Amis Bibliophiles Bonsoir,
Rien de mieux qu'un dimanche ensoleillé pour se plonger dans un classique de la littérature française et quand il parle bibliophilie, c'est encore mieux. Nous avions déjà évoqué ici le faible nombre de romans consacrés au livre ancien et rare, et notamment le magnifique Club Dumas de Perez-Reverte et je viens de terminer la lecture apaisante de l'ouvrage d'Anatole France, Le Crime de Sylvestre Bonnard (mon édition? Le Livre de Poche, chiné 50 centimes d'euro). C'est un texte superbe, poétique, simple et délicat dans lequel s'entrecroisent bibliophilie, amour tendre, voyage et les transports amoureux et aimants d'un vieil érudit confronté aux rigueurs sociales du 19ème siècle français. C'est aussi le premier roman d'Anatole France, paru en 1881.
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Sylvestre Bonnard, membre de l'Institut et érudit passe sa vie entre ses livres, dans un appartement qu'il nomme sa "Cité des Livres" et cherche avec ferveur La Légende Dorée de Jacques de Voragine, texte qui rejoint son domaine de recherche. Sa gouvernante, plus rustique mais dévouée se contente d'une Cuisinière Bourgeoise et c'est son chat Hamilcar, qui veille sur les ouvrages adorés, et les protège des rongeurs.
La lecture d'un catalogue de vente révèle à Sylvestre Bonnard l'existence d'un exemplaire inconnu de lui, et qui de surcroît contient un texte inédit de Jean Toutmouillé: "La Légende dorée de Jacques de Gênes (Jacques de Voragine), traduction française, petit in-4: ce manuscrit du XIVème siècle, contient, outre la traduction assez complète de l'ouvrage célèbre de Jacques de Voragine... Le manuscrit est sur vélin, etc.". Quelle découverte! Elle l'entraînera dans une succession d'événements et de péripéties qui aboutiront au fameux Crime de Sylvestre Bonnard que je vous laisse découvrir vous-même.
Quelques extraits qui ne manqueront pas de résonner dans le coeur de chaque bibliophile:
Le classique et connu "Je ne sais pas de lecture plus facile, plus attrayante, plus douce que celle d'un catalogue".
"Pourquoi, me dis-je, pourquoi ai-je appris que ce précieux livre existe, si je ne dois le posséder?...".
Ce très joli passage: "Le pauvre sans désirs possède le plus grand des trésors; il se possède lui-même. Le riche qui convoite n'est qu'un esclave misérable. Je suis cet escalve là. Les plaisirs les plus doux, celui de causer avec un homme d'un esprit fin et modéré, celui de dîner avec un ami ne me font pas oublier le manuscrit, qui me manque depuis que je sais qu'il existe. Il me manque le jour, il me manque la nuit; il me manque dans la joie et dans la tristesse; il me manque dans le travail et le repos".
Cette pensée qui m'a très (trop?) souvent traversé l'esprit, il évoque les bouquinistes, mais cela vaut aussi pour les libraires: "...ils sont tous mes amis, et je ne passe guère devant leurs boîtes sans en tirer quelque bouquin qui me manquait jusque là, sans que j'eusse le moindre soupçon qu'il me manquât".
Je ne peux que vous conseiller la lecture du Crime de Sylvestre Bonnard, le style est admirable, et avouez que l'on imagine peu les pacifiques bibliophiles que nous sommes commettre un crime. Et pourtant! Ce qui est certain, c'est qu'Anatole France était bibliophile, comme vous le savez sans doute, et cela se vérifie à chaque page, et à chaque ligne, non seulement dans les descriptions des ouvrages anciens, mais aussi parce qu'il sait mieux qu'un autre ce que nous ressentons, cette émotion si particulière face au livre.
Bonne lecture (l'ouvrage est épuisé, mais je suis certain qu'il en existe de belles éditions).
H