Amis Bibliophiles bonjour,
Avant de poursuivre plus avant la science héraldique (et pour ne pas perdre de vue l’essentiel de notre passion) une petite vue générale sur la reliure aux armes me paraît bienvenue.
Voici un type de décor de reliure excessivement courant que tout bibliophile de livres anciens a tenu en mains, vu et revu et possède en plusieurs échantillons dans sa bibliothèque. Que peut-on bien en dire encore?
Catalogue vente Couteau-Bégarie, Drouot, 24 septembre 2008 |
Les reliures aux armes apparaissent dès la fin du XVe siècle mais c’est au XVIIe et XVIIIe qu’on les trouve le plus couramment. Il s’agit le plus souvent des armoiries complètes du possesseur du livre poussées à chaud, dorées au centre du premier plat et habituellement du second.
Exemple de supports: deux lions, Armes de Fagon, médecin de Louis XIV, catalogue Amélie Sourget, 2011. |
C'est-à-dire que l’écu proprement dit, qui identifie la famille, est accompagné d'ornements extérieurs variables. On trouve de chaque côté de l’écu les supports (lions, licornes, cerfs..) appelés tenants dans le cas de figures humaines (hommes sauvages, anges, etc). Le timbre surmonte l'écu, selon le cas : un casque de chevalier, une couronne ou un chapeau. Un cimier peut couvrir le casque. Les lambrequins qui sont des rubans décoratifs naissent derrière le timbre. Au besoin, au plus proche de l'écu et tout autour, se dispose un collier d’ordre de chevalerie avec son pendentif ou sa médaille. Le cri d'armes ( Montjoie, Dieu aide,…) somme le tout tandis que la sentence, abusivement dite devise, souligne l'ensemble. Sur le fond, l’écu peut reposer sur un manteau. D'autres insignes sont visibles, crosses, ancres, canons, bâtons… Tous ces attributs ne se trouvent pas heureusement ensemble ni à tout coup.
Reliure aux armes de la ville de Montargis-Le-Franc, armoiries composées de petits fers, sur Les privilèges franchises et libertés.... |
Communément le bibliophile a fait frapper le fer de ses armes chez son relieur pour identifier ses livres. Ce n’est pas toujours le cas, il peut arriver qu’un auteur ou un éditeur dédicace son livre à un personnage d’influence et le fasse relier aux armes de son dédicataire. Soit il s’adresse au relieur attitré de la personne à qui il veut rendre hommage, soit chez un autre relieur qui ne possède pas le fer et s’arrange pour en fabriquer un ou en composer un avec les moyens du bord. Des personnages influents donnaient aussi pour récompenser les meilleurs élèves d’un établissement scolaire un livre à leurs armes ou une certaine somme d’argent permettant au collège de faire exécuter une reliure aux armes du riche mécène. Le livre fini n’a donc jamais connu la bibliothèque de celui dont il arbore les armes, (en revanche on y trouve l'ex-praemio du bénéficiaire).
Armes (postérieures) de France sur Gaguin, Les croniques de France, 1515, catalogue Hugues de Latude, XXXIX. |
Plus proche encore de nous, le duc d’Aumale faisait relier plusieurs exemplaires des livres dont il était l’auteur à ses armes qu’il offrait ensuite à des membres de sa famille ou à des amis. Les villes également ont pu faire relier des exemplaires de leurs privilèges, leurs entrées ou leurs fêtes à leurs armes qui étaient offerts aux visiteurs de marque. Au XIXe et au XXe, des amateurs ont parfois utilisé les armes d’un personnage illustre, le plus souvent disparu, pour embellir un livre ayant trait à ce personnage. Et faut-il signaler des exemplaires ordinaires falsifiés sans vergogne par la frappe d’armoiries célèbres et lucratives? On ne se méfiera jamais assez par exemple des livres aux armes de la Pompadour, surtout s’ils ne figurent pas dans le catalogue de la vente de sa bibliothèque.
Nous aurons l’occasion un peu plus tard d’explorer la typologie de ces reliures aux armes.
Lauverjat
Explicite et éducatif ! Bravo Lauverjat !
RépondreSupprimerJ'imprimerai vos articles sur un beau papier vergé, lorsqu'ils seront tous publiés sur le BDB. Je demanderai ensuite à un relieur de mes amis de les assembler grâce à une couture solide et de les protéger par une couvrure esthétique en maroquin cerise ornée de dentelles et de filets dorés. Des armes ? Mais je ne suis pas armé ! Pierre
C'est un superbe voyage que nous offre cet article, réellement passionnant! Merci infiniment.
RépondreSupprimerFrançoise
les reliures avec les armes au serpent sont celles de Charles-Joachim Colbert(pour en avoir moi-même des exemplaires).
RépondreSupprimerPS: Il était évêque de Montpellier.
RépondreSupprimerBonne journée à tous,
Valentin
Ce n'est pas tout à fait exact Valentin, les armes "au serpent" (il s'agît en fait d'une couleuvre, un "coluber") sont celles de la famille Colbert.
RépondreSupprimerVous trouverez plus d'informations ici:
http://bibliophilie.blogspot.com/2010/05/la-reliure-la-couleuvre-de-colbert-les.html
Hugues
Vous avez tous les deux raison, les armes de l'article de Lauverjat (3 livres en bas de la photo) sont bien celles de Charles Joachim Colbert évêque de Montpellier,frère du grand Colbert, nous les retrouvons sur toutes les pages de titres des catéchismes de Montpellier imprimé par C. J. Colbert qui encombrent nos cartons!...Elles ont bien les "4 ponpons!" attribués aux évêques. Celles de l'article de Hugues sont les plus recherchées, du grand Colbert ministre d'état, elles sont en général accompagnée de la mention bibliothéca Colbertina par Baluze sur le titre. Si vous le trouvez je vous conseille le livre :" la famille Colbert du XVe au XXe" par François de Colbert 2000 chez l'auteur. Beau livre bien illustré 665 pages sur couché mat 25 x 32 cm . Je ne connais pas son prix, je l'avais acheté en SVV.
RépondreSupprimerAprès sa lecture on ne vous fera plus avalé des couleuvres,:) désolé, facile, mais j'avais envie!...
Daniel B.