frise2
samedi 30 juin 2007
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vendredi 29 juin 2007
Vacances
Un 29 juin de sinistre mémoire... l'incendie de la collection Téchener
Ce message du jour est tout entier lié à l’annonce suivante que l’on pouvait lire au verso de la page de titre du 212è numéro du Bulletin du Bouquiniste de Auguste Aubry, libraire (15 octobre 1865) :
EN VENTE :
CATALOGUE DES LIVRES RARES ET PRECIEUX, MANUSCRITS ET ESTAMPES,
Brûlés à Londres
Le 29 juin 1865 dans la maison Leigh Sotheby, J. Wilkinson et Hodge,
auctioners, Wellington Street (Strand),
Libraire à Paris.
Paris, octobre 1865, un vol. in-8 de 360 pages, rédigé par M. J.L. Téchener fils.
Prix : 6 francs.
Ce curieux catalogue comprend 2496 numéros.
Ainsi se termine l’annonce en précisant toutefois que ce catalogue forme la septième partie de la vente Téchener.
A la première lecture de cette annonce, j’avoue n’avoir pas eu connaissance de ce terrible incendie et j’aurais aimé en savoir plus sur cette affaire macabre…
C’est l’érudit Gustave Brunet qui répond très en détail à mes interrogations seulement quelques dizaines de pages plus loin dans le n°213 du 1er novembre 1865.
Inutile de paraphraser cet excellent ami des livres, je le cite in extenso :
« Il ne s’agit pas ici d’un catalogue de livres offerts en vente publique ; il n’est pas question, comme dans le Catalogue d’un amateur (M. Renouard, 1818, 4 vol. in-8), d’une réunion de livres précieux que garde un bibliophile désireux de dresser l’inventaire de ses richesses. Ce catalogue-ci est une oraison funèbre. Les livres précieux qu’il énumère n’existent plus. Envoyés à Londres pour y figurer dans une de ces auctions où les guinées britanniques se prodiguent souvent avec une intelligente libéralité, ils sont devenus victimes d’un incendie. En quelques heures, les flammes ont dévoré tous ces trésors. Quelques jours après, on retirait des décombres, on enlevait par tombereaux des livres carbonisés, des volumes informes, car l’eau avait détruit ce que le feu avait épargné.
C’est là une perte irréparable. Où retrouver ces manuscrits, ces dessins originaux, ces livres anciens qui chaque jour deviennent plus rares ? Là figuraient quelques volumes imparfaits, tellement difficiles à rencontrer que M. Téchener les possédait depuis une trentaine d’années sans avoir jamais réussi, malgré son infatigable activité, à en découvrir d’autres exemplaires, même défectueux, pour compléter les premiers. Le 29 juin 1865 restera néfaste dans les annales de la bibliophilie.
Le désastre est consommé ; une bien faible, bien imparfaite consolation nous reste, consolation qui n’est elle-même qu’une source de regrets. M. Téchener a eu l’excellente idée de dresser, d’après ses notes, l’inventaire des livres dont Vulcain a fait sa proie ; il a joint à certains articles, des annotations fort intéressantes, et de ce travail pénible, il est résulté un beau volume très-bien imprimé, qui ne renferme pas moins de 2.496 numéros.
Une semblable réunion d’ouvrages précieux en tous genres atteste l’indomptable persévérance et le dévouement absolu de M. Téchener à la cause des livres ; ce catalogue, réuni à ceux qui ont déjà paru successivement et dont nous avons eu l’occasion de parler, constitue un véritable monument, et tous les amateurs doivent s’empresser de lui réserver une place dans leur cabinet.
Les littératures italienne et espagnole occupent un rang considérable dans le catalogue en question. Bien des livres précieux du XVIè siècle attirent l’attention des connaisseurs. L’ancien théâtre italien est largement représenté, et on ne compte pas moins de cinq vieilles éditions de la très-curieuse comédie de la Célestine.
Il va sans dire que tous ces anciens volumes sont d’une conservation irréprochable, les uns sont recouverts de ces vieilles reliures que les amateurs aiment tant à rencontrer et pour lesquelles ils font parfois des folies ; les autres doivent leur habillement de somptueux maroquins, leurs élégantes dorures, aux plus habiles artistes de Paris.
Parmi les éditions du XVè siècle, nous avons remarqué la très-intéressante relation du voyage de Breydenbach à la Terre Sainte (Mayence, 1486) ; la Divina Commedia de 1491, l’Isocrate de Milan, 1493 (édition princeps) ; les Epistolae (supposés) de Phalaris, 1498 (édition princeps) ; le Procès de Bélial (Lyon), 1481 ; le Strabon et le Suétone, imprimés tous les deux en 1472 ; le Suidas de 1490, et bien d’autres ouvrages dont le temps n’a laissé subsister que bien peu d’exemplaires.
