samedi 30 octobre 2010

Bibliophilie et Sciences: Nicolas Hartsoeker (1656-1725) physicien cartésien

Amis Bibliophiles bonjour,

Bernard vous propose un nouveau chapitre de son oeuvre, Bibliophilie et Sciences:

Nicolas Hartsoeker (1656-1725), astronome, géomètre et physicien hollandais, s’établit en France entre 1678 et 1696. Il se lie à Paris avec Huygens, Cassini, Malebranche, et l'Hôpital. Il réside  ensuite  à Rotterdam, où il donne des leçons de mathématiques au tsar Pierre le Grand. Je vous présente trois de ces ouvrages.
Essay de dioptrique - Paris, J. Anisson. 1694. EO. 1 volume in-4 ; (24), 233, (1) pp, 1 pl page 179.

Hartsoeker  s’oppose ici à la théorie corpusculaire de Newton.  Il perfectionne le télescope et le microscope et observe les spermatozoïdes, découverts par van Leeuwenhoek  en 1677. Il suppose que l'embryon préexiste dans le spermatozoïde, l'œuf féminin servant à le nourrir.
Il imagine un fœtus entier se logeant dans la tête du spermatozoïde, réplique microscopique de l'être en gestation. Il le représente  sous forme d’un petit homme aux genoux repliés sous le menton qu’il nomme homonculus Animalculiste. 

Fontenelle écrit en parlant de Hartsoeker : « Il imagina qu’ils [les germes] devaient être répandus dans l’air, où ils voltigeaient, que tous les animaux visibles les prenaient tous confusément, ou par la respiration, ou avec les aliments, que de là ceux qui convenaient à chaque espèce allaient se rendre dans les parties des mâles propres à les renfermer, ou à les nourrir, et qu’ils passaient ensuite dans les femelles, où ils trouvaient des oeufs, dont ils se saisissaient pour se développer. Selon cette idée, quel nombre prodigieux d’animaux primitifs de toutes les espèces ! Tout ce qui respire, tout ce qui se nourrit, ne respire qu’eux, ne se nourrit que d’eux… »
Malebranche et L’Hospital saluent l’ouvrage et reconnaissent que l’auteur est bon géomètre.


 Conjectures physiques - Suite des conjectures physiques -  Eclaircissement sur les conjectures physiques.Amsterdam, H. Desbordes. 1706-1708-1710. EO.1 volume in-4 ; (16), 371 pp. - (8), 148 pp, 6 pl. - (6), 189 pp, 1 carte.

Ces trois très rares ouvrages sont adressés à l’Electeur Palatin et sont composés en forme de discours. Hartsoeker dit lui-même qu’il a « toujours tâché de ne rien avancer qu’après un examen rigoureux et géométrique, autant qu’on peut le faire en matière de physique, où l’on est souvent obligé d’admettre des probabilités pour des démonstrations ».

Les conjectures physiques sont divisées en quatre livres :
Livre premier. Du système du monde : De la nature du Soleil et des Etoiles fixes – Sur la distance de la Lune, du Soleil et des Etoiles fixes, et sur leur grandeur – Sur le mouvement de la Terre, des Planètes et de leurs Satellites – Sur le mouvement elliptique des Planètes – Sur les taches du Soleil, sur les Comètes, et sur quelques autres phénomènes célestes.
Livre second. De la Terre et de ses propriétez. : Du flux et du reflux de la mer – Des vents réglez et périodiques – Des courants d’eaux – De la pesanteur – De la nature et des propriétés de plusieurs corps tant durs que liquides – De la nature et des propriétés de l’air – De la nature et des propriétés des sels ; du soufre ou des huiles ; des esprits ou du mercure ; de l’eau ou du phlegme, et de la tête morte – Des métaux – De la nature et des propriétés de l’antimoine – De la nature et des propriétés de l’aiman – De la nature et des propriétés du verre.
Livre troisième. Des principes de Physique : Des principes physique du corps naturel – Du mouvement – De la nature et des propriétés du feu – De la réfraction et de la réflexion des rayons de lumière, et du poinct optique – des couleurs.
Livre quatrième. Des météores : Des exhalaisons, des vapeurs, de la rosée blanche, des nuées, des brouillards, de la neige, de la pluye, de la grèle, des frimats, etc – De l’arc-en-ciel – De l’origine des fontaines, des puits et des rivières.


