Amis Bibliophiles bonjour,
Les ventes de la bibliothèque de Jules-François Chenu eurent
lieu à la salle Silvestre en avril et mai 1864 en 7 vacations.
Ce bibliophile
était décédé quelques mois auparavant, en octobre chez Ernest Panckouke dans
l’ancien hôtel de Thou où il demeurait.
Les ventes se déroulèrent en deux parties “le catalogue raisonné de la
bibliothèque” d’une part et la “bibliothèque Elzévirienne” d’autre part. Ces catalogues furent publiés par la
librairie Techener, Olivier Barbier assurant la rédaction du préambule.
Jules Chenu, né en 1806,
se destinait à la médecine mais,
(comme beaucoup d’autres...), consacra sa vie aux livres. Il tint les
fonctions de sous-chef des travaux typographiques, correcteur et prote de l’imprimerie Panckouke puis chez Hachette.
Latiniste, il corrigea l’intégralité des volumes de la Bibliothèque
latine-française de Panckouke, mais il publia aussi à son propre compte, par
exemple, la traduction du “Jardin des roses de la vallée des larmes” chez Gay en 1850. Il s’attacha également à rééditer
une dizaine de petits ouvrages anciens devenus rares, à très petits tirages,
comportant quelques rares papiers et souvent un exemplaire unique sur peau de
vélin.
Ainsi en fit-il avec “Le cochon mitré” qu’il publia à Paris en 1850 à
110 exemplaires et dont le blog s’est déjà fait écho (http://bibliophilie.blogspot.fr/2007/10/le-cochon-mitr-solution-de-lnigme.html). Le tirage comportait un
unique exemplaire sur peau de vélin que Jules Chenu se réserva, et fit couvrir
par Duru d’un maroquin mosaïqué et doublé, identifiable sous le numéro 430 du
catalogue de sa vente. Quant à l’exemplaire sur peau de vélin du “Jardin des
roses”, Chenu le confia à Bauzonnet et Trautz qui lui offrirent la reliure.
Outre l’édition de ces petites plaquettes, Chenu entretenait la passion des
elzévirs. Il était ami du bibliophile Charles Motteley et participa à la
publication du catalogue de celui-ci. Sur ce sujet il collabora au Bulletin du
Bibliophile. Il corrigea également la cinquième édition du Manuel du
Bibliophile. Enfin, il réédita différentes pièces sur l’affaire Libri. Les
annales du Bibliophile en 1862 disent de lui "qu'amateur dans toute la force du
terme (il) met à la composition matérielle de ses ouvrages un soin qui se
trahit par l’observation de toutes les minuties affectionnées des
bibliophiles.”
Il signe ses publications des qualificatifs “bibliophile
parisien” ou “elzevirophile”. Jules Chenu, ne se contentait pas d’étudier les
livres, il les restaurait lui même avant de les confier aux meilleurs relieurs
Duru, Hardy, Capé, Bauzonnet, Delanoë... Il cherchait par dessus tout les
exemplaires uniques spécialement pour les livres modernes où il affectionnait
les exemplaires d’auteur. Le livre qui illustre ce billet comporte une page de
titre unique à son adresse “de la bibliothèque de J. Chenu, 1843.”
Il est composé d’opuscules édités à Bourges
chez Vermeil de 1840 à 1842 et censément imprimés dans la même ville par
Jollet-Souchois. Les pages ont été réimposées et quelques unes réécrites et
recomposées pour former un livre homogène à la pagination désormais continue
avec une table nouvelle. Un très gros travail en tous cas, où les noms
d’éditeur et d’imprimeur disparaissent. Le catalogue de sa vente sous le numéro
573 indique “Inutile de dire qu’il serait impossible d’en trouver un
semblable.”.
La reliure d’origine en
veau fauve est signée “Delanoë père”. Comment Chenu eut-il accès à la
composition de ce livre? On peut se demander si l’imprimeur Jollet-Souchois ne
confiait pas en sous-traitance ses lourds travaux chez Panckouke. Ce livre n’est pas le seul
ouvrage né du labeur bibliophile de Chenu , on trouve par exemple les “Lettres
de l’abbé Viguier, Paris du cabinet de J. Chenu, 1859", issu d’un tirage à
part très restreint de la Société des bibliophiles français et doté d’une page
de titre particulière ou encore “Essai sur les bibliothèques” de Gustave
Brunet, pourvu d’un titre unique “Paris, du cabinet de J. Chenu, 1861".
Chenu confia ainsi à
Duru de nombreux exemplaires uniques de l’imprimerie Panckouke. Ses rapports
avec les relieurs semblent bienveillants. Ainsi offre t-il à Georges Trautz,
avec son “souvenir affectueux” un des 18 exemplaires (un des deux sur papier
jaune) de la réimpression de l’ouvrage gothique “La première leçon des matines
ordinaires du grand abbé des conards de Rouen, souverain monarque de
l’ordre....”, Panckouke, 1848. Cet opuscule fut relié par Trautz en 1855 en
maroquin bleu à décor d’entrelacs dorés. (Chenu s’était réservé un exemplaire
sur peau de vélin relié par Duru). L’exemplaire Trautz fut vendu à la cinquième
vente Bérès, le 13 décembre 2006 pour 3148 euros. Chenu conservait aussi un
exemplaire avec envoi autographe du poème “la reliure” du relieur Lesné,
curieusement broché (n° 313).
Sa bibliothèque
générale compte 674 numéros et son catalogue d’elzevirs, repris pour la vente, 545 numéros, où pour
certains les dimensions sont indiquées.
La bibliothèque générale est variée, religion, vénerie,
histoire, littérature, bibliographie, catalogues de ventes, gravures,
réimpressions de gothiques, ouvrages anglais, les 210 volumes de la
bibliothèque latine Panckouke riches de leurs cartons, etc. Notons quelques
ouvrages remarquables, un antiphonaire et des “Heures de la Vierge” enluminés
du Xve siècle, un incunable du proto typographe parisien Ulrich Gering, une
reliure de Le Gascon, quelques gothiques rarissimes. Parmi les provenances,
signalons Louis-Philippe, la duchesse de Berry et plusieurs ouvrages du
bibliophile Renouard.
Jules Chenu eut-il un ex-libris? Je ne l’ai pas trouvé, en tous cas, il n’y en a pas de trace sur le livre présenté
où il aurait été bien inutile d’ailleurs.
Lauverjat
Merci de nous faire découvrir ce bibliophile Chenu. J’aime bien trouver des livres reliés ensemble. Il révèle l’intention du collectionneur. Par définition cet exemplaire est unique. Il m’arrive de faire la même chose, de relier des plaquettes ensemble, mais comme elles ont individuellement peu de valeur, je ne m’adresse pas à des grandes signatures pour la reliure.
RépondreSupprimerTextor
Son poste de prote devait lui donner des possibilités pour faire tirer certaines feuilles, et même recomposer, ce qu'il entendait se réserver...
RépondreSupprimerIl ne devait pas manquer d'humour, pour conserver broché un livre intitulé "la Reliure". A moins qu'il n'ait pas trouvé de reliure digne du contenu ?