lundi 4 mai 2015

Il n'y plus rien au Grand Palais? Mon oeil, le beau compte-rendu de Calamar

Amis Bibliophiles bonsoir,

Le dernier catalogue de l'excellente librairie Anne Lamort s'ouvrait sur ces mots de Fernand Vandérem (in La Bibliophilie nouvelle, 1929): "Il semblait, à première vue, que la crise dût déchaîner sur le marché une avalanche d’ouvrages précieux dont la dureté des temps contraindrait leurs propriétaires à se défaire. Or, loin de là, chez les amateurs comme chez les libraires, ce n’est qu’un cri : « On ne trouve rien ! »"


On ne trouve rien? Voyez donc ci-dessous le compte-rendu de Calamar, après une journée passée au Grand Palais.

Le Salon du Livre Rare (à noter le changement de nom ; le livre à rechercher est rare,il n'est pas forcément ancien) et de l'Autographe. Ou plus simplement : le salon du Grand Palais.
De bon matin (environ 11h tout de même), le Grand Palais ouvre ses portes. Avec Pierre, sérieux comme l'exige le Culte, nous pénétrons dans le Temple...

Première direction, à droite toute : la partie Estampes, à ne pas négliger. Si vous n'y allez pas tout de suite, vous risquez ensuite de ne plus trouver le temps ! et ce serait dommage.

Cette partie du Salon présente des trésors, ainsi que des pièces abordables, de tous styles, toutes techniques et époques. J'ai notamment apprécié des livres de grands naturalistes, avec leurs estampes coloriées, très impressionnantes, comme le John Gould. Sur un autre stand on trouvait des gravures de Piranese, très reconnaissables. Un troisième montrait des dessins de peintres suisses, d'une finesse et d'une précision étonnantes. Le choix était vraiment large, en styles, époques comme en prix. Si j'avais eu un bout de mur à meubler, j'aurais trouvé mon bonheur !

Mais il ne faut pas oublier l'essentiel : un gravure prend la place d'une bibliothèque. Allons donc voir ce que le Salon nous propose pour la remplir.

La partie Livres (rares) n'est pas mal non plus. Je n'ai pas fait détailé chaque étagère ou vitrine de chaque stand, trop nombreux pour être sérieusement étudiés en une seule journée. Mais cette visite partielle suffit à combler l'amateur.

Les reliures doublées sont légion. Marius-Michel, Chambolle-Duru, Affolter, David, Lortic et autres maîtres du XIXe siècle sont présents sur de nombreux stands. Un vrai musée de la reliure !

Goût personnel ? il m'a semblé voir proportionnellement moins de belles reliures plus anciennes.


Le Temple de Gnide, Didot, 1796, gravures d'après Peyron, 
reliure de Bozérian, librairie Bichsel.

J'ai remarqué tout de même, sur le stand de la librairie Bichsel de Zürich, plusieurs éditions de Didot, reliées magnifiquement par Bozérian.

Le stand de la librairie des Deux Elephants présentait un ensemble impressionnant de cartonnages Hetzel, principalement sur des Jules Verne. Il montre bien l'étendue possible de cette collection.


Les Philippe, de Jules Renard, chez Pelletan, 
plat comportant un cuir incisé de Paul Emile Colin, librairie Koegui.

Parmi les nombreux stands où nous nous sommes arrêtés, avec Pierre, un des plus impressionnants est peut-être celui de la librairie Koegui. Il regroupait un ensemble de livres rendus uniques par les ajouts effectués (dessins, lettres, envois). Deux ouvrages m'ont particulièrement retenu : Les Philippe, de Jules Renard, illustré par Paul Emile Colin, chez Pelletan, dans une reliure incorporant un cuir incisé, et "Sur une urne grecque", de Keats, toujours chez Pelletan, exemplaire numéro 1, pour Adolphe Bordes, contenant tous les dessins et maquettes de l'édition, dans une reliure de Marius-Michel.


Sur une urne grecque, de Keats, chez Pelletan, 
exemplaire d'Adolphe Bordes, reliure de Marius-Michel, librairie Koegui.


Le Spleen de Paris, illustré par Luc Lafnet, 
reliure de Cretté, librairie Michel Bouvier.

