Amis bibliophiles bonjour,
La question posée par Hugues l’année dernière sur nos dernières acquisitions n’a pas recueilli l’abondance de réponses espérée. J’y reviendrai.
Le livre que je vous présente aujourd’hui ne se caractérise pas par sa condition, bien modeste en demi-toile du temps empoussiérée. Il a été établi par son premier possesseur, Émile Buquet, propriétaire à Ully-Saint-Georges dans l’Oise, et membre de la Société académique de l’Oise en 1880-1895, c’est à dire « antiquaire » comme on disait à cette époque d’un amateur d’art et d’histoire.
Ce livre avec beaucoup d’autres, souvent pourvus d’un envoi de l’auteur, est resté intact sur son étagère mais exposé aux outrages de la lumière et de la poussière jusqu’à ce qu’il sorte de sa retraite voici peu de temps.
Il s’agit du recueil de la collection « Le guetteur du Beauvoisis, petite revue d’histoire de science de littérature et de bibliographie pour la Picardie et le nord de l’Ile de France ».
Ce petit périodique était édité par le libraire de Beauvais, Victor Ponceaux, et imprimé à Arras. Il s’inspire modestement du modèle du Bulletin du bibliophile de Techener. Chaque parution comporte plusieurs parties : des articles de fond, ici sur l’histoire régionale, rédigés par des érudits locaux et une chronique de courtes nouvelles, sur la Société des antiquaires, les arts ou l’architecture, tenue par le libraire. Bien sûr, la troisième partie comporte le catalogue à prix marqués du libraire.
Suivant l’exemple de ses confrères parisiens, le libraire a par ailleurs réédité, notamment chez Louis Perrin à Lyon, des plaquettes introuvables à l’intention des amateurs.
L’intérêt documentaire de cette publication est évident. Ces catalogues présentent des exemplaires et des manuscrits devenus aujourd’hui d’une insigne rareté. Leur signalement lance le bibliophile moderne sur des pistes nouvelles. Cependant la question de savoir si ces merles blancs ont survécu au temps n’est pas résolue. Les destructions de la Première Guerre mondiale ont été importantes en Picardie et la ville de Beauvais a brûlé en 1940, entraînant la disparition des bibliothèques publiques et particulières (11000 volumes de la bibliothèque de l’évêché, les bibliothèques de Mme Leblond, du libraire Prevost, de l’archiviste Béreux, de Vinot-Préfontaine etc.). Ces listes sont peut-être les seuls témoignages de l’existence de ces documents.
Notre recueil contient les années 1864-1865-1866-1867. Les notices consultées ne donnent pas de collation utilisable. Il est difficile de savoir si la publication s’est poursuivie au-delà. Il semble tout de même qu’il existe des pages de titre annuelles et des pages de titre collectives (cas de cet exemplaire). Seuls 3 exemplaires sont répertoriés au CCFr : 1 à la Bnf (qui pour quatre tomes donne les années 1864 à 1869 ?), 1 à Compiègne et 1 à Abbeville. La Société d’histoire et d’archéologie de Senlis en conserve un autre (mêmes années 1864 à 1867). Deux recueils au moins sont passés en vente depuis 2000.
Je répondrai maintenant à la dernière question d’Hugues sur le prix d’achat. Ou plutôt je ne répondrai pas car j’ai acheté ce livre dans un lot de 84 volumes de même provenance pour la somme de 360 euros frais compris en salle de ventes. Dans ce lot, quelques volumes convoités, quelques ouvrages documentaires intéressants, beaucoup de poussière et bien sûr de la « drouille ». En tous cas quelques heures d’étude, de découvertes, de classement et de recherches et un peu d’encombrement ; une certaine idée du bonheur.
Pour finir sur la question du prix, je ne crois pas qu’un bibliophile présente ici son dernier achat en affichant un nombre de zéro impressionnant, voire franchement astronomique. On ne montre pas ses livres comme une Ferrari dont tout un chacun peut d’ailleurs avoir une idée du prix. Sans compter la pudeur ou la discrétion du bibliophile, notre passion est largement incomprise du public, voire même du sérail. Tel qui se ruinera dans une édition du XVIe siècle jugera insensées les folies d’un autre pour une édition originale du XXe siècle. Ne rien dire c’est éviter d’entendre : Si cher ? Il est fou ! Quel naïf ! Il s’est fait avoir !
Lauverjat
Un grand merci pour cet article passionnant et ces observations que je partage pleinement. C'est "rassurant" de savoir que l'on n'est pas le seul à ne pas parler de certains de nos comportements bibliophiliques parce qu'ils échappent à la norme. J'ai acquis au fil du temps un certain nombres d'exemplaires du Journal de Ramel pour les collationner et les comparer afin d'essayer de démêler l'écheveau des éditions de cet ouvrage qui connut dans l'instant un extraordinaire succès de libraire source de contrefaçons. Si j'y parviens, j'en ferais part à la communauté, mais cela n'est pas pour tout de suite
RépondreSupprimermerci Lauverjat pour cet article ; qui en outre nous redonne envie de partager nos trouvailles... Pour le prix, j'imagine que personne ne va claironner qu'il a surpayé un achat ; en tout cas pas moi ;)
RépondreSupprimer(et pourtant mon épouse ne lit pas ce blog :) )
Merci , vous nous faites partager cette découverte. LA découverte des livres dans un lot, dans une bibliothèque, quand c'est une unique provenance est une jubilation, on a souvent un bout de vie dans le carton, une démarche, une mémoire, qui rajoute au livre unique une âme.
RépondreSupprimerDaniel B.
J'adore les plaquettes de sociétés savantes locales, finalement souvent plus charmantes revêtues de "demi-percalines empoussièrées" que dans des atours plus nobles !
RépondreSupprimerJolis volumes en tout cas, et jolie manette visiblement (ah, le plaisir de découvrir le contenu d'un lot de plaquettes, de brochés, acheté en salle et ramené goulûment à la maison avant dégustation et collation ! Une certaine idée du bonheur, ça c'est sûr ;-)