Comme parfois, et avec une immense gratitude, je laisse les clefs du blog à Bertrand, qui vous propose le message du jour, "Une Librairie sans histoire", qui se trouve d'ailleurs être le 250ème message mis en ligne sur le blog.
Il est des librairies comme des hommes, certaines laissent une marque indélébile d’autres s’effacent presque à jamais soufflées par le vent de l’histoire.
Aujourd’hui les noms de Rahir, Morgand, Belin, sont connus de tous les bibliophiles. Ces librairies sont pourtant d’un autre siècle.
Demain sans aucun doute, les Bérès, Giraud-Badin, Sourget et autres rentreront chez les immortels de la librairie ancienne, à la place qui leur est due ou conférée par une myriade de bibliophiles avides de sens.
Mais qui se souvient de la librairie Baillieu ?
C’est à l’occasion de l’achat d’un lot de catalogues mensuels de cette librairie que j’ai décidé d’en savoir un peu plus.
J’ai acheté dernièrement une cinquantaine de catalogues allant du 15 août 1876 au 5 septembre 1879. Simple brochés d’une trentaine de pages environ tenues par une ficelle, imprimés sur mauvais papier bois jauni et fragile, chaque catalogue mensuel présente de 500 à 600 numéros.
Comme souvent à l’époque, le descriptif est succinct, très abrégé, mais souvent suffisant et avec quelques commentaires qui ne sont pas inintéressants.
Mais revenons à cette librairie sise au 43 du quai des Grands-Augustins à Paris, lieu bien connu pour ses boîtes de bouquinistes, aujourd’hui encore un lieu où sont installés quelques librairies anciennes réputées.
Le premier catalogue mensuel dont nous disposons pour cette librairie est le 118è et il est daté du 15 août 1876. En faisant le chemin à rebours, on en déduit, s’il n’y a pas eu d’interruption dans les catalogues, que le premier catalogue de cette librairie à du voir le jour aux environs de novembre 1866. Les catalogues dont nous disposons font donc état de la dixième à la treizième année d’activité.
L’intitulé des catalogues est le suivant : Catalogue mensuel de livres d’occasion, livres rares et curieux en tous genres, en vente aux prix marqués à la librairie Baillieu, 43 quai des Grands-Augustins, Paris.
Il y a un encart assez amusant sur la première page de tous les catalogues que nous possédons, avec le texte suivant :
« Nous prions MM. nos clients de la province et de l’étranger, à qui, pour leur éviter des frais de port plus considérables par une autre voie, nous expédions par la poste les ouvrages qu’ils nous ont demandés, de vouloir bien, en nous soldant leurs achats, ajouter au montant de leur facture les frais d’affranchissement déboursés par nous, ce qu’ils négligent quelquefois de faire. » La chose étant dite.
On peut lire également en haut du verso de la première page de chaque catalogue l’avertissement suivant :
« Les livres portés sur nos catalogues sont vendus au prix marqué à chaque ouvrage, SANS REMISE d’aucune espèce. Toute demande faite à d’autres conditions sera considérée comme nulle et non avenue et il n’y sera pas répondu. Les frais de port sont toujours à la charge du demandeur. » La chose est entendue…
Le contenu des catalogues maintenant.
On y trouve en effet de tout. Les prix vont de 1 à 5 francs pour les moins chers, jusqu’à quelques centaines de francs pour les plus chers. La moyenne se situant à une dizaine de francs seulement.
Pour 3 francs or vous aviez tout de même les Plans et profils des principales villes de la province de Bourgogne (1640), 20 cartes, vues de villes ou plan, in-8 oblong (n°97 du catalogue 118). Combien les paierait-on aujourd’hui ?
Pour 28 francs vous pouviez acheté le « fort rare » Cabinet satyrique ou recueil parfaict des vers picquans et gaillards de ce temps. Rouen, 1627, 1 vol. in-8 en demi-reliure. Exemplaire « un peu court ».
Comme souvent à cette époque, les livres les plus chers sont des livres récents. Ainsi le Moyen-âge et la Renaissance, histoire et description des mœurs et des usages, etc, publié sous la direction de Paul Lacroix et F. Peré, Paris, 1849-1851, 5 vol. in-4 brochés, est proposé au prix conséquent de 325 francs or.
