« Après le plaisir de posséder des livres, il n'en est guère de plus doux que celui d'en parler. » Charles Nodier

"On devient bibliophile sur le champ de bataille, au feu des achats, au contact journalier des bibliophiles, des libraires et des livres."
Henri Beraldi, 1897.

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samedi 9 juin 2007

Les Livres de Prix, du 17ème au 20ème siècle

Même si leurs reliures sont parfois frappées des armes d'un collège, d'une ville ou d'un donateur, les Livres de Prix se distinguent des livres aux armes (stricto sensu) par leur fonction.


En effet, si les livres aux armes ne sont en fait que des livres "classiques" frappés d'une marque de propriété, les livres de prix sont destinés à récompenser les meilleurs élèves d'un établissement de type scolaire (et les armes qu'ils portent identifient alors le plus souvent un généreux donateur ou l'institution).

Cette pratique qui n'existe quasiment plus aujourd'hui a pris son essor au 17ème siècle pour disparaître progressivement dans le dernier tiers du 20ème siècle, au moment où la notion de classement est devenue moins centrale dans notre système éducatif.


Au départ, elle était surtout l'apanage des grands lycées jésuites, qui récompensaient ainsi leurs élèves grâce à des livres offerts par les plus hauts personnages de la ville, de la province, voire du royaume. La remise des prix n'était pas régulière et dépendait entièrement de la générosité de ces mécènes, dont le but était double : manifester leur attachement à l'établissement, mais aussi, naturellement, affirmer une certaine position sociale.

A cette époque, la cérémonie n'est pas une pratique généralisée, ni même annuelle, dans ces établissements. Elle fluctue en fonction des libéralités des généreux donateurs. C'est seulement à partir des années 1730-1740 qu'elle se généralise et tend à devenir régulière et organisée.


C'est Fénelon (1651 - 1715) qui semble évoquer le premier cette tradition dans L'éducation des filles, paru en 1687, il y écrit son souhait de voir les élèves recevoir "un livre bien relié, doré même sur la tranche, avec de belles images et des caractères bien formés ".

Après le 17ème, et une pratique irrégulière, les cérémonies deviennent plus fréquentes et mieux organisées à partir du milieu du 18ème, jusqu'à ce qu'on atteigne le stade des livres de prix en reliure éditeur, vers 1840, qui fait passer cette tradition à un stade plus "industriel", principalement grâce à la percaline.

Apparemment, les livres de prix les plus anciens conservés dans les bibliothèques françaises datent de 1609 (Collège de La Flèche) et 1611 (Châlons). C'est parfois le roi en personne qui récompense ainsi les plus jeunes de ses sujets. On trouve par exemple la trace d'une somme annuelle de 400 livres allouée par le monarque au collège de La Flèche pour l'année 1653.

Naturellement, les volumes ainsi offerts sont reliés aux armes des donateurs (souvent accompagnés de semis de fleurs de lys), et ce jusqu'au 19ème où les armes de la ville ou de l'institution viendront les remplacer.

En fait, les livres offerts diffèrent réellement selon ces deux grandes époques (1600 - 1840 d'une part, et après 180 d'autre part).

Au cours de la première période, les volumes offerts sont rares (26 livres distribués à Amiens entre 1626 et 1697) et sont généralement des grands formats (in-folio et in-quarto) dont le contenu est principalement constitué par des textes anciens dans leur langue d'origine, voire des livres contemporains écrits par des jésuites. Plus rarement, les lauréats se voient remettre de véritables éditions anciennes, tel que l'heureux comte de La Marck, qui fût récompensé par une géographie de Strabon (Bâle, 1523), au collège des Grassins à Paris, en 1686.... et que dire du petit Le Brethon, qui reçût un incunable en 1698, à Amiens!


Avec la seconde période et le début d'une généralisation/industrialisation de la pratique, le nombre de prix distribués augmente et nécessairement la qualité et le format des ouvrages vont évoluer, notamment parce des établissements plus modestes (et non "sponsorisés" par les notables) vont adopter cette tradition.

Ce sont alors l'in-8 et l'in-12 qui se taillent la part du lion, reliés en basane (puis en percaline, voire en cartonnage), et aux armes de la ville ou de l'établissement. Les contenus évoluent aussi, et ce sont surtout des ouvrages de morale, de religion ou de vulgarisation (histoire et science), d'auteurs plus contemporains.

En fait, au 17ème et 18ème, le contenu des livres offerts est choisi sans trop de considération pour le récipiendaire, mais plutôt en fonction des valeurs de l'institution... Par la suite, on verra apparaître des contenus plus dédiés aux enfants ou aux adolescents (le nouveau robinson, des géographies simplifiées, etc.)

Le libraire Mame (1811-1893), bien connu, se fera d'ailleurs une spécialité de ces livres de prix, multipliant les matériaux et les décors, qui sont la caractéristique majeure de ce genre de livres.

L'habitude disparaîtra progressivement...

Ce que j'en retiens? Deux choses... La première est que j'envie tous ces élèves du 17ème et du 18ème... quelle chance! Pour ma part, j'ai essentiellement collectionné des bons points et des images de plaquettes de chocolat. Un incunable ça aurait quand même eu un peu plus de classe, et quelle démarrage en trombe pour ma "carrière" de bibliophile! Sourire.

La seconde est que les écoliers n'ont guère changé. En effet, tous les bibliophiles qui ont déjà eu un livre de prix entre les mains auront remarqué qu'ils sont restés en très bon état, signe que les lauréats, finalement, préférèrent aller jouer à la soule, au jeu de paume et autres juste après la remise des prix!


H

Image : le seul livre de prix en ma possession, un volume in-4 en plein veau, aux grandes armes de Louis XIV, avec un semis de fleurs de lys et de "L", les oeuvres de Sidon ,1652.

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