lundi 8 juin 2015

Enquête bibliographico-pégimanique sur les traces du relieur Fock

Amis Bibliophiles bonjour,

Ce petit billet tente de répondre à deux questions laissées en suspens depuis trop longtemps.

Le 29 juillet 2010, dans ces colonnes, Hugues lisait les Caprices d'un Bibliophile, d'Octave Uzanne. Son exemplaire de l’édition originale de 1878, se présentait sous la forme d’un volume in-12 en demi-maroquin à coins vert bouteille, reliure signée "Fock Fils". Hugues précisait ne jamais avoir rencontré auparavant cette signature.


De mon côté, je possède d’Henri d’Orléans duc d’Aumale, l’Histoire des Princes de Condé pendant les XVIe et XVIIe siècles, édité à Paris chez Michel Levy frères. La publication des sept volumes et de la table s’étira sur les années 1863-1864, 1869, 1886 et 1896. Les volumes en demi-maroquin rouge, dos à nerfs ornés de caissons dorés d’arabesques dans le style du XVIIe siècle, semblent avoir été réalisées au fil des parutions. Ils présentent donc des nuances de décor et de peau. La signature dorée en bas du dos des deux premiers volumes est difficile à déchiffrer. Pour y être revenu récemment, je l’identifie :« Fock ». Notons pour la suite que les volumes de cette série portent le cachet des cadeaux du duc d’Aumale : « de la part de l’auteur ».

 


Nous retrouvons un Frédéric Fock, (Nicolas Frédéric à l’état civil), relieur à Paris, 28, rue Mazarine dès 1847. Il est parfois qualifié de relieur-doreur. En 1862 il indique dans le Bottin « reliure en tout genre de luxe spécialement pour les livres de piété ». Le succès de Gruel faisait des émules. La signature « Fock » peu fréquente, en lettres dorées en queue du dos, se rencontre tout au long des décennies 1860-1870. J’ai trouvé trace d’une unique occurrence de la signature « R. P. Fock rel. ». L’essentiel de sa production identifiable consiste en demi-reliures peu ornées. Nous trouvons une seule reliure signée de lui, en « maroquin tête-de-nègre janséniste » dans la collection Esmérian provenant de celle de Beraldi.

Frédéric Fock est marié avec Marie Rosine Albertine Knecht « relieuse ». Frédéric est né en 1812 à Meldorf en Schleswig-Holstein, aussi faut-il l’ajouter à cette longue liste d’ouvriers relieurs allemands arrivés en France sous la Restauration, parmi lesquels se comptent Muller, Ihrig, Koelher ou Trautz. Frédéric Fock est mis en faillite pour insuffisance d’actifs le 26 août 1880. Il meurt à Paris le 4 janvier 1884.

Frédérick Fock et Marie Rosine Albertine Knecht ont deux fils qui pratiquent le métier de relieur, Albert (Frédéric Albert à l’état civil) et Émile (Frédéric Émile à l’état civil).
Émile Fock est né à Paris le 16 avril 1845. Il est relieur et habite au 15, rue de la Bûcherie dès1871.

Albert Fock est né à Paris le 28 juillet 1848. Albert est un des deux membres, avec C. Chapalain, de la délégation de la corporation des ouvriers relieurs envoyés à Vienne à l’occasion de l’exposition universelle de 1873. Il semble que sa connaissance de la langue allemande était un atout pour cette mission. Il habite rue Guénégaud au n° 27 dès 1871. En 1881 il est doreur et en 1884 il habite au 3, rue du Four.

Une de leurs sœurs, Berthe Antonia, née le 16 novembre 1854 à Paris, épouse le 17 août 1878, Henri Geens (né à Anvers) doreur, demeurant 15, rue du Four, (ancien n°17) c’est-à-dire chez Trautz qui selon Fléty n’avait pas de doreur! Voilà peut-être le doreur inconnu, qui
avec Motte, couvreur, livra les clients endeuillés de Trautz.

Une autre sœur, Caroline Emma, née à Paris le 3 avril 1847, épouse le 23 juin 1866, Henri Guillaume Jacques Urspruch, relieur à Paris 7, rue Guénégaud. Il est né à Korbach, principauté de Waldeck aujourd’hui en Hesse. Fléty signale ce relieur, orthographié par mauvaise lecture ou mauvaise transcription, Henri Urspuech, au 13 puis 7, rue Guénégaud. (Signalons que Kleinhans exerçait 33, rue Guénégaud et que Thibaron s’installe au 15 de la même rue en 1874).

Dès 1889, Emile Fock est employé par l’atelier de reliure du château de Chantilly créé par Gustave Macon sous la direction d’Aumale. Avec Goblet doreur, tous deux s’attachent surtout à entretenir les registres et établir les archives du château mais pas seulement. En effet des ouvrages de la bibliothèque de Berthe de Clinchamps, dame de compagnie du duc d’Aumale, sortent de cet atelier (Condé, Monographie du château de Montataire, 1883, reliure de 1895, Vente Hippodrome de Chantilly, 24 mai 2015, n°54). Emile Fock meurt à Chantilly en son domicile aux Grandes Ecuries le 21 mars 1902.



Quant à la signature « Fock fils » elle reste exceptionnelle. Je n’ai trouvé qu’un autre ouvrage ainsi signé en dehors de celui d’Hugues. Il faut croire qu’un fils aurait tenté de prendre la succession du père Frédéric Fock. Albert s’est-il installé à son compte ou Émile a t’il fermé son atelier pour venir travailler à Chantilly ?

Parmi les spécialistes de la reliure, seul Uzanne nomme, en passant, Fock, relieur de demi-reliures, dans son ouvrage la reliure moderne, en 1887. Beraldi, Fléty et Devauchelle n’en parlent pas. J’identifierais volontiers, à la faveur des dates, le Fock d’Uzanne avec le Fock fils du livre d’Hugues.

Il est assez curieux de constater qu’aussi bien le livre d’Hugues que le mien ont quelque chose à nous apprendre de l’histoire et de l’étude de cette famille de relieurs peu connue.


Lauverjat

4 commentaires:

  1. Ramsden French Bookbinder p 86 cite simplement "Fock,F. Rue Mazarine 28 from 1847-49" mais donne moins d'info que vous, la bonne biblio est donc dans le blog du bibliophile, que vont devenir nos livres de référence ?...

    Merci Lauverjat
    Daniel B.

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  2. F...g and pointless commentary! Shame on you !

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  3. Bonsoir. Je vous signale posséder une très élégante demi reliure de "R.P. Fock" provenant d'une bibliothèque de premier ordre constituée autour de paris sous l'Empire et la Restauration. votre article m'es extrêmement précieux pour situer ce relieur, et je vous en remercie.
    C'est un demi veau glacé havane (étiquettes de tomaison et titres de maroquin vert bronze, très élégant, sur l'EO de "Un mariage de finance "de Madame de Bawr, Paris, Passard, 1847. L'exemplaire est parfaitement conservé, et la signature bien lisible. Reliure présumée strictement de l'époque.

    Celle-ci sera bientôt en vente, d'ici septembre, probablement en vente publique ou chez un libraire parisien choisi.

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