Belle époque où il faisait bon acheter des ouvrages imprimés en lettres gothiques du XVIè siècle à 55 francs or (Les coutumes du pays et duché d’Ajou, 1509, chez J. Arnoul, en reliure de l’époque).
Sans être une librairie aussi importante qu’a pu l’être celle de Damascène Morgand et Charles Fatout à la même époque ; sans proposer d’aussi beaux livres (peu de reliures aux armes de grande qualité, peu de provenance rarissimes, peu d’exemplaires impeccables) ; il me semble que cette librairie pratiquait une politique des prix raisonnable à la manière d’un Jules Labitte, avec des livres de qualité honorable.
Nous ne savons presque rien de cette librairie.
Nous avons seulement trouvé un commentaire dans la Revue d’Octave Uzanne, Le Livre (bibliographie moderne), à l’année 1888, où il est écrit :
« Le catalogue de la librairie Baillieu, chez qui vous pourrez, au milieu des tablettes surchargées jusqu’à plier sous le poids, rencontrer le Plini Secondi (1536), des éditions originales de Regnard, le Molière de 1674, Le Musée Réveil, le Sacre de Louis XV, toutes sortes d’ouvrages sur les sciences occultes, les pierres gravées, l’art, et enfin un précieux manuscrit du XVè siècle contenant un roman de chevalerie espagnol, Historia de Alessandro Magno, par Goncalo de Berceo, en plus de 10.000 vers. » (Le Livre, partie bibliographie moderne, juillet 1888).
Alors je me dis, ignorais-je l’existence de ce fameux libraire parce qu’il n’a pas réussi à passer dans l’histoire de la librairie ancienne à une assez belle place ? Ou bien est-ce moi qui l’ai ignoré trop longtemps tandis que d’autres le connaissent déjà bien ?
A vous maintenant de dire. Le connaissiez-vous ? En savez-vous plus sur lui ?
Toutes les informations seront bonnes à prendre, pour le plaisir de tous ici.
En espérant vous avoir fait passer un bon moment,
Amitiés bibliophiliques,
Bertrand
Il est des librairies comme des hommes, certaines laissent une marque indélébile d’autres s’effacent presque à jamais soufflées par le vent de l’histoire.
Aujourd’hui les noms de Rahir, Morgand, Belin, sont connus de tous les bibliophiles. Ces librairies sont pourtant d’un autre siècle.
Demain sans aucun doute, les Bérès, Giraud-Badin, Sourget et autres rentreront chez les immortels de la librairie ancienne, à la place qui leur est due ou conférée par une myriade de bibliophiles avides de sens.
Mais qui se souvient de la librairie Baillieu ?
C’est à l’occasion de l’achat d’un lot de catalogues mensuels de cette librairie que j’ai décidé d’en savoir un peu plus.
J’ai acheté dernièrement une cinquantaine de catalogues allant du 15 août 1876 au 5 septembre 1879. Simple brochés d’une trentaine de pages environ tenues par une ficelle, imprimés sur mauvais papier bois jauni et fragile, chaque catalogue mensuel présente de 500 à 600 numéros.
Comme souvent à l’époque, le descriptif est succinct, très abrégé, mais souvent suffisant et avec quelques commentaires qui ne sont pas inintéressants.
Mais revenons à cette librairie sise au 43 du quai des Grands-Augustins à Paris, lieu bien connu pour ses boîtes de bouquinistes, aujourd’hui encore un lieu où sont installés quelques librairies anciennes réputées.
Le premier catalogue mensuel dont nous disposons pour cette librairie est le 118è et il est daté du 15 août 1876. En faisant le chemin à rebours, on en déduit, s’il n’y a pas eu d’interruption dans les catalogues, que le premier catalogue de cette librairie à du voir le jour aux environs de novembre 1866. Les catalogues dont nous disposons font donc état de la dixième à la treizième année d’activité.
L’intitulé des catalogues est le suivant : Catalogue mensuel de livres d’occasion, livres rares et curieux en tous genres, en vente aux prix marqués à la librairie Baillieu, 43 quai des Grands-Augustins, Paris.
