Amis Bibliophiles bonjour,
Pour le bibliophile, l'amour du livre est une passion, pour d'autres il est moins question d'amour et le livre n'est qu'une marchandise comme une autre... Et lorsque cette marchandise peut potentiellement représenter une somme conséquente, et si on prend un peu l'habitude d'observer les pratiques du monde de la librairie, on découvre parfois des pratiques qui laissent un peu pantois...
Je vous propose aujourd'hui une petite enquête du Blog du Bibliophile sur les pratiques étranges d'une très grande librairie du circuit international (dont le propriétaire fût également quelque temps, c'est cocasse, l'un des garants de la probité de la librairie ancienne dans le monde, au travers son appartenance à la Lila), autour d'un livre bien connu, la Divina Proportione, dans son édition de 1509; superbe ouvrage dont une partie des illustrations est souvent attribuée à Léonard de Vinci.
La page de titre et l'ex-libris manuscrit Barget chez Chausson - image cliquable |
Le 8 juin 2011, l'étude toulousaine Chausson mettait un exemplaire incomplet (79 planches sur 87, 15 planches des lettres de l'alphabet sur 23, etc.) de la Divina Proportione... par Luca Paccioli de Borgo, un bel in-folio imprimé à Venise en 1509 et relié en demi-basane du XIXe.
En plus de quelques notes manuscrites en italien dans les marges, cet exemplaire présentait une particularité qui le rend reconnaissable, un ex-libris manuscrit "Barget régnant Louis XII roi de France" sur sa page de titre. Estimé de 7 000 à 10 000 euros, il fût finalement adjugé à un acheteur étranger pour 8 900 euros.
La description de l'ouvrage lors de la vente Chausson, avec la mention de l'ex-libris- image cliquable |
Or, à la mi-avril 2012, une très grande librairie du circuit européen proposait à un bibliophile, en avant-première de la Book Fair de New York, un bel exemplaire de la Divina Proportione, édition de 1509, relié en plein parchemin du XVIe siècle.
Cet exemplaire présentait l'avantage d'être complet, et le libraire soulignait dans sa description que quelques feuillets restaurés avaient été lavés (une différence de papier trop importante?). Il était proposé à 150 000 euros.
La description ne faisait part d'aucune autre marque significative concernant l'ouvrage. En fait il fallait voir le livre pour découvrir qu'il portait un ex-libris manuscrit non mentionné dans la notice sur la page de titre. Cet ex-libris, vous l'aurez deviné, était un ex-libris français, "Barget régnant Louis XII roi de France", celui-là même qui se trouvait sur l'exemplaire incomplet, relié en demi-reliure XIXe, vendu par l'étude Chausson de Toulouse le 8 juin 2011, et adjugé 8 900 euros.
Une découverte qui pose beaucoup de questions.
D'abord, parce que je suis bibliophile avant tout, sur l'exemplaire lui-même: s'agît-il de l'exemplaire "Barget" incomplet qui aurait été complété puis réemboîté dans une reliure XVIe en parchemin? Ou, plutôt, d'un autre exemplaire incomplet relié lui en parchemin XVIe et auquel il aurait manqué au moins la page de titre? Dans les deux cas, il me semble que cette restauration, dans un sens ou l'autre, aurait méritée d'être annoncée. Ce n'est hélas pas le cas pour l'ouvrage proposé à ce bibliophile en avant-première de la Book Fair de New York il y a 3 semaines.
Mais aussi la question des pratiques de certains libraires (certains seulement) et de la prudence qui doit être de mise sur des ouvrages importants: ouvrages réemboîtés, remontés, recomposés, feuillets, pages de titres et colophons refaits... Si les faux sont assez rares dans l'univers du livre ancien pour des raisons de coût, ils deviennent beaucoup plus tentants sur les ouvrages très importants, dont le prix final permet de considérer un "travail de restauration" tout en préservant une rentabilité intéressante. Plus tentants pour certaines personnes en tout cas. Se pose alors la question de l'éthique et la nécessité de signaler ou pas ces restaurations (les restaurateurs sérieux que je connais mentionnent les restaurations "lourdes" de ce type sur les factures, mais sont rarement dupes quant au fait que ces remarques soient conservées dans des descriptions destinées à la vente)...
