Amis Bibliophiles bonjour,
En 1928, Paul-Emile Colin a 61 ans. Cette année-là paraît
son dernier livre illustré ; à son habitude il a utilisé le bois gravé. Il
s’agit de « Marie-Claire », de Marguerite Audoux, paru chez Fayard
dans la collection populaire « Le Livre de Demain ».
En fait il ne s’agit pas de son dernier livre ; l’année
suivante paraît « Les Séductions Italiennes », de
Clément-Janin ; mais ce dernier est illustré d’aquarelles, une exception
dans la production de Colin, fervent défenseur du bois gravé.
Après ces deux publications, Paul-Emile Colin va arrêter sa
production bibliophilique, qui n’était pas bien importante : en 20 années,
de 1907, année de parution des « Philippe », de Jules Renard, chez
Pelletan, jusqu’en 1928, seulement 23 livres témoigneront de son talent. Encore
cet ensemble comprend-il 9 livres publiés par Crès, dans la collection
« Les Maîtres du Livre », dont l’ornementation est souvent assez
réduite : un frontispice, quelques bandeaux.
Cette retraite sera interrompue une première fois en 1937,
pour la parution du livre collectif « en Lorraine par sentiers et
venelles », chez Paul Even, à Metz. Cette année-là, Colin a soixante-dix
ans ; la retraite semble définitive.
Et pourtant…
Pendant la guerre, Paul-Emile Colin met en chantier tout une
série de publications. Pour cette entreprise il se lance seul ; il a
l’expérience de l’édition, ayant déjà publié lui-même « Chez Paul-Emile
Colin, au Bourg La Reine », ses deux albums in-folio sur la Grande
Guerre : « Les Routes de la Grande Guerre », en 1917, et
« L’Inde en France », en 1920.
Dion
Chrysostome, « Le Chasseur », Paul Emile Colin, 1943.
Il commence cette nouvelle série par un texte de
l’Antiquité : « Le Chasseur, ou histoire Eubéenne », de Dion
Chrysostome. L’ouvrage paraît en 1943. C’est un in-8, illustré par 57 bois
gravés. Il a été tiré à 117 exemplaires, sur papier de Voiron, vendus 1000
francs, plus 16 exemplaires de tête, sur Whatmann ou Japon, vendus 5000 et 6000
francs. 1000 francs de 1943, cela donnerait plus de 200 euros maintenant, une
belle somme, sans parler du prix des exemplaires de tête…
Le tirage est complété par trois exemplaires d’artiste, dont
le premier comporte la totalité des bois gravés. Cette série complète des bois
gravés a ensuite été séparée, une partie se retrouvant dans l’exemplaire de
l’épouse de Paul-Emile Colin, Thérèse, avec cette dédicace : « à ma
Thérèse chérie, cette première édition de guerre, en consolation ».
Dédicace de
« Le Chasseur », de Paul Emile Colin à son épouse Thérèse.
L’examen des bois de cet exemplaire permet de voir le
travail de Colin, qui a toujours été un graveur ; ce n’est pas de la
gravure d’interprétation, mais bien de la gravure originale, défendue en son
temps par Pelletan. Mais ici la gravure n’est pas faite sur bois de bout ;
c’est une mince planchette de bois de fil. Certains bois ont été teintés, en blanc ou en
jaune, pour leur lisibilité.
Bois gravé pour le
Chasseur, coloré en jaune
Bois gravé pour le
Chasseur, coloré en blanc
Toujours en 1943, Paul Colin poursuit ses projets en éditant
les « Bucoliques », de Théocrite, qu’il illustre de 72 bois gravés.
Le tirage est cette fois-ci de 120 exemplaires sur vélin de Voiron, toujours au
prix de 1000 francs, auxquels il faut ajouter 30 exemplaires sur vélin
d’Arches, avec une suite des huit hors texte sur « japon blanc vergé très
ancien mince », vendus 2000 francs ; quatre exemplaires sur Whatmann,
avec deux suites, au prix de 6000 francs, et un exemplaire pour l’auteur.
Théocrite,
les Bucoliques, frontispice par Paul Emile Colin.
L’ouvrage suivant paraît après une interruption plus
longue ; en 1945 Colin publie « Daphnis et Chloé », avec 41
gravures sur bois. Le tirage est légèrement différent : 120 exemplaires
sur vélin de Voiron, 30 exemplaires avec un dessin et une suite sur japon des
hors texte, 20 exemplaires avec un dessin, une suite sur japon des hors-texte
et une suite de toutes les gravures, plus un exemplaire sur japon. Petite
nouveauté, Colin ajoute 12 exemplaires de présent. Ces derniers exemplaires,
sur vélin de Voiron, sont diversement enrichis (dessins, suites, bois gravés).
Bois gravé et tirage correspondant
L’année suivante paraît des extraits de
« l’Odyssée », illustrés de 32 bois gravés. Le tirage est toujours de
171 exemplaires : 130 exemplaires sur vélin de Voiron, 40 exemplaires sur
vélin d’Arches avec suites et dessin, un exemplaire sur japon, plus 15
exemplaires de présent.