La Suite des conjectures physiques n’est formée que de l’oeconomie du corps humain : Sur la digestion – Sur la structure admirable du cœur – De la circulation du sang – De la respiration – De la nature et de l’usage des glandes – De la nutrition et de l’accroissement – De la génération.
Hartsoeker explique la génération de siamois : « Enfin s’il arrive que de deux petits animaux qui se sont introduits dans un seul œuf, le plus fort et qui croit d’abord le plus, écrase quelque partie du plus foible, ou que la partie la plus forte entraînant tout le sang et le suc nourricier fasse dessécher et périr la partie la plus faible, parce que ces liqueurs n’y coulent plus ; il peut en naître un monstre avec deux têtes sur un même corps, ou avec deux corps qui n’auront qu’une seule tête, etc. » 

Les éclaircissements sur les conjectures physiques sont des réponses de l’auteur à des critiques faites à son ouvrage, la plûpart venant de Leinitz. Il attaque les Académiciens : « Pour ce qui est de M. Homberg, dont j’honore d’ailleurs les excellentes qualitez, si j’ai un peu trop maltraité sa prétendue matière de la lumière ou son Soufre Principe, il peut s’en revancher sur mon premier Elément ; mais je ne conseillerois pourtant pas également à tout le monde, de s’en approcher de trop près ; car puisque c’est du Feu tout pur, quelcun pourroit s’y brûler ». On trouve un compte-rendu dans le Journal des sçavans de 1710, pages 431 à 434.
Une Suite des éclaircissements sur les conjectures physiques, a paru en 1712 à Amsterdam : in-4, (2), 104, 156 pp.

Cours de physique accompagné de plusieurs pièces concernant la physique qui ont déjà paru et d’un extrait des lettres de m. Leeuwenhoek par feu m. Hartsœker.
La Haye, Jean Swart. 1730. EO.1 volume in-4 ; (46), 323 pp, 2 pl, 1carte - (8), 120 pp. - 66, (1) pp.

Ce cours, d’inspiration cartésienne, est une reprise des  Principes de Physique  parus à Paris en 1696. « Je conclus donc de tout cela, avec assez de raison, ce me semble, que tout ce que M. Newton avance touchant l’attraction mutuelle des corps n’est point fondé, et qu’on ne peut en aucune façon expliquer par elle les mouvements des corps célestes ».

La première partie de l’ouvrage est constituée par une préface, une lettre de Hartsœker Fontenelle et l’éloge de Hartsœker par Fontenelle.  Dans cet éloge Fontenelle défend Hartsœker des attaques qui lui étaient faites de toute part et ceci jusqu’à sa mort. Le cours proprement dit est divisé en sept livres :
Livre premier. Des principes de physique : Des principes du corps naturel – Du mouvement – De la pesanteur – De la dureté, de la fluidité, de la molesse et du ressort des corps sensibles.
Livre second. De la nature et des propriétés du feu et des rayons de la lumière qui en sortent : De la nature et des propriétés du feu – De la nature et des propriétés des rayons de lumière – De la réfraction et de la réflexion des rayons de lumière – Des couleurs.
Livre troisième. De la nature et des propriétés de plusieurs corps terrestres : De la nature et des propriétés de l’air - De la nature et des propriétés de l’eau - De la nature et des propriétés du soufre, des sels, du mercure ou de l’esprit, du phlegme et de la tête morte des chimistes - De la nature et des propriétés des métaux - De la nature et des propriétés de l’aiman - De la nature et des propriétés du verre.
Livre quatrième. Du Ciel : De la distance des astres à la terre et de leur grandeur – Du mouvement des planètes et de leurs satellites – Des taches du soleil, des comètes et de quelques autres phénomènes célestes.
Livre cinquième. De la mer : Du flux et du reflux de la mer – Des vents réglés et périodiques qui soufflent sur la mer – Des courants d’eau.
Livre sixième. Des météores : Des exhalaisons, des vapeurs, de la rosée, de la gelée blanche, des nües, des brouillards, de la neige, de la pluïe, de la grèle, des frimats, etc – De l’arc en ciel.
Livre septième. De l’origine des fontaines, des puits, et des rivières.