A moins qu'il ne s'agisse d'étourderie, car c'est vrai il est arrivé à chaque bibliophile, et à chaque libraire, d'oublier de façon totalement sincère quelque chose dans la description d'un ouvrage...
H
Ha ! La Divine proportion de Pacioli, quel beau livre ... Je comprends tout à fait que l'on restitue un exemplaire complet à partir de plusieurs fragmentaires, mais omettre ou passer sous silence ce raccommodage lorsqu'on est dans cet ordre de prix, ça frise l'escroquerie. Gingerich dans son livre sur le "de revolutionibus" de Copernic mentionne d'autres exemples de ces pratiques, également dans "les caves" d'un libraire parisien ... Est-ce le même ?
RépondreSupprimerPhilippem
Ca frise même de très près. :)
RépondreSupprimerSur Copernic, vous pouvez aussi retrouver cela ici sur le blog:
http://bibliophilie.blogspot.fr/2008/09/le-scientifique-le-bibliophile-et-les.html
Dans mon souvenir, il y a longtemps sur le blog, le bibliophile Rhemus avait parlé d'une histoire similaire sur un ouvrage d'Ambroise Paré. Par contre, un don Quichotte de 1607 aux armes de Charles de Valois, passé aux enchères incomplet a réapparu chez Sourget (catalogue 39, "prix sur demande" ...) qui a eu l'honneteté de stipuler dans sa description :"la première partie (...)incomplète, a été complétée en prélevant plusieurs feuillets sur una autre exemplaire (...)".
RépondreSupprimerPhilippem
C'est bien tentant de reconstituer un exemplaire parfait d'un tel livre!
RépondreSupprimerQui n'a pas été tenté d'acheter parfois un exemplaire un peu "moins le quart" avec une planche manquante par exemple, en se disant qu'il allait la retrouver un jour?
Et les restaurateurs sont tellement habiles qu'il est bien difficile de discerner de tels pratiques! Des fois, le papier qui a vieilli différemment d'une feuille à l'autre, peut mettre la puce à l'oreille...
J'ai déjà remarqué à deux ou trois reprises de tels agissements chez des grands libraires, avec des planches manquantes qui ont miraculeusement réapparu : j'ai en tête un Voyage au Siam, et un Molière de 1773. J'ai ces exemples en tête, car j'y avais pensé moi-même en les voyant passer incomplets en vente!
Et il y en a sûrement d'autres...
La chose se faisait couramment au 19e mais on reliait l'ouvrage à neuf après l'avoir lavé. Ce n'était pas tout à fait la même démarche...
Afficher clairement la "restauration" aurait suicidaire aujourd'hui : on sait bien qu'un bibliophile fortuné se laissera tenter par un exemplaire exceptionnel, peu importe le prix, et délaissera impitoyablement l'exemplaire, bien moins cher, mais avec un défaut!
L'exigence des bibliophiles s'est accrue, les prix aussi de façon exponentielle sur ce genre d'ouvrage; alors sur un livre à 150.000 euros, c'est bien tentant!
En tout cas c'est bien imprudent de la faire avec une page de titre si facilement reconnaissable !!!
Wolfi
Pour m'être intéressé de très près à cet ouvrage, je peux également vous dire qu'il ne faut pas confondre "reliure en parchemin du XVIe" qui peut avoir été faite au XXIe a partir d'un parchemin du XVIe, avec "reliure du XVIe en parchemin" qui elle aurait forcément été faite au XVIe, je vous rejoint tout à fait, pour dire que tout cela n'est pour le moins pas très déontologique...
RépondreSupprimerDaniel B.
1) c'est de l'escroquerie pure et simple ! faite par un "simplet" qui finira par se faire prendre et dont on devrait diffuser le nom : ce ne serait pas de la diffamation, mais de l'information !
