lundi 26 mars 2012

De la bible de Gutenberg à la librairie Maggs Bros, ou les mystérieuses ventes de livres par les Soviets dans les années 1930.


Amis Bibliophiles bonjour,

Lors des dernières vacances de février, j'ai passé quelques jours à Genève et j'en ai profité pour aller visiter la fondation Bodmer (Martin Bodmer) sur les hauteurs de la ville.


Je vous invite vraiment à aller visiter ce musée pour la qualité des livres exposés. L'éventail des collections est proprement ébouriffant : l'histoire du livre est représentée de la période égyptienne à la période moderne et contemporaine. Sont ainsi exposées les grandes éditions originales de Shakespeare, Molière, Cervantes...

La "star" de l'exposition permanente est évidemment la Bible de Gutemberg, seul exemplaire conservé en Suisse. Martin Bodmer l'avait achetée en 1931 par l'intermédiaire de la librairie Maggs Bros aux Soviets qui avaient  besoin d'un peu de liquidités à l'époque. On retrouve d'aileurs la trace de cet achat sur le site : http://clausenbooks.com/gutenbergcensus.htm

C'est cette vente qui est le fil conducteur de cet article : j'en ai retrouvé trace dans quelques catalogues de libraires, mais rien d'exhaustif, rien qui éclairerait un peu le cheminement de ces exemplaires de prestige! Une vente ou plusieurs sans doute...

Cette provenance russe m'a fait penser à deux catalogues de libraire :
- le premier daté de 1930 intitulé "Beaux livres (1700-1819)" de la librairie Georg à Paris.
Plusieurs livres ayant appartenu à la famille impériale de Russie sont répertoriés: Le libraire ne mentionne évidemment pas d'où ces livres proviennent! Pour faire saliver un peu les bibliophiles d'aujourd'hui, on peut ainsi évoquer dans le désordre:

Les Fables de La Fontaine par Oudry en maroquin rouge aux armes de Maria Feodorowna Grande Duchesse de Russie, avec les planches coloriées.

Je me demande où il est passé celui-là! J'aimerais bien l'avoir sur mes étagères :))

Beaurain "Histoire de la campagne du prince de Condé" en maroquin aux Armes Impériales de Russie, exemplaire offert à Catherine II de Russie.
On y retrouve également quelques ouvrages aux planches en couleurs dont celui-ci :Florian "Galatée" en maroquin vert de Derôme aux armes Maria Feodorowna Grande Duchesse de Russie. Cet exemplaire est d'ailleurs ressorti sur le marché il y a peu de temps. 
"Estampes pour servir à l'histoire des moeurs et du costume", exemplaire en feuilles dans une chemise en maroquin vert à dentelles, avec marque d'appartenance à SA Impériale Madame La Grande Duchesse de Russie



Enfin, il y en a un certain nombre de pièces intéressantes...

On trouve également un exemplaire de Gessner "Oeuvres" en 3 volumes in folio en maroquin marine aux armes du Comte Stroganoff, ambassadeur de Catherine II de Russie à Paris durant la révolution. Cet exemplaire est repassé en 1993 chez la librairie Coulet dans le catalogue n°13 (lot 67). On y lit que "La bibliothèque du comte Stroganoff" fut léguée à la première ville universitaire établie en Sibérie, Tomsk, qui en revendit la majeure partie en 1929."

- le deuxième daté de 1930 intitulé "French XVIIIth Century Illustrated Books with plates" de la librairie Maggs Bros de Londres.
La pièce maîtresse de ce catalogue est le très bel exemplaire des "Oeuvres" de Voltaire, édition de Khel en maroquin bleu aux armes de Catherine II de Russie. Cet exemplaire a été vendu, il y a quelques années, par la librairie Quentin de Genève. 
C'est dans le catalogue "Beaux livres du 18e" de la librairie Rauch à Genève, qu'on lit un détail intéressant concernant un exemplaire d'un Rabelais de 1741 en grand papier en maroquin rouge : "cet exemplaire vient de Russie et a figuré au catalogue Georg de 1931 lot 130, au prix de 18.000 francs or. Pièce de tout premier ordre". Dans ce catalogue, une note manuscrite nous indique que Nicolas Rauch était directeur de la librairie Georg. On peut noter au passage que cet exemplaire de Rabelais était présent d'ailleurs dans un catalogue de la librairie Sourget il y a quelques années.

