Amis Bibliophiles bonjour,
Lecteur fidèle du blog, je voudrais partager avec vous et avec les amis-lecteurs ce petit livre que j’ai acquis il n’y a pas longtemps.
Je vous préviens qu’il ne s’agit ni d’un livre de grand valeur ni de grande beauté. En plus il a un peu souffert d’humidité et il n’est pas très frais.
Le livre, in-8, a le titre “L’art de faire des garçons”. Il est publié de façon anonyme “Par M**** " à Montpellier. Aucune date n’est mentionnée.
La seule information que son auteur nous donne sur lui est qu’il est Docteur en Médecine de l’Université de Montpellier.
Je vais revenir sur l’auteur et l’édition plus tard.
C’est un ouvrage médicale et il présente et commente les différentes théories de l’époque sur la fécondation et la conception chez les humaines. L’auteur prend position sur une théorie entre elles et il essaye de démonter les autres. J’avoue que je n’ai pas tout lu et je vais vous épargner des détails. Le live fut publié au milieu du 18e siècle et on ne savait pas les détails sur la conception et il y existait plusieurs théories. L’auteur donne des noms aux fidèles de chaque théorie pour éviter les paraphrases, comme il dit: Séministes, Animalistes, Ovistes, Infinovistes, Unovistes, etc.
Laissons toutes ces théories de coté puisque le joyeux de ce livre - si je me permets de le dire - est la préface.
D’abord l’auteur avoue qu’il a fait un coup de marketing:
“J’ avoue qu’il eut été plus naturel et plus juste d’intituler cette dissertation l’art de faire des enfants; mais quoique ce tire eut été assez singulier, celui que j’ai choisi me la parait encore d’avantage; et cet excès de singularité lui a value la préferance: on sait combien les titres des ouvrages influent aujourd’hui sur leurs succès; quelquefois ils en font seuls la fortune; je suis persuadé que le mien trouvera des lecteurs qui sans cette amorce n’auraient seulement pas daigné jeter les yeux dessus et j’espère qu’ils me pardonneront aisément de débuter pas une faute de justesse; de toutes celles de mon livre c’est la seule volontaire; d’ailleurs je ne l’ai faite que pour leur plaire, pour piquer leur curiosité rassasiée. Le public veut absolument du nouveau, du singulier; il faut bien lui en donner, ou ne point écrire. Mon titre lui en promet et il peut compter que l’ouvrage tiendra parole. Il est loin mal-aisé de donner du neuf que du bon. Heureux celui qui donne l’un et l’autre ensemble. J’ai fait ce que j’ai pu pour les réunir dans l’art de faire des enfants.”
J’imagine que dans les maisons d’édition d'aujourd’hui il y a toujours un conseiller marketing qui cherche aussi les titres sensés attirer le plus d’attention des lecteurs potentiels. Voilà donc une idée qui date du 18e siècle!
En suite il déplore qu'on n’a pas assez recherché sur le sujet quand on a fait des recherches sur tant d’autres choses inutiles:
“Depuis le commencement du monde tout les êtres animés travaillent à la génération. Il est peu de gens, s’il en est, qui ne s’en mêlent : c’est sans contredit de toutes les occupations, non seulement la plus ancienne et la plus universelle, mais encore la plus importante et la plus agréable. Cependant, quels progrès, quelles découvertes avons nous faites sur cette matière? Après six ou sept mille ans d’exercice nous n’y sommes pas plus savants qu’on ne l’était dans l’enfance du monde; et à la honte de la raison les Brutes les plus stupides en savent sur cet article autant que nous. Les Philosophes, nos plus beaux génies s’amusent après des vaines curiosités et leurs biens, à chercher la cause du flux et reflux de la mer, pourquoi le fer est attiré par l’aiman, d’ou vient la diversité des couleurs; toutes connaissances parfaitement inutiles au bien de la société; ils ne se lassent même point de courir depuis si longtemps sans aucun fruit après la pierre philosophale; et nul d’entre ces grands hommes ne songe seulement à découvrir le secret de faire des garçons, secret dont la recherche, au lieu de couter des peines, ne causerait que les plaisirs les plus doux, dont la découverte comblerait à jamais son heureux auteur de gloire, de trésors et serait la consolation des familles, le soutien des grands noms, la satisfaction des Rois, l’appui de leurs trônes et la tranquillité des peuples. Combien de fois la naissance d’un prince à la place d’une princesse, airait elle épargné la mort des millions d’hommes, la désolation aux maisons les plus illustres et las ruine des Etats?…”
Plus loin il s’adresse aux femmes et aux filles,en demandant pardon pour le titre du livre et il explique qu’il ne considère pas les femmes être inférieures aux hommes. Mais il avoue que dans la mentalité du temps, même pour les mères il était préférable d’avoir un garçon qu’une fille. De suite, l’auteur voit dans son livre un manuel d’education sexuelle, “à mettre aux mains des jeunes amants la veille de leurs fiançailles” parce les jeunes hommes et femmes bien élèves ne reçoivent aucune leçon sur le sujet et commencent leur vie conjugale totalement ignorants.
