Amis Bibliophiles bonjour,
Je vous propose de découvrir aujourd'hui l'un de mes ouvrages, qui sort tout à fait de mes sentiers habituels
Kenan et Alechinsky, les tireurs de langue
Torino, Edizioni d'Arte Fratelli Pozzo et en France, chez Guy Le Prat, Editeur
à Paris, s.d. (1961).
In 8° carré, 44
pp., 19 illustrations originales en rouge et noir et couverture illustrée de Pierre ALECHINSKY.
Etui d'édition, décoré.
Adaptation française de Christiane
Rochefort.
"Beau livre violent tendre" Samuel
Beckett.
L'édition comporte 2000
copies, un des 150 exemplaires numérotés (N° 110) avec une lithographie
originale en couleurs, signée et numérotée au crayon par ALECHINSKY.
AMOS KENAN (1927–2009) journaliste israélien, sculpteur et peintre
(1927–2009)
PIERRE ALECHINSKY
Né à Bruxelles en 1927, d'une mère belge et
d'un père russe, il étudie les
techniques du livre dès l'âge de 17 ans. Gaucher contrarié, il réserve sa main
gauche au dessin. En 1949, il adhère au groupe COBRA (COpenhague,
BRuxelles, Amsterdam) créé par Christian Dotremont ; la rencontre
avec les peintres du mouvement - Karel Appel, Constant, Jan Nieuwenhuys, Asger
Jorn ... - est une libération. Le style de Pierre Alechinsky évolue, le geste
devient plus libre, dans une spontanéité irrationnelle d'où il fait jaillir un
univers onirique. L'image n'est plus une fin en soi, mais la trace d'une
expérience où l'écriture tient une place centrale ; l'artiste invente son
vocabulaire personnel, fusion entre peinture et écriture.
L'œuvre d'ALECHINSKY surprend, elle
traverse la peinture et l'illustration par toutes sortes de détours et de
prolifération des formes. On aime, ou on n'aime pas, mais n'en est-il pas ainsi
pour tous les artistes de l'Art Contemporain : singularité et profondeur pour
certains, et pour d'autres artifice ou fumisterie dont il ne restera rien.
Rappelons que le mouvement
impressioniste suscita des réactions similaires.
René
Même si j’apprécie toujours tes fort intéressantes chroniques, je me réjouis de te voir « sortir hors de tes sentiers trop battus ». Les bibliophiles d’aujourd’hui ne seraient-ils trop souvent que des bibliophiles du passé ?
RépondreSupprimerQuand tu parles parfois de « belles reliures », je me pose souvent la question : « mais en quoi sont-elles si intéressantes ces reliures d’excellents artisans que je suppose, par ailleurs bien conservées, mais qui d’époque à époque se ressemblent tant ?
Dans le même temps, je m’étonne de voir les mêmes bibliophiles laisser parfois aller à des prix, somme toute, dérisoires d’excellents ouvrages comme le sont ces « tireurs de langue » lorsqu’ils ont presque le malheur d’être reliés par des créateurs originaux de notre temps. Faudra-t-il qu’un jour la vente à succès d’une collection courageuse, avisée et sensible à la modernité (il y en a) fasse un tabac pour que la corporation actuelle des bibliophiles se réconcilie avec son époque ?
A.L.
De la même manière que l'on peut apprécier le café et ses centaines de déclinaisons subtiles -mais ça reste du café- et ne pas apprécier le thé, ni non plus le dénigrer, lui et ses amateurs.
RépondreSupprimerOn peut aimer ces reliures anciennes qui se ressemblent tant mais dont la variété est infinie, et n'avoir que peu de goût pour celles d'aujourd'hui, sans pour autant les rejeter, elles et leurs amateurs.
Mais pourquoi aimons-nous ceci ou cela au juste? Je lègue mon patrimoine, mon amitié, ma femme, mes enfants et mon chien (prévoir un gros break) à celui qui apportera une réponse pleinement satisfaisante à cette -pour le moment- insoluble question.
N.
Si c'est comme en musique, il y a sans doute un temps d'adaptation de l’œil et des sens qui comme pour l'oreille n'est pas à l'échelle d'une vie. Sauf pour effectivement quelques précurseurs visionnaires. Messiaen est maintenant admis par les mélomanes et reconnu mais pas encore par le grand publique, ça vient doucement. Pour la reliure c'est sans doute pareil, mais j'y vois deux autres soucis.
