Amis Bibliophiles bonjour,
Paris, 6 décembre 2012 dans l'après-midi.
"- Expertise Express bonjour!
- Oui bonjour, c'est Monsieur L. à l'appareil
- Ah salut mon Gégé, comment vas-tu?
- Ecoute j'ai pas à me plaindre JC, dis-moi, tu pourrais me faire une petite expertise rapido?
- Attends, c'est moi qui te l'ai vendu? Parce que si c'est ça, on fait comme d'hab!
- Non, non, justement rien à voir, mais je crois que je suis sur un bon truc, un, un truc là tu vois, écrit à la main.
- Un manuscrit?
- Oui, voilà, bon bref, j'oublie toujours le nom. 42 pages d'une passagère du Titanic, Helen machin... attends je cherche son blaze.
- On s'en fout, te casse pas. Qu'est ce que je peux faire du coup?
- Ben j'aurais besoin d'une estimation de mon expert préféré, mon JC.
- Pas de pb, on fait comme d'hab, je te mets combien? On se fait comme pour la lettre de Flaubert au vieux?
- Pas le temps, on va dire 11 patates, t'en penses quoi?
- Oh ben moi, tu me dis ce qui t'arrange tu sais mon Gégé.
- Tu veux passer le voir?
- Il est fou lui! On fait comme d'hab je te dis.
- Ok, je t'envoie un email.
- Bisous, on se voit à Saint-Trop?
etc. "
Si l'on croit le magazine l'Express et l'excellent article de Jérôme Dupuis dans le numéro 3358 du 11 novembre 2015 consacré à Aristophil, cette conversation purement imaginaire et bien évidemment parodique et caricaturale aurait tout à fait pu se tenir entre le président d'Aristophil, Gérard Lhéritier, et le libraire Jean-Claude Vrain.
En effet, au cours de l'enquête, et je cite Jérôme Dupuis:
"Les enquêteurs ont saisi d'édifiants échanges de mails (entre les deux). Ainsi, le 6 décembre 2012, à 16h20, le patron d'Aristophil demande en urgence à Vrain d'expertiser un manuscrit de 42 pages signé Helen Churchill Candee, passagère du Titanic, en lui suggérant la somme de 1 100 000 euros (alors qu'il l'a acheté un cinquième de ce prix). Le même jour, à 18h46, sans même avoir eu la pièce entre les mains, le très arrangeant libraire répond: "je déclare avoir expertisé le manuscrit pour une valeur d'assurance de 1 100 000 euros. Certifié sincère et véritable".
Un autre jour, Arisotphil lui demande d'évaluer une lettre d'un colonel évoquant la bataille de Waterloo. "Nous pensons à une expertise entre 50 000 et 60 000 euros. Qu'en pensez-vous?", lui écrit la société. Hasard incroyable, Jean-Claude Vrain pense qu'elle vaut justement 50-60 000 euros.
Plus étonnant encore, à la demande d'Aristophil, le 7 juillet 2012, Vrain chiffre à 15,5 millions d'euros un ensemble d'ouvrages du Moyen Age. Ils seront vendus à ce prix faramineux aux épargnants. Or le libraire est bien placé pour savoir qu'ils valent nettement moins: c'est lui même qui les a vendus 5,5 millions à Aristophil quelques mois auparavant!
Certaines "culbutes" laissent rêveur; en février 2010, Vrain achète une lettre de Flaubert à Victor Hugo pour 11 500 euros; six mois plus tard, il la revend 100 000 euros à Aristophil, qui la proposera pour... 250 000 euros à ses clients! En quelques mois, le prix de la missive flaubertienne a donc été multiplié par 22! "Je n'ai fait que mon métier et je n'ai rien à me reprocher", assure le libraire à l'Express. "
Ce libraire réalisait plus de 80% de son chiffre d'affaires avec Aristophil. Présumé innocent, il est mis en examen, soupçonné d'avoir livré des "expertises de complaisance". Il est membre du SLAM.
