Amis Bibliophiles bonjour,
- L'achat récent d'une bibliothèque (vide, je rassure immédiatement les cardiaques) et son installation chez moi m'amène une nouvelle fois à me poser LA question: vaut-il mieux posséder 100 (allez disons 200) livres fantastiques, les connaître et les chérir comme autant d'enfants ou au contraire ouvrir son coeur à tous et accumuler les ouvrages, entre volonté bibliophile et réalité bibliomane?
Cette nouvelle bibliothèque est de taille réduite, environ 1m70 sur 1m, en poirier noirci, et j'ai réalisé en commençant à la remplir qu'elle ne pourrait tout au plus que contenir 200 ouvrages. Bibliomanie et place oblige, j'ai franchi un cap en l'installant à mon chevet dans la "chambre nuptiale". Jusqu'ici ne s'empilaient dans cette chambre que les ouvrages en cours de lecture et des ouvrages de documentation indispensables. J'en ai tiré une conclusion, rien de plus doux que d'avoir ses ouvrages préférés à côté de soi en s'endormant. Je vous le conseille, cela fonctionne mieux que n'importe quel traitement chimique et s'endormir du sommeil de Beraldi ou tomber dans les bras de Nodier n'a pas de prix.
Mais à contempler cette centaine d'ouvrages, ceux que j'emporterai avec moi sur une île déserte (ou dans ma tombe, pour qu'aucun de vous n'en profite... Sourire), le doute s'est aussi installé: 200 bons ouvrages choisis (allez disons 300), ou 2000 ouvrages (allez disons 3000). Je ne sais plus. Comme le dit un ami "tu ne pourras de toutes façons jamais tout avoir"... (ok, mais je peux quand même essayer), donc cette course est vaine et en même temps, comme résister à une occasion. Je sens confusément que les plus spéculateurs d'entre nous, et nous le sommes tous un peu, il faut bien l'avouer, (mon Dante de chez Alde à couper), les plus spéculateurs d'entre nous donc, pencheraient pour la première option, les plus réalistes comprenant vite que se restreindre est tout aussi vain.
Que faire alors? Laisser faire? Comment voyez-vous les choses?
- Soyons plus pragmatiques et livrons-nous si vous le voulez bien à quelques identifications pour les lecteurs du blog:
Olivier a deux questions: il aimerait savoir si l'un d'entre nous saurait identifier le chiffre apposé dans la doublure en maroquin d'une reliure signée Gruel (Bossuet, Discours sur l'histoire universelle, 1885, Jouaust, 1 des 15 sur Chine, exemplaire truffé de gravures de Foulquier tirées d'une édition de Mame).
Et ce que nous pensons de cette reliure signée Pouillet. Olivier s'interroge sur sa matière. Le libraire a soutenu qu'il s'agissait de veau. Néanmoins l'usure de la coiffe (qui s'est déformée, "tassée"), ainsi que l'irrégularité du dos font que le doute subsiste, qu'en pensez-vous?
- A y bien penser plutôt que d'emporter mes livres avec moi dans la tombe, et si je les annotais comme celui que je viens d'acquérir? En l'ouvrant, je suis en effet tombé sur une petite inscription au crayon à papier à côté du nom de l'auteur qui précisait "cuistre ignorant". Cela m'a fait beaucoup rire.
- Autre identification, soumise par Frédérick, qui cherche à identifier cet ex-libris.
- Enfin, une dernière question d'un lecteur du blog concernant les délais d'impression d'un livre au XVIIème siècle: Thomas n'a trouvé aucune information à ce sujet à aimerait savoir si vous pourriez l'aider.
H
C'est la devise et peut-être l'ex-libris de Claude de Bullion, surintendant des Finances de Louis XIII, 1580-1640.
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RépondreSupprimerLes armes sont écartelées, de Bullion (D'azur aux trois fasces ondées abaissées d'argent, au lion d'or issant de la première fasce) et autre.
RépondreSupprimerL'autre est identifié sur le site de la commune de Davron, qui indique que "Par mariage avec une Mme VINCENT, les coquilles St Jacques se retrouvent sur les armoiries de Claude de BULLION".
Concernant les délais d'impression d'un livre, cela reste trop vague pour qu'on puisse y répondre : quel livre (format, nombres de feuillets)? Quel atelier? Quel type d'ornments?
RépondreSupprimerUn tirage de gravures en taille douce prend beaucoup plus de temps qu'un tirage de typo sur presse normale. Les ateliers n'ont pas tous le même nombre de presses et vont donc plus ou moins vite. Enfin,certaines brochures peuvent être imprimées en deux jours, tandis qu'une édition des oeuvres complètes d'Augustin en dix volumes peut prendre plus de trois ans...
Sans compter les distractions annexes: éditions "prioritaires" qui peuvent retarder le reste de la production, gel (hé oui!) qui empêche les presses de rouler (encre + eau ne sont pas compatibles avec le froid), grèves d'ouvriers, perte ou casse de matériel, pénuerie de papier, etc.
Pour le chiffre, je lirais bien CL...