Sur le stand de la librairie Michel Bouvier, "Le Spleen de Paris", édité par les Bibliophiles Franco-Suisses, était bien tentant. L'exemplaire, composé pour Albert Malle (grand père de Louis Malle), est enrichi de 35 dessins originaux de Luc Lafnet, dans une magnifique reliure de Cretté.


Bois pour une couverture de livraison des Français
peints par eux-mêmes, Bouquinerie Aurore.

Mais un des chocs de cette visite nous a été donné par la Bouquinerie Aurore, de Rouen, qui présentait un ensemble de bois originaux issus de la maison Curmer : 60 bois pour la fameuse édition de Paul et Virginie, et 18 bois pour Les Français peints par eux-mêmes.


Bois pour Paul et Virginie, le nid, Bouquinerie Aurore.

Un catalogue spécial a été édité pour l'occasion ; à défaut des bois qui ne sont pas vendus séparément, on peut tout de même en avoir un souvenir !


Bois pour Paul et Virginie, Virginie au bain, et son tirage, bouquinerie Aurore.
 
Le second choc important, nous l'avons eu sur le stand de la librairie Prévost, presque par hasard. En effet, si les bois de Curmer étaient bien visibles, l'ensemble que présentait la librairie Prévost demandait un peu d'attention pour être remarqué. Un volume broché, d'un livre illustré par Raphaël Freida, se cachait au fond d'un rayonnage.


Freida, projet de page de titre pour Oedipe Roi, librairie Prévost.

Après l'avoir extrait, nous découvrîmes en le feuilletant qu'il était en fait composé des bons à tirer de l'artiste ! au fil de la discussion qui s'ensuivit, nous avons alors découvert et admiré un ensemble unique, réuni par un amateur en vue d'une publication qui n'a pas vu le jour.


Freida, essai retravaillé pour les Poèmes Barbares, librairie Prévost.

Tous les livres de Freida sont là, ainsi que des projets non aboutis, et toujours dans des états uniques : composés de bons à tirer, d'essais, de suites hors commerce, de dessins, d'aquarelles, truffés de lettres entre Freida et ses éditeurs. Le tout montre un artiste perfectionniste, qui s'entend mal avec ses éditeurs, ce qui peut expliquer le tout petit nombre de publications (seulement cinq livres illustrés par Freida).


Freida, projet de frontispice avec variante, pour Thaïs, librairie Prévost.

L'ensemble a donné lieu à un catalogue de 37 numéros, que tout amateur de Freida se doit d'avoir (à défaut de pouvoir acquérir un des lots en question).
 
Une grande journée donc, surtout si on pense aux amis rencontrés, si peu souvent, à cette occasion. 

Merci donc à Hugues (qui m'a poussé à venir) et à Pierre avec qui j'ai partagé ces découvertes.

Calamar.

2 commentaires:

  1. Bravo à Calamar pour ce compte-rendu étayé. Quelle mémoire ! Je dois cependant préciser qu'après notre passage au Salon du Grand Palais, s'il y avait encore des livres, il y en avait plus… avant, qu'après !

    De mon côté, j'ai été raisonnable à mon corps défendant. La qualité des ouvrages présentés par mes confrères est remarquable et si l'on est, tant soit peu, amateur de textes fin 19eme/début 20eme dans de belles reliures signées, le choix est conséquent et les prix serrés.

    Une mention particulière doit être attribuée à tous les libraires pour leur accueil. On peut toucher les beaux livres : j'ai essayé – on peut ! En fait, c'est plus facile à deux car si la curiosité se double alors, la pudeur disparait de moitié ;-))

    Cette année encore, j'ai apprécié le stand d'accès à la bibliophilie avec une offre alléchante en prix. Je ne m'en suis pas privé, je dois le dire. Et puisque Christian tenait à remercier Hugues et votre serviteur, j'en profite aussi pour faire de même avec Hugues et Calamar. Notre arrêt sur le stand de la librairie Prévost restera marqué dans ma mémoire par un écarquillement des yeux : avez-vous déjà vu deux amateurs de Freida avec les yeux pétillants de joie mais bridés par une discrète retenue avant que de demander le prix des exemplaires à la vente ?

    Peut-être terminerons-nous un jour, avec Calamar, l'œuvre de l'amateur qui avait réuni ces exemplaires ? Pierre




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  2. Une bien belle description. J'aurais aimé y être et vos retours font d'autant plus regretter cette absence.

    Merci beaucoup pour ces compte-rendus et pour ce blog.

    Thomas

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