons thématiques, ou domaines... Je discutais récemment avec un très sympathique libraire-expert parisien et celui-ci me disait: "la Bibliophilie est une cosa mentale, selon l'expression consacrée, mais pas seulement, la Bibliophilie, comme un vin ou un fromage, c'est aussi des morceaux de culture, avec un petit "c". L'homme au cigare m'expliquait ainsi que les bibliophiles achètent toujours une partie d'eux-mêmes en achetant un livre, ils projettent leurs ambitions, leurs rêves, et donc, leur culture: le Corse habitant la capitale recherchera furieusement les ouvrages sur l'île de Beauté, le grand chef traquera les ouvrages sur la gastronomie, le mystique qui s'ignore (ou pas), recherchera des ouvrages religieux ou ésotériques, ou comme Jean-Marc, l'un ou l'autre recherchera des ouvrages sur sa province d'origine, etc.

Fondamentalement, cela posait la question des goûts des bibliophiles. Sujet compliqué si nous partons du principe qu'il y a autant de bibliophilies que de bibliophiles. Néanmoins force est de reconnaître que de grands sujets apparaissent, et se démasquent souvent au détour des catalogues bien organisés: la Littérature bien sûr, l'Histoire, le Régionalisme, l'Esotérisme, la Gastronomie, les Voyages, la Reliure, la Bibliographie, etc. Sans parler des modes qui au cours des siècles sont venues ajouter leur grain de sel à ces tendances.

Sur le blog du Bibliophile, par exemple, l'article le plus lu est celui consacré, il y a un moment déjà, aux reliures en peau humaine. Et de loin. Suivent ensuite les présentations d'ouvrages précis et les articles consacrés à la reliure.

Sur ebay, le lien suivant (que vous ne connaissez peut-être pas: http://pulse.ebay.fr/Livres-BD-Revues_W0QQsacatZ267), donne également une idée des livres les plus surveillés par les internautes qui visitent le site. C'est un outil intéressant, parce qu'il a bien sûr une dimension statistique un peu plus représentative. On y découvre (surprenant? ou pas), que si on sélectionne la rubrique Livres en général ce sont quasiment toujours des BD, des Tintin ou des Jules Verne/Hetzel qui sont les ouvrages les plus suivis par les internautes. Si on précise un peu la recherche, en sélectionnant les ouvrages parus avant 1900, les livres anciens font leur apparition dans les ouvrages le plus suivis, à égalité avec les Hetzel.

A ce niveau de précision (livres parus avant 1900: http://pulse.ebay.fr/Livres-anciens-avant-1900_W0QQsacatZ11099), ebay donne également un autre indicateur qui peut être intéressant, par exemple pour nos amis libraires. ebay indique en effet quels sont les 10 mots les plus tapés dans le moteur de recherche du site pour cette rubrique: 1. cuisine, 2. atlas, 3. chine, 4. dictionnaire,
5. jules verne, 6. paris, 7. napoleon, 8. architecture, 9. botanique, 10. diderot. Pas de grosse surprise, sauf peut-être arhcitecture et diderot, qui arrivent par exemple devant médecine, voyages ou sciences.

Si on descend d'un niveau en sélectionnant les livres parus uniquement au 19ème (http://pulse.ebay.fr/Livres-anciens-avant-1900_W0QQsacatZ11099), les Hetzel se taillent la part du lion, et les mots les plus tapés dans le moteur de recherche ebay sont : 1. jules verne, 2. napoleon, 3. dumas, 4. cuisine, 5. zola, 6. histoire, 7. grandville, 8. verne, 9. economie, 10. hugo.

Au 18ème siècle, les ouvrages les plus suivis sont assez divers, accordant généralement une place importante aux belles reliures (http://pulse.ebay.fr/XVIIIeme-siecle_W0QQsacatZ47380). Les mots les plus tapés sont: 1. rousseau, 2. dictionnaire, 3. voltaire, 4. musique, 5. bouillon, 6. gazette des gazettes,
7. bordeaux, 8. histoire, 9. montaigne, 10. marivaux. Cette liste est assez étonnante, notamment la présence du mysterieux "gazette des gazettes". Ce qui apparaît néanmoins est que chez les bibliophiles amateurs de livres anciens, une fois le filtre de l'époque appliqué, c'est l'auteur qui semble plus primer: pas de voyages, médecine, reliure, sciences par exemple dans cette liste.