RépondreSupprimerEssayer de se limiter, c'est un objectif louable, même si on sait qu'on peut toujours mieux faire... mais il me semble qu'il faut de toutes façons "un terreau", une hiérarchie, y compris dans mes étagères. Et en pratique c'est bien ça : les bibliothèques sont dévolues à certaines catégories d'ouvrages. Et dans ma chambre, les plus beaux (enfin, les moins vilains...) !
Pour ma part l'extension de ma jeune bibliomanie a été stoppée par le WAF (Wife Acceptance Factor pour ceux qui ne connaissent pas). Je suis donc limité à une petite bibliothèque vitrée qui doit contenir une centaine d'ouvrages. Je prend ça finalement comme une chance, je dois revendre autant que ce que j'achète et ma bibliothèque connait donc un turn over important où seuls les ouvrages les plus intéressants restent. Gain qualitatif tout en ayant le plaisir d'acquérir régulièrement... ou comment concilier bibliomanie et vie de couple sereine. :)
RépondreSupprimerah oui, revendre... pour l'instant j'ai toujours résisté. Mais comme j'ai quelques doublons... bientôt ils seront dans l'ebayana !
RépondreSupprimerPrécision sur les armes de Bullion : la généalogie de la famille est visible sur internet, et apparemment ce blason est assez générique, et repris par la branche des marquis de Fervacques, dont par exemple Anne Jacques de Bullion (1679-1745) Marquis de Fervacques.
Je pense qu'Hugues devrait lancer un concours de photos de bibliothèques. Cela pourrait-être amusant.
RépondreSupprimerOlivier
Bonjour à tous,
RépondreSupprimerComme le souligne Gonzalo, il faut quelques détails pour compléter la question sur la durée d'impression d'un ouvrage au XVIIe siècle, les voici.
Le volume qui m'intéresse est un in-12 de 280 pages, imprimé à Amsterdam en 1688 par un imprimeur calviniste en exil, Pierre Savouret, le fameux imprimeur du Mutus Liber. Le titre de l'ouvrage est le suivant : La vanité des sciences ou les réflexions d'un philosophe chrétien sur le véritable bonheur, dont l'auteur est Isaac Papin.
Merci d'avance pour vos réponses !
Bien à vous,
Thomas
Bonjour. Merci Calamar de tes recherches. L'ex libris se trouve sur l'édition de 1727 de la Philosophie Occulte d'Agrippa. Je suis inculte en généalogie... penses-tu que cet ex libris puisse donc être celui de Anne-Jacques du Bullion (1679-1745), marquis de Fervacques ?
RépondreSupprimerReliure de Pouillet en parchemin peint ?
RépondreSupprimerce n'est pas certain... apparemment ces armes sont communes à 4 branches de la famille. Anne-Jacques a eu 2 frêres qui vivaient à cette date, et des cousins qui avaient le même blason : familles Montlouet, Bonnelles, Esclimont, Monchesne.
RépondreSupprimerCF la généalogie sur ce lien :
http://racineshistoire.free.fr/LGN/PDF/BULLION.PDF
A noter que Auguste-Louis (son frère) était Chevalier de Malte et lui-même Chevalier du Saint-Esprit.
(je répondais à Frédérick bien sûr... le temps d'écrire la réponse, Rhemus a encore frappé !)
RépondreSupprimerL'accumulation d'ouvrages est source d'insatisfaction. Ouvrages hors champ du reste de la collection, livres en moins bonne condition que les précédents ou pire tarés, livres trop peu désirés, achats compulsifs regrettés. Ceci dit j'ai vu d'indiscutables très belles collections de livres en tous points remarquables bien insipides. Je veux dire qu'il y a des bibliothèques qui ressemblent à des catalogues de (très bons) libraires, mais sans âme. Une belle bibliothèque doit refléter les goûts et les préoccupations du bibliophiles, au mieux beaucoup de superbes livres et rares mais qui se répondent, mais avec une petite foule d'autres ouvrages parfois sans prix marchand mais qui complètent les premiers, qui les documentent, les éclairent, permettent d'ouvrir d'autres voies.
RépondreSupprimerUne limite au nombre d'acquisitions? Si on écarte le facteur financier, et la place, ne plus avoir le temps d'étudier, de référencer, d'ouvrir les nouveaux arrivants!
Lauverjat
C'est assez difficile de se prononcer sur la matiére de ce livre rouge... ça a l'air très rigide pour être du veau, et la couleur...pour du parchemin?
RépondreSupprimerIl vous faut lire ce livre:
LIVRE, POUVOIRS ET SOCIETE A PARIS AU XVIIEME SIECLE Par Henri-Jean Martin,Roger Chartier
Il vous expliquera avec des graphiques, l'evolution des différentes productions.
Quant à accumuler... avec dicernement, propre à chacun.
P.de T.
Du cabinet de curiosité à la chambre "nuptiale" il n'y a que le premier bas qui goutte. En bon physiocrate "laissez faire, laissez passer".
RépondreSupprimerRené de BLC
Moi j'avais pensé à du vélin teint (pour le côté très lisse et brillant). En tout cas je ne crois pas au veau.
