Amis Bibliophiles bonjour,
La trêve estivale débute, les dernières ventes en salles permettent d'écouler les invendus, les panneaux "parti voguer sur mon yacht dans l'Adriatique" ou "je rode ma Jaguar type E sur les corniches de la Riviera" fleurissent sur les portes des librairies, décourageant le chaland qui, trop éloigné de sa propre bibliothèque, souhaitait y demander asile. C'est l'heure des bilans.
Une année de bibliophile, une année de bibliophilie?
Le blog. Il a désormais plus de trois ans. J'ai écrit le premier message le 3 mars 2007. Je ne vais pas revenir sur les chiffres, qui oscillent entre 10 000 et 12 000 visiteurs par mois, mais plutôt sur son évolution. Vous l'avez compris, un déménagement puis de nouvelles responsabilités professionnelles passionnantes, mais très prenantes, ne me permettent de poster autant de messages que je le souhaiterais... et ceci sans parler de mes trois filles qui préféreraient souvent me voir passer plus de temps avec elles, et moins avec vous.
En fait, j'avais plus ou moins la décision d'arrêter le blog il y a quelques mois, considérant qu'il accaparait finalement presque la totalité du temps que je pouvais allouer aux livres. C'était trop, c'est toujours trop pour quelqu'un qui n'est pas un professionnel du livre.
Mais La Nouvelle Revue des Livres Anciens ("We Want You!") avait besoin de lui pour lui mettre le pied à l'étrier. J'ai donc maintenu le blog bon an mal an, avec l'aide inestimable des quelques uns d'entre vous qui même très occupés, trouvent le temps de m'adresser des messages (en particulier Gilles et Bernard, que je remercie encore une fois, ainsi que les autres contributeurs). Le blog est donc toujours là, il a même "fait des petits", de petits prodiges qui naissent ça et là dans la blogosphère et dont les auteurs ont tous été des lecteurs du blog avant de se lancer eux-aussi. C'est chouette. Combien de temps pourrais-je continuer? Difficile à dire, mais continuons pour l'instant.
La Revue. La Nouvelle Revue des Livres Anciens, autre minuscule caillou que j'apporte modestement avec Jean-Paul à l'édifice de la bibliophilie, est dans sa deuxième année, le numéro 3 vient de paraître. L'équilibre est fragile, notamment au niveau financier et nous mesurons combien il est difficile de faire progresser le nombre de nos lecteurs.
Je ne dirai jamais assez combien la Revue doit à Jean-Paul. C'est bien simple, elle lui doit trop! Nous travaillons au 4ème numéro et trois articles sont déjà validés dans le principe dont un exceptionnel qu'un auteur a bien voulu nous confier. Nous serons donc au rendez-vous, et vous? Si un mécène sommeille en vous, c'est le moment de nous contacter!!
Voilà pour les écrits, qui resteront, puisque le papier de la Revue est de bonne qualité, qu'elle est déposée à la BNF, et puisque sur internet tout devient éternel...
Mais une année de bibliophilie c'est aussi et surtout une année de bibliophile, ses errances, ses échecs, ses doutes, ses succès, ses remises en question. Mon déménagement a été l'occasion de redécouvrir chacun de mes livres, puisque vous le savez, je les ai tous emballés, un par un, avant le grand voyage. Ce fût également l'occasion de comprendre que si j'avais pour chacun d'entre eux un attachement profond, cet attachement était moins important pour certains, même si je connais de mémoire le code génétique de chacun des livres qui sont dans ma bibliothèque (lieu d'achat, prix, circonstances, raison, intérêt particulier, etc.) et que j'ai un lien personnel avec chacun d'entre eux.
En déballant mes livres et au fur et à mesure que je les rangeais dans une nouvelle bibliothèque, j'ai compris que certains m'étaient désormais moins nécessaires et s'il n'est pas pour autant simple de m'en séparer, j'ai fait le choix de le faire pour renforcer la cohérence du tout et financer de nouvelles acquisitions: les ouvrages historiques, la militaria, l'histoire naturelle ont donc commencer de quitter mes rayonnages pour aller rejoindre ceux d'autres bibliophiles. Cette année qui se termine aura donc été celle de la réorientation de ma bibliothèque. Elle n'est toujours pas spécialisée ("La bibliothèque, c'est l'homme") mais se focalise désormais sur les ouvrages curieux, la littérature et les voyages. C'est la partie littérature qui grandit le plus vite.
