Amis bibliophiles bonjour,
On rencontre
parfois de ces impressionnantes reliures à décor doré aux petits fers ou au
semé et aux armes dorées poussées aux
centres des plats. La reliure est le plus souvent en basane ou en veau fauve,
souvent fragile, et porte des pièces d’armes au dos isolées ou en semé. Le
charme du décor tient plus à son effet d’ensemble qu’à la précision du travail
de dorure. Les tranches sont dorées.
Armes de Jean de MONTPEZAT de CARBON, archevêque de Bourges. |
La garde est un
papier peigne, la contre garde un papier blanc si elle existe. Ensuite figure
l’ex-praemio. Il s’agit de la dédicace
manuscrite du livre au lauréat, en latin, d’une quelconque discipline scolaire.
En bas un cachet ou timbre à froid authentifie la provenance. On y apprend le nom du lauréat, le nom de son
établissement et de son directeur ou du dirigeant des études qui signe
l’ex-praemio. L’ex-praemio s’adresse au
destinataire du livre, à son premier possesseur en somme. Surtout le nom du donateur du livre est mentionné ce qui
permet une identification rapide des armes. Plus rarement se sont les armes du
collège qui sont poussées sur la reliure.
Ex-praemio 1682, le récipiendaire est Jacques Bengy, futur conservateur des privilèges royaux de l'université de Bourges, vicomte des Porches, l'agonothète François de Rohan prince de Soubise. |
Dans l’antiquité
grecque les agonothètes étaient des magistrats qui garantissaient le bon
déroulement des concours, le plus souvent ils se transformèrent en mécènes
soutenant de leur générosité et de leurs libéralités bénévoles (au sens premier
du terme) les réalisations.
La reliure d'agonothète est donc le fruit de ce généreux donateur.
Le donateur est un
protecteur de l’établissement scolaire. Les évêques, archevêques, cardinaux
sont bien représentés, ainsi que les gouverneurs, baillis voire seigneurs
influents du lieu. Des corps constitués peuvent aussi tenir ce rôle, comme le parlement de Rouen.
Armes de Jean du MESNIL-SIMON, abbé de Beaulieu, ex-praemio du collège des Jésuites de Bourges de 1656, Une roulette est attribuée par Esmerian à « un imitateur de Le Gascon » |
La plupart des
reliures richement décorées rencontrées datent du milieu du XVIIe siècle.
Ces livres de prix
n’ont donc jamais figuré dans la bibliothèque du donateur, sous cette livrée en
tous cas. Les livres sont très variés, parfois anciennes éditions parues 80 ans
plus tôt, parfois éditions récentes. Cependant les ouvrages religieux et les
classiques latins dominent et les grands formats également, ce qui va de pair,
s’agissant d’un livre de récompense scolaire. La fragilité de la peau utilisée
et le format important expliquent aussi la rareté des exemplaires parfaitement
conservés, d’autant que leur premier possesseur n’était pas obligatoirement
bibliophile.
Armes et monogramme de Michel PONCET de la RIVIERE, Archevêque de Bourges ex-praemio du collège des jésuites de Bourges de 1676. |
L’esprit de ces
reliures clinquantes (d’aspect luxueux mais de réalisation
économique, rarement ou jamais en maroquin,
à l’ornementation dorée exubérante mais pas toujours soignée) sera
repris dans les livres de prix en percaline du XIXe siècle. Au XVIIIe siècle pourtant les reliures se firent plus sobres, seulement frappées des armes du
donateur.
Il faut soupçonner
une reliure d'agonothète privée de son
ex-praemio quand la page de garde manque.
Voici en
illustrations quelques exemples tirés de
ma bibliothèque avec ex-praemio berrichons et d’autres découverts en ligne sur
le site de la bibliothèque médiathèque
de Nancy (http://bmn-renaissance.nancy.fr)
Armes de François de ROHAN prince de SOUBISE, gouverneur de Berry, ex-praemio du collège des jésuites de Bourges 1682. |
Restent des
questions pratiques. Les établissements d’enseignement passaient-ils commande
auprès de leur libraire habituel qui fournissait à sa convenance livre et
reliure ou le livre pouvait-il être fourni
et choisi par le donateur ?
Quels ateliers
réalisaient ces reliures ? Je n’ai pas trouvé d’étude ayant abordé la
question. Par exemple, confiait-on la réalisation aux ateliers locaux ou à des
ateliers de grands centres urbains (Paris, Lyon, Rouen…) spécialisés dans ces
travaux ? La comparaison de mes exemplaires offerts à Bourges au XVIIe ne met pas en
évidence de fers communs aux différentes reliures. L’étude sur un large corpus
de livre pourrait-elle être plus concluante?
Lauverjat
On devient toujours plus intelligent en bibliophilie... Je viens d'acquérir un ouvrage de ce type avec le monogramme du collègue de Plessis-Sorbonne (moins luxueux que ceux présentés) avec un ex-praemio (donc) imprimé (et complété à la main) et relié en tête.
RépondreSupprimerMerci Lauverjat, je me couche une fois encore, moins bête qu'hier...
Olivier
Le n° 371 de la vente Alde du 25 juin (Satyrae de Perse - 1613) pourrait correspondre à ce type de reliure décorée. D'après l'expert, il s'agit d'une basane maroquinée d'époque, c'est-à-dire d'une basane traitée pour ressembler à du maroquin. Vu l'excellent état de la reliure le traitement de la basane semble lui avoir fait acquérir la solidité du maroquin.
RépondreSupprimerC'est très possible, je me demande cependant si les coiffes ne sont pas restaurées. Je n'ai pas vu le livre à l'exposition.
RépondreSupprimerLauverjat