lundi 1 décembre 2008

Une belle histoire: d'ebay à Christie's en 81 jours, un joli chopin

Amis Bibliophiles Bonsoir,

Voici une histoire peu commune, qui aurait tout pour être une légende urbaine mais qui est belle et bien réelle: elle débute au mois de septembre dernier par un simple clic, celui que fît le libraire américain Michael Burnley en cliquant sur l'option "achat immédiat" d'un livre vendu sur ebay, par chocolatepickle37, et proposé à 2250$.

Le livre en question était "A Journal of Captain Cook's Last Voyage..." Hartford, 1783, le tout premier livre imprimé aux Etats-Unis sur Hawaii. Un livre évidemment rare, mais cet exemplaire l'est encore plus car il contient la carte très souvent absente intitulée "Chart fhewing the Tracks of the Ships employed in Cap.t Cook's laft Voyage to the Pacific Ocean in the Years 1776, 1777, 1778, 1779".

La description proposée par le vendeur ebay était la suivante (pardon, c'est un peu long):

"A Journal of Captain Cook's Last Voyage To The Pacific Ocean, and In Quest of A North-West Passage, Between Asia & America; Performed in the Years 1776, 1777, 1778 and 1779. Illustrated with a Chart, shewing the tracts of the ships employed in this expedition. Faithfully narrated from the original MS of Mr John Ledyard. 1st edition, published in Hartford, in 1783.

The book is bound in contemporary full sheep, spine with 5 raised bands and morocco title lable, ink scribbling on front free endpaper, and ink inscriptions on rear endpaper and rear pastedown. Previous owners inscription and stamp on title page, folding map has several repaired tears and is frayed at the edges, contents grubby and with occasional minor staining, binding with some markings but in solid condition.

The book has been collated and is complete.

Only 2 other copies have been found for sale worldwide, and priced respectively at £8500 ($15000) and £13000 ($25000). Both these copies are lacking the original map which is present in our copy."

Le vendeur avait presque raison: presque parce qu'en fait l'exemplaire n'était pas complet, il lui manque le feuillet 161-162 et presque raison parce que c'est la carte qui donne toute sa valeur à l'ouvrage et qui fait toute la différence ici. Certes le vendeur a depuis avoué avoir acheté l'ouvrage pour une bouchée de pain dans une petite vente locale, mais comment expliquer la différence entre les environ 20000$ d'un exemplaire complet et les 2250$ de son prix de vente en achat immédiat sur ebay? C'est simple, l'exemplaire de chocolatepickle37, s'il possède sa carte, reste très modeste et son aspect rustique a conduit la vendeuse a le proposer à un prix faible, sans mesurer l'impact de la carte ici présente. En effet, si le livre est rare, la carte, elle est exceptionnellement rare et compense largement le feuillet manquant.

Du reste notre ami libraire ne s'y est pas trompé et une fois l'ouvrage reçu, il l'a immédiatement proposé à Christie's New York qui l'a inséré dans sa vente du 5 décembre sous le numéro 267 (http://www.christies.com/LotFinder/lot_details.aspx?intObjectID=5156256), avec une estimation entre 50000 et 70000$? Cette estimation correspond au prix généralement atteint pour cet ouvrage avec la carte (même si très peu d'exemplaires comparables ont été vendus en salles ces 150 dernières années, Sabin le qualifiant déjà de rareté), et surtout Christie's, comme vous le voyez, propose une description plus longue et plus précise.

A noter que la carte est probablement l'explication du feuillet manquant. En effet, elle est en général insérée juste avant ou après le feuillet 161-162 et dans ce cas précis, bien que paru sous cartonnage, l'ouvrage a été relié à la fin du 18ème. En déplaçant la carte au début de l'exemplaire évoqué ici, le relieur aura peut-être oublié de replacer le feuillet...

Une belle histoire en tout cas, et un délai très court, puisque 81 jours seulement se sont écoulés entre l'acquisition en achat immédiat sur ebay à 2250$ et la vente Christie's du 5 décembre ou l'ouvrage est estimé entre 50000 et 70000$. Et quand je dis belle, je ne dis pas seulement cela pour la marge réalisée (quoique, elle mettra du beurre dans les épinards de cet ami libraire qui a eu du flair), mais aussi parce qu'elle montre que des livres rares peuvent encore se trouver, soit dans des petites ventes locales, soit, même, sur ebay. Ce qui rend résolument optimiste!

H

3 commentaires:

  1. Depuis le temps que je répète que la bibliographie est LA science indispensable au bibliophile, même à celui qui pense faire aussi une affaire...Quérard avait les moyens bibliographiques de faire fortune, mais, hélas, il n'était pas "collectionneur" et on a même dû faire la quête pour sauver sa tombe...

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  2. L'histoire aurait été plus belle encore si l'acheteur avait reversé une partie de sa plus-value au premier acquéreur, car celui qui l'a mis en salle des ventes devait bien connaître sa valeur réelle pour le revendre aussitôt... Mais enfin, le monde utopique n'existe pas! Et puis, au moins, le libraire a fait un gros bénéfice, et tant mieux pour lui! :)

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  3. Une histoire fantastique qui me rappelle une autre histoire sur un manuscrit trouvé sur un marché aux puces à Bordeaux... Histoire relatée ici même d'ailleurs !

    Oui pour la valeur ajoutée par les connaissances bibliologiques mais il faut aussi rconnaître que la clientèle d'eBay ne sera jamais celle de Christie's. Ces deux mondes ne se mélangent pas, ce qui explique que celui qui fait un pont bâtit entre ces deux mondes bâtit nécessairement un pont d'or.

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