N’oublions pas une précieuse collection aldine. Nous savons que ces impressions sont moins en faveur qu’autrefois aux yeux des bibliophiles ; mais cette froideur est injuste. Des exemplaires bien conservés, sortis des presses des plus illustres typographes du XVIè siècle auront toujours le plus grand prix aux yeux des véritables connaisseurs. La plupart de ces volumes aldins sont d’ailleurs fort rares. Parmi ceux que possédait M. Téchener et qui malheureusement sont anéantis, nous distinguons l’Hypnerotomachie de Polyphile, 1499 ; l’Aristote, en 5 vol. in-fol., 1495-1498 ; les éditions princeps d’Aristophane, d’Athénée, de Démosthène (exemplaire en grand papier), d’Hippocrate, de Jamblique, de Thucydide.
La classe des beaux-arts est des plus intéressantes ; à côté des recueils d’estampes, de gravures et de portraits, at auprès de grands ouvrages à figures se trouve une réunion presque complète des livres ornés de figures gravées sur bois par Jost Ammon, Virgile Solis, Hans Sébald, et autres petits maîtres allemands du XVIè siècle. Nous mentionnerons seulement, en prenant au hasard : Un volume grand in-folio, contenant 2.000 gravures sur bois environ, depuis les premiers essais de l’art (il y a deux planches xylographiques) jusqu’aux productions contemporaines. Pour obtenir un pareil recueil, il a fallu détruire une multitude de volumes ; plusieurs anciennes éditions en différentes langues, des Icones Mortis d’Holbein ; les Caprichos de Goya, un inappréciable volume contenant 221 dessins, croquis et esquisses de costumes et de caricatures.
Des livres sur la chasse, de précieux voyages, mériteraient aussi d’être signalés, et l’histoire, on peut le croire, tient une place distinguée sur cet inventaire véritablement étonnant. Pourquoi faut-il que, faute d’espace, nous soyons obligé de n’accorder aucune mention spéciale à ces ouvrages sur l’art héraldique, si recherchés aujourd’hui ? Dans la section de l’archéologie, on distinguera sans peine quelques volumes des plus précieux, notamment un magnifique recueil de dessins originaux (au nombre de 97), faits, en 1845, par Beauvalet de Saint-Victor, d’après les originaux d’Herculanum, de Pompéi, de la Sicile et des musées d’Italie.
Observons aussi en passant que nos regards sont tombés sur les titres de quelques ouvrages qui ne figurent pas habituellement sur les catalogues des ventes faites à Paris ; mais ces livres, étant en langue française, peuvent probablement avec moins d’inconvénients être présentés à Londres aux enchères publiques, et ils auraient obtenu, nous le craignons, un prix supérieur à celui qu’on eût donné pour une collection entière des Moralistes anciens et modernes. En tous cas, ces Libri di fuoco (littéralement des Livres de feu ou destinés au feu, à être brûlés …) ont accompli leur destinée.
Il est bien dur de se trouver en face d’une réalité désolante, de se dire que ces milliers de volumes, d’une conservation parfaite au-dedans et au dehors, que ces livres dignes de figurer dans la bibliothèque d’un souverain, que tous ces ouvrages qu’on se serait disputé à coups de bank-notes, qu’on se serait arraché à prix d’or, ont péri sans retour.
Je défie tout véritable amateur de lire sans palpitations de cœur le catalogue si bien rédigé, si soigneusement classé par M. Léon Téchener, et qui, précédé d’une dédicace aux bibliophiles français, restera comme un modèle en son genre. Avec quel plaisir on en aurait noté les prix d’adjudication ! Que d’additions importantes pour une nouvelle édition du Manuel du libraire ! Mais le destin se joue de nos projets, et des livres comme des hommes, il ne reste qu’un peu de cendre que les vents dispersent.
Nous avons placé le catalogue dont nous présentons une analyse bien incomplète à côté de notre exemplaire d’un volume relatif à une autre bibliothèque qui, elle aussi, a péri dans un incendie, nous voulons parler de l’inventaire raisonné, imprimé à Paris, en 1805, de la collection nombreuse et bien choisie que le comte de Bourtoulin avait réunie à Moscou. Ce fruit de trente ans de recherches disparut dans la grande catastrophe de 1812. »
Gustave BRUNET.
Voilà avec les jolis mots de Gustave Brunet comptée l’histoire de livres qui ne sont plus. Si cet article évoque quelque chose pour vous, si vous avez eu à vivre un tel désastre, une destruction de vos livres, par l’incendie ou tout autre catastrophe, n’hésitez pas à partager avec les autres membres du blog vos impressions.