Il y a un encart assez amusant sur la première page de tous les catalogues que nous possédons, avec le texte suivant :
« Nous prions MM. nos clients de la province et de l’étranger, à qui, pour leur éviter des frais de port plus considérables par une autre voie, nous expédions par la poste les ouvrages qu’ils nous ont demandés, de vouloir bien, en nous soldant leurs achats, ajouter au montant de leur facture les frais d’affranchissement déboursés par nous, ce qu’ils négligent quelquefois de faire. » La chose étant dite.
On peut lire également en haut du verso de la première page de chaque catalogue l’avertissement suivant :
« Les livres portés sur nos catalogues sont vendus au prix marqué à chaque ouvrage, SANS REMISE d’aucune espèce. Toute demande faite à d’autres conditions sera considérée comme nulle et non avenue et il n’y sera pas répondu. Les frais de port sont toujours à la charge du demandeur. » La chose est entendue…
Le contenu des catalogues maintenant.
On y trouve en effet de tout. Les prix vont de 1 à 5 francs pour les moins chers, jusqu’à quelques centaines de francs pour les plus chers. La moyenne se situant à une dizaine de francs seulement.
Pour 3 francs or vous aviez tout de même les Plans et profils des principales villes de la province de Bourgogne (1640), 20 cartes, vues de villes ou plan, in-8 oblong (n°97 du catalogue 118). Combien les paierait-on aujourd’hui ?
Pour 28 francs vous pouviez acheté le « fort rare » Cabinet satyrique ou recueil parfaict des vers picquans et gaillards de ce temps. Rouen, 1627, 1 vol. in-8 en demi-reliure. Exemplaire « un peu court ».
Comme souvent à cette époque, les livres les plus chers sont des livres récents. Ainsi le Moyen-âge et la Renaissance, histoire et description des mœurs et des usages, etc, publié sous la direction de Paul Lacroix et F. Peré, Paris, 1849-1851, 5 vol. in-4 brochés, est proposé au prix conséquent de 325 francs or.
Belle époque où il faisait bon acheter des ouvrages imprimés en lettres gothiques du XVIè siècle à 55 francs or (Les coutumes du pays et duché d’Ajou, 1509, chez J. Arnoul, en reliure de l’époque).
Sans être une librairie aussi importante qu’a pu l’être celle de Damascène Morgand et Charles Fatout à la même époque ; sans proposer d’aussi beaux livres (peu de reliures aux armes de grande qualité, peu de provenance rarissimes, peu d’exemplaires impeccables) ; il me semble que cette librairie pratiquait une politique des prix raisonnable à la manière d’un Jules Labitte, avec des livres de qualité honorable.
Nous ne savons presque rien de cette librairie.
Nous avons seulement trouvé un commentaire dans la Revue d’Octave Uzanne, Le Livre (bibliographie moderne), à l’année 1888, où il est écrit :
« Le catalogue de la librairie Baillieu, chez qui vous pourrez, au milieu des tablettes surchargées jusqu’à plier sous le poids, rencontrer le Plini Secondi (1536), des éditions originales de Regnard, le Molière de 1674, Le Musée Réveil, le Sacre de Louis XV, toutes sortes d’ouvrages sur les sciences occultes, les pierres gravées, l’art, et enfin un précieux manuscrit du XVè siècle contenant un roman de chevalerie espagnol, Historia de Alessandro Magno, par Goncalo de Berceo, en plus de 10.000 vers. » (Le Livre, partie bibliographie moderne, juillet 1888).
Alors je me dis, ignorais-je l’existence de ce fameux libraire parce qu’il n’a pas réussi à passer dans l’histoire de la librairie ancienne à une assez belle place ? Ou bien est-ce moi qui l’ai ignoré trop longtemps tandis que d’autres le connaissent déjà bien ?
A vous maintenant de dire. Le connaissiez-vous ? En savez-vous plus sur lui ?
Toutes les informations seront bonnes à prendre, pour le plaisir de tous ici.