Enfin, au 17ème (http://pulse.ebay.fr/Jusquau-XVIIeme-siecle_W0QQsacatZ34188), les ouvrages rares et bien reliés se font la part belle. Les mots les plus tapés sont 1. incunable, 2. corneille, 3. dictionnaire, 4. recueil, 5. droit, 6. bible, 7. espagnol, 8. medecine, 9. aristote, 10. provence.

Pour qui sait les exploiter, un libraire astucieux par exemple, ces informations sont intéressantes. Pour le bibliophile, la bonne nouvelle est de ne pas voir apparaître ses thèmes de prédilection dans les mots les plus tapés. Autre intérêt, je me sers parfois de ces pages pour découvrir les ouvrages que d'autres internautes ont découvert et sélectionné, et que je n'aurais pas vus.

Bien sûr, nulle vérité là dedans, on connaît des médecins qui sont plus intéressés par les Cazin que par les ouvrages de médecine. Néanmoins, quand on connaît mieux ce médecin, on découvre quand même que sa première bibliothèque était constituée d'un très bel ensemble de livres consacrés à sa province natale, la Bretagne... Etre bibliophile signifierait-il (pas seulement) rechercher ainsi dans les livres les éléments constitutifs de la personnalité de chacun? Montrez moi la bibliothèque, je vous parlerai du bibliophile qui l'a rassemblée...

Dans tous les cas, cette approche par thèmes est intéressante, je la pratique souvent, parfois inconsciemment. Et à travers les emails que je reçois de lecteurs du blog, je constate combien ces approches sont souvent ciblées: amateurs de minuscules, amateurs de livres sur le Berry du 17ème siècle, sympathiques mono maniaques qui ne recherchent que les livres d'un auteur/imprimeur/ville/graveur particulier... sans parler des thèmes.

Mais vous justement, quels sont vos thèmes de prédilection?

H

vendredi 7 novembre 2008

L'Encyclopédie Méthodique de Panckouke

Amis Bibliophiles Bonsoir,

C'est un monument de la Bibliophilie et de l'Histoire du Livre que Bernard vous présente ce soir: l'Encyclopédie Méthodique de Panckoucke. Je me suis permis de compléter son article avec quelques éléments que j'avais moi même en stock, et provenant notamment du DEL.

Charles-Joseph Panckouke (1736 - 1798), fils d'un libraire de Lille, fonde une librairie à Paris en 1762, puis une imprimerie en 1774.

Diderot et d’Alembert avaient choisi l’ordre alphabétique pour leur encyclopédie, ce qui obligeait à lire cent articles pour avoir une idée suffisante d’un sujet.

Panckouke décida de reprendre l’encyclopédie et de classer les sujets « par ordre de matières ». Chaque spécialité forme un dictionnaire complet en lui-même et indépendant des autres. Ces matières étaient: L'Agriculture, la Médecine, la Géographie, l'Histoire Naturelle, la Philosophie, le Droit par exemple, mais aussi bien sûr la Physique, la Chimie et les Mathématiques. Panckouke reçut une autorisation de publication en 1780 et fît paraître son premier prospectus publicitaire en 1782. De là sortit la colossale Encyclopédie méthodique par ordre de matières, dite de Panckouke. En fait, alors que Panckoucke commercialisait un nouveau et énième tirage l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert, il appris que les libraires Deveria avait un projet concurrent. Il s'associa avec eux, avant de prendre la tête du projet.

Au départ l’éditeur avait prévu 27 dictionnaires. Peu à peu de nouveaux dictionnaires paraissent pour atteindre 54 à la fin de l'entreprise. L’encyclopédie complète est ainsi formée de 210 volumes, dont 157 volumes de texte et 53 de planches. Par ses proportions démesurées, l’ouvrage entier devait coûter trois mille francs aux premiers souscripteurs, elle restait inaccessible à la majorité des curieux de la science. La parution dura jusqu’en 1832 (50 ans !). La publication après la mort de Panckoucke fut assurée par sa fille Thérèse-Charlotte Agasse, veuve de son associé Henri Agasse. Plus de 100 personnes furent employées pour "convertir" les articles de l'ouvrage de Diderot et d'Alembert.