Cela rappellera à certains l’image de l’incendie du donjon d’une certaine abbaye bénédictine du nord de l’Italie. L’histoire commençait ainsi : En l’an 1327… Mais ceci est une autre histoire…
Merci beaucoup Bertrand!
Photos jointes : Londres pendant un de ses premiers grands incendies au XVIIè siècle (1666), la marque d’appartenance du libraire Téchener, tracé à la plume sur la dernière garde blanche d’un magnifique exemplaire relié par DURU (reliure datée 1850). Hypnerotomachia Poliphili. Venise: Aldus Manutius, décembre 1499. Vignette gravée sur bois (heureux ceux qui possèdent un Poliphile!).
jeudi 28 juin 2007
Portrait de bibliophile : Raphael
H
Attention, très beau portrait...
mercredi 27 juin 2007
Partir un jour....
Afin de préparer ce départ et mon absence, je vous propose deux choses :
1. Vous pouvez soit m'envoyer un email (pour que j'ai votre adresse email), soit souscrire à l'alerte email (colonne de gauche du blog) et vous serez alors averti par email si je poste un nouveau message.
2. Je vais ouvrir un message spécial vacances, juste avant de partir, dans lequel vous pourrez communiquer via les commentaires, si vous avez envie de débattre ou d'animer un peu le blog.
De mon côté, j'essaierai de poster quelques messages, mais je ne peux le garantir. Je serai de retour le 15 juillet, pour reprendre une activité quasi normale (je pense que pendant les mois de juillet et août vous m'autoriserez à poster un message tous les deux jours, non?).
Quoi qu'il en soit, j'espère que vous resterez fidèles au blog. La rentrée sera de qualité, c'est promis, mais nous avons encore de nombreux messages d'ici là.
Mon adresse : blog.bibliophile@gmail.com
H
P.S. : messages du jour ci-dessous.
Citation de Nodier
Elle illustre parfaitement pourquoi j'ai décidé de faire ce blog, et peut-être un peu pourquoi vous y passez.
Vous pouvez la retrouver sous le titre du blog, je crois qu'elle va rester là longtemps.
La voici : "Après le plaisir de posséder des livres, il n'est guère de plus doux que celui d'en parler.".
Merci beaucoup Bertrand.
H
P.S. : ci-dessous, votre message du jour, sur la souscription au 18ème siècle, avec une belle galeire de portraits issus des Voyages de Cook.
La Souscription au 18ème
En fait, la souscription était utilisée dans deux cas principaux : le premier, lorsqu'un libraire ou un écrivain sans mécène souhaitait couvrir ses frais d'impression avant la distribution et un succès peut être fort aléatoire. Dans ce cas, le livre ne se fait que si le nombre de souscripteurs est suffisamment important, et il contiendra d'ailleurs le plus souvent une liste des souscripteurs, à titre de reconnaissance, mais aussi pour mettre leur générosité en avant (néanmoins, les généreux souscripteurs français et allemands négligeront le plus souvent cette publicité, considérée comme vulgaire, alors qu'elle est fort prisée en Angleterre)... Dans le second cas, des souscriptions sont également lancées pour des ouvrages exceptionnels.
Sur le plan pratique, c'était assez simple, on imprimait des prospectus pour annoncer la souscription. Ceux-ci étaient disponibles chez le libraire, parfois affichés sur sa devanture, voire envoyés aux clients habituels de la librairie. La souscription en elle-même peut soit être une avance, soit être une promesse d'achat du livre lorsque celui-ci paraîtra. Il est à noter que dans ce dernier cas, le livre sera vendu aux souscripteurs à un prix généralement inférieur au prix "public".
Comme je l'évoquais pour l'édition de Kehl, dans le cas d'une édition en plusieurs volumes, un calendrier des avances est établi, et comme dans le cas de Kehl, il arrive que des mécènes souscrivent à des exemplaires qu'ils renonceront à recevoir. Pour l'édition de Kehl financée par Beaumarchais, c'est le roi de Prusse, grand ami de Voltaire, qui renonça ainsi à certains de ses... 200 exemplaires!
On considère généralement que cette technique de financement fût mise au point par les anglais au 17ème siècle, elle servi notamment pour la Bible polyglotte de Walton. En France, le procédé devint courant au 18ème et on pense que c'est l'Antiquité expliquée et représentée en figures de Montfaucon qui fût le premier ouvrage concerné, en 1716.
Passé le 18ème, ce procédé est moins prisé, et ne restera rare par la suite, quand la production industrielle permettra d'imprimer à des coûts moindres. Aujourd'hui, la souscription est limitée aux ouvrages de luxes, dont le tirage limité et numéroté. Dans la plupart des cas, le souscripteur se voit alors remettre un exemplaire nominatif.
mardi 26 juin 2007
Reliures anciennes : exposition virtuelle I
Merci à tous ceux qui m'ont envoyé des images, c'est vraiment très gentil d'avoir pris le temps nécessaire.