On trouve ensuite un Recueil de plusieurs pièces de physique où l’on fait principalement voir l’invalidité du système de M. Newton. Et où se trouve, entre autres, une dissertation sur la peste et sur les moyens de s’en garantir . Ce recueil contient quatorze pièces, dont : Lettre à M. Le Clerc sur quelques endroits de la Philosophie de M. Newton avec la réponse de Le Clerc ; Remarques sur les dissertations de M. Dortous de Mayran qui ont remporté les Prix de l’Académie de Bordeaux ; Dissertation présentée en 1720 à l’Académie des Sciences sur le mouvement (Prix remporté par Crousaz) ; Dissertation présentée en 1721 à l’Académie des Sciences sur le choc des corps durs (Prix non attribué) ; Remarques sur une thèse que Bernoulli a fait soutenir sur le Phosphore Mercuriel ...

Le volume se termine par un  Extrait critique des lettres de feu M. Leeuwenhoek.
Cet exemplaire provient de la bibliothèque de C. M. Gariel avec son ex-libris. Charles-Marie Gariel mari d’une nièce de Foucault, publia le Recueil des travaux scientifiques de Léon Foucault, dont j’ai déjà parlé dans ce blog.

Fontenelle termine son éloge par ces phrases : « Il était vif, enjoué, officieux, d’une bonté et d’une facilité, dont de faux amis ont abusé assez souvent. Ces qualités, qui s’accordent si peu avec un fond critique, naturellement chagrin et malfaisant, sont peut-être sa meilleure Apologie ».

 Bernard.

jeudi 28 octobre 2010

Ebayana: maroquins, manuscrits, Uzanne, Ovide et Bocace

Amis Bibliophiles bonsoir,

Je rentre de voyage, voici une sélection d'ouvrages en vente sur ebay:

































Bonnes enchères,

H

lundi 25 octobre 2010

La famille d'Houry et les Almanachs Royaux

Amis Bibliophiles bonsoir,
Houry, un nom que les bibliophiles, et parmi eux ceux qui apprécient les almanachs, connaissent bien. Mais qui sont les Houry?
C'est Jean Houry (1611 – 1678) qui lance cette dynastie d'imprimeurs-libraires parisiens des 16 et 17ème siècle. Jean, installé quai des Augustins, « à l'image Saint-Jean ». Son activité se concentre sur les ouvrages d'alchimie et de médecine (ainsi les Oeuvres de Gabriel de Castaigne, tant médicinales que chymiques, 1661).
Mais c'est Laurent, son fils, qui rendra célèbre le patronyme en obtenant le privilège de l'Almanach Royal dès 1683. IL a en effet imaginé dès 1683 un Almanach ou Calendrier, qui présenté à Louis XIV, prendra le nom d’Almanach royal. L'Almanach Royal a été publié sous divers titres jusqu'en 1919 et est resté dans la famille d’Houry jusqu'en 1814.

Laurent continuera également l'oeuvre de son père en éditant des ouvrages de médecine et de pharmacie, dont la célèbre Pharmacopée Universelle de Lemery, qui sera l'objet de nombreuses rééditions. Entre 1683 et 1725, c'est l'âge d'or des Almanachs proposés par les Houry, le plus souvent luxueusement reliés par les meilleurs relieurs de l'époque.

Mais à la mort de Laurent, en 1725, la situation se complique. Laurent a en effet laissé un testament complexe, désignant comme successeur aussi bien sa veuve (que l'on retrouve sur bien des pages de titre: « La Veuve Houry »), son petit-fils André-François Le Breton (1708 – 1779, fils d'André Le Breton – époux d'Elisabeth d'Houry -, et qui proposera de nombreux almanachs royaux), et son propre fils, Charles-Maurice d'Houry (1688 - 1755). La dynastie prend donc des chemins de traverse mais continue ses activités à travers ses divers membres: Le Breton propose des almanachs royaux, la Veuve d'Houry, et Charles-Maurice d'Houry perpétue la tradition familiale en publie des ouvrages médicaux (il obtiendra le titre d'imprimeur du Duc d'Orléans).


Laurent-Charles succède à son père Charles-Maurice en 1755 et réunifie les activités familiales en héritant d'André-François Le Breton en 1780: la fortune est alors immense, puisque Le Breton a accumulé des profits considérables en participant à l'aventure de l'Encyclopédie (mais c'est une autre histoire) et les fameux almanachs royaux, les ouvrages de médecine ou d'histoire et le privilège continuent de faire prospérer la maison d'Houry.

Mais si la maison survécût aux coups de boutoirs procéduriers de Charles-Maurice d'Houry qui espérait s'emparer du privilège de l'Almanach, origine de la fortune familiale, l'équilibre reste fragile et la révolution fragilise l'édifice.

