Etre Bibliophile, c'est aussi il me semble dépasser la relation au livre objet et au texte pour s'intéresser à l'histoire du livre, à la science du livre, sous tous leurs aspects.
J'ai déjà évoqué ici quelques "livres sur les livres", sans pourtant jamais m'attarder sur le plus exhaustif d'entre eux, qui procure des centaines d'heures de lecture agréable et instructive au bibliophile: le Dictionnaire Encyclopédique du Livre. Cet ouvrage monumental est en effet une mine extraordinaire d'informations sur le livre et la bibliophilie. Avec le Manuel de Bibliophilie de Christian Galantaris, il constitue l'un des ouvrages de référence.
Ce Dictionnaire encyclopédique du livre a été élaboré sous la houlette de trois directeur (Pascal Fouché, Daniel Péchoin et Philippe Schuwer) et cinq « responsables scientifiques » : Pascal Fouché et Philippe Schuwer pour l’édition contemporaine, Jean-Dominique Mellot pour l’histoire du livre et de l’édition, Alain Nave pour les arts et industries graphiques et Martine Poulain pour la "bibliothéconomie" et la lecture – tandis que Martine Barruet prenait en charge l’iconographie. C'est Henri-Jean Martin qui le préface, mais au final, ce sont plusieurs centaines d'auteurs qui ont déjà participé aux deux premiers volumes.
Il s'agît bien d'un dictionnaire: si cette forme un peu abrupte surprend au premier coup d'oeil, on s'en félicite très rapidement lorsque l'on cherche une information précise, qu'il faut parfois trop longuement traquer dans de nombreuses bibliographies. Ici la recherche est directe et rapide et on se laisse souvent transporter d'une entrée, d'une notice à l'autre... Il y en a déjà plusieurs milliers dans les deux premiers volumes.
La grande qualité est que les notices sont le plus souvent rédigées par des spécialistes de chaque sujet. Enfin, l'ouvrage est global, au sens où il traite aussi bien les diverses formes de reliure que les imprimeurs parisiens du 17ème siècle ou les grandes bibliothèques, etc.
Je ne peux que vous recommander ce Dictionnaire Encyclopédique du Livre dont seuls les deux premiers volumes (sur 3) sont déjà sortis des presses. En passant, j'ajoute que l'ouvrage lui même est de qualité: bien imprimé, sur un papier de très bonne qualité, en format in4. Un bémol? Il est cher, très cher (350 € les deux volumes au maximum), mais si vous pouvez vous le permettre, vous ne le regretterez pas. Vous y apprendrez un nombre incroyable de choses sur le livre et la bibliophilie.
H
P.S.: petit point sur les chiffres du blog... Vous fûtes environ 3000 bibliophiles différents ou "uniques" à visiter le blog au mois d'octobre. Les chiffres ne cessent de croître, je vous en remercie.
6 commentaires:
J'espère que Hugues me permettra de compléter son article: j'ai écris récemment à l'éditeur (via son site internet), pour lui demander si le t.3, que l'on attend depuis plus de deux ans était toujours d'actualité: on l'annonce pour 2009, peut-être avril!
L'investissement est certes important, mais il en vaut la peine. Le dictionnaire réserve d'excellentes surprises, et peu de mauvaises. Incontournable!
Bonjour,
C'est un ouvrage de base effectivement. Si vous n'avez pas les moyens de vous l'offrir il est disponible dans toutes les bonnes bibliothèques !
Bien cordialement
Léo
J'espère ne pas faire redite en signalant deux ouvrages collectifs de référence récents:
"Histoire de l'édition française" (édition 1985 illustrée Promodis et 1990 Fayard)en 4 volumes.
et "la naissance du livre moderne, XIVe-XVIIe" 2000 (éd du Cercle de la Librairie).
Lauverjat
Des notices sont beaucoup plus étendues que les autres : Amérique hispanique, arabe, bible, biblio- (de bibliatrie à bibliuguiancie : 61 pages, à plusieurs mains) et cuisine.
Quelques erreurs concernant Une saison en enfer (édition originale et non 1ère édition belge, p. 241), l’accent sur le « e » de Beraldi (p. 248), les dates d’état civil des frères Cramer (p. 682), Félicia ou mes fredaines (qui n’est pas une édition de Cazin, p. 707), la date de publication de la gravure représentant la librairie Dentu (publiée le 15 avril 1869, p. 748).