Plutôt que de les regrouper par propriétaire, je les ai regroupées par période, j'espère que vous me pardonnerez, mais cela m'a semblé plus pertinent. Nous commencerons donc aujourd'hui par les reliures anciennes, c'est à dire globalement avant 1805.
J'ai peu à ajouter, je suggère que vous interveniez dans les commentaires. Ouvrez vos yeux, commentez, rêvez... identifiez les armes!
A noter, j'ai créé un album pour cette exposition (Album Expo 1), que vous pouvez retrouver dans la colonne de droite, vous aurez toutes les photos sur un seul écran, mais pas les légendes (la vie est injuste).
Les Reliures anciennes, jusqu'à la fin du 18ème :
H : une reliure ancienne aux armes mosaïquées sur un poème macaronique (1699)
H : une reliure à la fanfare du 18ème, aux armes royales.
H : une sélection de reliures17 et 18ème.
H : une reliure 17ème aux armes de Luynes
H : joli elsevier 17ème en plein maroquin (Ovide, 3 vols)
H : belle reliure 17ème aux armes de Marie Thérèse d'Autriche.
Patrick : plein veau vert aux armes NI - 1561 - Marulle - Michaelis Tarchahaniotae
Patrick : Plein maroquin aux armes de Marie Leczynska, donné par la reine Marie Antoinette à la duchesse de Tourzel gouvernante des enfants de Louis XVI et qui accompagna la reine à la Prison du temple.
Philippe : Eutychius (Oxford, 1658) : un ouvrage du Patriarche d'Alexandrie, impriméen arabe et ayant pu être feuilleté par Napoléon...(Bibliothèque de la Malmaison)
Philippe : Un vélin doré sur les oeuvres de Ronsard, Buon 1571
Gérard: petit calendrier almanach 1789 aux armes de la comtesse de Bourbon-Busset
Gérard : almanach royal 1788 (armes non identifiees)
Gérard: almanach royal 1771 armes de Armand Gaston Maximilien de Rohan eveque de Strasbourg
Gérard : semaine sainte armes de la dauphine Marie Therese d'Espagne, 18ème.
H : maroquin aux grandes armes de Louis XIII.
Bertrand : almanach royal aux armes de Louis XV 1751 reliure veau brun granité
Bertrand : de l'esprit en EO 1758 tirage 1B reliure veau marbré époque
Bertrand : détail plat reliure vers 1530 estampé à froid à la roulette
Gérard : detail plat reliure vers 1530 estampé à froid à la roulette
J'ai ajouté les prénoms des propriétaires au cas où vous voudriez leur poser des questions, voire identifier certaines armes encore inconnues.
P.S. : je poste tôt... Suis absent ce soir.
lundi 25 juin 2007
Enigme n°4 - La solution
Pourquoi pirate dans l'indice? Un pirate abandonné par ses frères sur une île pour mauvaise était marronné, ou devenait "marron" ou "maron".
Félicitations à Raphael, qui a trouvé la bonne réponse à 20h24, soit 9 minutes après sa mise en ligne.
Félicitations également à Philippe "Lexovien", qui a également trouvé la bonne réponse, mais un peu plus tard.
Je ne sais pas si cela vous a plu, et si vous cherchez vraiment chez vous... mais ce qui est certain, c'est que vous fûtes nombreux à passer sur le blog ce soir, très nombreux!
Vous en voulez encore?
H
Enigme du Bibliophile n°4
"Interdit, prohibé, mis à l'index, brûlé même... On m'aura tout fait ou presque...
Mot de la langue française, je suis employé au 18ème siècle par les gens du métier pour désigner familièrement les livres prohibés.
Pour arriver jusqu'à mon lecteur, je suis parfois imprimé sur des presses portatives, ou je dois courir les chemins sur le dos des colporteurs et autres passeurs qui feront tout pour m'amener jusqu'à mes lecteurs.
Je suis connu de l'Encyclopédie, qui dit de moi que je ne suis point un terme fort académique, et que je désigne précisément, un ouvrage imprimé sans privilège, sans approbation, sans nom d'imprimeur ou de lieu, furtivement. Elle blâme d'ailleurs ceux qui se prêtent à ma fabrication..
Je suis, je suis?"
Un indice : on pourrait dire, en quelque sorte, que je suis un livre pirate.
Si vous avez la bonne réponse, envoyez moi un email (mieux) ou inscrivez votre réponse en commentaire (moins bien).
H
P.S. : je rappelle le score, Messire Guillaume de Baskerville 2, votre serviteur 1... tous les autres...0 (allez, on se réveille!)