RépondreSupprimerAmitiés,
Olivier
PS : m'agacent ces bibliophiles avec leurs chiffres tarabiscotés. A chaque fois que j'ai essayé de déchiffrer celui-ci je suis arrivé à un résultat différent...
Pas de livre dans la chambre nuptial, sinon 3 ou 4 au chevet. Et de moins en moins d'achats au fil des années (mais de plus en plus de dépenses !)
RépondreSupprimerCeci étant, comme il faut bien être optimiste et anticiper sur le long terme, j'ai aménagé cet été une nouvelle pièce spécialement pour les livres ( chanvre et chaux pour l'isolation, petites fenêtres pour la lumière)avec 22 mètres de linéaires, je devrais tenir quelques années ...
Le livre rouge d’Olivier ressemble fort à du vélin teinté, sur une reliure à carte à dos. Ce qui expliquerait l’aplatissement du dos en tête, les déformations sur le reste du dos et le resserrement au niveau de la pièce de titre qui a empêché le vélin de se dilater.
RépondreSupprimerThérèse
Merci Thérèse,
RépondreSupprimerJe me sens moins seul. Une question supplémentaire qu'est-ce qu'une reliure "à cartes à dos"...?
Olivier
Olivier, vous n'êtes pas seul ! j'avais aussi pensé au vélin, sans le dire vu mon peu d'autorité sur ces matières.
RépondreSupprimerUne carte à dos, est-ce un truc rigide qu'on met sous le machin (le vélin, peut-être, ici) pour le soutenir, lui donner sa forme et le rigidifier, donc, quand la reliure n'est qu'un emboîtage ?
@ Olivier : Jusqu’à la fin du XVIIIe, les relieurs collaient le cuir directement sur le dos du livre cousu, après avoir généralement renforcé le dos par des claies, bandes de papier ou de parchemin, collées entre les nerfs. A partir du début du XIXe, ils ont pris l’habitude de coller le cuir du dos sur une bande de carton fin de la largeur du dos, la « carte à dos ». Cela avait l’avantage de permettre une meilleure ouverture du livre et d’éviter que le cuir ne se brise au milieu du dos puisqu’il n’en était plus solidaire.
RépondreSupprimerLes reliures en parchemin teinté, généralement vert, existaient à la fin du XVIIIe, plutôt pour des registres et des livres de comptes. Dudin (1772) parle, dans son chapitres « Des reliures qui font moins d’usage », de « reliures en parchemin simple […] qui est ordinairement teint en verd ».
Et le Manuel Roret (1830): «Terminons ce paragraphe par un mot sur la fabrication du parchemin de couleur dans ces temps modernes. L’ Art du parcheminier, par M. de Lalande, offre p. 37, quelques détails su cet objet. « Il seroit fort aisé, dit-il, de donner au parchemin toutes les couleurs imaginables. Mais dans l’usage actuel des arts, nous ne voyons guère que le parchemin vert dont il se fasse une certaine consommation. On en teint aussi en jaune ; mais cela est beaucoup plus rare, si ce n’est en Hollande. » L’auteur donne ensuite différentes recettes pour le teindre en vert… »
J’ai trouvé trace de quelques reliures en parchemin teinté du XVe et du XVIe dans des catalogues de bibliothèques (notamment une reliure verte aux armes d’Urbain VIII Baberini au Vatican, une reliure « du XVIe en parchemin rouge à recouvrements et tranches teintées de bleu » à Lyon, et une reliure en parchemin rouge du XVe à l’Arsenal… mais je ne les ai pas vues… :-) Si quelqu’un a des lumières là-dessus….
En ce qui concerne le travail de Pouillet, j’avoue ma totale incompétence pour savoir s'il a pu utiliser de genre de matériau…
Thérèse
Amusant,
RépondreSupprimerJe viens d'acheter un livre qui contient le même ex-libris que celui de Frédérick...
Ce qui s'appelle faire d'une pierre deux coups...
Olivier
même provenance, peut-être ? une vente de bibliothèque, une succession... qui aura séparé ces ouvrages restés voisins 300 ans. C'est bien triste tout ça !
RépondreSupprimerIl ne faudrait pas confondre parchemin (peau de mouton ou de chèvre préparée et polie) et vélin (peau de veau mort-né ou de lait, préparée comme le parchemin, mais plus fine et plus blanche), sinon on ne comprendra plus rien, surtout dans leur utilisation en reliure teintée où il s'agit bien de parchemin.
RépondreSupprimerOui, Bibliophile Rhemus, c'était une erreur de parler de vélin dans mon premier message. Ce sont les parchemins qui étaient teintés.
RépondreSupprimerPensez-vous possible que la reliure de Pouillet soit en parchemin ?
Thérèse
Point de vélin donc (en me tapant vigoureusement le front) mais point de veau non plus.
RépondreSupprimerAvoir à moitié raison c'est, de toute façon, avoir tout à fait tort.
Je vais donc entrer : de parchemin teint sur une reliure carte à dos dans ma petite base de données interne (je n'informatise pas [encore]).
Merci Jean-Paul, merci Thérèse,
Olivier