Amis Bibliophiles bonjour,
À
la fin du XVe siècle deux libraires parisiens proposent à leur
clientèle des livres d’heures imprimés à même de concurrencer les livres
d’heures manuscrits et enluminés, manuels de prières à usage des fidèles.
Antoine
Vérard et Simon Vostre publient des Heures sur papier, mais le plus souvent sur
peau de vélin, signe de richesse et de préciosité qui donne le change.
Heures à l'usage de Rome, Gillet Hardouyn, circa 1514, librairie Doucet cat N°2 |
Simon
Vostre s’attache les services de l’imprimeur Philippe Pigouchet qui de 1488 à
1515 aurait publié 188 éditions selon Pascal Fulacher. Antoine Vérard s’adresse
de son côté à l’imprimeur Jean Dupré (de 1486 à 1513).
Le
texte est composé en gothique textura.
Très souvent les initiales et les fins de ligne sont cependant enluminées à la
main en rouge, bleu et or.
Nos
libraires misent sur l’abondance de l’illustration. Ces livres sont pourvus de
grandes compositions à pleine page. Antoine Vérard en propose fréquemment 16 ou
19, c’est-à-dire une illustration plus abondante que les livres manuscrits
enluminés communs qui en comptent 6 à 9. Le livre débute le plus souvent par
l’almanach pour plusieurs années (17, 18, 20, 21 ans…), qui permet parfois seul
de dater approximativement l’édition. Lui fait suite la planche de l’homme
anatomique avec ses références aux quatre éléments et aux quatre tempéraments.
On trouve ensuite le calendrier des saints, l’extrait des évangiles, les
oraisons, les prières à la Vierge pour les heures canoniales de la journée,
etc. Ces éditions sont « tout au long et s’en requérir » c’est-à-dire
qu’elles ne sont pas abrégées et qu’il n’est nul besoin d’aller chercher
ailleurs dans le texte la suite d’un texte abrégé.
Heures à l'usage d'Amiens, calendrier, détail, simon Vostre, 1502 |
L’encadrement
de toutes les pages fait appel à une multitude de vignettes gravées variées,
saints, scènes de genre, scènes en fonction du calendrier, jeux d’enfants,
scènes de chasse, signes du zodiaque, personnages fantastiques…
Il
faut en particulier s’attarder sur les immanquables séries de vignettes de la
danse des morts. Dans les marges se superposent les portraits en pied de tous
les membres de la société entraînés chacun à son tour par le squelette de la
mort. On retrouve ainsi le pape, le roi, le fou, le bourgeois, le gueux, le
soldat et bien sûr leurs compagnes ou homologues féminins, la reine, la femme
grosse, la paysanne, la religieuse, etc.
Officium Beate Mariae virginis, Paris, Jacques Kerver, 1574 |
On
considère habituellement que bon nombre de ces vignettes sont gravées sur
métal, la précision du trait de gravure en est un indice, de même que leur
tirage ne semble pas s’émousser avec le temps.
Le
génie des éditeurs et leur préoccupation bien sûr, est d’avoir su rentabiliser
ces productions luxueuses. Ils jouèrent évidemment sur la différence de coût
entre un exemplaire manuscrit et un exemplaire imprimé, encore fallait-il que
le tirage soit suffisant. Les Heures les plus fréquentes étaient à l’usage de
Rome ou de Paris, c’est à dire qu’elles suivaient les rituels particuliers de
Rome ou de Paris. Produire des Heures à l’usage de diocèses particuliers, moins
peuplés et moins riches, par exemple Arras ou Bourges, risquait d’être peu
rentable, le débouché étant réduit. Les éditeurs se contentèrent de faire
imprimer quelques cahiers spécifiques des diocèses, qu’ils assemblèrent avec
les cahiers ordinaires du rituel de Rome le plus souvent. La vérification de cette
pratique est simple, les cahiers sont signés de l’initiale de l’usage R pour
Rome, P pour Paris, Bo pour Bourges…Les Heures ainsi assemblées étaient
complétées au colophon soit à la main soit par un repiquage typographique
« heures à l’usage de Bourges » par exemple.
Heures à l'usage de Bourges, Vérard, 1508, l'homme anatomique |
Heures à l'usage de Bourges, Antoine Vérard 1508, colophon |
Cette
période faste d’impression des Heures parisiennes dura de 1480 à 1550 environ.
D’autres
imprimeurs se lancèrent dans la publication de livres d’heures très tôt comme Thielman Kerver, en 1497, associé au graveur Georges Wolf, ou Gillet et Germain
Hardouyn qui firent travailler l’imprimeur Guillaume Anabat, ou encore
Guillaume Rouille à Lyon.
Heures à l' usage de Rome, Thielman Kerver 1498, cat Camille Sourget N°15 |
Un
peu plus tard, en 1525, Geofroy Tory
renouvelle complètement l’illustration pour la faire sortir de la tradition
médiévale et entrer dans la Renaissance. Les figures et les encadrements,
gravés sur bois, adoptent un style antique. Les vignettes d’encadrement sont
remplacées par des portiques architecturés inspirés de l’antiquité. Le texte
est composé en caractères romains. Les illustrations de Tory seront reprises
par ses successeurs : Olivier Mallard puis Thielman Kerver fils et Jacques
Kerver. Ces derniers mélangeront allégrement encadrements et figures
d’inspiration gothique et antique et produiront des ouvrages moins harmonieux.
Le
nombre d’éditions différentes fut considérable, estimé à 500 pour les vingt
premières années du XVIe siècle. L’édition parisienne se vendait et
s’exportait bien. On trouve, par exemple, des éditions à l’usage de Salisbury.
Hore beate virginis Marie( à l'usage de Salisbury) Simon Vostre, 1520, Librairie Doucet, cat n°2 |
Les
collectionneurs de ces livres furent nombreux, le duc de Parme, Ambroise-Firmin
Didot, le duc d’Aumale, Yéméniz…
Jusqu’ici
les sources reposaient principalement sur Jacques-Charles Brunet (Manuel du
libraire et de l’amateur de livres, tome V), Paul Lacombe (Catalogue des livres d’heures imprimés au XVe et XVIe
siècle conservés dans les bibliothèques publiques de Paris,
Paris, Imprimerie nationale, 1907),
Hans Bohatta (Bibliographie des Livres d’Heures imprimés aux XVe
et XVIe siècles. Vienne, Gilhofer et Ranschburg, 1924) et le catalogue du duc Robert
de Parme (Livres de liturgie imprimés aux
XVe et XVIe siècles, Paris, 1932). Désormais il n’est
plus guère possible d’ignorer la publication d’Heribert Tenschert (Antiquariat
Bibermühle), qui expose par le menu sa collection de 375 livres d’heures, en 9
volumes format à l’italienne et 2750 illustrations, en allemand. Ouvrage hélas
fort coûteux. Cette collection, en partie visible au Grand-Palais lors du
dernier salon, était d’ailleurs en vente de façon indissociable. Avis aux
amateurs…
Lauverjat
j'ai bien aimé le colophon avec Bourges manuscrit ! mais je suis surpris par la présence de gravures sur métal ; ça rajoutait une complexité à l'impression, non ?
RépondreSupprimermerci Lauverjat !
Si la gravure sur métal est en creux et typographique à la même "hauteur en papier" et incluse dans la forme d'impression il n'y a aucune complication.
RépondreSupprimerLauverjat
Il ne faut jamais "poster" trop vite; il va sans dire que le trait imprimé de la gravure est en relief et que les blancs sont en creux.
RépondreSupprimerLauverjat
ah oui, là çà me va :)
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