De quoi méditer....
L'anglais sir Richard Heber, qui laissa à sa mort (1833) 150 000 volumes avait pour principe "qu'un bon bibliophile doit avoir trois exemplaires de chaque ouvrage intéressant, et s'employer à les trouver: le plus beau pour le montrer, le second pour s'en servir, le troisième pour être mis à la disposition des amis.»
Comment lui donner tort, s'il en avait les moyens!
Ah douce musique à mes oreilles que ces mots d'un autre bibliomane (je mène un combat pour que ce mot ne soit pas uniquement péjoratif!)...
H
N'oubliez pas que je vais vous soumettre une nouvelle énigme bibliophilique ce soir... Elle est brevetée anti-google et me semble difficile à trouver, même entouré de nombreuses bibliographies. Pour trouver il vous faudra un peu de Culture... ah, la Culture!
dimanche 24 juin 2007
Les filous du jour.... L'imprimerie clandestine à Paris au 18ème
Il y a quelques jours j'évoquais les stratagèmes utilisés sur les pages de titre (fausses adresses, etc.) par les imprimeurs et libraires pour échapper au pouvoir en place quand il s'agissait de livres interdits. Etaient ce des filous, ou des escrocs? Oui, si l'on s'en tient à la loi, non, si on considère que les livres contrefaits et prohibés étaient totalement entrés dans les moeurs à cette époque.
Oui, enfin, carrément même, si on a besoin d'écrire un message dominical sur les filous du monde du livre ancien!
Si les livres prohibés faisaient partie du "quotidien" des lecteurs du 18ème, leur production n'était toutefois pas sans risques. Aussi, si les risques se limitaient à l'acheminement vers Paris depuis l'étranger pour les livres interdits(on connaît ainsi une filière depuis la Suisse, qui passait par Troyes), quand ces mêmes livres étaient imprimés à Paris, la pratique était plus dangereuse.
Ceci dit, une fois le livre imprimé, les risques diminuaient nettement et on comprend donc pourquoi malgré les difficultés, la tentation d'imprimer à Paris, au coeur du marché, était si forte. En effet, si l'impression était sans risque à La Haye ou Genêve, il n'était pas rare que les livres soient saisis aux portes de la capitale, entraînant une perte financière évidente pour le faussaire. Les filières pour "passer" en fraude ces livres aux portes de la capitale étaient d'ailleurs nombreuses : livres cachés dans des ballots de marchandises, dans des voitures à double fond, voire confiés à des valets de princes du sang... qui passaient évidemment aux portes sans être fouillés.
Dans Paris, le problème était d'imprimer. Les Anecdotes Typographiques, de Nicolas Contat nous renseignent : cela passait le plus souvent par la location d'une maison à double entrée dans un faubourg, avec un jardin donnant sur d'autres jardins, pour permettre une fuite éventuelle puis on se procurait papier et presse qu'il fallait introduire en cachette dans la maison. Le papier était souvent caché dans une boîte à perruques, ou une hotte de blanchisseuse, et on utilisait le même procédé pour "sortir" les ouvrages imprimés.
Malesherbes, le fameux Directeur du la Librairie, écrivît d'ailleurs dans son Mémoire sur la liberté de la Presse qu'il estimait le nombre de presses portatives permettant ce genre de travail à une centaine dans Paris, en 1788 : "des presse qu'on peut enfermer dans une armoire, avec lesquelles chaque particulier peut imprimer lui-même et sans bruit". J'ignorais complêtement cela...
Des filous, certes, mais sans eux combien de livres n'auraient jamais existé!
Je vous rappelle que demain, à 20h15, une nouvelle énigme bibliophilique vous attendra sur le blog!
H
Images : presses et imprimeurs au fil des siècles.nt cela/
Enigme Bibliophile n°4
samedi 23 juin 2007
Happy Birthday
Les reliures en peau humaine....
Ces deux ventes m'ont amené à réfléchir sur ces reliures. Pour tout dire, lors de la première vente, je suis allé à l'exposition la veille et le matin de la vente. La première fois, je n'ai pas osé prendre le livre en main, il était d'ailleurs présenté dans une sorte de cellophane. Mais le lendemain, je l'ai pris en main. A Versailles, quelques moi plus tard, je l'ai prise en main directement.
Dans les deux cas, j'ai participé aux enchères, dans les deux cas, je n'ai pas remporté le lot (de mémoire 6000-7000 euros pour la Danse de la Mort, et 1800 euros pour le curiosa). Je collectionne les Danses de la Mort, et je suppose que c'est la raison pour laquelle j'ai finalement participé aux enchères. La seconde fois, ce fût plus pour l'objet. Je précise que je n'ai aucun goût pour les objets macabres, et que c'était plus une démarche à mi-chemin entre la bibliophilie et le cabinet de curiosité.