Cette année a également été celle de la diminution du nombre d'ouvrages acquis, évolution doublement dictée par une plus grande exigence d'une part et il faut bien l'admettre, une formidable constance dans mes échecs lors des ventes aux enchères. Moins de livres donc, mais probablement d'une meilleure "qualité".
Quelques exemples? Les circonstances ont fait que j'ai acquis deux ouvrages anciens ayant appartenu entre autres à Robert Hoe, dont l'un sans le savoir, puisque le vendeur avait omis de le préciser, comme il avait omis de préciser que la reliure était de Bauzonnet. On a parfois de bonnes surprises. Une jolie édition 18ème de Molière en maroquin signé Cuzin, quelques classiques (Pascal, Rousseau, Voltaire) en bonnes éditions et en maroquin d'époque. L'intégrale des ouvrages de Caraccioli imprimés en couleurs, etc.
Les ventes aux enchères: j'ai trouvé cette année très particulière. Il me semble, même si je n'ai rien pour étayer ces propos, que l'on assiste à un écart grandissant entre les estimations proposées par les experts dans les catalogues et les résultats finalement obtenus. Le phénomène a atteint son apogée avec la fameuse vente Ferraton, ou certains prix finaux étaient 50 fois supérieurs aux estimations.
On prend le bibliophile pour un gogo... et ça marche puisque j'avais moi-même naïvement imaginé que j'aurai mes chances en triplant ou quintuplant les estimations. J'ai observé ce phénomène sur un nombre grandissant de ventes au cours de l'année. Cela me désole et je constate aussi que cela contribue à m'éloigner des ventes, enfin des ventes organisées par les études qui usent trop souvent de cet artifice.
Les lectures: j'ai lu de nombreux ouvrages consacrés aux livres et la bibliophilie au cours des 12 derniers mois. J'en retiendrai principalement trois: le Manuel de Bibliophilie de C. Galantaris, que j'ai relu pour la énième fois, Bibliophilia a gentle madness de Basbanes, et le délicieux dialogue entre deux bibliophiles, Umberto Eco et Jean-Claude Carrière, "N'espérez pas vous débarrasser des livres" (qui a fait l'objet d'une présentation dans le numéro de la NRLA). On ne dira jamais combien il est important et doux de lire sur les livres. On se sent compris!
Les salons: un volcan et un océan auront eu raison de moi. Je n'ai pu me rendre ni au Grand Palais, et je le regrette amèrement, ni à Saint-Sulpice, pour me consoler, alors que traditionnellement j'achetais toujours des ouvrages dans ces deux manifestations. Il va me falloir patienter un an de plus.
Quel bilan tirer alors? Moins de livres, mais des livres meilleurs; plus de livres achetés chez les libraires, moins en salles des ventes, encore moins sur ebay; une réorientation vers la littérature et les ouvrages curieux, le blog encore et toujours; mais finalement les deux choses les plus importantes à retenir sont les suivantes:
- La Nouvelle Revue des Livres Anciens qui mûrit, 3 numéros déjà, des numéros qui sont à mon sens solides, renseignés, très documentés et divertissants, nous en sommes fiers, j'espère que vous en êtes contents.
- Une année passée à essayer "d'améliorer ma bibliophilie" par de nombreuses lectures, mais aussi par la plus grande exigence expliquée ci-dessus. Je m'interroge souvent sur le fait d'être bibliophile, de devenir un "meilleur bibliophile", puisque tout bibliophile est un "bon bibliophile" à mes yeux. Cela mériterait un article complet, une sorte de vade-mecum. Tiens je vais m'y mettre!
Voilà, ce fût une autre année de bibliophile bien remplie. Mes amitiés à tous et bonnes vacances à vous. Le Blog ne prend pas encore ses quartiers d'été, je vous retrouve donc ici en début de semaine.
Hugues
Je serais personnellement très déçu si le Blog de H venait à disparaître.
RépondreSupprimerOutre les articles toujours très intéressants, les nombreux commentaires sont bien enrichisssants. De plus la fréquentation presque quotidienne m'a permis de faire la connaissance d'autres bibliophiles qui m'ont aidé de diverses façons et que je remercie beaucoup ainsi que le bon Père Hugues Mersenne qui a initié les contacts.
Donc longue vie au Blog du Bibliophile et bonnes vacances à tous !
René de BlC
Belle leçon d'humilité d'un bibliophile en recherche d'excellence...