RépondreSupprimer1 Le problème de la reliure contemporaine c'est quand même que parfois derrière la créativité, il y a un manque flagrant de techniques de base qui nous laisse bien loin des maîtres du XIXe. Il y a fort heureusement des relieurs contemporains qui maîtrisent totalement techniques et créativité, ceux-ci ont énormément de travail. Il y en a d'autres qui pensent pouvoir s'installer après avoir fait un stage de formation d'un mois!(je caricature à peine) ceux-ci font beaucoup de mal à la profession et la décrédibilise. Suffit de voir certaine photos postées avec fierté sur fb, ça fait rire, d’autres reliures heureusement sont magnifiques.
2 Pour pouvoir faire des chefs d’œuvres comme par le passé, les budgets explosent, le soin d'une reliure étant lié souvent au temps passé à sa réalisation, et là les relieurs n'y sont pour rien, ils font avec les moyens que nous leurs donnons. D'un autre coté les architectes ne construisent plus en pierre de taille mais utilisent les matériaux modernes. Aux relieurs d'inventer les reliures du XXIe avec des matériaux et techniques modernes, pour des coûts raisonnables, une parfaite fonctionnalité et une esthétique nouvelle, comme a essayé de faire Jean de Gonet par exemple.
Daniel B.
tout à fait d'accord avec Daniel : ce n'est pas nouveau que le contemporain ne plaise pas aux contemporains. Et la solidité et la durabilité sont tout de même importants pour une reliure...
RépondreSupprimer@ A.L.
RépondreSupprimerLa vente de la prestigieuse bibliothèque Matarasso en 1994, a-t-elle suscité auprès des bibliophiles, un attrait significatif susceptible de modifier leur perception ?
René
Anonyme a évidemment raison de suivre ses inclinations pour le café (ou pour le thé, c’est selon). Mon étonnement est que tant de bibliophiles le préfèrent froid, voire réchauffé, alors qu’il a tellement meilleure saveur lorsqu’il est frais. Quand Hugues « sort de ses sentiers battus » – ce que je lui souhaite de vouloir faire plus souvent – il tend à montrer qu’une bibliophilie non rétroactive peut aussi être intéressante.
RépondreSupprimerDaniel a aussi raison quand il dit que c’est affaire d’éducation de l’œil et de l’esprit. Encore faut-il qu’on ait envie de dépasser les idées reçues ou trop installées.
Ses deux objections doivent, à mon sens, être nuancées
C’est vrai que, sous les mots quasi magiques de « structures contemporaines » on présente nombre de bricolages comme des novations, alors qu’ils ne sont que l’application répétitive et gratuite de quelques formules qu’ont mises au point quelques pionniers méritants. Ils font surtout les choux gras de quelques formateurs œuvrant en seconde main à « formater » leurs élèves au sein de workshop qui ne sont pas gratuits en leur faisant croire qu’ils sont ainsi dans le coup. Jean de Gonet – que Daniel cite – s’est d’ailleurs bien moqué d’être « avec une immense candeur et un sans-gêne évident doublé d’un culot formidable ». Au point, dira-t-il « que personne ne peut se vanter, aujourd’hui, de faire le compte des reliures “à la de Gonet” qui traînent de par le monde, monde dans lequel chacun peut apprendre la “méthode de Gonet” en suivant les cours, payants, auprès de ceux et celles qui l’enseignent. »
Mais faut-il jeter le bébé avec l’eau du bain ?
J’invite Daniel à voir ce que présentent les Amis de la Reliure Originale lors de ses journées « Éphémères ». Je pense qu’il y trouvera confirmation qu’il existe de vrais artistes – les seuls qui comptent et doivent nous intéresser, après tout – qui maîtrisent technique et créativité.
La dernière objection tient aux coûts. Comme Daniel l’a compris, les temps de formation et de création, de même que le prix des matériaux sont quasi incompressibles. Malgré cela, certains relieurs de grande qualité (et qu’il faut aussi dénicher, comme certains livres anciens) restent financièrement assez accessibles. L’exemple de Jean de Gonet, réputé « cher » n’est pas contestable avec son Révorim. Je souligne cependant que ce n’est pas de faute s’il a été contraint de mettre un terme à l’entreprise. Les lois économiques sont peu conciliables avec un artisanat intelligent, hélas !