La parution d’un dictionnaire s’étalant sur plusieurs années et les planches de plusieurs dictionnaires paraissant indépendamment des textes dans des volumes de planches séparés, il est très rare de trouver un dictionnaire complet. De plus la révolution fit « disparaître » de nombreux souscripteurs, d’où de nombreuses séries incomplètes sur le marché.
Je vous présente les dictionnaires de physique (édité en 31 ans), de chimie (édité en 28 ans) et de mathématiques (édité en 9 ans)...
Ensemble complet des deux dictionnaires de physique et de chimie, en reliure uniforme d’époque.

La PHYSIQUE.
Paris, Hôtel de Thou. 1793, 1816, 1819, 1822, 1816, 1824.
Texte : 5 volumes in-4: (4), 404, 240 pp. - (4), 424, 2, 425 à 786 pp. - (4), 820 pp. - (4), 926 pp.
Atlas (4) pp, 60 pl, (4) pp, pl 61 à 133.
La CHIMIE
Paris. Panckoucke. 1786 à 1815 pour le texte - 1813-1814 pour les planches.
Texte: 6 volumes in-4 ; (4), VIII, 774 pp. - (2), 786 pp. - (4), 781 pp. - (4), II, 742, (2) pp. - (4), 771 pp. - (4), 362 pp.
Atlas : 24 pp, 31 pl. - 74 pp, 31 pl. Ce Dictionnaire de chimie, édité en 28 ans ; est particulièrement intéressant car sa parution a débuté en pleine « révolution chimique ». Guyton de Morveau fut chargé de le rédiger. Le premier demi-volume du tome I parut le 8 mai 1786. Guyton de Morveau se convertit ensuite à la nouvelle chimie qui abandonnait le phlogistique. Il introduit celle-ci dans le deuxième demi-volume du tome I paru le 23 novembre 1789. Ce dictionnaire contient, à l’article chimie, des pages 262 à 781, un historique très détaillé ce cette discipline. Cet article est terminé par un Essai de Bibliothèque chimique.
Cet ensemble est en reliure « utilitaire » uniforme (Laurenchet).

Les MATHÉMATIQUES
Paris, Panckoucke. Texte : 1784 - 1785 - 1789, 1792 - Atlas :[ 1795].
Texte : 3 volumes in-4 : (4), CXIV, 721, (1) pp. - (4), 787 - (6), XXVIII, 56, 184 pp, (4), 316 pp, 16 pl.
Atlas : 108 pl.
Sous la direction de d’Alembert, ont participé à l’ouvrage : Condorcet, Bossut, Lalande, Diderot, Charles, Jean Bernoulli, de la Chapelle, etc. Le premier volume débute par un intéressant « Discours Préliminaire » rédigé par l’abbé Bossut, véritable histoire des mathématiques que l’auteur développera plus tard dans son Histoire générale des mathématiques parue en 1810. Condorcet traite des mathématiques sociales et des probabilités ; par exemple il rédige les articles Assurances et Arithmétique politique. Il fait suivre l’article probabilité, extrait de l’édition originale de l’encyclopédie et attribué à Diderot, d’un long article où il expose ses travaux et ceux de Laplace. Lalande a complètement réécrit les articles astronomiques de l’encyclopédie, rédigés initialement par d’Alembert.

Le troisième volume débute par un long prospectus de l’éditeur qui rend compte aux souscripteurs des difficultés rencontrées, présente les résultats obtenus, énumère les volumes en chantier, etc. Ce prospectus est précédé d’une Table des objets contenus dans le mémoire sur l’encyclopédie qui se trouve à la tête de ce tome troisième, première partie des mathématiques. Cette table est très rare ; je ne l’ai rencontrée que dans cet exemplaire.
La dernière partie du troisième volume a pour titre : Dictionnaire des jeux faisant suite au tome III des mathématiques. Il contient 16 planches.
Les 108 planches de l’atlas sont extraites du tome VII des planches ; elles ont été éditées sans page de titre. Cet ouvrage est fondamental pour connaître l’état des mathématiques à la veille de la révolution, il est ici en reliure uniforme (Laurenchet).