RépondreSupprimer2) je confirme l'histoire concernant un libraire parisien qui achetait tous les exemplaires du "De corporis humanae" de Paré, quelque soit leur état, afin de "fabriquer" des exemplaires complets. N'ayant pas les éléments matériels de cette escroquerie, comme Hugues a ceux concernant la "Divina proportione", je ne vous donnerai pas le nom de ce libraire, avec regret.
Dans certains commerces on trouve des pratiques implicites qui peuvent amener le profane à penser à de la tromperie...
RépondreSupprimerLes descriptifs des objets d'art sont subtils, sur certains points. L'ordre des mots a de l'importance, et ne trompe que les lecteurs peu habitués.
Ce descriptif :
Commode à façade et côtés mouvementés en placage de bois de rose marqueté en feuilles. Elle ouvre à quatre tiroirs sur trois rangs. Larges poignées de bronze doré rocaille, les attaches feuillagées. Cul de lampe rocaille. Epoque Louis XV Dessus de marbre gris
indique que la commode est d'époque, mais pas le marbre...
De même, pour une céramique "porte une signature de Sèvres" indique certainement que cette signature est au moins douteuse.
Là où il y a un problème c'est quand "le simplet" a eu les plus hautes responsabilités à la LILA et qu'il est de par sa grande fortune et son rang personne très influente...Ce qui est dommage c'est que de telles pratiques dé-crédibilisent totalement le marché en tant que valeur d'investissement et découragent des nouveaux bibliophiles qui hésitent de plus en plus à investir dans des livres exceptionnels. Cela conforte l'idée qu'il faut faire impérativement appel à un expert indépendant lors de grosses transactions pour avoir un avis objectif et neutre sur le livre. La plus grande prudence s'impose pour des exemplaires apparaissant miraculeusement, sans toute une antériorité qui existe habituellement sur les exemplaires prestigieux, les vrais beaux exemplaires viennent rarement de nul part.
RépondreSupprimerDaniel B.
Bravo Daniel B., que je ne connais pas, pour vos interventions toujours pondérées et justes...
RépondreSupprimerTrès sincèrement, je ne vois pas pourquoi on ne cite pas le libraire... Nous avons plus de franchise quand il s'agit de signaler un libraire d'ebay!
RépondreSupprimerTout à fait d'accord. A moins que l'info soit réservée aux initiés?
RépondreSupprimerEt si ces anonymes commençaient par signer leurs commentaires?
RépondreSupprimerBenoit
Un blog c'est un blog. L'anonymat c'est le droit de base: pour le reste, il y a face-de-bouc. Une discussion entre initiés non anonymisée, bah, autant se téléphoner.
RépondreSupprimerC'est toujours amusant de vois des anonymes demander les identités d'autres personnes. Ou pas.
RépondreSupprimerBenoit
Allons, nous ne faisons pas plus bêtes que nous sommes, il suffit d'une dizaine de clics bien choisis sur google pour avoir la réponse. Même moi, qui ne suis pas une foudre d'internet j'y suis parvenu.
RépondreSupprimerJacques L.
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
RépondreSupprimerCa y est, l'Inquisition bibliophile est en marche! Franchement vous n'avez que ça à foutre? Qu'on m'explique réellement où est le problème? Qu'il ait fait ça ou qu'il ne le dise pas?
RépondreSupprimer1 Ce qu'il a fait est honorable, quoiqu'en disent les grincheux de ce blog. Il vaut mieux un livre complet que deux livres incomplets, surtout pour des pièces de cet ordre. En tant que libraire, j'aurais fais la même chose (je ne l'ai encore jamais fait) et en tant que bibliophile, je n'ai aucun problème avec cela.
En plus, comme dit Wolfi, La chose se faisait couramment au 19e mais on reliait l'ouvrage à neuf après l'avoir lavé. Ce n'était pas tout à fait la même démarche...
La démarche diffère peut-être et alors?
