Amis Bibliophiles bonsoir,
Un jeune bibliophile lecteur du blog m'a demandé de faire écho sur le blog à ses interrogations face à la nécessité de thématiser ou non sa bibliothèque... Je lui cède la parole:
"Les messages réguliers de Bernard, expert ès-histoire de la physique, m'ont interpellé car je m'y suis reconnu : il semble ne collectionner que les livres en rapport avec la physique (peut-être suis-je en train de me tromper: dans ce cas, je prie Bernard de bien vouloir m'en excuser). Dans un autre domaine, j'ai la même attitude. Je m'aperçois que, depuis quelques mois, j'achète quasi-exclusivement des livres en rapport avec une thématique précise (qu'on me pardonnera de taire, puisque ceci n'a aucun intérêt). J'en suis actuellement au point où je revends des livres sans rapport avec cette thématique, pour pouvoir acquérir les livres sur "mon" thème.
Cette "spécialisation" me permet d'acheter mieux, plus intelligemment. Je reconnais les chopins, les "grosses opportunités", mais j'arrive aussi à acheter des choses quitte à en payer le prix (auparavant, je cherchais toujours la "bonne affaire" ; aujourd'hui, je suis simplement content lorsque j'ai un livre, même si le prix en est conséquent).
Cependant, cette spécialisation fait aussi que ma bibliothèque ressemble plus à une "bibliothèque de travail" qu'à une bibliothèque d'agrément : je regarde mes rayons et je me dis que je suis très loin de la culture encyclopédique, de l'idéal de l'honnête homme, qui doit pouvoir parler d'à peu près tout.
Une collection strictement thématique présente-t-elle le même attrait qu'une autre? Cela se retrouve dans les catalogues de libraires: j'aime bien les catalogues entièrement consacrés à un thème précis (comme ceux de la Librairie Jammes), mais il faut bien admettre que si le thème ne m'intéresse pas, je n'y jette même pas un oeil... Alors que les catalogues "généraux" m'attirent plus... (on ne peut pas vivre sans contradiction!).
Où se situe les gens du blog par rapport à ça? Se spécialisent-ils? A quel degré? La spécialisation passe-t-elle par l'exclusion des autres livres?"
En ce qui me concerne, mon parcours a été toujours été thématique. Mes amis Pinhas et Pierre pensent que la bibliophilie est affaire de culture personnelle tout en étant cosa mentale. La seule différence, c'est que je pense que l'on peut avoir plusieurs thèmes. Ainsi, dans ma bibliothèques se côtoient trois tendances: les voyages, les livres curieux et rares et enfin la littérature qui est pour moi un domaine inévitable. A ceci s'ajoute une contrainte temporelle, puisque je m'arrête avec la fin de l'ancien régim, à quelques exceptions près. J'ai l'impression qu'après avoir exploré d'autres thèmes, on en revient toujours à la littérature. J'avoue que n'avoir qu'un thème m'a lassé au bout d'un moment et que j'ai ressenti le besoin de "passer à autre chose", mais sans pour autant délaisser mes premières amours. Je cours donc désormais plusieurs lièvres à la fois, c'est très agréable... mais un peu cher au final... En plus de ces ouvrages, j'ai des ouvrages de travail, comme le Marius Michel présenté hier, qui correspondent plus à une envie d'approfondir qu'à une envie de "collectionner" (même si je sais que le mot heurte certains d'entre vous).
Pour revenir aux questions, je pense que je suis donc spécialisé (je n'achète aucun ouvrage de régionnalisme, aucun ouvrage sur la physique par amitié pour Bernard - et parce qu'il a tout raflé -, et aucun ouvrage sur les sciences, etc), mais pas hyper-spécialisé, ce qui me laisse une certaine liberté. Je ne vais donc pas jusqu'à l'exclusion, idem pour la contrainte temporelle d'ailleurs, mais les règles sont faites pour être contournées. Ma seule règle d'ailleurs, est de me faire plaisir, en dehors de toute contrainte de domaine (les miens sont ceux vers lesquels m'orientent naturellement ma personnalité), et de toute contrainte de spéculation.
