Amis Bibliophiles bonjour,
Le samedi matin est un moment
particulier de ma semaine: pas de grasse matinée, pas de marché, mais un moment
très XIXe siècle, puisque le bibliophile que je suis va "chez son
relieur".
Habituellement accompagné par l'une de mes filles, qui aime les livres, je passe en effet une petite heure à l'atelier Moura sis dans le centre de Lyon. Ce sont des instants privilégiés. Souvent j'apporte avec moi un livre ou deux, des reliures par exemple, pour en discuter avec Carine, Juliette et Patrice. Parfois je viens simplement les mains dans les poches, dire bonjour, en essayant de ne pas leur prendre trop de temps.
Habituellement accompagné par l'une de mes filles, qui aime les livres, je passe en effet une petite heure à l'atelier Moura sis dans le centre de Lyon. Ce sont des instants privilégiés. Souvent j'apporte avec moi un livre ou deux, des reliures par exemple, pour en discuter avec Carine, Juliette et Patrice. Parfois je viens simplement les mains dans les poches, dire bonjour, en essayant de ne pas leur prendre trop de temps.
Cet atelier est devenu l'une de mes adresses favorites dans Lyon. Oui, je connais les salles des ventes, les libraires, les casiers des bouquinistes sur les quais, je connais des bibliophiles, mais cet endroit est très particulier: je peux y échanger avec des personnes qui aiment le livre sans pour autant faire partie de la liste ci-dessus, et nos échanges sont forcément très différents; ici pas de livre à acheter, peu de tentations (il y a tout de même une jolie bibliothèque agréablement fournie d'ouvrages de documentation), uniquement des discussions techniques (mais pas trop, mais connaissance de la reliure étant trop limitée) autour du livre, et des considérations sur la meilleure façon de relier tel ou tel ouvrage, ou comme nous le verrons bientôt, le travail autour d'une boîte ou d'un étui.
J'ai découvert cet atelier lors d'une promenade. En effet, deux immenses baies vitrées qui donnent sur la rue permettent au badaud de jeter un oeil sur l'atelier en passant: massicot, plans de travail, pots de colle, pinceaux, fers... on devine immédiatement une atmosphère studieuse dédiée au livre. En pénétrant dans l'atelier, l'impression est la même: les trois relieurs, passionnés, Carine, Juliette et Patrice, travaillent en général chacun dans une partie de l'atelier, qui est constituée d'une grande pièce aux multiples recoins et d'une mezzanine (qu'on ne peut visiter qu'en montrant patte blanche, j'ai du attendre deux ans pour pouvoir monter y choisir une peau :)...). La luminosité est très importante, ce qui est évidemment vital pour ce type de travail.
En entrant, un immense plan de travail occupe le centre de la pièce, on y découvre des livres qui viennent d'arriver, d'autres qui attendent les étapes suivantes de la reliure, d'autres enfin qui sont prêts à aller retrouver les bibliothèques de leurs propriétaires, qu'ils soient bibliophiles ou libraires, ou encore, comme nous le verrons plus tard, simples amateurs. Sur la gauche de l'entrée, une petite bibliothèque donc, garnie d'ouvrages de référence sur la reliure ou la dorure, et d'exemples de travaux effectués par l'atelier, boîtes ou étuis par exemple, ou encore livres terminé.
Une partie du mur de gauche est occupée par un immense meuble sur mesure qui accueille de nombreux fers, puis un massicot, une presse et l'arrière mystérieux de l'atelier. Sur la droite, des presses et un plan de travail. Contre le mur du fond, d'autres plans de travail, sur lesquels sont disposés de nombreux outils.
Cet ensemble donne un sentiment de sérénité, de désordre très organisé, et pour le bibliophile que je suis, comme je le dis souvent à Carine, Juliette et Patrice, de mystère total. Les très nombreux outils sont "ésotériques", la colle me fait frémir, le massicot ne peut qu'impressionner...
Et que dire des relieurs alors! :) Je
connais l'atelier depuis deux ans et je crois que nous avons fini par nous
apprivoiser mutuellement, ceux qui ont déjà fait appel à un relieur me
comprendront: en effet, ce genre de travail repose sur la confiance mutuelle
entre le bibliophile et l'artisan, mais aussi sur la sensibilité.Confier un
ouvrage pour quelques mois à un atelier n'est pas chose anodine, il faut
accepter avec sérénité cette dure séparation et être certain que le travail
effectué par le relieur sera de qualité... mais il faut aussi et surtout être
certain que les deux conceptions, celles du relieur et du bibliophile, se
rencontrent, et là, tout est affaire de sensibilité. Bref, il me serait très
difficile de confier un travail de ce type à quelqu'un avec qui je ne partage
pas une certaine vision: une vision de ce qui peut être fait ou non, une vision
de ce qui doit être fait ou non, une vision de ce qui sera bien, ou pas, et une
conception identique de ce qu'est un travail de qualité.