2 Le libraire ne le dit pas, j'ai encore envie de dire "et alors?". Ce n'est pas pour cela que c'est un mauvais libraire. A sa place, je le dirai sûrement, mais ne pas le dire n'est pas de l'escroquerie. Quelle est la tromperie si le livre est bien complet et tout d'époque? La reliure seulement qui est pastiche quoique faite avec du vélin ancien? C'est peut-être la seule chose qu'il se devrait de dire clairement.
J'ai vraiment l'impression en voyant ce genre d'articles et de commentaires que vous n'êtes qu'une bande de jaloux aigris. Un peu comme quand certains avaient attaqué Nicolas Malais qui fait un excellent travail, il y a déjà assez longtemps.
Personnellement, je suis choqué par ce libraire sur ebay, bien en vue, qui a vendu récemment (1 ou 2 mois) les tragédies de Racine dans l'édition elzévierienne de la fin du 17ème siècle. Le recueil (vers 1690 de mémoire) a été démonté et les douze tragédies ont été reliés en cartonnage papier marbré. Donc 12 volumes, avec des dates fumeuses, et qui n'ont JAMAIS existés séparemment. On ne me fera pas croire qu'un libraire comme lui ne pouvait pas le savoir. Je trouve cela autrement plus malhonnête que ce que vous pointez ici. D'autant que cette série a été vendue à deux personnes. Mais bon, ici, ca ne touche pas un livre à 150.000 euros
Arrêtez votre pédantisme ridicule
Un libraire-bibliophile
"Mais bon, ici, ca ne touche pas un livre à 150.000 euros"
RépondreSupprimerC'est pourtant un point qui me parait essentiel. Une fiche à 150 000 m'obligerait à une certaine transparence il me semble.
sebV
@ sebV : un livre a 100 ou un livre a 150000 euros meritent la même transparence. Ce n'est pas le prix qui doit justifier de la qualité de la description. C'est l'amour du livre qui me guide et non son prix.
RépondreSupprimerUn peu facile l'argument de "l'amour du livre et non son prix", en tous cas démagogue à souhait, surtout venant d’un commerçant.
RépondreSupprimerEh bien si, cher monsieur, on a le devoir, lorsqu’on vend un livre au prix d’un appartement, de signaler les opérations réalisées a posteriori, intentionnellement, pour en accroitre la valeur. Cela n’a pas été fait « pour l’amour du livre », me semble-t-il, mais pour maximiser sa marge (autant être franc quand on fait du commerce). Et puis si ce n’est pas grave, autant le dire, non ;)
Internet change les pratiques, les informations circulent, et bien tant mieux ! Très heureux pour ma part que l’on puisse partager aisément entre nous des éléments de taille, et que le métier de libraire évolue dans le sens de la transparence.
oui cher anonyme si on a une éthique elle doit s'appliquer quelque soit le prix du livre.
RépondreSupprimerCependant un tel livre sera sans doute expertisé par l'acheteur et/ou son assureur...
sebV
Quand l'honnêteté passe pour de l'aigreur, l'exigence de transparence pour de la jalousie, la cupidité pour de l'amour (du livre), c'est qu'on n'est plus bibliophile, qu'on n'est plus libraire, mais, n'en déplaise au "libraire-bibliophile" anonyme (qui, ô non grand Dieu, n'a jamais fait ça)seulement un vil escroc dénué de scrupules.