On regrette surtout l’absence d’entrée, même s’ils sont cités ailleurs, pour : le relieur Charles Allô (1824-1890), Charles Asselineau (1820-1874), auteur de L’Enfer du bibliophile, Auguste Aubry (1821-1878), fondateur du Bulletin du bouquiniste, le duc d’Aumale (1822-1897), l’un des plus grands bibliophiles de tous les temps, Ernest Quentin-Bauchart (1830-1909), auteur de Les Femmes bibliophiles de France, Auguste Bernard (1811-1868), historien de l’imprimerie, le typographe René Billoux (1870-1950) et son Bulletin officiel des maîtres imprimeurs, Armand Bertin (1801-1854), directeur du Journal des débats et possesseur d’une des plus belles bibliothèques particulières d’Europe, Henri Bouchot (1849-1906), historien du livre, Henri Boulard (1754-1825), parangon du bibliomane, Jules Brivois (1832-1920), auteur de la Bibliographie des ouvrages illustrés du XIXesiècle, le bibliographe Pierre-Gustave Brunet (1805-1896), le relieur Charles Capé (1806-1867), Léopold Carteret (1873-1948), auteur de Le Trésor du bibliophile romantique et moderne, l’historien du livre Albert Cim (1845-1924), Anatole Claudin (1833-1906), historien de l’imprimerie, Henry Cohen (1806-1880), auteur du Guide de l’amateur de livres à vignettes du XVIIIesiècle, Léon Conquet (1848-1897), un des plus fervents zélateurs de la cause du livre d’art, le bibliographe anglais Thomas-Frognall Dibdin (1776-1847), l’imprimeur Charles Draeger (1844-1899), Fernand Drujon (1845-1912), auteur de Les Livres à clefs.
Manque également une entrée pour un livre fondateur : L’Apparition du livre, par Lucien Febvre & H.J. Martin.
Jean-Paul Fontaine
Le deuxième volume (E-M) concerne les neuf lettres suivantes de l’alphabet.
On peut se demander ce que fait ici l’e-book, incongruité informatique dont la notice est en outre d’ores et déjà obsolète.
Certaines notices sont très développées : encre, France, imprimerie, Inde et jeunesse.
D’autres sont un peu courtes et nous laissent sur notre faim de savoir : ex-libris, La Vallière, Lemerre, livre ancien, marque-page.
Si Art & métiers du livre a fait l’objet d’une entrée dans le premier volume, ainsi que le Bulletin du bibliophile qui, lui, méritait plus de quinze lignes, de même que la Revue française d’histoire du livre dans le troisième volume, Le Magazine du bibliophile, seul mensuel de langue française dans le même domaine, n’a même pas droit à une citation.
On relève quelques erreurs : la notice sur Lesné est fautive, à cause de Beraldi recopié aveuglément (p. 731), la gravure représentant la Librairie nouvelle, qui appartenait alors à Bourdilliat et Jaccottet et non à Michel Lévy frères, a été publiée en 1857 (p. 740), le premier livre de peintre est Faust, publié en 1828, et non Le Fleuve, publié en 1874 (p. 793).
Libri méritait-il plus de deux pages, alors que les frères Garnier n’ont qu’une demi-page, et sans leurs portraits ?
On regrette l’absence d’entrée pour : François Fertiault (1814-1915), auteur de Les Amoureux du livre, le libraire Auguste Fontaine (1813-1882), Gilles de Gourmont (1480-1527), premier imprimeur parisien ayant utilisé des caractères grecs, l’auteur dramatique René-Charles Guilbert de Pixerécourt (1773-1844), cité avec deux « é » dans l’Index, ami de Charles Nodier et Paul Lacroix, Gabriel Hanotaux (1853-1944), auteur de La Jeunesse de Balzac, Balzac imprimeur, 1825-1828, Jules Janin (1804-1874), auteur de Le Livre, Damase Jouaust (1835-1893), imprimeur érudit et ses collections, Pierre Lambinet (1742-1813), l’un des meilleurs écrivains qui traitèrent de l’imprimerie, Antoine Laporte (1835-1899), « l’Apôtre bibliographe », Charles de La Serna (1752-1813), historien de l’imprimerie du XVe siècle, Jules Le Petit (1845-1915), auteur d’une Bibliographie des principales éditions originales d’écrivains français,du XVeau XVIIIe siècle, Georges Lepreux (1858-1918), auteur de l’irremplaçable Gallia typographica, Adrien Le Roux de Lincy (1806-1869), bibliothécaire à l’Arsenal et auteur de Recherches sur Jean Grolier, sur sa vie et sa bibliothèque, Frédéric-Charles Lonchamp (1886-1966), auteur d’un Manuel du bibliophile français, Firmin Maillard (1833-1901), auteur de Les Passionnés du livre, Michel Maittaire (1668-1747), un des plus célèbres bibliographes du XVIIIe siècle, auteur des monumentales Annales typographici, Louis Michaud (1772-1858), imprimeur qui a donné son nom à une Biographie célèbre, Gustave Mouravit (1840-1920), auteur de Le Livre et la petite bibliothèque d’amateur, Stéphane Mulsant (1797-1880), auteur de Les Ennemis du livre.