Ces choses, l'atelier Moura les rassemble et c'est pour cette raison que j'avais très envie de vous le faire connaître, même si habituellement, il faut bien l'avouer, le bibliophile est jaloux de ses bonnes adresses. Pas cette fois, franchissez avec moi les portes de l'atelier, qui est sis au 58 rue Sala, dans le 2ème arrondissement de Lyon, et faisons connaissance avec Carine, Juliette et Patrice.
(photo : Carine, Patrice et Juliette
devant l'atelier)
Bonjour, pouvez-vous nous parler de
votre atelier ?
Carine Vilaine :
L'atelier Moura existe depuis 5
générations à Lyon. Avec un partenaire libraire (Eric Fosse), j'ai repris
l'activité de cet atelier en octobre 2008. Je n'ai pas souhaité en changer
le nom (il vient du nom de l'ancien propriétaire Michel Moura), pour ne pas
perturber la clientèle existante. Et je dois avouer que mon nom de famille ne
m'a pas incitée à le faire: avec Eric nous avons bien essayé de trouver un
nouveau nom "A la vilaine reliure" par exemple, mais nous avons vite
vu les limites de l'exercice ! :)
La première année, j'ai travaillé en
tandem avec Michel Moura, qui est depuis parti à la retraite. J'ai alors fait
appel à Patrice Goy, qui m'a rejointe à l'atelier. Nous avions travaillé
plusieurs années ensemble chez Reliural (Atelier Laurenchet) à Paris, et nous
nous connaissions bien.
Aujourd'hui nous sommes trois dans
l'atelier, puisqu'une jeune relieuse, Juliette Labbe, est arrivée l'an dernier
juste après avoir obtenu son CAP de reliure-dorure en 2010.
Comment êtes-vous venus à ce métier
?
Carine Vilaine:
Pour moi ce fût presque le hasard total:
je venais apporter de la documentation à ma professeur de dessin à l'école
Estienne et j'ai poussé la porte de l'atelier de reliure. Ca été un vrai coup
de foudre, j'ai passé mon bac en génie mécanique et décidé de ne pas poursuivre
en IUT pour me consacrer à ce métier. J'ai suivi des études de reliure à
l'école Estienne et obtenu mon diplôme en reliure et dorure en 2000. Ensuite,
j'ai travaillé 3 ans chez Reliural (Atelier Laurenchet), puis 6 ans dans un
atelier de reliure situé dans le 17ème arrondissement de Paris.
Pour moi aussi ce fût le hasard ... à
l'âge de 17 ans! Je me suis formé sur le tas, et j'ai tout appris au sein de
l'Atelier Laurenchet dans lequel je suis resté de nombreuses années. J'avais
bien un cousin relieur rue de Bièvre à Paris, mais je ne peux pas dire que c'est
lui qui m'a influencé, non non, c'est vraiment le hasard qui m'a conduit à
découvrir puis à aimer ce métier.
Depuis quand êtes-vous passionné par la
reliure ?
Carine:
Ma passion, et particulièrement ma
passion pour la dorure, date de l'école Estienne, cela fait donc 12 ans que ça
dure, et j'en suis très heureuse!
Patrice:
Pour moi la passion est venue avec le
temps. J'ai eu la chance d'avoir de très beaux exemplaires à relier et comme on
découvre de nouvelles choses chaque jour dans ce métier, cette passion croit
avec le temps.
Que ressentez-vous quand vous vous
occupez d'un livre ? Comment travaillez-vous ?
A vrai dire dans un premier temps, le
souci d'efficacité prime sur la passion de la reliure. On est dans la
technique, comme un médecin qui identifie un symptôme et prépare son
diagnostic. Ce n'est qu'à la fin, quand on ne se souvient plus du livre tel
qu'on nous l'a confié, qu'on est content de nous, content de voir le résultat
final de notre travail.
Depuis que nous avons repris l'atelier,
nous avons éliminé beaucoup de travaux qui faisaient partie des spécialités de
l'atelier: comme les reliures industrielles par exemple, que nous ne faisons
plus du tout.
Aujourd'hui, nous nous sommes
spécialisés dans la reliure et la dorure uniquement.
