Amis Bibliophiles bonjour,
Les meubles sont des représentations schématiques déterminées d’objets figurés, d’animaux, de parties d’animaux, de plantes.
Reliure aux armes d'Henri Des Nos, évêque de Rennes, "d'argent au lion de sable armé lampassé et couronné de gueules". |
De tous les animaux, le lion est un des meubles le plus fréquent. Les animaux quadrupèdes observent des conventions de posture. Un lion est représenté normalement levé sur ses pattes de derrière (il serait dit rampant, mais dans son cas il n’est pas besoin de le préciser). Le mouton dans la même position est simplement saillant. S’il marche il est dit passant. Il va sans dire que l’animal regarde à dextre. Dans le cas contraire il est contourné. Si seule la partie supérieure de l’animal apparaît il est dit naissant, et si cette partie semble sortir d’une pièce (une fasce le plus souvent) il est dit issant. Si l’animal baisse la tête il est paissant (ce qui est exclu pour un lion bien sûr). Le lion est représenté tête de profil, le léopard vous regarde.
Bien souvent le meuble représente une partie seulement de l’animal, une tête qui peut être arrachée à l’occasion, une hure de sanglier, un massacre, ou une rencontre c’est à dire une tête de bête à cornes de face avec sa ramure.
Armes peintes sur parchemin de Josias de Montmorency seigneur de Bours, "d'or à la croix de gueules cantonnée de 16 alérions d'azur et chargée d'un croisant d'argent en abîme" |
L’aigle est féminin, elle est représentée les ailes étendues (on dit éployées), tête de profil à dextre, pattes et serres écartées. Les alérions sont de petites aigles schématisées sans bec et sans pattes. Les merlettes sont des moineaux de profil sans bec.
Les poissons sont droits posés en fasce, à ne pas confondre avec les bars qui dessinent un arc ni avec les dauphins dressés sur leur nageoire caudale. Les animaux fantastiques sont moins présents en fréquence que ne le voudrait notre imaginaire médiéval, mais on rencontre basilics, licornes, salamandres, sirènes, griffons, etc.
d'argent à 3 anilles de sable |
Les animaux peuvent se voir dotés de langue, (lampassé), bec (bequé), ongles, crêtes ou griffes (armés), ou couronne ou collier d’un émail distinct du meuble.
Parmi les meubles représentant des objets signalons les étoiles, les croissants, les besants (petits disques de métal), les tourteaux (petits disques de couleur), les tours qui peuvent être posées sur un sol , on dira terrassées, les maillets, les billettes, les épées, les fusils (instruments servant à faire du feu), les anilles (soit les fers de moulin qui soutiennent les meules en forme de ceux qu’on utilise encore pour tirer les vieux murs), les forces (ciseaux), la nef (navire à voiles)... Il faut garder à l’esprit l’ancienneté des armoiries et se replonger dans un vocabulaire quotidien de l’époque, où de nombreux objets autrefois usuels ont aujourd’hui disparu ou changé de nom.
Le règne végétal a fourni les fleurs de lys, la rose, les gerbes de blé... les arbres. Des variantes de ces derniers peuvent être terrassées ou arrachées si leurs racines sont particulièrement visibles. L’espèce de l’arbre peut être précisée par le dessin grossi de sa feuille ou de son fruit.
Les meubles sont utilisés grandement dans les armes parlantes, c’est à dire celles dont le dessin inspire quasi sous forme de rébus le nom du propriétaire. Il est fréquent de considérer ces armes parlantes comme des armes récentes. En effet beaucoup d’armes attribuées “d’office” par le cabinet d’Hozier répondent à cette définition. Ce n’est cependant pas un critère fiable. La famille de Bar très ancienne porte “deux bars adossés”, Sartine plus récente porte 3 sardines, Chabot 3 chabots, Gardereau un brochet...
Reliure aux armes des Gardereau "d'azur au brochet mis en fasce, surmonté en chef d'une étoile et en pied d'un croissant le tout d'argent" |
Certains meubles sont quasi spécifiques d’une famille. La création de meubles est au contraire des pièces, ouverte et infinie.
Ex-libris moderne sur papier |
Rien n’interdit de créer des armes avec des meubles ignorés aux siècles passés tels qu’un avion, un téléphone ou un composant électrique.
Lauverjat
8 commentaires:
Merci Lauverjat, de continuer à combler nos lacunes dans ce domaine... Très bon article, au moment où je suis plongé dans l'héraldique, il tombe à pic !
Passionnant ! Merci Lauverjat. En pleine actualité pour moi aussi. Un blason portant trois balayettes en sautoir me donne du souci ...
hum... semper transformare... je me demande quelle profession exerçait ce monsieur ? peut-être artiste transformiste. Et le meuble, serait alors les bigoudis nécessaires à sa coiffure.
Merci Lauverjat.
J'ai bien peur de n'y toujours rien comprendre.
Je sais, c'est désespérant.
Je souhaite longue vie et prospérité à celui qui inventera un traducteur en ligne : "raton laveur + étoiles + un genre de hallebarde" = le marquis de ???"
Bonne soirée,
Olivier
Juste quelques précisions à ce docte billet (je joue la mouche du coche, mais je m'intéresse depuis mes quinze ans à l'héraldique. Ce ne sont que des variantes, car en ce domaine, on ne peut être dogmatique; il s'agit d'un art autant que d'une science):
- le lion est dit "rampant", alors qu'il a une position d'attaque, parce que le mot vient du latin "rapere", saisir (enfin, c'est ce que j'avais lu jadis dans un traité);
- j'aurais plutôt dit que les merlettes sont des cannettes sans tête.
- lampassé,pour la langue, ne s'applique qu'au lion et à l'aigle, animaux royaux, ainsi qu'au léopard (et au griffon, mais on n'en voit guère); pour les autres, il me semble qu'on dit seulement "langué".
Pour moi, la plus belle figure animale en héraldique est le pélican et sa piété, mais je ne puis malheureusement insérer d'image: le pélican se saigne pour nourrir ses petits.
J'oubliais l'essentiel. Merci, Lauverjat, pour ce beau billet (et pour tous les autres, bien sûr !).
Encore bravo Lauverjat car vous rendez l'héraldique accessible en quelques articles. Je range ce billet, avec les autres, entre les meubles et les armoires... Pierre
Merci à tous!
Lauverjat
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