jeudi 8 septembre 2016

Un livre monumental: Monographie de la cathédrale de Bourges, 1841-1844, chez Firmin-Didot

Amis Bibliophiles bonjour, 

Monumentale Monographie de la cathédrale de Bourges

Si le sujet du livre que je vous présente aujourd’hui n’est pas propre à intéresser chacun d’entre vous, son ampleur comme objet bibliophile mérite cependant, à plus d’un titre, qu’on s’y arrête.



Il s’agit de l’ouvrage de deux auteurs jésuites, Charles Cahier et Arthur Martin, intitulé Monographie de la cathédrale de Bourges. Première partie : Les Vitraux du XIIIe siècle, publiée à Paris chez Poussielgue-Russand de 1841 à 1844.


Ce livre est considérable, en effet, bien qu’il ne constitue que la seule partie publiée d’un vaste projet. Tel que notre exemplaire se présente, il est relié en deux volumes séparés, un pour le texte et un pour les planches. Le format choisi est l’in-plano, soit en réalité, des volumes de 70 cm de haut et 53 cm de large pour un poids respectif de 14,2 kg et 17 kg par volume. Autant dire qu’il ne s’agit pas d’un ouvrage de chevet et que son rangement dans la bibliothèque est difficile !

Le livre est paru en livraisons de 1841 à 1844. Le prospectus de publication date du 31 juillet 1841. La dernière livraison contenait la préface datée de mai 1844. Bien que conçu comme un ouvrage continu, les planches devant illustrer le texte, les relieurs adoptèrent, comme ici, le plus souvent, le parti de diviser l’ouvrage en un volume de texte et un volume d’atlas des planches.



Les auteurs, autant sinon plus archéologues et historiens que religieux, expliquent dans la préface, leur idée novatrice de s’intéresser aux vitraux anciens et de « dépouiller ces archives de l’enseignement religieux sous la forme de l’art ». Le gigantisme des planches est adopté dans un souci scientifique et artistique qui veut se démarquer de la curiosité anecdotique. Un plus petit format ferait tomber le livre selon ses auteurs « dans la classe des pittoresques ». Ils se donnent pour limite de ne pas réduire la reproduction des vitraux en-deçà du 1/10. Les auteurs s’attachent à décrire, reproduire, interpréter et comparer avec d’autres vitraux. Ainsi donnent-ils un développement textuel extraordinaire sur la première planche. Le texte étant pour eux indissociable des planches, il est imprimé au même format.

L’impression du texte est confiée à l’imprimerie Firmin Didot, 56, rue Jacob à Paris qui utilise un beau caractère Didot romain, composé en gros corps (probablement 24 points).


Les planches en lithographie et chromolithographies sont exécutées par l’établissement Lemercier, Bénard et compagnie. Le lithographe Joseph Rose Lemercier, imprimeur depuis 1828, 2, rue Pierre Sarrasin puis 55 , rue du Four Saint-Germain, a ensuite ouvert, en association avec Jean-François Bénard, au 57 rue de Seine, un vaste atelier, dans une ancienne salle de jeu de paume, (donnant sur la rue Mazarine), qui en 1837 compte déjà plus de 30 presses et 30 000 pierres[1]. Référence dans son métier, Joseph Lemercier, fait progresser son art et invente le crayon tendre et des encres particulières pour les lavis, il perfectionne les « pierres de teintes ». 

Son entreprise est réputée pour la chromolithographie dont il est un des pionniers en 1837. En Angleterre Charles Hullmandel avait dès 1832 développé un procédé de lithographie en couleurs « lithotints » et en France, Godefroy Engelmann et son fils triomphaient en 1837 avec leurs « lithocolores ». Notre livre est donc un des plus importants ouvrages en chromolithographie produits à cette date. Les auteurs justifient l’usage de la couleur comme essentiel à l’appréciation de l’art des vitraux ; une reproduction en noir et blanc étant une sorte de trahison. La colorisation des planches à la main aurait représenté un coût exorbitant.



L’éditeur Poussielgue-Rusand, est installé 9, rue Hautefeuille, à Paris, rue riche en éditeurs à cette époque. Antoine-Jean-Baptiste-Joseph-Vincent Poussielgue, vivant jusqu’en 1849 selon la notice de la BnF, avait épousé Marguerite Rusand, une des filles de l’imprimeur-libraire lyonnais Mathieu-Placide. Poussielgue-Rusand  dirigeait la Librairie ecclésiastique, ce qui le désignait naturellement à nos auteurs. Outre chez les libraires parisiens, Firmin Didot frères, Benjamin Duprat et A. Hauser, marchand d’estampes, le livre est disponible à Bourges, à Leipzig et à Londres, ce qui importe peut-être pour notre exemplaire.


Notre exemplaire comporte 75 planches en couleurs ou noir et blanc, interfoliées. La plupart des exemplaires compte 70 à 73 planches, l’édition ayant comporté plusieurs planches facultatives qui n’ont pas fait partie des livraisons (études XV-XVI Sens, XIX Reims) ou supprimées après les 150 premiers exemplaires (usages civils) ou 250 premiers exemplaires (planche I étude III), ou une planche en couleurs remplacée par une planche en noir et blanc après les 100 premiers exemplaires.



Quelques planches sont aussi signées, conjointement avec l’établissement Lemercier, par Frédéric Giniez, E. Hauger, ou F. Norbert lithographes ou par les dessinateurs Ribault, Le Coq ou A. Garnier.

L’intérêt de notre exemplaire réside également dans sa reliure en plein maroquin rouge. La taille des volumes n’a pas permis de couvrir le livre avec une seule peau ; chaque plat est donc recouvert d’une peau et la couvrure du dos est rapportée. Les plats sont encadrés de filets dorés et à froid, un grand et large cadre doré, composé d’une roulette dorée soulignée de filets dorés et à froid, de fleurons aux angles surmontés en écoinçons de compositions dorées aux petits fers, occupe le centre des plats et les rétrécit visuellement. Le dos comporte 4 séries de nerfs en relief composés de deux nerfs ornés de filets dorés encadrant un large nerf plat orné d’un fleuron doré. Des filets dorés ornent les coupes, une dentelle intérieure borde les contre-plats, toutes les tranches sont dorées, les contre-plats et les gardes sont recouverts d’un assemblage de deux feuilles de papier marbré à cause, une nouvelle fois, du format. 

La reliure est très probablement anglaise ; le livre porte l’ex-libris (un enfant trouvé dans l’aire d’un aigle) de la bibliothèque Knowsley Hall Library (Lancahire, Angleterre) qui appartint aux comtes de Derby, orné de leur devise “Sans Changer”. Une partie de cette bibliothèque fut vendue chez Christie’s en 1954. A catalogue of the library at knowsley hall, publié en 1893, volume 1, page 95, signale bien l’ouvrage, sans aucune précision d’état.

 Lauverjat


4 commentaires:

  1. je suis vert de jalousie... bravo Lauverjat !

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  2. Splendide ! Merci de partager avec nous cette belle découverte !

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  3. Bonjour,

    Je possède le volume de planches, mais j'avoue que j'en ignorais tout. Merci donc pour ce bel article. Je vais collationner les gravures pour voir si mon exemplaire et compte 72, 73 ou 75 et je reviendrais vers vous. Mon exemplaire présente une banale demi-reliure, qui plus est, très abîmée. Le votre est splendide !

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