Comme vous le constatez, cet ouvrage a constitué un véritable travail de Titan, qui a "usé" bien des souscripteurs: ils étaient 5000 en 1782, mais plus que 3000 en 1793 (gageons qu'un certain nombre d'entre eux sont passés sur l'échafaud). Le dernier volume est paru en 1832.

Merci Bernard,
H

mercredi 5 novembre 2008

La restauration d'une Coiffe

Amis Bibliophiles Bonsoir,

Je vous propose de retrouver les conseils avisés et quasi professionnels d'Eric en matière de restauration de reliure, avec ce soir, la question de la restauration des coiffes (après les coins et les mors).

Je lui cède la parole:

Avant toute chose, notez bien que plus encore que les autres opérations, celle-ci est délicate et je vous encourage donc fortement à vous entrainer sur des ouvrages de faible valeur.

La coiffe avant restauration

La coiffe après restauration

Restauration d’une coiffe :

Etape 1 : Recollage du cuir
Application d’Elasta N entre le cuir et le dos, puis serrage avec une sangle

Cuir décollé

Cuir recollé

- Etape 2 : Comblage des trous et démarcation du cuir ancien

A l’aide de pelure de cuir, je comble toutes les démarcations que l’on sent en passant le doigt. On ne doit rien plus rien sentir.

Petits comblages effectués

- Etape 3 : Réalisation de la tranchefile

Analyse de la tranchefile existante (si existante, sinon réalisation d’une tranchefile classique)

Tranchefile existante (sur l’autre coiffe)

Zut, il s’agit d’une tranchefile papier sur ficelle de chanvre. Vous allez échapper à l’explication de la confection d’une tranchefile brodée, mais si j’avais effectué cette analyse plus tôt, j’aurais pu coller de suite la tranchefile papier en même temps que le vieux cuir.

Je conserve tout è j’ai donc utilisé une bandelette de papier 18° pour réaliser la tranchefile
Tranchefile papier sur ficelle de chanvre
Collage de la tranchefile et vieillissement à la terre pourrie. Nouvelle tranchefile

Etape 5 : Elagage du cuir ancien (âmes sensibles, passer directement à l’étape suivante !)

On coupe, dans l’épaisseur du cuir. L’opération est délicate, amateurs s’abstenir. En effet, au dos, la lame du scalpel passe sous la dorure :

Elagage du cuir

Etape 6 : Préparation de la pièce de cuir

Découpe d’une pièce de cuir, puis parure. L’opération est là aussi délicate. En effet, il faut être plus fin qu’une feuille de papier au bord et conserver suffisamment d’épaisseur à l’endroit du bourrelet qui constituera la nouvelle coiffe.
Pièce de cuir parée

Etape 7 : Positionnement des « pattes » et incrustation du cuir

Le positionnement est là aussi délicat. Pour ce qui est de l’incrustation, même procédé que pour un mors. Désolé, j’ai oublié de prendre la photo de cette étape è je vous en propose donc une avec un autre livre
Dos incrusté

Etape 8 : Réalisation de la coiffe

Je vous montre juste le résultat final.

Vérification de la bonne ouverture et fermeture du livre.

Une seule précision pour les relieurs qui veulent se lancer de la restauration : de grâce ne faites pas d’« oreilles » à vos coiffes sur un livre ancien, cela ne se faisait pas à l’époque !
Coiffe restaurée, avant estompage

Etape 9 : Estompage de la restauration (dépend fortement de la nature du cuir)

Vieillissement et reprise de teinte pour retrouver le fond du cuir ancien et ajout de petites taches noires pour retrouver la tonalité exacte

Et voilà le résultat final :

Coiffe restaurée, coté droit

Allez je vous remets un avant/après :

AVANT :
Coiffe avant restauration, côté gauche

APRES :
Coiffe après restauration, côté gauche

Et pour finir, le livre, prêt à être consulté par son propriétaire :

Coiffe après restauration, de face

Pour toute question sur la restauration de livres anciens, vous pouvez me contacter à restauration@z1k.com .

Je réponds maintenant à celles que l’on me pose le plus souvent : combien ça coûte ???

Cela dépend bien sûr du livre, mais en gros 70 euros. Combien de temps cela prend ?

Une à deux demi-journée selon l’habileté du praticien!

Eric.

Bravo Maestro!
H