L'inconvénient de tout ceci est que cela multiplie les tentations!
Et vous?
H
18 commentaires:
Ma bibliothèque parle pour moi : il n'y a de bibliothèques dignes de ce nom que des bibliothèques avec thème.
Jean-Marc
"Histoire du livre, et plus généralement tout ce qui touche de près ou de loin à la bibliophilie"
Voici mon thème "privé".
et quelques thèmes annexes pour le plaisir des idées... mais ça je garde secret...
B.
Quelle drôle d'idée Jean-Marc... Au feu les Sickles, au feu La Bédoyère, Pichon et le Duc d'Aumale... Au feu Béraldi et les autres.... Jean-Marc, disons que votre bibliothèque est digne de vous. Ce sera déjà pas mal.
J'ai une bibliothèque centrée sur un domaine (la littérature française du 17ème, et il m'a fallu 30 années pour en arriver là), mais je ne refuse pas le titre de bibliothèque à celles qui sont plus hétérogènes, cela n'a absolument aucun sens. Qui sommes nous d'ailleurs pour énoncer ainsi des lois?
Que chacun se fasse plaisir, c'est le plus important: bâtir une bibliothèque autour d'un seul thème n'est pas une qualité particulière, mais juste l'incarnation d'une obsession, ou d'une personnalité plus simple que d'autres.
Jacques.
Ma bibliothèque est centrée autour d'un thème: elle ne regroupe que des livres que j'aime. Je ne suis pas monomaniaque.
A côté de cela, j'ai une bibliothèque de "travail" autour de l'histoire du livre et de la bibliophilie.
Si j'en crois Jean-Marc, je n'ai donc pas une bibliothèque digne de ce nom. Rires. Pourtant ça y ressemble pas mal.
Michel
Une bibliothèque de travail a ceci de déprimant que si elle permet de dominer une thématique ôte beaucoup du plaisir visuel qu’une bibliothèque généraliste plus fournie entraine. Je veux parler de la beauté d’une série de reliure de cuir, de dos lisses ornés de motifs dorés, de couleurs et de format choisis, d’illustrations sur les plats de certains brochés. J’exagère, bien sur ! La bibliothèque Napoléonienne de Monsieur De Villepin devait être jolie. Et puis, une bibliothèque généraliste ne risquera jamais d’être incomplète puisque incomplète par essence. Connaissez-vous le désespoir du collectionneur de Jules Verne à qui manque un exemplaire ? Je ne le souhaiterai pas à mon pire ennemi.
L’expérience prouve que les centres d’intérêt changent avec le temps pour beaucoup d’entre-nous. La faute n’en revient pas à notre caractère inconstant mais à l’attrait que la passion d’un ami va provoquer chez nous. La convoitise est, à cet égard, un moteur très efficace dans nos choix bibliophiliques.
Quant à la culture générale, elle s’acquière par la mémoire qui est un don mal partagé. En étant mal pourvu par la nature, j’ai inscrit sur le haut de mon écran d’ordinateur « Demande à Google ! ». Depuis, je fuis les diners en ville et j’ai commencé une thérapie.
Très heureux de rencontrer des jeunes sur ce blogue… Pierre
D'abord on découvre le livre ancien. Ensuite qu'il s'agit d'une production de masse et qu'il s'agit d'objets et de production de 2, 3, 4, 5, 6 (on peut rêver) siècles qui sont parmi les plus accessibles (mais une petite poterie romaine, une flèche néolithique valent 6 paquets de cigarettes...) à celui qui a un goût pour les choses d'un autre siècle.
Après, le penchant naturel est de restreindre ses explorations aux parties de l'Océan que l'on se sent capable de maîtriser (à la mesure de son esquif)...
Je n'ai pas vraiment d'avis en fait.
Je ne suis d'ailleurs pas sûr que les bibliophiles ne soient sensibles qu'aux "thèmes".
Les "thèmes" n'ont guère de sens à l'échelle des quelques siècles de l'imprimerie. Sinon c'est de la monomanie.