RépondreSupprimerEt je signe : Parrhésios
Le problème c'est le "et tout d'époque" rien n'est moins certain, pour avoir rencontré un libraire qui avait de telles pratiques, un de ses arguments était de dire avec une certaine gouaille toute transalpine:" Les français voulez donner des leçons, mais les gargouilles de Notre-Dame ont bien été toutes refaites, il n'y aura bientôt plus une pierre d'époque dans cette cathédrale et cela reste Notre Dame, donc il peut bien y avoir quelques fac-similés sur papier ancien, cela reste un live ancien, ne change rien à la valeur et nul besoin de le signaler". Je ne partage pas cette position, c'est de plus extrêmement compliqué à prouver quand c'est très bien fait, le papier est ancien, la cuve a été refaite si nécessaire(cela prend cinq minute avec une presse) seule une analyse de l'encre permettrait de le savoir avec certitude...Non c'est plus un problème d'éthique et d’exigence...Mais surtout un problème financier, ne nous cachons pas la face. A ces niveaux de prix le livre est un plaisir mais également et surtout un placement. N’empêche que si, a un bibliophile qui me demande conseil pour acheter la divine proportion, je dis ok, achetez ce livre 150000 euros et que dans trente ans ses enfants veulent le vendre et qu'on leur dit lors de l'expertise de succession, "votre livre c'est du bidon il est composé d'au moins deux ouvrages la reliure est pastiche et regardez ces 4 pages par transparence le papier semble XVIIe, elles sont cartonnées sur onglet, c'est difficile à prouver mais elles ont très probablement été refaites avec une imprimante lazer début XXIe, il vaut 20000 euros tout au plus..." Je n’aurai pas été de bon conseil. la seule chose que l'on peut dire, n'achetez pas dans le doute de tels livres...et dénoncez de telles pratiques, ce n'est pas de l'inquisition, mais de l’honnêteté intellectuel et un service rendu au monde du livre. Il y a bien assez de beaux livres à la provenance certaine pour ne pas s'em...et prendre des risques avec de telles pièces. Le nombre de bibliophiles ayant possibilité de mettre 150000 euros dans un livre n'est pas infini, si ils perdent confiance, ils se tourneront vers d'autres supports, peinture, Ferrari, ou n'importe quoi de plus sur. Et le monde du livre et des libraires aura perdu. On n’achète pas un appartement les yeux fermés, achetons les beaux livres les yeux ouverts !...et avec les mêmes exigences de certitude.
RépondreSupprimerDaniel B.
Merci cher anonyme de minuit, on sait maintenant de quoi on parle. J'avais essayé les 10 clics de Jacques L., mais je n'ai pas dû trouver la bonne combinaison. Un petit détour post-délation sur le site de la Book Fair, c'était finalement facile, je l'admets. Pas aguichant, le site. Pour des livres à 150.000 euros, même trafiqués, ils pourraient quand même se casser un peu.
RépondreSupprimerUn petit commentaire de bibliophile: à partir de combien faut-il indiquer que l'ouvrage est un peu bricolé?
Bon, parait qu'il faut signer.
Supion, Sex-tord, Le Bibliophile Marius ? J'hésite encore ...
Bravo Daniel B! Et ne pas signaler cette opération est à mon sens malhonnête en tant que libraire.
RépondreSupprimerS. D.
Hello
RépondreSupprimerUn gros péché.
Qui me conforte dans le fait que plus l'information relative aux ventes sera disponible moins il sera facile de filouter le bibliophile de base.
La transparence permettra au marché de gagner de nouveaux bibliophiles, en effet certains amateurs d'art semblent ne pas vouloir s'engager dans l'achat de livres de peur de se faire avoir.
J'espère que le SLAM interviendra cette fois pour réguler cela, sinon quelle sera la crédibilité de ce type de syndicat ?
Très intéressant cette analyse
Bien Cordialement
Yohann de ebibliophilie.com
Le pédantisme ou l'aigreur ne me semblent pas être des qualificatifs très pertinents pour nommer les personnes un peu dérangées non par la recomposition de ce livre, mais par la dissimulation volontaire qui en est faite.
RépondreSupprimerEt l'unique raison de ne pas le dire est financière. Le bouquin n'a pas été recomposé par altruisme avec comme unique volonté de proposer à l'humanité béate un bel exemplaire complet.
Acheter des livres recomposés ça ne me dérange pas du tout, quand c'est clairement stipulé, et c'est tellement peu rare d'ajouter un petite carte ou une gravure manquante par-ci par-là. Tant mieux si en dépouillant une drouille on peut compléter un bel exemplaire. Mais quand on le vend, c'est pas mal de préciser que l'intégrité du livre a été modifiée, et bien des libraires le font. Au dépend du prix, car c'est presque toujours une moins valu.
