Amis Bibliophiles bonjour,
Le billet d’Hugues qui annonçait la disparition d’Anthony Hobson m’a donné l’idée de ce petit mot.
Nous devons à Anthony Hobson (fils de cet autre bibliographe Geoffrey D. Hobson) une étude exhaustive sur un type de reliure romaine à décor à froid baptisé Apollon et Pégase*.
Dans la vogue des reliures italiennes à décor, de la première moitié du XVIe dites à médaillon ou « à camée », il s’agit d’un groupe de reliures de la Renaissance frappées au centre des plats d’un emblème représentant Apollon menant son char vers l’ascension du mont Parnasse où l’attend Pégase.
Cet emblème se trouve dans un médaillon ovale vertical (sur les in-folio) ou horizontal (sur les autres formats). Le décor est rehaussé de couleurs à la main. Un ou deux filets dorés enchâssant une devise dorée en grec « droit et sans détours » entourent le médaillon. Le titre doré du volume, parfois dans un cartouche doré, surmonte le médaillon. Un décor doré fait d’entrelacs géométriques et de fleurons encadre les plats de façon variable. Les volumes sont reliés en maroquin olive ou bruni par le temps (pour les auteurs anciens) ou rouge (pour les auteurs italiens modernes).
Ces reliures étaient auparavant attribuées à Canevarius (d’où parfois l’appellation de reliure romaine « Canevari »), ou à un membre de la famille Farnèse, le cardinal Alessandro Farnèse ou Pier-Luigi Farnèse (dont les livres sont pareillement ornés d’un emblème en médaillon, un aigle survolant la mer, et de sa devise).
Anthony Hobson grâce à un recensement de 143 reliures de ce type perça les mystères de cet ensemble. A l’aide d’une condamnation portée sur le dictionnaire de langue latine de Robert Estienne par l’inquisition (exemplaire Esmérian première partie, n°42), il identifie le possesseur de ces reliures en la personne de Giovanni-Baptista Grimaldi. Héritier de financiers génois, celui-ci est proche de Claudio Tolomei érudit et familier du cardinal Alessandro Farnèse. Tolomei aurait constitué la bibliothèque de Grimaldi et créé son emblème.
Trois relieurs exerçant à Rome ont participé à la réalisation de cet ensemble, Maestro Luigi, Niccolὸ Franzese (Nicolas Fery de Reims) d’origine française et Marcantonio Guillery fils de l’imprimeur originaire de Lunéville Etienne Guillery.
Cette bibliothèque, sorte de bibliothèque idéale, a été constituée toute entière entre 1545 et 1548 sans jamais être enrichie par la suite par son propriétaire. Actuellement, un peu moins de 170 volumes seraient identifiés, dispersés dans les collections publiques et privées de la planète.
Il circulerait cependant un certain nombre d’ouvrages anciens frelatés qui ont reçu a posteriori l’emblème au médaillon.
Voici quelques exemplaires passés en ventes publiques ou non :
-Vente Couppel du Lude n° 28
Virgile, Opera, Lyon, Gryphe, 1545, in-8° reliure de Marcantonio Guillery, vente 23 novembre 2009, 75 000 €.
-Vente Wittock (qui écrivit un article à ce sujet dans le bulletin du bibliophile 1998)
Sénèque, Lucius Annaeus, Lyon, Gryphe, 1541, in-8° reliure de Marcantonio Guillery, vente 7 juillet 2004, 69 310 £.
-Vente Wittock, Pindare, Olympia…, Bâle, 1535, in-4°, reliure de Niccolὸ Franzese, vente 7 juillet 2004 (non vendu ?).
-Vente Bérès, Dionisus Halicarnasseus, Delle cose antiche della città di Roma, Venise, 1545, in-4°, reliure de Maestro Luigi, catalogue Bérès 2004 et vente 16 décembre 2005, adjugé 77 500 €.
-Trésors de Mariemont, collection de la bibliothèque, Hygin, Fabularum liber […], Bâle, Johann Herwagen, 1535, in folio, reliure de Niccolὸ Franzese, acquisition vente Robert Hoe 1912.
-Vente Audap et Mirabaud, Ovide. Metamorphoseon libri XV. Lyon, Gryphe, 1543 ; in-8, reliure Marcantonio Guillery, (exemplaire Esmérian, qui en possédait trois) vente 26 juin 2014, 66 000 €.
Lauverjat
Nous ne manquerions pas d'en informer nos lecteurs si, par hasard, une reliure de ce type arrivait sur nos rayonnages... ;-))
RépondreSupprimerMerci, Lauverjat, pour cette excellente contribution. Pierre