Nous voyons donc que des livres provenant des bibliothèques impériales et de Tomsk, ont été achetés par les librairies Maggs Bros et Georg dans les années trente. Sur Internet, je n'ai pu retrouvé qu'un article de Wikipédia au sujet des achats de Maggs Bros:

"Maggs Brothers pulled off the greatest bookselling coup of the inter-war period, when in 1932 they successfully negotiated with the government of Soviet Russia to acquire not only a Gutenberg Bible, but also the celebrated Codex Sinaiticus. In 1931 Ernest Maggs had travelled to the Soviet Union with a colleague, Maurice Ettinghausen, who was both a bookseller and a scholar. When they saw the priceless Codex Sinaiticus, Ettinghausen remarked to his hosts, “If you ever want to sell it, let me know." Some time later, Maggs received a postcard saying that the Soviet government would be prepared to sell the Codex Sinaiticus for 200,000 pounds. The British group countered with 40,000 pounds. Finally, a price of 100,000 pounds was agreed upon. This was the largest price that had ever been paid for a book. It was an enormous sum at the time. The British government agreed to pay half the amount and guaranteed the remainder if it were not raised by public subscription."

Malgré des recherches, je n'ai pas trouvé plus d'information sur ces ventes.Existe-t-il une liste, un catalogue? Y-a-t-il eu des articles dans quelque revue bibliophile? Un lecteur du blog en saurait-il plus?

Merci par avance de votre sagacité!
Wolfi

5 commentaires:

  1. Et ça?
    http://cgi.ebay.fr/RELAZION-STORICA-del-Traforo-nel-Monte-CATILLO-in-TIVOLI-Belle-reliure-1838--/150767980520?pt=FR_GW_Livres_BD_Revues_LivresAnciens&hash=item231a78cfe8#ht_3068wt_952

    Olivier

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  2. Daniel Parisinus27 mars 2012 à 11:48

    On parle moins le l'exemplaire de la bible de Gutemberg saisi par les soviets en 1945 en Allemagne, transporté à Moscou, puis caché dans un sous-sol, où pourrira jusqu'à sa complète destruction. Quand dans les années 1990 un bibliothécaire zélé a voulu aller voir le livre il n'a trouvé que de la pourriture...
    Plusieurs libres provenant des bibliothèques allemandes, saisis comme "trophées de guerre" sont encore dans les bibliothèques russes : l'Allemagne a signé un traité s'engageant à ne jamais les réclamer (on se demande bien pourquoi, leur saisie n'étant pas conforme au droit international), elle espérait ainsi en faciliter l'accès à ses chercheurs : mais les vieux réflexes sont durs à perdre, la crispation reste forte pour les russes, qui rechignent souvent à les laisser voir aux chercheurs occidentaux.

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  3. "Plusieurs libres provenant des bibliothèques allemandes" et françaises! Les tableaux et bibliothèques spoliées par les allemands pendant l'occupation sont tombés entre les mains des soviétiques en 1945. Il me semble qu'une partie de la bibliothèque de Léon Blum a été restituée il y a quelques années. Concernant les spoliations et pertes(bombardements)en France, on estime a plus de 10 millions le nombre d'ouvrages disparus.

    Sylvain

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  4. @ Daniel Parisinus

    Etes vous sur de votre histoire? Le mythe de la bible de Gutemberg volée par l'ennemi ou en partie brulée par l'ennemi est une légende urbaine très répandue.
    - En Pologne, ce sont les russes qui auraient brûlé en partie un exemplaire pour se réchauffer et un polonais qui l'a sauvé
    - Aux USA, c'est des noirs dans un quartier défavorisé, et un blanc qui l'a sauvé
    Et j'en ai entendu d'autres dans le genre. La bible de Gutemberg étant livre mythique, il y a beaucoup d'histoires autour...

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  5. PS: c'est comme les fantômes dans les châteaux écossais, tout le monde les a vus.
    Ou bien les souterrains de châteaux : on trouve toujours plein de personnes, de 50 ans, qui disent avoir joué dans les souterrains, mais jamais aucun ne se souvient de l'entrée.

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