Vous pouvez retrouver ces informations et bien d'autres encore dans l'excellent article de Jérôme Dupuis.
H
Les personnes sont mises en examen, mais évidemment présumées innocentes, puisqu'il n'y pour l'instant aucun jugement / condamnation.
Les personnes sont mises en examen, mais évidemment présumées innocentes, puisqu'il n'y pour l'instant aucun jugement / condamnation.
ça a quelque chose d'effrayant.
RépondreSupprimerEn effet c'est effrayant.
RépondreSupprimerMais quand vous avez un sinistre dans une bibliothèque, les compagnies d'assurances ont trouvé le filon...
Au lieu de prendre la valeur au remplacement elles tentent d'appliquer "une décote" sur le livre sinistré.
Ceci est fait par un pseudo expert (qui n'a aucune formation)de la compagnie assisté d'un confère parisien spécialisé dans ces estimations bidons.
Le pire en plus c'est qu'il profite de votre état de choc: le lendemain je me suis aperçu que trois ouvrages, un du 16ème et deux du 17eme, avaient disparu......et pas des moindres.
Dans ce domaine il y aurait un sacré coup de balai à donner.
C'est l'expertise à grand débit, normal pour un membre du Slam, ce syndicat pourrait reprendre à son compte la définition du mot Slam dans wiki :"(...) le slam prévoit des règles minimales, laissant une grande liberté au participant. La discipline repose sur les talents d'orateur, et tend parfois vers le sketch humoristique ou le stand-up (...)
RépondreSupprimerRire
SLAM : Syndicat de Libraires Aimant les Marges....
RépondreSupprimerC'est très bien les marges, c'est ce qui fait vivre les libraires. Le pb ici est différent.
Supprimeren fait, Aristophil a été victime de son bon coeur... parce que, si la société a eu besoin d'expertises "favorables", c'est parce qu'elle avait besoin de vendre cher... pour payer les souscripteurs des années précédentes. Alors que s'il avait appliqué vraiment ce qui est dit maintenant (les 8% ne sont pas une promesse de rendement, seulement un avis qui n'engage personne), et si donc il s'était contenté de racheter à terme à un cours réaliste, ou même de ne pas racheter, il n'aurait pas eu ces ennuis.
RépondreSupprimerParce que vendre cher sans promettre de racheter, c'est possible, mais vendre de plus en plus cher tout en continuant à racheter, ça ne pouvait que mal se terminer.
Et s'il a racheté tout de même, c'est qu'il a dû penser que ces 8%, qui ne sont plus présentés aujourd'hui comme "promis", risquaient de le conduire à des contestations et des contentieux dont l'issue aurait été tout aussi désagréable pour la société.
Vendre du rêve n'a pas de prix, la bonne nouvelle c'est donc que les livres & manuscrits (associés à une promesse de gain, faut pas déconner) font encore un peu rêver.
RépondreSupprimerBien que tout cela soit déplorable et malheureux je ne verserais pas la moindre larme pour les petits épargnants *tousse* "floués". Quand on veut faire de l'argent avec de l'argent sans produire aucun travail on doit accepter de se faire parfois raboter -voir arracher- ses longues dents. C'est le prix -rude mais bien connu- de cette facette du capitalisme.
Amen, bises à mémé et caresses au chien.
Nicolas
Je vous rejoins un peu Nicolas et je trouve qu'il y a deux poids, deux mesures, quand la caisse d'épargne vends il y a quelques années à ses clients sa filiale pourrie Natexis plein pot, afin qu'ils encaissent à sa place la perte totale seulement quelques jours après la fin de mises en vente de ces parts, personne n'est mis en examen ? Les chiffres étaient bien plus importants, et c'était des vrais petits épargnants qui ont été floués. Et pour les manuscrits, sans céder à la théorie du complot, les institutions ont quand même laissé faire très, très, très longtemps, alors que des avertissements tombaient de plusiseurs observateurs dont ce blog depuis fort longtemps, et une fois le patrimoine revenu en France, qui va préempter par cher ??? ou mieux négocier un règlement amiable ? Les mêmes institutions ?. Il faut cumuler pour transiger c’est bien connu. On dit que l’acteur Aristophile faussait les ventes sur les livres haut de gamme également, je n’ai pas remarqué de chute des cours depuis qu’il n’est plus là ? Nous verrons sur les manuscrits ce qu’il adviendra ?
