Amis Bibliophiles Bonsoir,
Nous retrouvons ce soir Rémi, qui nous présente un de ses ouvrages.
"Je propose de partager avec vous une acquisition effectuée il y a quelques mois sur ebay, pour une somme toute modique, et qui intéresse, je pense, les bibliophiles que nous sommes. Il s’agit d’une brochure de Charles Motteley, publiée en 1847, et intitulée Aperçu sur les erreurs de la Bibliographie spéciale des Elzevirs.
Le bibliophile Charles Motteley possédait, dans la première moitié du XIXe siècle, l’une des collections les plus importantes d’ouvrages hollandais de petit format, dont bon nombre sont sortis des presses des Elzevier. Motteley avait vendu une partie de sa collection en 1824, mais l’essentiel sera dispersé lors d’une seconde vente en 1848. Sa collection et ses compétences avaient fait de Motteley le plus fin connaisseurs des Elzevier et de leurs imitateurs.
Dans cet Aperçu sur les erreurs de la bibliographie spéciale des Elzevirs Motteley corrige les bibliographes qui l’ont précédé – notamment Brunet et Bérard. Il écrit ainsi dans l’avertissement : « Aidé de notre faible instinct, d’une certaine expérience, mais surtout d’une bibliothèque elzévirienne que l’on chercherait peut-être vainement ailleurs, nous avons cru pouvoir asseoir notre jugement sur de nombreux objets de comparaison ». L’ouvrage est ainsi construit : le titre de chaque édition est donné, suivi éventuellement de l’avis de Brunet ou de ses confrères bibliographes, puis de l’opinion de Motteley, qui rectifie les attributions en se basant sur le matériel et le « style » typographique, donnant au passage un certain nombre d’indications historiques sur les différents imprimeurs cités.
L’ouvrage est modeste : il ne comporte qu’une quarantaine de pages et n’a aucun caractère d’exhaustivité. Motteley y démontre son érudition, ses compétences et son œil typographique, mais, par sa faible ampleur, l’ouvrage peut paraître décevant. Cela s’explique aisément : en réalité, plutôt qu’une œuvre achevée et complétée, le texte de Motteley est un véritable programme bibliographique. Dans l’avertissement, après avoir cité les érudits qui se sont intéressés aux Elzevier (« MM. Adry, Peignot, Beuchot, Nodier, Bérard, Jacob (de la Haye), Pieters, Dodt van Flensburg, Rammelman-Elsevier, de Reume… »), Motteley en appelle à une étude physique des ouvrages, qui complètera les seules analyses littéraires ou esthétiques. S’il n’utilise pas l’expression de « bibliographie matérielle », il en a déjà l’idée et emploie un terme curieusement proche : « malheureusement tous ces savants […] ne nous ont pas fait connaître avec la même exactitude la typographie matérielle des Elzevirs. C’est cependant là le point essentiel sous le rapport de la bibliographie ». Motteley appelle ainsi ses confrères à « passer en revue toutes les jolies éditions hollandaises et belges du XVIIe siècle, pour arriver à une bibliographie spéciale des Elzevirs et de leurs annexes, aussi parfaite que possible ». Motteley mourra en 1856 sans avoir vu son vœu exaucé. Son point de vue sera pourtant entendu, puisque trente plus tard, paraîtra la véritable somme d’Alphonse Willems, qui demeure incontournable : Les Elzevier : histoire et annales typographiques (1880).
L’Apercu de Motteley paraît relativement rare. Le catalogue joint à la fin du volume, mentionne la justification : un exemplaire unique sur peau de vélin (aujourd’hui conservé à la réserve de la Bibliothèque nationale sous la cote RES-Q-695) , 15 exemplaires numérotés sur papier bleu, 30 exemplaires numérotés sur papier superfin de Hollande, et 200 exemplaires sur papier ordinaire, soit 246 exemplaires mis en vente par l’éditeur. Mon exemplaire a cependant une particularité intéressante : il est imprimé sur papier de chine, et porte un titre à l’encre rouge. Au verso du dernier feuillet se trouve imprimée la phrase suivante : « il n’a été tiré que 2 exempl. sur papier de chine », suivie du chiffre 2, numéroté à la presse (les exemplaires courants sont numérotés à la main). Les deux exemplaires sur papier de chine, qui ne sont pas mentionnés dans la justification, constituent donc très probablement un tirage hors commerce, peut-être destiné à l’auteur lui-même ou à son éditeur."
Merci Rémi,
H
Bonjour,
RépondreSupprimera propos d'Elzevirs, je posséde un petit ouvrage: "de Secretis mulierum" d'Albertus Magnus.
au crayon sur la page de garde un précédent propriétaire a noté: Caillet n°129...
Guaita n°1657
pas dans Dorbon..
a quoi correspondent ces classifications?
A deux catalogues et une bibliographie:
RépondreSupprimerStanislas de Guaita et sa Bibliotheque Occulte.
Dorbon-Aîné. Bibliotheca esoterica: catalogue annoté et illustré de 6707 ouvrages anciens et modernes, qui traitent des sciences occultes...
Caillet, Albert L.:
Manuel Bibliographique des Sciences Psychiques ou Occultes.
merci
RépondreSupprimerCharles Motteley vivait seul: il est mort dans la nuit du 31 août au 1er septembre 1850 (il y a donc exactement 159 ans), sans parents, sans argent pour l'enterrer convenablement ; on pouvait reconnaître derrière son cercueil Brunet, Bauzonnet, le bibliophile Jacob, l'elzévirien Chenu, ...Il a pourtant laissé à ses héritiers une fortune considérable en livres et manuscrits. Il s'était toujours opposé aux réparations de son appartement qui se lézardait, dans la crainte de déranger ses livres ; chaque porte de communication était garnie d'une serrure à secret, et la porte d'entrée était munie d'un énorme cadenas.
RépondreSupprimer"Le génie qui préside à la bibliographie protège assez mal les bibliophiles", écrivait alors J. Techener.
PS On connaît aussi une vente de ses livres (2652 lots) chez Silvestre du 15/02 au 11/03/1842.
Motteley légua sa bibliothèque à l'Etat : elle fut brûlée dans l'incendie de la bibliothèque du Louvre en mai 1871.
RépondreSupprimerBeaucoup plus tôt, le 24 février 1848, Motteley s'était opposé avec succès aux révolutionnaires qui commençaient de brûler la bibliothèque du Palais-Royal qu'il sauva (pour l'essentiel) en invoquant Voltaire. Parmi les livres sauvés "le grand Perceforest", Galliot Du Pré, 1528, six volumes in-folio, exemplaire sur vélin avec miniatures du comte de Toulouse : "Le plus beau livre qui existe au monde" selon Motteley rapporte le bibliophile Jacob.
RépondreSupprimerLauverjat