Amis Bibliophiles bonsoir,
Au hasard de visites touristiques, il arrive que le promeneur sans idées préconçues soit attiré par une annonce municipale, libellée mystérieusement « reliures anciennes et contemporaines, samedi 3 août 2013, 15h ».
Mais le promeneur ne s’y laisse pas prendre, tout à ses préoccupations du moment, plus banalement tournées vers les cryptes, voûtes en berceau, fouilles de four à canon aménagé dans le sol d’une abbatiale, ou vitraux du XVe siècle, comme n’importe quel touriste qui se respecte.
Mais il est vrai qu’Auxerre n’est pas ville à se laisser ainsi ignorer, qui nous accueille par ceci:
Il y a quelqu’un qui bouche la vue… |
La vue la plus touristique de la ville est gâchée par une sculpture d’un écrivain oublié ! décidément, pas moyen de se débarrasser de ses habitudes… donc allons-y pour de la bibliophilie, puisque tout nous y pousse.
Or donc, nous voici, à 15h, dans la salle de conférence de la bibliothèque municipale d’Auxerre, en compagnie de quelques autres touristes égarés, la plupart déjà familiers du sujet, dont un libraire, une Anglaise, et deux journalistes locaux. En tout une quinzaine de personnes, ce qui est remarquable tout de même, par ce temps plus propice à d’autres occupations…
Photo de l’Yonne Républicaine. On admire les gants blancs. Pas moyen de se promener | incognito… |
Les deux responsables de la bibliothèque nous ont ainsi présenté une soixantaine de reliures faisant partie du fonds de la bibliothèque.
La présentation, chronologique, nous a permis de voir quelques reliures anciennes ; reliures à la cire, reliure sur ais de bois, en peau estampée.
Puis des reliures qui ressemblaient fort aux reliures d’agonothètes que le Blog du Bibliophile nous a présenté récemment (http://bibliophilie.blogspot.fr/2013/07/connaissance-de-la-reliure-les-reliures.html): des volumes aux textes assez peu passionnants (religieux ou livres de droit), avec des reliures aux armes, sur un semis de fers.
Une de ces reliures est d’ailleurs non attribuée : les armes sont celles d’un archevêque ou d’un cardinal, écartelé au lion et à la balance, avec un globe brochant sur le tout.
Puis nous vîmes une reliure janséniste, à tout les sens du terme : reliure noire, sans aucune décoration autre que le titre sur le dos. Mais les gardes sont en papier doré (assez terni), et la provenance intéressante : il a appartenu à Charles de Caylus, évêque d’Auxerre, fervent janséniste.
La pièce la plus spectaculaire est un livre de fête : la relation du mariage par procuration de Louis XV avec Marie Lecsinska, le 15 août 1725 à Strasbourg. C’est un grand in-plano, relié par Pasdeloup. C’est d’ailleurs la seule reliure ancienne signée.
La présentation se poursuivit avec des reliures du XIXe siècle, siècle de la mécanisation, avec des cartonnages et percalines typiques, qui valaient pour leur bon état de conservation. Mais les grands relieurs de ce siècle font défaut.
Ensuite vint le morceau de bravoure, la fierté de la bibliothèque : les reliures contemporaines. Si la bibliothèque est pauvre en grands relieurs des siècles passés, elle se rattrape avec ceux du XXe, ou XXIe siècle.
C’est ainsi que nous avons pu admirer le travail d’Alain Taral, en bois de sycomore, sur un ouvrage ancien. Puis une reliure de Daniel Knoderer, très spectaculaire, sur un texte de William Blake, reliure qui avait l’avantage de se comporter comme une reliure classique : elle protége un livre, et le livre peut se lire !
Puis des oeuvres de plusieurs relieures et relieurs contemporains, dans des matières inhabituelles (cuir bien sûr, mais aussi bois, acier, incrustations diverses). J’ai noté par exemple une reliure de Anick Butré, sur un texte de Jean-Paul Guibbert et des illustrations de Léonor Fini, ou encore une reliure de michel Richard sur un texte de Henri Pichette, « Dents de lait, dents de loup », illustré par Jacques Villon.
Cette richesse de cette partie du fonds est due aux bonnes relations entretenues avec les relieurs ; nombre d’entre elles ont en effet été offertes à la bibliothèque par les relieurs eux-mêmes. D’autres sont le résultat de concours de reliures.
Tous ces ouvrages sont naturellement disponibles à la consultation, sur place, pour les malchanceux qui n’ont pas passé cet après-midi de vacances à Auxerre.
Cette présentation s’est faite classiquement en gants blancs. Bon, au bout de cinq minutes les gants étaient largement plus sales que les mains de n’importe quel traîne-savate, mais c’est le geste qui compte. Au demeurant, les bibliothécaires en étaient bien conscientes, et ont consommé plusieurs paires de gants. Et lors de la consultation du livre de fête, les gants blancs ont été ôtés, pour éviter de tacher les splendides gravures…
Calamar
merci Hugues !
RépondreSupprimerje n'ai toujours pas réussi à identifier les armes du cardinal..
Le bibliophile masqué s'est trahi... Nous connaissons enfin (presque) le visage de Calamar !
RépondreSupprimerMoi, je pense que c'est le Monsieur avec l'appareil photo. Merci en tout cas pour cette relation de voyage qui renoue avec la tradition du blog du bibliophile.
Pierre
damned ! je suis fait. A noter tout de même que le photographe de presse a eu la délicatesse de ne pas photographier mon épouse, judicieusement cachée par la bibliothécaire.
RépondreSupprimerSur l'utilisation des gants blancs, relire l'article de Léo, d'octobre 2008 : http://bibliomab.wordpress.com/2008/10/20/les-gants-une-mauvaise-solution/
RépondreSupprimerRené
J'ai essayé de lire la vie de Marcel Cerdan avec des gants de boxe, j'ai renoncé, mais celle de Poulidor avec des gants de vélo, super...ces gants devraient être utilisés dans les bibliothèques, les doigts dépassent pour tourner les pages et la paume est rembourrée pour les dos à nerfs ;))
RépondreSupprimerDaniel B.
Jean de Montpezat de Carbon archevêque de Bourges (né 1605, mort 1685) et son frère Joseph-Dominique de Montpezat de Carbon archevêque de Toulouse portent : écartelé 1-4 de gueules à la balance d'or, au 2-3 de gueules au lion d'or, sur le tout d'azur au monde d'or.
RépondreSupprimerQuelques variantes de fers.
Lauverjat
bravo Lauverjat !
RépondreSupprimeril n'y a plus qu'à espérer que les bibliothécaires d'Auxerre ont de saines lectures...