Paul Emile Colin,
dessin original pour la grotte de Calypso.
Homère, l’Odyssée,
hors texte de la page 13 : la grotte de Calypso.
Cette même année 1946 paraît le volume suivant. Cette
fois-ci Paul Emile Colin abandonne sa chère antiquité, qu’il a si bien
illustrée les années précédentes. Le texte choisi est « Sylvie » de
Gérard de Nerval. Ce volume sera suivi, en 1947, par « La Mare au
Diable », de George Sand. Le tirage
sera toujours de 171 exemplaires (130 sur vélin de Voiron, 40 sur vélin
d’Arches, un exemplaire de tête) plus
les exemplaires de présent. Ces deux textes ne sont certes pas des classiques
de l’Antiquité ; mais on voit bien ce qui a pu justifier le choix de
Paul-Emile Colin…
Frontispice de
« Sylvie », de Gérard de Nerval, Paul Emile Colin, 1946.
« La Mare au Diable » est le
dernier travail de Paul Emile Colin. Il a maintenant 80 ans, et mourra deux
années plus tard dans sa maison de Bourg-la-Reine, au côté de son épouse
Thérèse.
Dans toute cette partie de sa production, concentrée sur
quelques années, Paul-Emile Colin a choisi des textes correspondant à ses
thèmes favoris : la nature, le travail agricole, l’homme dans son
environnement, en résumé, l’âge d’or. Le traitement est moins lyrique et moins
théâtral que dans les grandes réalisations faites pour pelletan, ou pour ses
deux albums in-folio ; c’est une contrainte du format choisi ici, un
format in-8°. Dans cette série également, il met en scène nettement plus de
personnages que dans ces réalisations des années 1910, dans lesquelles la
nature était souvent vide. Ici il retrouve, à une échelle plus réduite, la
verve montrée dans l’illustration des « Philippe », en 1907.
Merci Calamar ! C'est passionnant. Je suis fan de PEC.
RépondreSupprimerUn article sur les illustrés modernes, ce n'est pas courant sur le Blog, merci Calamar !
RépondreSupprimerB.
Merci pour cette contribution, Calamar. Je remarque aussi que les graveurs sur bois de la première moitié du 20ème siècle n'ont plus la cote. A quand un bel article sur Lebédeff ? Pierre
RépondreSupprimeroui, ce genre de publications est sans doute moins recherché que les grands illustrés XVIIIe... c'est une autre bibliophilie. A noter tout de même la relative rareté de cette production, par rapport aux éditeurs comme Mornay, Cyral et autres.
RépondreSupprimerBonne année 2015 au Blog,
RépondreSupprimerLauverjat
Cher Calamar,
RépondreSupprimerJe reviens à ce billet car je suis entré en possession d'un énorme travail, manuscrit et tapuscrit, sur Paul Emile Colin.
Un mémoire de maîtrise, qui ressemble bien plus à une thèse (plusieurs centaines de pages). Ce travail contient un sérieux catalogue raisonné, qui me paraît exhaustif (mais je ne l'ai parcouru qu'en diagonale pour l'instant).
Juste pour info, au cas où cela intéresserait un amateur de Colin... C'est inédit je pense et la version déposée aux archives de la fac où il a été soutenu est considérablement allégé (de 60% des infos au moins)...
B.
bonjour Benoît, (et bonne année !)
RépondreSupprimerMerci pour cette info intéressante ; j'en prendrais connaissance avec plaisir ; est-ce que vous avez plus d'informations (sur l'auteur, la date de soutenance) ?
Bonsoir Calamar,
RépondreSupprimeret très belle année 2016, je manque à tous mes devoirs !
Il s'agit donc d'un travail nommé "Mémoire de maîtrise de Mme Eva Gilbert-Levrier : "Un artisan du renouveau de la gravure sur bois à la fin du XIXe siècle : le graveur P.E. Colin". Daté octobre 1979.
Au total, avec les suppléments : 5 fascicules d'environ 100 pages (en fait l'un est le mémoire, les quatre autres le cat. raisonné, en gros) plus 150 feuillets volants regroupant des photocopies de centaines de gravures.
Le tout dactylographié. Une mine d'infos je pense... Et inédites pour une grande part...
B.
Ne serait-ce point l'occasion d'en faire un article pour le blog cher B?
RépondreSupprimerH
ce serait intéressant, en effet. Il faudrait aussi avoir l'avis de madame Gilbert ?
RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerJe travaille actuellement sur l'artiste Paul Emile Colin, en vue d'une préparation de thèse ou d'une exposition. Le travail tapuscrit que vous citez m'intéresse. Est-il possible de le consulter ? D'autre part je vois que dans l'article il y a des bois originaux (matrices)qui sont reproduits, savez vous où je peux les consulter ?
Vous pouvez me contacter sur mon adresse mail astridmallick@gmail.com. Cordialement.