En 1790, la faillite est inévitable, même si la tradition se perpétuera via le mariage de la fille de Laurent-Charles, Anne-Charlotte qui épouse François-Jean-Noel de Bure. Laurent-Etienne Le Testu, de son côté, héritera de la veuve de Laurent et éditera l'Almanach National dès 1792.

On le constate , comme souvent, les alliances sont nombreuses à l'époque dans le milieu de la librairie parisienne et auront permis de faire perdurer, même sous des patronymes différents, l'héritage des d'Houry.


J'ai acquis l'exemplaire présenté il y a quelques années: plein vélin de l'époque aux armes et recouvert d'un semé de fleur de lys. Le dos alterne fleurs de lys et lettres L couronnées. 
L'un des ces précédents propriétaires a eu la bonne idée de lui faire confectionner un étui, et une chemise cartonnée doublée d'une jolie toile de Jouy. Fringuant!

H

dimanche 24 octobre 2010

Miscellanées de Monsieur H.: prix en chute libre, anonymat des acheteurs en salles, Derome(s)

Amis Bibliophiles bonjour,

- Les derniers commentaires ont éveillé mon intérêt, je vais essayer de trouver ce numéro de la Gazette qui dévoile ainsi le nom des acheteurs. Je m'interroge néanmoins sur le sens de tout ceci: en effet, à mon sens cela ne peut se faire qu'avec le concours des SVV. Quel intérêt y ont-elles? Est-ce lié à l'histoire des Savoyards et participerait d'une volonté de transparence?

En tout cas, je n'aimerais pas être concerné et je m'interroge même sur la légalité de tout ceci? Peut-on lever le voile sur l'anonymat d'un acheteur sans lui demander son autorisation? Je ne suis pas juriste, et je ne suis plus à Paris, mais j'imagine que ceci doit provoquer quelques remous dans le landerneau de la rue Drouot. Peut-être qu'Ugo, fin connaisseur des lieux et ses arcanes pourra nous donner sa vision des choses.

- De même, j'ai lu vos commentaires sur ebay, et si je comprends bien, vous trouvez que les prix ne sont pas très soutenus ces derniers temps. Je n'avais pas remarqué. Les ventes des maroquins de Pausanias, sur de bons textes, m'ont semblé atteindre des prix honorables, non?

556 euros pour les plaquettes de Dorat
1661 euros pour le Bernard de Palissy
716 euros pour le De Maistre que je convoitais... On ne peut tout avoir, hélas...

Dans le même temps, j'ai réalisé deux achats de documentation à bon prix, mais c'est un sujet particulier, et qui me semble peu symptomatique du marché. Peut-être est-ce que les livres moyens ont plus de difficulté à s'en sortir, mais là encore, j'ai peu d'exemples. Même s'il est vrai que le grand vocabulaire et ses 32 volumes in-4 pour 876 euros, ce n'est pas énorme a mes yeux.

En passant, la Pharmacopée de Moÿse Charas... Cocasse, deux tomes (1er et 2nd) sont vendus séparément (même édition, 1682) sur ebay.

- Du côté des salles je n'observe pas de baisse sensible des prix. J'avais laissé quelques ordres pour la vente Piasa et je n'ai décroché qu'un lot, le plus bas, le moins désirable... alors que sur l'un au moins des ordres, j'avais mis la barre très haut par rapport aux estimations. Mais peut-être avez-vous été plus chanceux que moi. Je vais retenter ma chance cet après-midi par téléphone. Nous verrons bien.

- En passant sans remonter aux premiers mois du blog, à l'époque où je faisais des sondages, je m'interrogeais récemment sur les achats que fait un bibliophile au cours d'un mois. Je reconnais que cela ne veut rien dire, mais combien d'achats effectuez vous par mois? En ce qui me concerne, je dirais 5, soit 60 nouveaux ouvrages par an.

- Enfin, je rassemble actuellement des informations sur les Derome, pour proposer une synthèse dans la Nouvelle Revue des Livres Anciens. Si vous en avez, ou vous si vous êtes l'heureux propriétaire de reliures de cette illustre lignée, pourriez-vous me contacter: (blog.bibliophile@gmail.com), cela me sera très utile. Merci.

H

jeudi 21 octobre 2010

Ebayana: Chronique de Nuremberg, Montfaucon, Lortic, Dorat, un beau Rabelais, des ouvrages 16ème

Amis Bibliophiles bonjour,

Voici une petite sélection d'ouvrages en vente sur ebay:

































H