Un livre de science(s) du 15ème ou 16ème siècle échappe-t-il à l'intérêt de ceux qui ne rassemblent que des livres de sciences...?
Le 15ème, le 16ème et le premier tiers du 17ème siècle (ensuite c'est d'un ennui sans fond pour moi, mais je me remets rapidement ensuite je vous rassure) défient les "thématiques".
Et puis j'ai assisté à une vente thématique une fois, je m'y suis ennuyé ferme (n'était l'étonnement par certains prix atteints). Bon, il ne s'agissait pas de curiosas ou d'un de mes thèmes de prédilection (;-))mais tout de même...
Amicalement,
Olivier
J'ai peut-être été un peu catégorique. Cela a au moins lancé le débat.
J'avais d'ailleurs déjà eu l'occasion de répondre à cette question en défendant plutôt l'idée d'une bibliothèque thématique, mais la question est peut-être de savoir ce que veut dire thématique. Certains thèmes permettent d'élargir son spectre de recherches. Malgré tout, l'idée me plait d'approfondir un sujet, à travers le livre.
Comme toute règle a son exception, je renvoie à ce que j'avais dit dans mon portrait sur ce blog : "Pour finir, j'ai une autre bibliothèque, plus personnelle, autour de quelques auteurs que j'aime ou qui comptent pour moi. C'est le hasard des trouvailles, essentiellement dans les salons, qui me fait acheter de beaux exemplaires des textes que j'aime. Ce n'est pas une démarche construite comme celle de ma bibliothèque régionale."
Preuve par l'exemple que ma règle a des exceptions.
Jean-Marc
"Il n'y a de bibliothèques dignes de ce nom que des bibliothèques avec thème"
Je n'ai jamais rien entendu de plus ridicule. Il n'est même pas permis à un homme de sens de combattre sérieusement une semblable proposition.
René.
Avec un éclectique, on peut discuter à perte de vue et se frotter le cuir; avec un monomaniaque, on peut absolument ne rien échanger.
A titre personnel et sans vouloir vous froisser Hugues, je trouve terriblement détestable et de la plus grande tristesse la phrase de Nodier mise en exergue du blog.
Comment peut-on préférer de vieux bouquins à la chaleur de la main de ses amis ?
Montag
"Après le plaisir de posséder des livres , il n'est guère de plus doux que celui d'en parler..." Avec des amis à qui l'on a préalablement serré la main, bien sûr.
Pierre
Cher Montag, pour la citation, vous avez bien sûr 100% raison. Je n'ai pas mis cette citation comme un exemple à suivre, mais plutôt pour nous inviter à méditer sur les dangers de la bibliomanie. Il est évident qu'en arriver là constitue un drame absolu.
Elle est d'ailleurs tirée du Bibliomane de Nodier, dont je conseille la lecture. Un livre charmant, et en même temps terrifiant.
H
Bonjour à Hugues et à tous les lecteurs du blog.
En réponse à notre jeune ami je confirme la spécialisation de ma bibliothèque de livres anciens: histoire des progrès de la physique et son enseignement.Cela ne signifie pas que je ne m'intéresse qu'à cela: je lis beaucoup (arts, voyages, histoire, policiers ...) Ces livres ne font pas l'objet d'une collection et je m'en sépare très facilement. Ils ne sont d'ailleurs pas mélangés aux livres anciens.Cela répond à la question: "La spécialisation passe-t-elle par l'exclusion des autres livres?"
Je comprends très bien qu'on puisse collectionner des "livres objets" uniquement pour la beauté de leur reliure, de la typographie et des illustrations. On peut encore parler de spécialisation.
En tout cas, le plus grand plaisir du bibliophile est plus celui de la découverte que celui de la possession. Je vous souhaite à tous de belles découvertes.
Bernard
Bernard a écrit : "le plus grand plaisir du bibliophile est plus celui de la découverte que celui de la possession"
Entièrement d'accord avec cela. C'est d'ailleurs ce qui me permet de me dire bibliophile tout en ne conservant que très peu de livres durablement.