Finalement, j'ai effectué quelques recherches sur ce type de reliures, et je me dis aujourd'hui qu'il y a là matière, si j'ose dire, à écrire un message pour le blog.
Le 20ème siècle n'est pas loin, et si vous me lisez régulièrement, vous savez, ou vous avez compris quelle horreur m'inspire le 3ème Reich et son sinistre cortège. Ma famille en a d'ailleurs directement souffert. Je fais ce petit préambule, parce que moins de 100 ans après ce génocide atroce, il est encore dans nos mémoires et les reliures et objets en peau humaine font partie des images qui peuvent être associées aux actes impardonnables de ce régime abject. Mes lectures sur le sujet, sans fascination morbide, mais par pure curiosité bibliophilique cette fois-ci, m'ont permis de comprendre que les reliures en peau humaine ont existé bien avant 1939 et n'ont rien à voir avec le 3ème Reich.
En fait, même s'il est probable qu'elles aient existé avant, et sans doute depuis que l'homme sait tanner une peau et relier un livre, les premières reliures de ce type avérées datent du 18ème siècle, et probablement de la période de la Révolution. Et elles n'étaient pas aussi rares qu'on peut le penser. Aussi, toutes les grandes bibliothèques disposent elles de ce type de livres, qu'elles préservent le plus souvent du regard des visiteurs.
En réalité, n'en déplaise à Lovecraft qui évoque ce type de reliure pour son Necronomicon et autres ouvrages occultes, ce sont principalement des ouvrages de médecine ou des Danses de la Mort qui ont bénéficié de ce type de reliures. Ce fait mériterait d'être vérifié (Philippe, c'est vous l'historien), mais il semblerait qu'une tannerie spécialisée dans ce type de peau ait existé à Meudon sous la Terreur (sous toutes réserves)... Ce qui est certain en revanche, c'est qu'un des livres les plus connus avec ce type de reliure est un exemplaire de la Constitution de 1793. Cet exemplaire, qui a eu plusieurs possesseurs, dont le marquis de Turgot et Villenave, a été acheté en 1889 par la bibliothèque Carnavalet.
C'est au 19ème siècle semble-t-il qu'on relié le plus "fréquemment" des livres avec de la peau humaine... Je précise que la peau était prélevée sur des cadavres, généralement eux-mêmes confiés aux Facultés de Médecine. Dans l'exemplaire qui fût mis en vente à Drouot, il était précisé des conditions dans lesquelles la peau avait été prélevée, sur un corps "à l'étude", à la Faculté (il y avait même le nom de la personne).
C'est sans doute pour cela que les livres reliés en peau humaine appartinrent le plus souvent à des médecins (sans doute "immunisés") et recouvrirent le plus souvent des ouvrages de médecine. On connaît ainsi un Vesalius relié en peau humaine, conservé dans une bibliothèque américaine (... c'est un in-folio... je vous laisse imagine la surface... Bon ok, un peu d'humour, ça détend l'atmosphère, non?). En dehors de ces livres d'anatomie, et encore plus souvent de dermatologie, le 19ème siècle verra quelques amateurs confier des Danses macabres à des relieurs pour qu'ils les relient ainsi. L'approche est alors plus ironique.
Quelques livres cependant ont une histoire particulière : ainsi les confessions de George Walton (Narrative of the Life of James Allen alais George Walton), dont l'auteur exigea qu'un exemplaire fût relié avec son épiderme après sa mort. Cet exemplaire porte d'ailleurs l'insription "HIC LIBER WALTONIS CUTE COMPACTUS EST" sur le 1er plat, ce qui signifie, ce livre a été écrit par Robert Walton et relié dans sa propre peau.On connaît également l'histoire du livre ayant appartenu à l'astronome français Camille Flammarion (conservé à la bibliothèque de l'observatoire de Juvisy), relié en peau humaine, et qui aurait été relié avec la peau d'une connaissance de Flammarion, après le décès de celle-ci. Si l'exemplaire est bien réel, diverses versions existent sur la provenance de la peau.
D'autres exemples : La bibliothèque de Cleveland possède un Coran, relié avec la peau d'un croyant, à sa demande, après sa mort. On connaît aussi une traduction des Georgiques de Jacques Delille, reliée avec un morceau de sa peau, qui aurait été volé sur son corps après son décès. Enfin, la bibliothèque de Harvard possède un exemplaire de la Danse des Morts de 1816, qui fût reliée en peau humaine par le grand relieur londonien Joseph Zaehnsdorf en 1893. Pour la petite histoire, Zaehnsdorf envoya un courrier à son client pour lui dire qu'il n'avait pas assez de matériau et qu'il allait donc devoir répartir la peau.