Je trouve cette histoire dommageable, et ne me considère ni aigris, ni jaloux, ni pédants.
Nicolas.
depuis 2 jours j'essaie de retrouver cette histoire, d'un grand bibliographe qui raconte quelque part comment il a fait pour constituer un "bon" exemplaire de je ne sais plus quoi (Alzheimer, c'est terrible). Il achète un exemplaire bon, mais pas avec les bonnes gravures. Il achète une suite des gravures, bon tirage, mais incomplète. Il achète un exemplaire incomplet, avec les bonnes gravures.
RépondreSupprimerDe tout ça il constitue un exemplaire "parfait", et un second "très bon", et fait relier le premier par un grand relieur.
Est-ce Vicaire, ou Brunet, ou un autre ??
Je ne peux résister, sous le couvert de l’anonymat bien sûr, de vous rapporter cette anecdote qu’on trouve chez Brunet (volume 4, cols 694 & 695 ; c’est Calamar qui m’a poussé à la retrouver). Il s’agit de l’édition originale de l’Omnia Platonis opera (imprimé à Venise par Alde en 1513, 2 volumes in-folio) :
RépondreSupprimer« Il se trouvait dans la bibliothèque du prince Lebrun, duc de Plaisance, vendue à Paris en Novembre 1824 (voir le n° 156 de son catalogue), un exemplaire de la première partie de cette édition aldine de Platon, reliée en veau brun, et dont le frontispice portait le nom et la devise grecque de Fr. Rabelais : Francisci Rabelesi medici [suit le texte grec]
(et ejus amicorum claristianorum), bien certainement de sa propre main. Ce fragment précieux fut adjugé pour 83 fr à M. Renouard, qui en détacha le frontispice et l’adapta à un exemplaire des deux parties de la même édition reliée en vieux maroquin, qu’il possédait et où se trouvaient, sur onze feuillets, des notules manuscrites d’une ancienne écriture qui n’était pas celle de Rabelais. C’est ainsi que la première partie reliée en veau brun, annoncée dans le catalogue de M. Lebrun, est devenue, sous le n° 284 de celui de M. Renouard, un exemplaire complet (sauf le dernier f), relié en vieux maroquin, et qui, au moyen d’une note adroitement conçue, a pu être porté à 550 fr. »
Je note qu’à presque 2 siècles de distance, la culbute est du même ordre que le cas que nous discutons (x7 pour le Platon, x16 pour le Divina Proportione). La chute de l’anecdote nous laisse sur notre faim : quelle fut donc cette « note adroitement conçue » ? Mr. Renouard a t’il tout balancé adroitement ? C’est peu probable. Il a certainement menti, mais comment ?
Supion
Vous pouvez voir la notice du catalogue renouard ici http://books.google.fr/books?id=yyACAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
RépondreSupprimerVoir à la page 28 le 284
Dans la notice les notules sont toutes devenues de la main de Rabelais...
Mais au moins tous les feuillets sont d'époque.
Bravo cher anonyme ! Bref Renouard a menti, et bien menti: pas seulement pour le frontispice bricolé, mais aussi pour les écritures. Pour ceux qui veulent la suite de l'histoire de ce livre, RV chez Abel Lefranc: http://archive.org/details/bulletindubibli10frangoog "Le Platon de Rabelais, Bull. du Bibliophile et du Bibliothécaire, 1901".
RépondreSupprimerSupion.
Il est clair que c'est une pratique qui dure depuis longtemps!
RépondreSupprimerC'est intéressant cette anecdote du Brunet!
Mais quand on regarde le catalogue Renouard, la note est bien ambiguë :
"Précieux volume, quoiqu'il manque le dernier feuillet. Bien conservé, et de très grandes marges, il porte sur son titre, en deux lignes, la signature de Rabelais ainsi exprimée :
Francisi Rabelesi...