- La reliure dite "classique"
- La reliure soignée: plein maroquin,
gardes maroquin, étui.
- La reliure traditionnelle: Bradel
cuir, toile.
- Et aussi les boîtes, les étuis, les
chemises.
- La dorure : titrage, fleurons,
roulette, filet.
Nous ne faisons plus de restauration,
par manque de temps et de rendu, ce n'est pas notre spécialité et nous
préférons laisser ce travail à de vrais restaurateurs.
Carine:
La dorure, c'est mon dada. Je l'ai
apprise à l'école Estienne avec mon professeur M. Devaux. Aujourd'hui, c'est un
métier où il est devenu difficile de se former car les artisans connaisseurs de
ce savoir-faire sont rares, et disparaissent peu à peu le plus souvent sans
transmettre leur savoir.
Patrice:
J'aime toutes les étapes de la reliure.
Des matériaux préférés ?
Forcément, les reliures en plein
maroquin ou en box, qui sont très techniques, ou une reliure dans de
nouveaux matériaux. Nous avons ainsi été amenés à faire une reliure avec
une agate sur les plats. C'était un travail très intéressant, très inhabituel,
pour un ouvrage autour de la Patagonie
Une anecdote ?
Plein! Comme nous avons un atelier
visible de la rue (et présent sur les pages jaunes...), nous avons toutes
sortes d'appels et de visites, nous apportant des fortunes diverses. Cela va de
l'étudiant paniqué qui veut à tout prix nous faire relier son rapport de stage
qu'il doit rendre dans l'heure, ou encore l'amatrice de cuisine qui vient avec
son livre favori et qui veut à tout prix qu'on lui recolle le dos. La plus
grande expression de ce type de clients étant: "mais ce n'est rien c'est
juste 3 points de colle POF POF POF"!
Nous avons également de nombreuses
visites de relieurs amateurs qui viennent nous montrer leurs réalisations, dont
une fois par exemple, une reliure en plein "cuir de canapé"... je
vous assure qu'il y a de quoi faire. Aussi, nous réfléchissons tout de même à
mettre fin à notre présence sur les pages jaunes ... à défaut d'opacifier les
vitres de l'atelier!
Pour finir, évoquons, les aspects
pratiques au cas où un lecteur du blog souhaiterait vous confier un livre
La première prise de contact peut se
faire par mail ou par téléphone. Suit un rendez-vous pour que l'on puisse voir
les livres à relier. Pour les clients qui ne pourraient pas se déplacer à Lyon
ou Paris (où nous faisons beaucoup de rendez-vous), nous nous pouvons aussi
fonctionner sur photos par mail.
Pour les clients qui souhaiteraient
avoir des renseignements sur notre travail, nous sommes bien sûr prêts à leur
donner des références, et des numéros de téléphones de clients qui pourraient
leur parler de nos réalisations.
H
Atelier Moura, Carine Vilaine et Patrice Goy
58, Rue Sala, 69002 Lyon
T. 04 78 37 80 93 (vous pouvez appeler de ma part!)
Atelier Moura, Carine Vilaine et Patrice Goy
58, Rue Sala, 69002 Lyon
T. 04 78 37 80 93 (vous pouvez appeler de ma part!)
8 commentaires:
j'étais un client de Michel Moura depuis des années, et c'est vrai que le changement de relieur est déstabilisant. Mais les premiers travaux confiés sont parfaits. Je vais leur faire une visite bientôt, on m'a annoncé que je devrais recevoir un livre en feuilles début juin (c'est ce que prétend Jean-Paul !), il va bien falloir le relier !
Il est arrivé, je l'ai eu entre les mains, et il sera posté lundi à Château-Thierry.
et c'est moi qui remercie !...
y aura-t-il une dédicace ? il paraît que les autographes augmentent beaucoup la valeur des pièces rares.
Pour les dédicaces : samedi 16 juin, à partir de 14 h, place St Sulpice, au marché de la poésie,chez L'Hexaèdre éditeur.
Très belle profession que celle de relieur!
Merci pour la découverte de cet atelier.
Cordialement,
Wolfi
Merci pour ce reportage fort intéressant !
Léo
Un trio bien sympathique et compétent. Une caution de Hugues, ce n'est pas rien! Je connaissais bien la maison reliural que j'ai fréquentée pendant des années; je compte bien continuer avec nos amis lyonnais.
Bernard
Bel article qui donne envie de confier un ouvrage à cet atelier, même si, comme vous le dites, la proximité avec l'atelier est importante et que là, malheureusement, je suis un peu éloigné.
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