Amis Bibliophiles bonjour,
Nicolas Hartsoeker (1656-1725), astronome, géomètre et physicien hollandais, s’établit en France entre 1678 et 1696. Il se lie à Paris avec Huygens, Cassini, Malebranche, et l'Hôpital. Il réside ensuite à Rotterdam, où il donne des leçons de mathématiques au tsar Pierre le Grand. Je vous présente trois de ces ouvrages.
Essay de dioptrique - Paris, J. Anisson. 1694. EO. 1 volume in-4 ; (24), 233, (1) pp, 1 pl page 179.
Hartsoeker s’oppose ici à la théorie corpusculaire de Newton. Il perfectionne le télescope et le microscope et observe les spermatozoïdes, découverts par van Leeuwenhoek en 1677. Il suppose que l'embryon préexiste dans le spermatozoïde, l'œuf féminin servant à le nourrir.
Il imagine un fœtus entier se logeant dans la tête du spermatozoïde, réplique microscopique de l'être en gestation. Il le représente sous forme d’un petit homme aux genoux repliés sous le menton qu’il nomme homonculus Animalculiste.
Fontenelle écrit en parlant de Hartsoeker : « Il imagina qu’ils [les germes] devaient être répandus dans l’air, où ils voltigeaient, que tous les animaux visibles les prenaient tous confusément, ou par la respiration, ou avec les aliments, que de là ceux qui convenaient à chaque espèce allaient se rendre dans les parties des mâles propres à les renfermer, ou à les nourrir, et qu’ils passaient ensuite dans les femelles, où ils trouvaient des oeufs, dont ils se saisissaient pour se développer. Selon cette idée, quel nombre prodigieux d’animaux primitifs de toutes les espèces ! Tout ce qui respire, tout ce qui se nourrit, ne respire qu’eux, ne se nourrit que d’eux… »
Malebranche et L’Hospital saluent l’ouvrage et reconnaissent que l’auteur est bon géomètre.
Ces trois très rares ouvrages sont adressés à l’Electeur Palatin et sont composés en forme de discours. Hartsoeker dit lui-même qu’il a « toujours tâché de ne rien avancer qu’après un examen rigoureux et géométrique, autant qu’on peut le faire en matière de physique, où l’on est souvent obligé d’admettre des probabilités pour des démonstrations ».
Les conjectures physiques sont divisées en quatre livres :
Livre premier. Du système du monde : De la nature du Soleil et des Etoiles fixes – Sur la distance de la Lune, du Soleil et des Etoiles fixes, et sur leur grandeur – Sur le mouvement de la Terre, des Planètes et de leurs Satellites – Sur le mouvement elliptique des Planètes – Sur les taches du Soleil, sur les Comètes, et sur quelques autres phénomènes célestes.
Livre second. De la Terre et de ses propriétez. : Du flux et du reflux de la mer – Des vents réglez et périodiques – Des courants d’eaux – De la pesanteur – De la nature et des propriétés de plusieurs corps tant durs que liquides – De la nature et des propriétés de l’air – De la nature et des propriétés des sels ; du soufre ou des huiles ; des esprits ou du mercure ; de l’eau ou du phlegme, et de la tête morte – Des métaux – De la nature et des propriétés de l’antimoine – De la nature et des propriétés de l’aiman – De la nature et des propriétés du verre.
Livre troisième. Des principes de Physique : Des principes physique du corps naturel – Du mouvement – De la nature et des propriétés du feu – De la réfraction et de la réflexion des rayons de lumière, et du poinct optique – des couleurs.
Livre quatrième. Des météores : Des exhalaisons, des vapeurs, de la rosée blanche, des nuées, des brouillards, de la neige, de la pluye, de la grèle, des frimats, etc – De l’arc-en-ciel – De l’origine des fontaines, des puits et des rivières.
La Suite des conjectures physiques n’est formée que de l’oeconomie du corps humain : Sur la digestion – Sur la structure admirable du cœur – De la circulation du sang – De la respiration – De la nature et de l’usage des glandes – De la nutrition et de l’accroissement – De la génération.
Hartsoeker explique la génération de siamois : « Enfin s’il arrive que de deux petits animaux qui se sont introduits dans un seul œuf, le plus fort et qui croit d’abord le plus, écrase quelque partie du plus foible, ou que la partie la plus forte entraînant tout le sang et le suc nourricier fasse dessécher et périr la partie la plus faible, parce que ces liqueurs n’y coulent plus ; il peut en naître un monstre avec deux têtes sur un même corps, ou avec deux corps qui n’auront qu’une seule tête, etc. »
Les éclaircissements sur les conjectures physiques sont des réponses de l’auteur à des critiques faites à son ouvrage, la plûpart venant de Leinitz. Il attaque les Académiciens : « Pour ce qui est de M. Homberg, dont j’honore d’ailleurs les excellentes qualitez, si j’ai un peu trop maltraité sa prétendue matière de la lumière ou son Soufre Principe, il peut s’en revancher sur mon premier Elément ; mais je ne conseillerois pourtant pas également à tout le monde, de s’en approcher de trop près ; car puisque c’est du Feu tout pur, quelcun pourroit s’y brûler ». On trouve un compte-rendu dans le Journal des sçavans de 1710, pages 431 à 434.