“D’un autre côtés l’Agnes la plus timide, familiarisée avec l’idée des assauts qu’elle aurait à soutenir; accoutumée à la vue de l’adversaire qu’elle aurait à combattre, ne le craindrait plus quand il viendrait à paraitre au lieu de se faire ridiculement trainer sur le champ de bataille, comme une victime tremblante qu’on mène à l’autel, elle se présenterait de bonne grace au combat, et attendrait le pied ferme son vainqueur, sure d’en triompher bientôt á son tour…”
L’auteur du livre est Michel Coltelli, connu aussi sur le nom Michel Procope-Couteau (1684 - 1753). Il était médecin et écrivain des oeuvres médicales mais aussi comiques ainsi que des pièces de theatre. Il y a eu plusieurs editions de ce livre, dans quelques unes le nom d’auteur est inclus. Sur internet on trouve aussi des copies numérisées où le nom d’auteur est ajouté à la main.
Il parait que l’edition originale date de 1748. La copie de la Bibliothèque Nationale Bavaroise (Bayerische Staatsbilbiothek) est de cette edition. On trouve aussi des editions du 1772, 1776 et 1780. Il y en a aussi une qui s’est faite à Londres.
Intéressant est aussi que le livre est cité dans l’Encyclopédie, dans la page ou toutes ces théories de conception sont discutées. On pourrait dire donc qu’il avait atteint un certain niveau de popularité. La citation de l´Encyclopédie: “SEMINOVISTES: branche des Ovistes, à la tête de laquelle s’est mis l’ingénieux auteur de l’art de faire des garçons. Ce physicien pense que l’embryon est produit par le mélange des deux semences, fait non pas dans la matrice mais dans l’oeuf.”
(on peut voir la page de l’encyclopédie ici: https://goo.gl/NT2Bx2)
Le live est aussi disponible numérisé online, par exemple ici: https://goo.gl/MbdNQP, pour ceux qui veulent savoir plus sur ces théories. N’oubliez pas à lire la préface!
J’ai acheté ce livre dans une vente aux enchères à Leiden aux Pays-Bas pour 75 euros, il y a 2 mois.
Pourquoi? Je suis aussi “victime” du coup du titre! Je cherche des livres du 18e qui parlent des théories qui ont été prouvées fausses ou qu’il parlent en général des choses bizarres ou loufoques.
Merci pour votre blog cher Hugues, continuez le travail!
Meilleures Salutations de Munich,
Manolis Papastefanou
PS: le français n’étant pas ma première langue, je vous laisse la liberté de corriger mon texte dans la façon qui vous semble la meilleure.
Heureux de vous lire Manolis, merci pour ce billet ! Et pas d'inquiétude pour votre français, qui est parfait ! Quel plaisir de voir un voisin si bien parler notre langue, lire et collectionner "nos" livres ;-)
RépondreSupprimerB.
