Le bibliophile, en exil, débordé, vous propose ce soir la republication d'une brève parue il y a quelque temps sur le Blog autour d'un fait divers qui a secoué le landerneau bibliophile ces dernières années, celui du neurologue bibliomane.
Vous vous souvenez forcément de cet éminent neurologue suisse, appelons Julien B., qui détournait les fonds de l’hôpital dans lequel il dirigeait un service pour acquérir des ouvrages rares; les livres en question étant plutôt des ouvrages illustrés et bien reliés du 20ème siècle.
Mais peut-être ne savez vous pas que c'est notre ami Pierre-Marcelin Lortic qui est à l'origine de la perte du neurologue bibliomane? En effet, c'est lors d'un contrôle de routine effectué sur une facture reçue à l'hôpital que les services comptables de l'établissement ont découvert que des factures avaient été réglées pour un total de 260 000 euros environ au bénéfice de Lortic SA, société fictive, destinée à encaisser à Genève les paiements effectués à un grand libraire parisien.
Malgré sa renommée internationale, qui prouve que l'on peut être à la fois un spécialiste du cerveau et perdre la raison, le neurologue bibliomane ne pût dissimuler longtemps ses malversations et avoua avoir élaboré ce système de fausses factures pour assouvir sa passion.
Au final, ce sont plus de 3,5 millions d'euros qui furent ainsi détournés par le bibliophile, dont on suppose qu'il était accueilli avec amitié chez les libraires. Incarcération, opprobre, caution, il est finalement sommé de s'expliquer devant la Cour: il présente ses excuses et propose qu'il remboursera intégralement toutes les parties lésées.... les chroniqueurs judiciaires présumeront qu'il avait senti le vent tourner dès 2005, en confiant à Christie's le soin d'organiser la vente d'une partie de sa bibliothèque («Bibliothèque d’un amateur européen», vente 5443, 23 mai 2006). La vente ne rassemblera que 117 lots mais totalisera plus de 4,2 millions d'euros (http://www.christies.com/LotFinder/searchresults.aspx?intSaleID=20697#action=refine&intSaleID=20697&sid=0a2f5ba9-916f-44a4-8a10-8a83dea0a517).
Le calcul est vite fait et l'on constate que le neurologue avait bien de quoi rembourser ses victimes, il ajoutera un don de 45 ouvrages rares de sa collection vaudoise à une bibliothèque publique juste après le procès.
Le calcul est vite fait et l'on constate que le neurologue avait bien de quoi rembourser ses victimes, il ajoutera un don de 45 ouvrages rares de sa collection vaudoise à une bibliothèque publique juste après le procès.
Il sera finalement condamné à deux ans de prison avec sursis et une forte amende. Autre chose? Oui, il est cocasse de noter que Julien B. est le fils d'un original qui avait dérobé un Watteau au Louvre en 1939, en sortant simplement avec le tableau sous le bras, avant de le rendre deux mois plus tard après l'avoir restauré.
J'ai identifié au moins l'un des ouvrages de Julien B. lors d'une vente Bérès. Il pourrait être amusant de retracer son itinéraire: vendu par M. Vrain, libraire parisien, au bibliophile suisse qui y apposa son ex-libris, avant de le remettre en circulation lors de la vente Christie's, où il sera acquis par Pibi puis remis en vente lors des "ventes du siècle"...
H
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