Une Suite des éclaircissements sur les conjectures physiques, a paru en 1712 à Amsterdam : in-4, (2), 104, 156 pp.
Cours de physique accompagné de plusieurs pièces concernant la physique qui ont déjà paru et d’un extrait des lettres de m. Leeuwenhoek par feu m. Hartsœker.
La Haye, Jean Swart. 1730. EO.1 volume in-4 ; (46), 323 pp, 2 pl, 1carte - (8), 120 pp. - 66, (1) pp.
Ce cours, d’inspiration cartésienne, est une reprise des Principes de Physique parus à Paris en 1696. « Je conclus donc de tout cela, avec assez de raison, ce me semble, que tout ce que M. Newton avance touchant l’attraction mutuelle des corps n’est point fondé, et qu’on ne peut en aucune façon expliquer par elle les mouvements des corps célestes ».
La première partie de l’ouvrage est constituée par une préface, une lettre de Hartsœker Fontenelle et l’éloge de Hartsœker par Fontenelle. Dans cet éloge Fontenelle défend Hartsœker des attaques qui lui étaient faites de toute part et ceci jusqu’à sa mort. Le cours proprement dit est divisé en sept livres :
Livre premier. Des principes de physique : Des principes du corps naturel – Du mouvement – De la pesanteur – De la dureté, de la fluidité, de la molesse et du ressort des corps sensibles.
Livre second. De la nature et des propriétés du feu et des rayons de la lumière qui en sortent : De la nature et des propriétés du feu – De la nature et des propriétés des rayons de lumière – De la réfraction et de la réflexion des rayons de lumière – Des couleurs.
Livre troisième. De la nature et des propriétés de plusieurs corps terrestres : De la nature et des propriétés de l’air - De la nature et des propriétés de l’eau - De la nature et des propriétés du soufre, des sels, du mercure ou de l’esprit, du phlegme et de la tête morte des chimistes - De la nature et des propriétés des métaux - De la nature et des propriétés de l’aiman - De la nature et des propriétés du verre.
Livre quatrième. Du Ciel : De la distance des astres à la terre et de leur grandeur – Du mouvement des planètes et de leurs satellites – Des taches du soleil, des comètes et de quelques autres phénomènes célestes.
Livre cinquième. De la mer : Du flux et du reflux de la mer – Des vents réglés et périodiques qui soufflent sur la mer – Des courants d’eau.
Livre sixième. Des météores : Des exhalaisons, des vapeurs, de la rosée, de la gelée blanche, des nües, des brouillards, de la neige, de la pluïe, de la grèle, des frimats, etc – De l’arc en ciel.
Livre septième. De l’origine des fontaines, des puits, et des rivières.
On trouve ensuite un Recueil de plusieurs pièces de physique où l’on fait principalement voir l’invalidité du système de M. Newton. Et où se trouve, entre autres, une dissertation sur la peste et sur les moyens de s’en garantir . Ce recueil contient quatorze pièces, dont : Lettre à M. Le Clerc sur quelques endroits de la Philosophie de M. Newton avec la réponse de Le Clerc ; Remarques sur les dissertations de M. Dortous de Mayran qui ont remporté les Prix de l’Académie de Bordeaux ; Dissertation présentée en 1720 à l’Académie des Sciences sur le mouvement (Prix remporté par Crousaz) ; Dissertation présentée en 1721 à l’Académie des Sciences sur le choc des corps durs (Prix non attribué) ; Remarques sur une thèse que Bernoulli a fait soutenir sur le Phosphore Mercuriel ...
Le volume se termine par un Extrait critique des lettres de feu M. Leeuwenhoek.
Cet exemplaire provient de la bibliothèque de C. M. Gariel avec son ex-libris. Charles-Marie Gariel mari d’une nièce de Foucault, publia le Recueil des travaux scientifiques de Léon Foucault, dont j’ai déjà parlé dans ce blog.
Fontenelle termine son éloge par ces phrases : « Il était vif, enjoué, officieux, d’une bonté et d’une facilité, dont de faux amis ont abusé assez souvent. Ces qualités, qui s’accordent si peu avec un fond critique, naturellement chagrin et malfaisant, sont peut-être sa meilleure Apologie ».
Insondable et inépuisable bibliothèque scientifique. Nous revivons la science passionnante du XVIIIe grâce aux articles toujours passionnants de Bernard.
RépondreSupprimerRené de BlC
Lorsque la bibliophilie nous rappelle que la science n'étudiait que ce qu'elle voyait...
RépondreSupprimerIl faudra attendre encore un siècle pour que l'on constate la même chose dans les trompes de la femme (Von Baer). La visualisation d'un embryon dans le spermatozoïde par Hartsoeker ne résolvait pas la présence du spermatozoïde dans les bourses (on ne connaissait pas encore le principe de multiplication de Von Baer). C'est pourquoi il a fallu imaginer la vie comme une pollution de l'air...
Vos billets sont passionnants. Pierre
Merci à René et Pierre, fidèles lecteurs du blog. L'histoire des sciences, pour moi, est fondamentale, et moins sujette à la polémique que l'histoire politique et sociale enseignée dans nos écoles. Il ne se pose des problèmes que lorsqu'elle heurte des (convictions)irrationnelles, religieuses ou autres.Les textes scientifiques fondateurs ont une valeur universelle. A bientôt pour un autre sujet.
RépondreSupprimerBernard