En passant, parce que je suis devant mon écran, il y a quelques minutes ce jeudi 16 juin, un Grotius "De Jure Belli ac Pacis Libri" parti à 44.500 € sur le Live, avec donc 23,60 % de frais en sus (Vente à Tours ce jour). Donc 55.000 € frais compris...
RépondreSupprimerPayer 1600 € de frais supplémentaires pour le plaisir de ne pas utiliser son téléphone... Bref ! (sauf arrangement spécial avec la salle)... Et 10.500 € de frais... Bref aussi... C'est le jeu...
B.
Merci beaucoup pour cet article, Manolis!
RépondreSupprimer@anonyme: Un Grotius à ce prix-là, c'est au moins l'édition originale de 1625, j'espère!
Oui bien sûr c'est l'E.O. ! Mais cher quand même je trouve... Bataille entre deux téléphones et un enchérisseur en live... La fiche ci-dessous (pour info, estimation à 3000/5000)
RépondreSupprimerGROTIUS, Hugo. De Jure Belli ac Pacis Libri tres in quibus jus naturae et gentium, item ijuris publici praecipua explicantur. Paris, Nicolas Buon, 1625, in 4°, reliure de l’époque plein veau, dos à nerfs orné de caissons dorés. 17 ff° n.ch. de titre en noir et rouge avec marque typographique représentant le philosophe grec Bias (a1), Dédicace au roi Louis XIII (a ij-aiiii), Prolegomènes (a v-a vj, e 1-e 4 , i 1-i 4, o 1, Table o 2-o 3) un f° blanc ; pp. 1- 384, col. 385-391, pp. 393-506, 1 f° bl., pp. 553-786, 39 ff° n.ch. de : Loci scriptorum (GGGGGijà HHHHHij r°, Index rerum ( HHHHHij v° à QQQQQiij), Errata ( QQQQQiiij r°-v° Ex libris manuscrit sur le titre «De la Bibliothèque de Lherbette lieutenant criminel au Château du Loir. Ex libris imprimé de Kernier. Très rare édition originale dédiée au roi Louis XIII de ce texte fondateur du droit international moderne, et probablement la seule dont l'auteur ait corrigé lui-même les épreuves. Il fut imprimé très rapidement au moyen de deux presses pour être prêt pour la foire de Francfort. Aussi tous les exemplaires de cette édition ne sont-ils pas exactement semblables. Selon Ter Meulen le présent exemplaire appartient au tirage B avec les pages 487 à 490 refaites et la faute d'impression « lib. III » au lieu de « lib II » dans la ligne de tête de la p. 489 (« Liste Bibliographique de 76 éditions et traductions du De jure Belli... » » in : « Bibliothecae Visserianae Dissertationes ») Bel exemplaire dans sa reliure d’époque bien conservée avec de minimes défauts qui se limitent à de légères épidermures sur les plats et les angles inférieurs un peu usés, et le cahier aiii détaché avec la marge légèrement effrangée. Des petites notes manuscrites éparses et de nombreux soulignages de l’époque.
B.
C'est un livre très rare et fondateur, on ne connait qu'une poignée d'exemplaires en circulation et ils font toujours des prix très élevés. Un grand libraire français en a eu un sur son catalogue à 100 000 euros il y a pas loin de 10 ans maintenant.
RépondreSupprimerEn effet c'est extrêmement cher, j'ai pu voir les photos de l'exemplaire en question après une brève recherche google... Reliure non signée (et qui me semble plutôt dater du 18e tardif que du 17e), défauts certes mineurs mais tout de même importants quand on atteint ce genre de prix...
RépondreSupprimerUn prix exceptionnel (si il est confirmé) pour un ouvrage rare mais qui n'avait rien d'exceptionnel. Une belle affaire pour le vendeur, en somme! (et le commissaire priseur au passage)
En passant sous silence les ouvrages introuvables (non passés en vente depuis plus de 50 ans) on parle ici de l'un des dix livres de droit les plus recherchés et rares.
RépondreSupprimerA moins de parier sur un coup de dés improbable (brocante, ebay, libraire gâteux, héritage de l'oncle d'Amérique) je vois mal comment l'on peut faire l'acquisition de cette édition à bas prix.