Lignes remarquables en ce qu'elles sont, très suffisantes pour vérifier sans incertitude le plus ou moins d'authenticité de tout écrit qui, à tort ou avec raison, serait présenté comme étant de la main de Rabelais. Sur onze feuillets, outre le titre, sont des notules, pareillement de l'écriture de Rabelais. Plus loin, un Hippocrate, d'Ale, avec une multitude de notes, aussi de Rabelais"
Je suis plutôt sur la longueur d'onde de Nicolas : la pratique est loin d'être répréhensible puisqu'elle permet d'avoir au final un exemplaire complet, mais on est en droit d'être au courant!
Ce qui me gêne également (et sinon plus), c'est cette histoire de reliure : je n'ai pas bien compris, en fait c'est une reliure réalisée à partir de vélin 17e?
cordialement,
Wolfi
Bonjour,
RépondreSupprimerJe n'ai pas pour but de relancer un débat vif en voie d'apaisement, mais je souhaiterais ajouter une approche de la question qui me semble lui manquer et qui me tient particulièrement à coeur.
Cette manipulation de deux exemplaires de la Divina proportione de 1509 pour en faire un exemplaire "idéal" est pour le moins douteuse en matière de déontologie commerciale. Rappelons deux usages que "doivent respecter expressément" [les membres des associations nationales associées à la LILA] lisible sur la page d'accueil de son site www.ilab.org
- article Description : "Les membres s'engagent à décrire avec précision les pièces qu'ils désirent vendre. Ils doivent indiquer clairement aux acheteurs éventuels tous les défauts ou les manques et les importantes restaurations effectuées."
- article Préservation : "Les membres s'engagent à préserver les pièces historiques et à ne pas casser des exemplaires intacts et complets de livres ou de manuscrits".
Si ce dernier article est, à mon goût, trop timide, il introduit toutefois l'idée que les exemplaires, imprimés ou manuscrits, qui passent entre les mains des libraires d'anciens sont des "pièces historiques", qu'ils faut respecter en tant que telles. Pour l'historienne du livre que je suis, l'idée de "maquiller" un exemplaire pour le rendre conforme aux canons de la bibliophilie actuelle est révoltante. Les principes de restauration appliqués sur les exemplaires des collections publiques (visibilité et réversibilité des interventions) permettent, eux, de préserver leur qualité de source historique.Chaque exemplaire porte les stigmates d'une histoire, il nous parle de sa transmission jusqu'à nous, de ses usages (la lecture, mais pas seulement). Faire disparaître à tout jamais une reliure, des marques de possessions et d'usages (par ratures des mentions de possession manuscrites, arrachage des étiquettes d'ex-libris et d'ex-praemio,lavage des pages ou rognage assassin des marges et j'en oublie sans doute), c'est ramener un livre singulier à l'état d'objet standardisé ; est-vraiment aimer les livres ?
Il se trouve que j'ai eu l'exemplaire "de départ" entre les mains quelques instants, il y a longtemps. Je ne l'avais pas photographié, mais j'avais pris des notes afin de pouvoir l'identifier, lui et trois autres livres du 16e siècle concernant l'architecture. Depuis je suis attentive, par curiosité, aux exemplaires qui passent en vente et la page de titre reproduite dans votre billet m'a bien sûr alertée.
Tout d'abord une précision : la mention manuscrite, qu'il faut comprendre "1509/Régnant Louis XII Roi de France", ne date pas l'ex-libris, mais l'édition elle-même. La signature que je lis plutôt "Barriet" ou "Barrier" est postérieure au 16e siècle.Par ailleurs, comme le signale la notice de Catherine Chausson, il y avait des notes manuscrites dans les marges dont l'écriture de style humanistique pouvait être du 16e siècle.
La nature de la manipulation est difficile à déduire des éléments que vous donnez dans votre billet. Est-cet exemplaire qui, réenchâssé dans une reliure "d'époque" et complété, a été négocié à New-York, ou bien n'a-t-il fourni que sa page de titre ? Que des restaurations signalées dans la notice NY concernent des lacunes de cet exemplaire (lettres BCDE) fait pencher vers la première hypothèse. Quid des restes du "clone thérapeutique", quel qu'il soit ?
Triste tout cela...
Nicole Le Pottier