RépondreSupprimerJe dois beaucoup au blog de Hugues, je le rappelle. Pierre
Je vois que Hugues est en pleine "phase de questionnement" pour utiliser le jargon à la mode. Il est bon de faire périodiquement un bilan. La bibliophilie n'est pas la chose primordiale. Elle doit rester un loisir et ne doit pas susciter trop de stress, sinon où est le plaisir. Il est un fait que revue plus blog constituent une lourde charge. Le succès du blog est indéniable. Il serait dommage d'arrêter en si bon chemin.Les nombreux lecteurs devraient plus se manifester par des commentaires et, pourquoi pas, par une participation active. il n'est pas si compliqué d'écrire un article sur un sujet que l'on aime. En tout cas mille fois merci à Hugues pour son travail et son accueil.
RépondreSupprimerBernard
Je ne peux parler que pour mon cas mais la présence de commentaires à mes billets joue sur mon moral d'animateur de blogue même si je parais en être détaché... Pierre
RépondreSupprimerHugues, votre blog est indispensable, à poursuivre de toute urgence !
RépondreSupprimerJe fais peu de commentaires sur celui-ci car on ne peut pas être partout mais je le lis avec intérêt et il serait dommage que l'ancètre des blogs bibliophiliques, et le plus lu, s'arrête en si bon chemin.
Textor
Evidemment ce serait une perte cruelle que de voir ce blog disparaître.
RépondreSupprimerDans le même temps je peux comprendre que le temps vous manque. Maintenant que l'idée de la présence de la bibliophilie sur internet a fait son chemin, une baisse de rythme (au départ effréné!) peut permettre de reprendre son souffle. Avec quelques chroniqueurs réguliers (dont certains sont déjà là : la rubrique science se porte bien; le billet d'Ugo était tordant,etc.)...
Quoi qu'il en soit merci pour ce bénévolat (qui n'est rien d'autre que du temps que l'on vous vole à autre chose ou à d'autres...).
Olivier
comment ça, arrêter ? ah mais non ! qu'est-ce qu'on va devenir, nous autres pauvres lecteurs, si le premier résultat dans Google s'arrête ? où trouvera-t-on nos informations (presque) quotidiennes sur le seul sujet qui nous tienne à coeur ? et s'il n'avait jamais existé, comment aurions-nous trouvé la NRLA ?
RépondreSupprimer(oui, je sais il y a d'autres blogs, pardon à leurs rédacteurs tout aussi méritants, mais si peu...)
J'espère aussi que ce blog continuera, on a besoin de cette qualité ! Je reviens sur Ebay où vous dites acheter de moins en moins. Pourtant, j'ai l'impression qu'on peut faire d'excellentes affaires. Un exemple : HISTOIRE
RépondreSupprimerDE THAMAS KOULI-KAN, ROI DE PERSE, complet avec portrait et carte (1743), vendu pour 22,50 euros !!! Je trouve ça incroyable ! Comment en arrive-t-on sur Ebay à ces tarifs !! Ce livre vaut beaucoup plus cher que ça ! Cela devient n'importe quoi ! C'était juste un coup de gueule.
Bonnes vacances à tous les lecteurs de ce blog
Ce blog m’a beaucoup apporté, et j’espère bien le parcourir encore quelques temps.
RépondreSupprimerMerci Hugues pour tout le travail consacré à sa rédaction.
Jean
Votre blog est un rayon de soleil dans ma journée, comme notamment celui de Pierre de Tarascon, ou le Bibliomane moderne. Nous lecteurs avons bien conscience du travail et du temps que cela demande, et nous vous en sommes reconnaissants! Merci et reposez vous bien pendant les vacances d'été pour nous faire une rentrée bibliophilique en pleine forme!
RépondreSupprimerAimée
Hugues, je serais attristé de voir disparaître votre bloque, que je consulte régulièrement. J'y trouve des articles d'une grande érudition et un bel amour des livres. Cela dit, ne brûlez pas vos ailes à la flamme de votre blogue: si elle vous éclaire, continuez, mais si elle vous brûle, éloignez-vous un peu. Cela dit, j'espère que vous n'écouterez pas vos doutes et que vous continuerez ce blogue magistral, d'une grande qualité. Je vous souhaite de bonnes vacances.
RépondreSupprimerPierre B.
Je m'exprime très rarement sur les blogues, mais le vôtre m'est particulièrement précieux et je tenais à vous le dire. Je comprends vos doutes, mais espère sincèrement que vous serez en mesure de poursuivre l'animation de ce blogue "historique".
RépondreSupprimerBien à vous,
Gilles