Les exemplaires passant en vente font souvent aux alentours de 50 000 euros, et bien davantage pour les beaux exemplaires en reliure d'époque ou avec provenance intéressante...
Je n'ai pas dit que c'était trop cher, je signalais juste cette enchère, car j'ai suivi cette vente cet après-midi... Ce livre est en dehors de mon domaine d'expertise, donc je m'abstiens de commentaires !
RépondreSupprimerB.
Bien sûr qu'il s'agit d'une édition rare, et d'autant plus rare qu'elle présente des caractéristiques particulières liées aux conditions dans lesquelles elle a été réalisée (plusieurs livraisons/impressions, chacune ayant ses propres caractéristiques).
RépondreSupprimerJ'ai vu il y a quelques temps un exemplaire de la première impression dans sa reliure plein vélin d'origine, en parfait état, vendu pour plus de 120 000€, mais il était absolument parfait et dans son jus d'origine.
Ici, on a un ouvrage de la deuxième impression (identifiée comme tirage "B") dans une reliure beaucoup plus tardive, qui ne présente a priori pas d'intérêt bibliopégique (et ce n'est pas mis en avant dans sa description), dont l'état est loin d'être exempt de défauts, avec un cahier détaché!
C'est évidemment un bel exemplaire, évidemment important pour la discipline, évidemment recherché (j'en ai moi-même trois éditions du 17 et 18e, je n'oserais donc pas prétendre le contraire!), mais tout de même, au vu des "défauts", un prix final de 45 000€ (me) paraît excessif.
Maintenant, tout le monde (vendeur, acheteur et commissaire-priseur) est probablement très satisfait et c'est ce qui compte le plus. Moi-même je suis très heureux d'avoir vu un exemplaire de l'édition originale différent de ce que je suis habitué à voir.
La question du prix, comme cela est rappelé régulièrement sur ces pages même, ne dépend que de chacun et on pourrait probablement en parler longtemps sans jamais se mettre d'accord. ;)
Pour en revenir néanmoins au sujet premier, j'aurais une question concernant l'ouvrage que notre ami Manolis nous a présenté.
RépondreSupprimerL'auteur mentionne-t-il la découverte d'Antoni van Leeuwenhoek concernant les "animacules" présents dans le sperme, datant de 1677?
Non que le sujet soit l'une de mes préoccupations premières, mais je me suis souvenu d'une anecdote lue il y a quelques années concernant ce scientifique, qui sitôt l'acte charnel avec sa femme conclu, se précipitait avec des "échantillons" à sa table pour les observer avec son microscope. Je sais que sa thèse qui a découlé de ses observations a provoqué quelques remous et je suis curieux de savoir si votre ouvrage mentionne cette controverse, quelques dizaines d'années plus tard. La communication du savoir étant ce qu'elle est à l'époque, il m'est déjà arrivé de tomber sur des ouvrages ne mentionnant pas des "découvertes" communiquées parfois plusieurs années auparavant...
J'en profite au passage pour vous signaler que je ne vois pas les photos jointes à l'article, ce qui me frustre un peu. :)
@ Tiephaine G Szuter. Vous aurez la réponse en lisant l'article du blog du bibliophile puis en lisant le livre "l'art de faire des garçons" puisqu'un lien est donné dans l'article https://books.google.de/books?id=u9lEAAAAcAAJ&lpg=PR2&dq=%22l%27art%20de%20faire%20des%20garcons%22&hl=de&pg=PP7#v=onepage&q=%22l'art%20de%20faire%20des%20garcons%22&f=false
RépondreSupprimerCe n'est pas un gros pavé
Bonne lecture
Daniel B.
Moi non plus je n'ai pas les photos, mister H !
RépondreSupprimerB.
Bizarre. Je les remets en rentrant en France...
RépondreSupprimerJe constate qu'on vous parle de comment on fait led garçons et tout de suite vous voulez des images. Obsédés va! ☺
Hugues