Rapidement, on en arrive alors à la notion de cote, de prix du marché, tout en sachant que la passion n'a au fond pas de prix. Pour moi, le prix d'un livre est simplement celui que j'ai envie de mettre, dans le sens où il peut m'arriver de "surpayer" un ouvrage. La loi du marché à ma propre échelle enfin de compte...
Etablir une cote fiable, voire un"argus du bibliophile ou du livre ancien", est une tache difficile. En effet, la bibliophilie subit fortement l'influence des modes et des époques et si les Cazin dont je parlais récemment furent très à la mode au 19ème, on connaît aujourd'hui des libraires qui les négligent (si, si, je vous assure). Quelques grandes tendances existent malgré tout : l'âge dans une certaine mesure, la rareté d'une édition quand le texte ou l'auteur est de qualité, un travail important sur la forme (reliure, suite, etc.), une provenance rare.
En général on cite trois critères qui influencent le prix du livre ancien:
1. La qualité au sens large, que je viens d'évoquer plus haut (âge, état, texte, tirage, provenance, reliure, etc).
2. La loi de l'offre et de la demande qui vient modérer le premier critère (et donc les "modes").
3. Le facteur personnel ou la passion de l'acheteur (et son pouvoir d'achat) qui reste le critère suprême et qui peut venir contredire les deux premiers facteur.
Ainsi, si vous collectionnez les petits volumes de la bibliothèque Elzevirienne par exemple, vous savez que chaque volume peut se trouver autour de 50-100 euros maximum... Maintenant, s'il ne vous en manque qu'un seul pour avoir la collection complète... nul doute que vous serez prêt à dépenser bien plus!
Ce qui est intéressant, c'est que depuis que les livres existent, ils ont fait l'objet d'un commerce, et la notion de prix marchand est quasi indissociable de celle de livre ancien.
Ainsi, on sait que Platon acquit les trois livres du pythagoricien Philoaus pour 10000 deniers, qu'en 1400, une copie du Roman de la Rose fût vendue 833 francs devant les portes du Palais, à Paris....
Tous les libraires avec lesquels j'en ai discuté considèrent que le Livre Ancien est un mauvais placement, en tout cas à court terme... mais peut-être est-ce pour dissuader les éventuels investisseurs. En effet, une thèse sur le livre soutenue à la faculté de Mons en 1990 propose des perspectives intéressantes : si une famille disposant d'un patrimoine de 2,6 millions d'euros en 1900 l'avait investi dans de l'or, elle posséderait aujourd'hui de 2,7 millions d'euros, si elle l'avait investi dans de la terre de Beauce, elle posséderait aujourd'hui 6,1 millions d'euros, et si elle l'avait investi dans une collection de grandes éditions originales, elle posséderait aujourd'hui 35 millions d'euros.
Reste à savoir comment le marché à évolué depuis 1990, alors qu'internet n'existait pas au sens où on l'entend aujourd'hui.
J'ai l'impression que le principal changement qu'il a apporté est en effet une évolution, d'un marché de l'offre, sur lequel marchands organisaient les prix, géraient la rareté et souffraient peu de la concurrence, à un marché de la demande, sur lequel l'acheteur peut à tout moment comparer le prix d'un livre chez les libraires du monde entier.
Finalement, il est probable que cela a renforcé l'influence du facteur prix sur le marché du Livre Ancien... en jouant à la baisse... et que la nouvelle génération y est plus sensible. Néanmoins, et nous avons déjà abordé ce sujet dans le blog, il est probable que cette évolution du marché, et le nivellement des prix à la baisse qu'elle induit, est bénéfique pour le bibliophile, permettant notamment à de jeunes passionnés de venir grossir nos rangs!
Mais peu importe au fond, si nous écrivons ou lisons ce blog, c'est que nous sommes tous des passionnés... et nous savons bien que le prix, s'il importe, n'est pas capital, c'est le plaisir qui compte... Ainsi, pour moi, mes livres favoris dans ma bibliothèque ne sont pas forcément ceux qui ont le plus de valeur.
H
8 commentaires:
Effectivement, quand on aime, on ne compte pas! Qui n'a jamais flashé sur un bouquin, et n'a même pas essayé de négocier le prix? Heureusement, de ce côté là, j'ai un libraire très accommodant! Il accepte assez souvent de réduire ses prix, sauf sur ses plus beaux ouvrages.
Et ebay permet bien souvent d'avoir de bons bouquins à des prix défiant toutes concurrence.
Le gros problème de certains libraires et autres bouquinistes, c'est l'inflation des prix lorsqu'ils sont seuls à exercer dans leur coin. Certains prix s'envolent pour des livres qui n'ont pas toujours énormément de valeur, comme pour certains livres religieux, de droit ou autre. Par exemple, 900€ pour deux volumes de Pothier, ou encore 25€ pour des pièces de théâtre sans couverture et dans un très mauvais état.
Merci Philippe pour ce commentaire... Il a l'air sympa ce libraire!
C'est vrai que le principal changement apporté par ebay c'est bien la mise en place d'une vraie concurrence!
H
Il est rare que j'achète en tant que bibliophile, des livre que j'achète par amour de la littérature. Le bibliophile voit le livre comme un objet.
Je crois qu'il ya une sorte d'économie de la rareté. Que ce soit pour l'art ou la bibliophilie et en générale tout ce qui fait objet de collection, les prix des objets rares ne font qu'augmenter à moyen terme. Bref, à mon avis, il est toujours avantageux d'investir dans un livre exceptionnel. Le prix de la Bible de Gutenberg, pour prendre un cas extreme, ne peut que monter, tout comme celui d'un Van Gogh ou d'un Vermeer.
Or, il me semble, que c'est très différent pour les livres moins rares dont les prix, soumis aux modes, fluctuent plus à moyen terme.
A.A.A.,
Vous avez très bien résumé le problème. Malheureusement, on ne peut acheter une Bible de Gutenberg, comme on achète Les Contes Rémois de la douzième édition brochée, texte pourtant tout aussi intéressant. Conclusion : ne jamais acheter de livres abimés sous quelque forme que ce soit, n'est-ce pas Bertrand !?
Jean-Paul
Et que direz-vous d'un livre anonyme minuscule (53 pages) tiré à six exemplaires et dont un exemplaire est référencé à la Bibliothèque de l'Institut de France et un second exemplaire entres mes mains !
Oui mais quel exemplaire ! ? celui dédicacé par Eugène Gilbert, vous connaissez ? non ? si je vous dis qu'il fut l'exécuteur testamentaire du Vicomte Charles de Spoelberch de Lovenjoul ? vous y êtes ?
d'autant plus si j'ajoute qu'il est dédicacé à mon grand père ?...je m'appelle Isabelle Vicaire, petite fille de Georges Vicaire ?
Ce recueil poétique fut publié en 1870.
Bonjour Isabelle,
C'est passionnant! Pourriez-vous me contacter à blog.bibliophile@gmail.com?
Je suis Hugues, le rédacteur du blog et j'aimerais beaucoup échanger avec vous si vous le voulez bien!
:)
Hugues
Tiens c'est drôle, après ma demande concernant un ex libris il y a quelques jours, identifié derechef par un passionné travaillant quasiment dessus au même moment ; j'ai vendu hier un exemplaire d'une plaquette bibliographique avec un envoi "A mon ami Georges Vicaire".
Je suis de plus en plus connecté au blog !
B.
Ps : inutile d'ajouter, si ce n'est point trop indiscret, que les amateurs aimeraient savoir si la petite fille de Vicaire, est bibliophile d'une manière ou d'une autre ?
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