Pour tout vous dire, pour avoir eu deux exemplaires entre les mains, il est difficile de faire la différence avec un vélin, c'est peut-être plus sombre, mais je pense que c'est lié à la méthode utilisée. Le toucher... et bien... aisé à imaginer. C'est la sensation qui est étrange. D'ailleurs, les bibliothèques précisent en général que ces reliures sont de grande qualité et ne nécessitent aucun entretien particulier.
Ce message ne traite bien entendu que des reliures réalisées ainsi avant le début du 20ème siècle, l'évolution des moeurs ayant fait disparaître cette pratique par la suite. Je m'abstiendrai de juger, je pense qu'il faut considérer cela comme une curiosité (comme les têtes Jivaro, les reliques, etc.). On peut simplement émettre une réserve sur le fait que les personnes décédées n'avaient pas toujours donné leur accord pour ce type de prélèvement en confiant leur corps à la science (quand ce fût le cas). Pour les autres, qui furent volontaires et organisèrent le prélèvement sur leur propre peau après leur trépas... finalement, ils ne firent de mal à personne.
Nulle fascination, mais de la curiosité, qui n'est pas morbide, je le rappelle. Pour vous le prouver, je prépare un message sur les reliures en porcelaine, comme quoi!
Je rappelle que si vous avez envie d'ajouter des images de reliures dans l'expo virtuelle que je vais faire sur le blog, vous pouvez m'envoyer des images. Elles seront bienvenues.
H
Images : des reliures en peau humaine, justement.
Expo virtuelle
vendredi 22 juin 2007
De L'Esprit et de la Censure
Il s'agît de l'ouvrage "De l'Esprit", de Claude-Adrien Helvétius, paru en format in-4 en 1758.
Le scandale fût double et illustre bien les tortueuses voies que devait suivre un livre pour pouvoir être publié à l'époque. Pourquoi double? A la fois parce que le contenu lui-même du livre était matière à scandale (Helvétius établit la nécessité d'appuyer la morale sur l'amour de soi et de faire reposer la conception de l'univers sue le matérialisme... ce qui est assez loin des thèses de l'Eglise de l'époque, vous l'imaginez), et parce que le livre parût malgré cela avec un privilège... c'est à dire l'approbation de l'état!
En fait, Hélvétius était un homme puissant, fermier général depuis 1738 et bénéficiant de la protection de la Reine. Mondain, esprit brillant, fréquentant les philosophes (il est probable qu'il participa à l'avneture de l'Encyclopédie), il comprît vite que son ouvrage de philosophie morale et politique allait avoir des difficultés à passer sous les fourches caudines de la censure.
Il va alors intriguer et faire jouer ses relations auprès de Malesherbes pour que Tercier, un agent du Roi, soit désigné comme censeur de l'ouvrage. Helvétius lui fît alors remettre le manuscrit (en désordre!) et n'aura de cesse de harceler Tercier pour que celui-ci donne son aval. Tercier est un homme débordé, et Helvétius un homme puissant, proche de la Reine, aussi le censeur survolera-t-il apparemment l'ouvrage et se contentera de demander quelques légères retouches... qui ne seront pas effectuées, puisque c'est l'imprimeur qui, prenant le relai d'Helvétius, portera les épreuves au premier commis en lui disant que tout est en ordre, et urgent....
Malesherbes réussit in-extremis à faire ajouter quelques cartons, mais l'ouvrage finît par paraître (1758), contenant à la fois le privilège et son texte proprement scandaleux... Le Parlement intervînt aussitôt en l'insérant dans une liste de livres interdits, il fût rejoint par la Sorbonne et le Pape et le livre fût brûlé publiquement les 31 janvier et 10 février 1759.
Helvétius et Tercier furent soumis à diverses humiliations, ils durent notamment se rétracter publiquement et perdirent certaines de leurs attributions... Tercier disparût rapidement et Helvétius voyagea vers d'autres cieux plus amicaux, notamment en Allemagne et en Angleterre... Son ouvrage suivant, "De l'Homme", parût en 1773, après sa mort. Ses oeuvres complètes parurent elles en 1796 (14 volumes in-8).
C'est je crois un cas unique d'un ouvrage qui parût avec un véritable privilège pour être immédiatement condamné au bûcher. Je ne suis pas philosophe mais l'ouvrage marqua son époque et participa au progrès des idées,... même si Voltaire le qualifia de "fatras"!
Triste époque où l'on brûlait ainsi des livres...
H
Images : quelques cinglés et autres "abrutis" (euphémisme gigantesque) brûlant des livres... J'aime beaucoup la première, regardez la tête de ceux qui dansent autour du bûcher. Et Helvétius.
jeudi 21 juin 2007
Portrait de Bibliophile, Isabelle, professeur de lettres
Bonjour Isabelle, pourriez-vous nous parler un peu de vous et de votre bibliothèque?