RépondreSupprimerRire mais plus crispé.
Ce qui me peine, c'est que j'avais de l'estime et même de l'admiration pour ces grands libraires du SLAM que je croyais animés par la passion et la recherche de la compétence. Encore une fois, l'argent pourrit tout ! Mourir avec beaucoup d'argent sur un compte bancaire pour quoi faire ? Pierre
RépondreSupprimerje pense que ce ne sont plus des libraires au sens ancien et noble du terme.
RépondreSupprimerMa passion des livres me vient de mon éducation mais aussi de la rencontre fortuite avec une vielle dame héritière d'une lignée de libraires. Je me souvient que chaque semaine elle me sortait un trésor et m'apprenait à le ressentir: c'etait il y a 40 ans, certes, mais l'amour du livre et de l'estampe était là.
Aujourd'hui je ne connais plus cela, dans ma ville les libraires anciennes ont fermé.
Plus de rayonnages à explorer !
c'est un monde qui s’éteint..
aujourd'hui,avec ces "grands libraires du SLAM" la passion, la recherche et la compétence sont aux services de financiers qui ne voient que des "secteurs" à exploiter.Aristophil, répond a cette règle.
"Vente de manuscrits: l'étrange système Aristophil" .
Dans l'EXPRESS
Par Jérôme Dupuis, publié le 07/05/2013
"...Les agents du fisc y recherchaient des éléments sur une mystérieuse société britannique, Calwam Limited, propriété à 100% de Gérard Lhéritier. Officiellement, cette société britannique, qui dispose de deux comptes à la Bank of Ireland, facturait à Aristophil des contrats de licence et de marque. Son chiffre d'affaires, d'environ 1,6 million d'euros en 2005, est monté à près de 4 millions l'année suivante.
Ses bénéfices venaient s'ajouter aux confortables dividendes que Gérard Lhéritier et ses deux enfants se partagent déjà en France en tant qu'actionnaires d'Aristophil (3 millions d'euros en 2009 et en 2010, par exemple).
Ce n'est pas tant à l'achat que les prix d'Aristophil peuvent étonner. C'est à la revente. "Nous nous appuyons sur des experts reconnus", plaide Jean-Pierre Guéno. Certes, mais comme il arrive à ces mêmes libraires-experts de vendre des pièces ou des collections à Aristophil... Prenons un exemple.
En 2004, Gérard Lhéritier achète chez Sotheby's les 69 pages du manuscrit de "Cellulairement", de Paul Verlaine. Prix: 300 000 euros. Six ans plus tard, il le revend à ses épargnants... 1,4 million d'euros! "C'est un peu comme si un courtier achetait de l'or au cours officiel et décidait de le revendre quatre fois plus cher à ses clients", observe un expert parisien....."
Je ne pense pas que l’argent pourrisse tout !
RépondreSupprimerIl ne pourrit qu’un certain type d’homme … les plus pourris…les plus enclins à devenir pourriture… :)
David
Pierre semble bien énervé, en matière de librairie comme ailleurs, pas d'Amalgames ;)), il y a une petite poignée de non fréquentables intégristes du fric qui ne doit pas cacher la majorité de libraires ou d’experts passionné(e)s et honnêtes, dont un grand nombre sont présents au Slam ou pas.
RépondreSupprimerDaniel B.
Je plussoie au post de Daniel B. ; pour l'avoir vérifié depuis de nombreuses années, la très grande majorité des libraires sont des passionnés et ... des bibliophiles !
RépondreSupprimerB.