D'ailleurs je me suis déjà posé la question, serais-je riche à millions et pourrais-je acheter tout ce qui me fait envie, que je n'en n'aurais sans doute pas plus le désir de tout conserver. Je l'ai déjà dis quelque part, plus que collectionneur je me vois passeur.
Les livres passent les souvenirs des livres restent. Encore faut-il, il est vrai, s'attacher aux livres qui prêtent à souvenir. Mais peut-être tous le sont-ils ? Cela dépend des yeux qui se posent dessus.
B.
Question fort bien présentée.
Je crois qu'on ne choisit pas un thème, c'est plutôt le thème qui vient nous chercher. Ou, dit autrement, on croit qu'on trouve un livre, mais c'est lui qui nous trouve.
Je collectionne les anciens dictionnaires de langue française depuis vingt-cinq ans. Pourquoi ce thème ? J'ai lu "Les Misérables" en 1985; je vous voulais mieux saisir le sens de certains mots qu'employait Victor Hugo, alors j'ai acheté mon premier vieux dictionnaire , la septième édition du Dictionnaire de l'Académie (1878). Tout a commencé là. Plusieurs autres dictionnaires,plus vieux ou vraiment anciens ont suivi. Le thème est venu me chercher.
Maintenant je cherche les livres...
Mais il faut aussi s'amuser, se détendre...et acheter ces autres livres, quels qu'ils soient, qui nous charment pour mille raisons ( un livre de notre enfance qu'on retrouve, un Troyat de notre jeunesse...).
La vie est si courte, il faut bien s'amuser un peu.
Pierre Bouillon
J'aime bien comme exemplaire d'ecclectisme les bibliothèques de Philippe Zoummerroff, je vous invite d'ailleurs à visiter son site sur http://www.collection-privee.org/
Bibliothèque française de criminologie.
Après avoir possédé les plus belles pièces de la littérature française (Balzac, etc), vendu beaucoup (ses ventes sont devenues une référence bibliographique),
il a totalement changé de cap,
je suis assez sur la même longueur d'onde.
La routine m'ennuie. Collectionner le même thème toute ma vie (courte) me serait fort désagréable.
B.
"Collectionner le même thème toute ma vie (courte) me serait fort désagréable." Mais non, mais non ...
Bernard
mais si mais si Bernard, je vous assure, pour toute excuse je peux dire que je suis Gémeaux... et il parait...
B.
Idiotics ou collectionneurs?
Humm j'hésite...
Les deux confondus relevant de la psychiatrie clinique (mais on en croise dans toutes les ventes)
Je fais de la promotion croisée pour un blog qui renvoie à un lien (ça devient compliqué...) :
" Le collectionneur, c'est le professeur de latin qui cherche toutes les éditions de Salluste, c'est l'historien du livre qui fait la collection de tous les catalogues de ventes aux enchères du XIXe siècle. C'est aussi la bibliothèque de Berkeley qui, pendant la période mouvementée des années 60, collecte soigneusement les pamphlets, affiches et milliers d'éphémères qui circulent lors du mouvement contre la guerre au Vietnam. L'objectif est donc le texte et l'information.
Le bibliophile veut plus que le texte et l'information : il ou elle exige de beaux exemplaires, des reliures élégantes, des éditions rares, des livres remarquables pour leur illustration, leur provenance, leur parfait état de conservation, (plus récemment aussi pour les notes marginales). L'accent est donc mis sur le livre comme objet sensuel et esthétique et, peut-être, historique. Il est sous-entendu que les livres de cette catégorie ont une valeur commerciale supérieure aux autres et que, par conséquent, le bibliophile a les moyens nécessaires pour se permettre cette faiblesse, d'aucuns diraient ce luxe. L'érudit latiniste et poète anglais Alfred Edward Housman avait une définition plus succinte : Bibliophiles, an idiotic class."
http://blog.100antiquebooks.com/index.php?post/2010/01/25/Petite-Histoire-de-la-Bibliophilie-aux-Etats-Unis
Merci au web bibliophile 2.0 !
Olivier
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