Ma bibliothèque (ou plutôt mes bibliothèques) ploient sous le poids des livres de toutes les formes, aux thèmes les plus divers. Outre les inévitables manuels scolaires, les classiques de latin et de grec et de nombreux autres livres récents (romans ou documentaires), je possède surtout des ouvrages du XIXème siècle, qui me semblent assez différents mais qui finalement ont presque tous pour objet d’instruire leurs lecteurs : j’ai ainsi plusieurs revues reliées comme Le Journal des Demoiselles, Le Magasin des Demoiselles, Le Magasin Pittoresque, Le Journal des Mères et des Enfants… J’apprécie aussi les livres pour enfants, souvent écrits par des auteurs bien oubliés mais joliment illustrés. J’aime découvrir dans tous ces livres l’état d’esprit de « l’époque », la curiosité et l’étonnement des gens face à des techniques de plus en plus performantes mais aussi l’évolution des mœurs. Cela remet aussi certaines idées en place : il y a bien longtemps qu’on se lamente sur les caprices des saisons, la disparition de la bonne éducation et que l’on regrette le bon vieux temps !
Depuis quand la passion de la bibliophilie s'est-elle emparée de vous?
Quels sont vos domaines de prédilection, ou votre approche est-elle éclectique et vous fonctionnez au coup de coeur?
Il faut dire aussi que mes moyens financiers restent malheureusement un critère de sélection : je n’ai jamais encore dépensé plusieurs centaines d’euros pour un livre. Mais même avec de petits moyens, j’ai eu parfois de bonnes surprises : dans une foire à tout, j’ai trouvé pour quelques euros seulement un petit livre vendu « dans son jus » (ce terme lui convient parfaitement) : grossièrement relié dans un parchemin un peu craquelé, il a pour titre « Prophéties Perpétuelles, très anciennes et très certaines de Thomas Joseph Moult » et doit dater d’environ 1745. Il est loin d’être en bon état mais amusant à lire. Hélas, je n’ai pas de « scoop » à vous apprendre sur les prochaines années car les prédictions aujourd’hui vérifiables n’ont pas toujours prouvé leur fiabilité !
Où achetez vous vos livres ? Internet, salons, libraires?
Quel est le ou les livres qui vous font rêver? Et les livres que vous possédez déjà et qui vous sont particulièrement chers?
Dans le cadre de mes « possessions », j’aurais bien du mal à choisir le livre que je préfère. J’ai quelques reliures (malheureusement assez abimées) du Journal des Mères et des Enfants, une revue pédagogique du milieu du XIXème siècle qui a des idées assez novatrices sur l’éducation et qui présente régulièrement une double page de dessins documentaires pour illustrer certains textes.
Mon père m’a un jour offert un exemplaire de « L’Aiglon » d’Edmond Rostand, « quarante deuxième mille », 1900, Librairie Charpentier et Fasquelle. Apparemment, il n’a rien de remarquable ; la reliure est assez usée, le papier a pris une teinte brune. Mais, à la première page se trouve un envoi … assez méchant :
« Pour réparer des ans, l’irréparable outrage
(Racine)
Le flux les apporta, le reflux les remporte
(Corneille)
Compare ces deux vers à celui-ci :
Eh bien ! mais … Sire ! Oui, Sire ! Ah ! Sire ! Sire ! Sire ! »
Ce dernier vers (assez peu riche, il faut l’admettre) est bien extrait de l’Aiglon.(Acte III, sc II)
Or, cet envoi, écrit en travers d’une des premières pages, est signé : Sacha Guitry.
S’agit-il d’un envoi authentique de Sacha Guitry ? On peut le penser. Sacha Guitry avait une quinzaine d’années à l’époque. Il était le fils de Lucien Guitry qui tenait le premier rôle masculin dans la pièce et était un familier de Rostand.; l’adolescent moqueur a sans doute dédicacé ce livre à un camarade, faisant ainsi déjà preuve de l’ironie qui allait le rendre célèbre. (Malheureusement, je n’ai pas trouvé d’autre exemple d’écriture de Guitry à 15 ans pour pouvoir faire une comparaison et lever le doute. Mais quel qu’en soit le véritable auteur, je trouve cet envoi plutôt « piquant » !)
Enfin, vous êtes une visiteuse fidèle du blog... qu'en attendez-vous?"
Bref, continuez ce mélange des genres que vous savez pratiquer avec esprit et humour !
Images : Le Journal des Mères et des Enfants (Revue d'éducation nouvelle), les Mille et Une Nuits et l'envoi de Guitry.