Oui, Calamar, la solidité et la durabilité sont importants. Tout en concédant que ce n’est pas le cas de tout ce qui se présente (en termes d'un livre d‘artiste mal défini, notamment), je vous renvoie à ces excellents relieurs dont je parle plus avant. Je peux citer des noms si vous voulez…
Je suis bien incapable de répondre à la dernière question de Calamar. Que prouve l’éventuelle mévente (si j’ai bien compris) d’une collection ? De tout temps, cela a existé avant que des esprits plus ouverts ne redécouvrent ce qu’avaient négligé la génération précédente. Les mauvais résultats de la reliure aujourd’hui sont, en fait, une opportunité. Dans quelque temps – celui, peut-être, de passer sur eBay –, je vois d’excellents chroniqueurs qui nous parleront de « belles reliures »…
Ce qui me dérange un peu, A.L., c'est cette opposition -ancestrale- entre anciens et modernes, elle est filigranée dans votre message.
RépondreSupprimerJe vous rends volontiers raison sur plusieurs points, mais pourquoi serions-nous obligé de choisir une température idéale au breuvage que l'on aime ingurgiter? Un café bien chaud l'hiver me convient autant qu'un frappé l'été.
La promotion de quelque chose faite au détriment d'une autre ne me semble pas super intéressante, surtout qu'il est tout à fait possible d'aimer à la fois l'ancien et le moderne, en reliures comme en toutes choses.
L'un et l'autre ne me semblent pas en mesure de remporter le rude combat du goût.
N.
Mais bien sûr, cher Anonyme ! On peut aimer les deux et je vous avoue, en connaissant bien mieux les arts en général que les livres, je ne vois aucune raison justifiant des exclusives.
RépondreSupprimerMon amicale réflexion visait un peu la timidité de Hugues s'excusant presque de franchir le Rubicond dressé par des options trop rivées au passé. Je n'entends pas opposer stupidement des Anciens (qui ont été les Modernes de leur temps)à des expressions nouvelles, mais indiquer que nous avons la chance de pouvoir apprécier ce qu'apprécieront nos arrière-petits enfants. Alors, pourquoi presque se garantir d'oser et même de vouloir le faire ? Hugues est trop éclairé, trop érudit et trop intéressant dans ses chroniques pour ne pas aussi assumer ces choix-là. Qu'il s'engage pour Alechinsky me réjouit. Je l'engage à mon tour à aller plus loin, quitte à susciter quelques amicales oppositions.
N'est-ce pas, après tout, l'intérêt potentiel de son blog ?
je voudrais apporter une rectification / réhabilitation : ce n'est pas moi qui ai parlé de vente/mévente, mais René, et j'ai bien l'impression que le livre prétexte de cette discussion ne sort pas de la bibliothèque de Hugues, mais bien toujours de celle du même René...
RépondreSupprimerMerci à tous pour vos commentaires.
RépondreSupprimerEn fait, la raison est bien plus simple: je suis ignorant.
Simple bibliophile, je suis loin de connaître tous les domaines couverts par la bibliophilie, c'est pour cela que cet article, proposé par René, est salutaire, il ajoute de la diversité au contenu du blog.
C'est aussi pour cela que je fais régulièrement appel à vous, amis lecteurs, pour me proposer des articles (même courts) autour de d'ouvrages de vos bibliothèques. Je trouve cela très enrichissant de découvrir d'autres domaines, même si chaque bibliophile a ses marottes.
Cher A. L., je n'ai pas l'impression de vous connaître, pourriez-vous m'envoyer un email à blog.bibliophile@gmail.com.
Ce serait chouette :)
H
J'essaie de te répondre Hugues, mais le message me revient : The following message to was undeliverable.
RépondreSupprimerThe reason for the problem:
5.1.2 - Bad destination host 'DNS Malformed Query Error looking up gmail.com. (MX).'
Je ne fais pourtant que copier-coller l'adresse donnée.
A.L.
Essayez sans le . après gmail.com. 🙂
RépondreSupprimerAh, Alechinsky !!! Un grand Monsieur du livre .... Sa suite pour le Volturno me ravit ! Et tout amateur d'ancien que je suis, je l'imagine volontiers dans une reliure de Monique Mathieu ... Merci pour ce joli partage René.
RépondreSupprimerJe suis ravi que ma courte présentation ai eu l'heur de susciter de nombreux commentaires, c'est une des raisons d'être du Blog de Hugues que d'animer le monde parfois un peu léthargique des amateurs de livres (je n'ose dire bibliophiles car
RépondreSupprimer"trop nous faudrait l'expérience, plus encore la docte science ...").
Juste avant le dernier commentaire, de Philippem, j'avais reparcouru le catalogue d'une exposition des créations de Monique Mathieu, présentées à la Wittockiana en 1992.
On est bien là dans des "structures contemporaines" mais loin des bricolages ou bidouillages.
René