En espérant vous avoir fait passer un bon moment,
Amitiés bibliophiliques,
Bertrand
Merci Bertrand,
H
12 commentaires:
Chers Tous,
Je vous livre ma fiche sur Alexandre Baillieu : relieur puis libraire-éditeur; philatéliste, il devint vers 1863 marchand de timbres-poste et eut une grande réputation et clientèle dans ce domaine, et collabora à l'Album Lallier.
Bonne journée. Courage aux Parisiens pour les transports !
Jean-Paul
Pige lue avec grand plaisir.
Le CCFr pour "Baillieu, Paris" rapporte plusieurs volumes appartenant à la "Bibliothèque gothique", réimpression en petit nombre de premiers imprimés, autour des années 1870.
S'agit-il du même ?
Il me semble aussi avoir croisé une Chézonomie à ce nom et à l'adresse indiquée.
PCJ
(Pedibus cum jambis)
Google Livres, que le chercheur rigoureux pratique avec circonspection, mais qui est une mine pour le curieux dilettante, offre quelques lambeaux documentaires sur la librairie Baillieu, souvent citée pour ses catalogues, dont on peut extraire :
- que la librairie a été fondée en 1844 et cédée en 1876 (?) au descendant du fondateur, Alexandre, In « Journal général de l’imprimerie et de la librairie, 1876. »
- que ledit Alexandre est mort à 58 ans, à Saint-Maur-des-Fossés (Seine), le 30 juin 1899 (?) , In « Bulletin du bibliophile et du bibliothécaire, 1899 ».
Ce qui est somme toute, assez peu. Tout cela restant à vérifier dans les sources.
Le dilettante.
Décidément, l'union fait bien la force ! .... du blog !
Bientôt, nous allons pouvoir écrire un livre sur la Librairie Baillieu que personne ne connaissait ! Sa nécrologie doit bien se trouver quelque part au cours de l'année 1899 !
Jean-Paul
Que de renseignements que je n'avais pas réussi à glaner !
Merci à tous.
je trouve aussi mention d'une Danse Macabre des Hommes et des Femmes, éditée chez Baillieu, 43, quai des Grands-Augustins, à Paris, en 1862.
Pour ceux qui désirent en savoir plus sur cet ouvrage, très belle réédition d'un ouvrage du XVè siècle :
http://users.telenet.be/thomasweynants/grande-danse-macabre.html
Amitiés bibliophiliques, Bertrand
Le portrait est issu de ce site : http://academiedephilatelie.org/piece.html#2003-12
Alexandre Baillieu (1842-1899)
...Adresse où l'on peut voir aussi une de ses enveloppes publicitaites.
Y'a-t-il ici des collectionneurs de ce type de témoignage : enveloppes, papier à en-tête, factures de libraires ou de relieurs qui truffent leurs livres ?
le D.
Je suis bibliophile et collectionneur de tous papiers en rapport avec le livre (étiquettes de libraires, relieurs,..factures, publicité, cartes de visite, billet d'enterrement, photos, timbres...)
C'est comme ça que j'avais la photo de Baillieu trouvée effectivement sur le site cité (fallait-il pour le trouver, le site, connaître le prénom du libraire: à défaut, internet ne donne rien sur ledit libraire)
Jean-Paul
Tout à fait intéressant.
Nous espérons que s'offrira la possibilité d'en voir quelques échantillons, si vous le permettez.
le D.
La danse macabre citée par Bertrand est sur ebay actuellement. Un peu chère toutefois ...Philippem
http://cgi.ebay.it/La-Grande-Danse-Macabre-des-hommes-et-des-femmes_W0QQitemZ170160777715QQihZ007QQcategoryZ34188QQssPageNameZWDVWQQrdZ1QQcmdZViewItem
bien vu Philippe !
craquerais-je pour cette danse qui m'a l'air bien jolie ???
Amitiés, Bertrand
Bonjour à tous,
Je suis ravi de voir cette notice en devenir sur Baillieu.
Je viens de recevoir un ouvrage avec étiquette de ce libraire.
Cher Bertrand pensez vous que cet ouvrage figurerait dans votre catalogue ?
Afin d'éviter d'ennuyer les lecteurs du blog de nos échanges, je vous invite à me contacter en privé.
Bien à vous
stlazare@hotmail.com
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