Une entrée pour le Manuel de l’amateur de reliures armoriées françaises (Paris, Brosse, 1924-1938, 30 vol. in-4o), par le docteur Eugène Olivier, Georges Hermal et le capitaine Robert de Roton, eut été profitable au lecteur.
Jean-Paul Fontaine
Le troisième volume (N-Z) concerne les treize dernières lettres de l’alphabet.
Par définition, l’entrée « non-livre » n’a pas sa place dans ce dictionnaire qui est un hommage au livre.
On peut s’étonner également de l’existence de l’entrée Thérèse philosophe, alors qu’il y a déjà des entrées intitulées curiosa, enfer, érotique, livre philosophique et pornographique, dont la redondance finit par être ennuyeuse.
Des notices sont particulièrement développées : papier, photographie, presse, privilège, réglementation du livre, reliure, Russie, scolaire, syndicalisme et syndicats.
Certains bibliophiles apprendront qu’on doit dire « super ex-libris », et non « super libris », pour désigner un ex-libris doré ou estampé à froid sur le plat d’une reliure. De même, on doit dire « unicum » pour désigner un unique exemplaire d’une édition unique, et « unicums » au pluriel, et non « unica » : les emprunts à une langue étrangère doivent en effet se plier aux règles de la grammaire française.
On a oublié, volontairement ou non, que Henry Poulaille était connu des lettrés autant par son Corneille sous le masque de Molière que par sa lutte pour la culture d’expression prolétarienne. La notice sur les Sociétés de bibliophiles aurait mérité un plus grand développement ; à ce sujet, des entrées pour les Fermiers généraux, qui constituèrent la première association de bibliophiles, le Roxburghe club, la Société des Bibliophiles françois et la Société royale des Bibliophiles et iconophiles de Belgique auraient été bienvenues.
On regrette l’absence d’entrée pour : l’avocat Philippe-Laurent Pons, dit « de Verdun » (1759-1844), auteur de la fameuse épigramme intitulée Le Bibliomane, Étienne Pseaume (1769-1828), auteur d’un Dictionnaire bibliographique ou Nouveau Manuel du libraire et de l’amateur de livres, Albert Quantin (1850-1933), imprimeur et éditeur de grande renommée, François-Augustin Quillau (1743-1804), créateur des cabinets de lecture, Jules Richard (1825-1899), auteur de L’Art de former une bibliothèque, Claude-Marin Saugrain (1679-1750), auteur et éditeur du Code de l’imprimerie et de la librairie, Louis-Catherine Silvestre (1792-1867), fondateur de la célèbre salle de ventes de la rue des Bons-Enfants et auteur de Les Marques typographiques, Ernest Thoinan (1827-1894), auteur de Les Relieurs français (1500-1800), Sainte Wiborade (870-926), patronne des bibliophiles, Jacques-Charles Wiggishoff (1842-1912), auteur d’un Dictionnaire des dessinateurs et graveurs d’ex-libris français, Philippe Zoummeroff (né en 1930), mécène de la BnF.
Rares sont les mots techniques absents de ce dictionnaire. Par contre, outre le Scriptorial d’Avranches, musée des manuscrits du Mont-Saint-Michel, et la bibliothèque humaniste de Sélestat, certaines des bibliothèques françaises les plus importantes, dites « Bibliothèques municipales classées » (terminologie qui n’a pas d’entrée), ne sont pas présentes : Albi, Boulogne-sur-Mer, Bourges, Cambrai, Carpentras (bibliothèque municipale Inguimbertine), Châlons-en-Champagne, Chalon-sur-Saône, Chambéry, Colmar, Compiègne, Dole, Douai, La Rochelle, Moulins, Pau, Périgueux, Roubaix et Valence. Il faut chercher Aix-en-Provence à Méjanes.
Commencée en 1996, l’entreprise a donc souffert des délais de réalisation qui ont pu vieillir certaines notices, de l’absence de sources suffisantes pour l’entrée de certains sujets et de l’absence d’un responsable scientifique spécialiste de la bibliophilie.
Il n’en reste pas moins que, contrairement à ce que pourrait laisser penser cette analyse critique très sommaire, le résultat est stupéfiant : dans un domaine en plein développement, le Dictionnaire encyclopédique du livre restera pendant longtemps un outil de référence incontournable, de réflexion et d’images, par sa rigueur, sa précision et sa clarté.
Jean-Paul Fontaine
Enregistrer un commentaire